Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

francis beddok

  • LE FAKIR DU BOULEVARD EDGARD-QUINET

     

    28156310.jpg

    Photographie de Francis Beddok

    Vers la fin des années 1960, j’avais un peu délaissé Saint-Germain-des-Prés et je fréquentais assidûment Montparnasse. La vieille gare était toujours là et je n’imaginais même pas quelle serait un jour remplacée par l’immonde gratte-ciel. Nous naviguions du Rosebud au bar américain de la Coupole, du Falstaff à Bobino pour nous retrouver le soir à la Bohême. Boîte américaine bien planquée dans l’impasse du Départ qui n’existe plus aujourd’hui. Manu Dibango y faisait ses débuts et nous découvrions Otis Redding et Wilson Pickett.

    Le croisement du boulevard et des rues de la Gaité, du Montparnasse et d’Odessa forme une place sans nom juste à la sortie du métro Edgar Quinet.

    Invariablement, le fakir était là. C’était sa scène et il y retrouvait son public. Epées, sabres et dagues de toutes les longueurs voisinaient avec la planche à clous sur une grande toile noire.  Deux masses et des extenseurs complétaient l’équipement ainsi que des parpaings.

    Le bonhomme ressemblait à l’image qu’on a de Raspoutine. Grand et mince, il était doté d’une musculature fine et bien dessinée. Lui aussi exhibait des tatouages de mauvais garçons. Serpent entrelacé autour d’un poignard, le Saint des voyous et les fameux points bleus entre le pouce et l’index. Autant de codes pour les initiés. Ces tatouages-là n’étaient pas la création d’un artiste à la mode et ils délivraient des messages qu’à l’époque nous connaissions tous. 

    Le type haranguait la foule en tournant à l’intérieur du cercle formé et faisait tâter le fil de ses lames aux badauds. Il s’arrêtait puis coupait des journaux  en les sabrant d’un seul mouvement. La quête pouvait commencer. Contrairement aux musiciens qui passent le chapeau après leur récital, j’ai remarqué une tradition toujours présente chez les hercules et les fakirs c’est qu’il faut payer pour voir. Si la manche n’est pas assez importante, le spectacle ne débute pas. Et si jamais il arrivait un accident…

    Le fakir se concentrait après avoir réclamé le plus grand silence et se figeait les bras en croix,

    la garde de deux sabres dans ses mains, et leurs pointes contre chaque aisselle.

    Des spectateurs pas choisis par hasard, nous avions repérés les barons, se mettaient à deux pour tendre les extenseurs et caler leurs poignées dans les mains de « l’artiste ».

    Les muscles saillaient sous l’effort et notre homme crucifié  devait maintenir les tendeurs  le plus longtemps possible sous peine de se voir transpercer les flancs.

    Tous les spectateurs attendaient avec impatience la planche à clous sur laquelle il s’allongeait,

    Puis les compères déposaient sur son ventre les parpaings et invitaient quelques badauds à démontrer leur force en les cassant à grands coups de masse.

    C’était il y a fort longtemps mais en fait, le spectacle continue comme le démontre les photos offertes par Francis Beddok pour illustrer ce billet que je dédie à Josette Farigoul qui nous conte si bien la rue du Pressoir. Gérard Lavalette, photographe

     

    28156329.jpg

    Photographie de Francis Beddok

    Nos remerciements vont à Gérard Lavalette et à Francis Beddok pour ses photographies.

    VOIR LE BLOG DE FRANCIS BEDDOK