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  • JEAN-PIERRE NOUVEL SE SOUVIENT DU PASSAGE DESCHAMPS

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    J'avais vu la photo du Passage Deschamps il y a déjà assez longtemps en cherchant des informations sur ma vie passée. Ca me rappelait quelque chose. C'était un très vieux souvenir, je devais avoir trois ou quatre ans car nous avons emménagé à Charenton en 1955 ou 1956. Je me souviens d'un soir, j'étais avec mon père et ma mère, il faisait nuit quand nous sommes entrés dans une ruelle sans lumière avec de gros pavés, j'avais peur, il y avait une palissade en bois et un café sur la gauche. Les portes étaient grandes ouvertes, il y avait de la lumière à l'intérieur et des hommes qui discutaient fort à l'extérieur. Nous sommes entrés dans un couloir à gauche où on ne voyait rien, puis nous avons monté des escaliers et nous sommes arrivés chez nous.

    C'était le 11 Passage Deschamps. Je viens subitement d'avoir l'idée de regarder l'adresse de mes parents sur mon acte de naissance, aujourd'hui le 10 avril 2014, à Ulsan en Corée du Sud. Presque soixante ans ont passé depuis ...

    Mes parents arrivaient de la Nièvre à l'époque où ils avaient été placés par l'Assistance Publique et avaient dû se loger temporairement à cet endroit pour commencer leur nouvelle vie. A la date de mes souvenirs, mon père devait avoir trente-et-un  ans et ma mère vingt-huit.

    Je me souviens également être retourné voir d'ancien voisins avec mes parents plus tard et, à cette occasion, j'avais fait du manège sur le boulevard de Ménilmontant et mangé une pomme d'amour. Il y avait un attroupement, c'etait la RTF qui faisait un reportage. Le reporter qui interviewait les passants etait Pierre Tchernia. Il m'avait paru immense.

    Mes frères n'ont pas connu le passage Deschamps. 
    Ma soeur est née en 1950, moi en 1952. Les suivants en 1956, 1958 et 1961, tous a la maternité de l'Hôpital de la Croix Saint-Simon. Jean-Pierre Nouvel

  • LE QUIZZ QUENEAU

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    Raymond Queneau


    Du 27 novembre 1936 au 26 octobre 1938, Raymond Queneau publia dans L'Intransigeant trois questions-réponses quotidiennes.

    Voici quelques-unes des questions proposées par l'auteur de Zazie dans le métro. Tous vos commentaires sont bienvenus. Réponses dans notre prochain billet.

    1. Quel était le cours du ruisseau de Ménilmontant ?

    2. Quel est la rue de Paris dont le nom est le plus court ?

    3. Quelle est la voie de Paris la plus étroite ? 

    4. Quelle authenticité faut-il attribuer au tombeau d'Héloïse et d'Abélard, au Père Lachaise ?

    5. D'où vient le nom du passage Dieu ?

    6. D'où vient le nom de l'impasse Satan ?

    7. Où se trouve le "Mur des Fédérés" ?

    8. D'où vient le nom de la rue du Borrégo ?

    9. D'où vient le nom de la rue des Panoyaux ?

    10. D'où vient le nom de la rue des Couronnes ? 

    11. A quelle époque fut construit le four crématoire du Père-Lachaise ?

    12. Quel est le nom de l'impasse la plus étroite de Paris ?

    Toutes ces questions sont bien sûr en rapport avec le 20ème arrondissement.

  • A LA SERPE D'OR

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    Située à l'angle de la rue de Ménilmontant et de la rue des Amandiers, la grande bijouterie "A la serpe d'or" était réputée pour la qualité et le choix des articles qui y étaient proposés.  
    Traditionnellement, les fiancés et futurs mariés du quartier y choisissaient les bagues et alliances qui célébraient leur union. Lucile
  • COUR DU 24/CITE DU LABYRINTHE/L'EPREUVE

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    J'apprends comme vous ce matin l'incendie qui s'est produit cette nuit dans notre "Cour du 24" (Cité du Labyrinthe).
    Notre Ménilmontant et ses habitants une nouvelle fois éprouvés. Lucile
  • LA HALLE AUX CHAPEAUX

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    Qui se souvient de la Halle aux chapeaux ?

    © Robert Lasguines

     

  • TOITS DE BELLEVILLE

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    Le Paris des toits et de la Tour Eiffel

    © André Guérin

     

  • GERARD MORDILLAT A COMPTE TRENTE CINQ CINEMAS ENTRE BELLEVILLE ET MENILMONTANT

     

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    « … Il y avait trente cinq cinémas entre Belleville et Ménilmontant, sans compter la salle paroissiale et la Bellevilloise, salle historique où, pour la première fois, on projeta en France Le Cuirassé Potemkine de Sa Majesté Eisenstein. Il y avait l’Alcazar, l’Alhambra, l’Améric- Cinéma, le Bagnolet-Pathé, le Bellevue, le Chantilly,, le Ciné-Palace, le Cocorico, le Crimée, le Danube, l’Eden Jean-Jaurès, le Féérique-Pathé, le Floréal, Les Folies-Belleville, le Gambetta, le Ferber, le Mambo, appelé aussi Gambetta-Etoile, le Miami, le Ménil-Palace, l’Olympic Jean-Jaurès, le Paradis, le Phénix, le Provence, le Pyrénées-Palace, le Renaissance, le Rialto-Flandres, le Riquet, le Secrétan-Palace, le Secrétan-Pathé, le Séverine, le Théâtre de Belleville, les Tourelles, le Zénith, tous ces noms qui font rêver, sans oublier le Florida… », Gérard Mordillat in Rue des Rigoles (Editions Calmann-Lévy, 2002 ; Le Livre de Poche, 2006).

  • L'ESCALIER DE LA RUE PIAT

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    L'escalier de la rue Piat conduisant au Repos de la Montagne

    © André Guérin

     

  • PASSAGE NOTRE-DAME-DE-LA-CROIX

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    Passage-Notre-Dame-de-la-Croix, ancien chemin serpentant jadis, à travers les clos de vigne.

     

     

     

  • VENDEUR DE PEIGNES

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    Complétant le billet de Jean-Claude Rihard sur les marchés de Belleville, Robert Gostanian nous adresse, venant de sa malle à trésors, cette autorisation d'exercer le commerce de vendeur de peignes datant de 1949. Témoignage d'un temps où les marchés regorgeaient de spécialités et où les petits métiers s'épanouissaient sur le pavé.

    Je ne saurais trop, à ce sujet, recommander la lecture des ouvrages de Gérard Boutet et particulièrement les trois volumes qu'il consacra, en 1987, aux Petits métiers oubliés.

    Qui conserve le souvenir des faiseurs de liens, du grâleur de marrons, du barbier-perruquier, du tailleur de limes, du bourrelier-matelassier ? Le Père Noël ne serait-il pas l'une des dernières figures du savoir-faire d'antan ?

     

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  • COURS ET ARRIERE-COURS /RUE VILIN

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    Nous remercions Jean-Claude Rihard pour l'envoi de ce document.

     

  • AUX FOLIES / BELLEVILLE A LA FOLIE

    jacomin.jpgEn tournant les pages du volumineux Belleville de Clément Lépidis et Emmanuel Jacomin (Editions Henri Veyrier, 1975 ; réédition, 1980), on ne peut que s'arrêter longtemps devant les nombreuses photographies du Belleville au temps qu'il était un village. Au passage, je signale aux lecteurs de l'édition 1980 que notre rue du Pressoir y est présente en page 108. On peut voir l'immeuble dans lequel je vécus, tout au fond, au quatrième étage. La beauté qui résulte de ces images en noir et blanc confirme la thèse de Clément Lépidis selon laquelle il s'agissait de détruire, comme un règlement de compte, ce qui était marqué par la lutte contre l'oppresseur et le mélange des peuples, en un mot l'harmonie. Il fallait en finir avec cette utopie en actes, ce fouriérisme réalisé, trop d'entente nuit à la nécessaire domination des forts sur les faibles. Détruire échoua. Le quartier demeure une terre d'exil et un espace où le pêle-mêle perdure. Seulement, rien n'est aussi beau que ces passages et cours, villas et escaliers, jardins et bistroquets tels que l'ouvrage de Lépidis & Jacomin le rappele. Belleville était la montagne qui se comparait à Montmartre. Il aurait fallu casser ce qui ne tenait plus et sauver les témoignages d'un urbanisme sans plan où l'Homme est le maître des lieux, celui qui organise dans le désordre s'il le faut. Pourvu que les distances ne soient jamais trop grandes. Pourvu que Babel puisse vivre.

    Chaque dimanche, nous revenons avec des photographies de notre vingtième arrondissement. Ce sera le vingtième d'aujourd'hui, un témoignage de ce qui parle du passé au présent. En comptant sur vos yeux, vos images, votre envie de partager avec nous la construction de ce nouvel album. Montrons ensemble que l'âme de Belleville bouge encore. 

    Commençons avec un cliché de Maurice Tarlo.

     

     

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  • QUE RESTE-T-IL DE LA RUE VILIN ?

     

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    RIEN DE RIEN

     

    Ni un brin de son architecture, ni une seule planche de ses volets de noyer, ni une clef de serrure forgée par le maître artisan du quartier du Pressoir. Pas même ses cendres ! Où ont-ils abandonné les restes et les souvenirs de la maison du typographe de la bande à Bonnot ?  Où se trouve la tombe, la sépulture de notre illustre rue ?  Restent les photos de dizaines de photographes du tout Paris, venus inhumer  le beau assassiné. Faut-il hurler aux citadins de Paris que c’est notre ville qu’on assassine, que c’est notre patrimoine que l’ont abat lequel appartient à nous autres Parisiens. Nous ne pouvons nous taire, nous ne pouvons fermer notre gueule et nous laisser mettre des muselières. Pour le respect de ceux qui ont lutté  afin de soutenir le patrimoine des Parisiens à qui appartient la ville. Pour l’équilibre et la précieuse beauté de Paris.

     

    Déjà, furent crevées les Halles Baltard et le cœur historique de Paris, le quartier de Montparnasse livré au préfet de Paris et aux hommes au pouvoir en ces temps, si peu scrupuleux. Le 13e arrondissement et une partie du 15e juché sur des assises tremblantes,  la Défense, silhouette vulgaire, offerte aux travailleurs, aux bureaucrates, aux baladins croyant que c’est ça le Paris illustre. Sans compter les frappes chirurgicales un peu partout dans notre ville. Regardez un tout petit peu, dans vos promenades ce qu’ils font de la ville, comment ils la maltraitent, comment ils n’ont point de scrupules pour les Parisiens qui méritent plus que ce que leur réservent certaines personnalités au pouvoir depuis des lustres.

     

    RAPPEL SUR LA RUE VILIN

     

    C’était  une petite rue de Ménilmontant. Une rue classée en 1863, puis déclarée îlot insalubre cent ans plus tard, une rue aujourd’hui entièrement démolie. Une rue où Georges Pérec, l’auteur de La vie mode d’emploi, vécut enfant et dans laquelle il retourna, une fois par an, de 1969 à 1975, pour un livre qu’il écrivait. De cette rue Vilin, il ne reste que les quelques cinq cents photos prises par toutes sortes de photographes et les textes consignés par Pérec dans les années 1970. Le réalisateur reconstitue immeuble par immeuble le puzzle du lieu, réalisant tout à la fois un film sur la rue, un film sur la photographie et un film sur Georges Pérec et l’obsession de la mémoire.

     

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    « EN REMONTANT LA RUE VILIN »

     

    Un film de Robert Bober, né le 17 novembre 1931 à Berlin. En 1933, il fuit avec ses parents l’Allemagne nazie. Ils se réfugient en France. Il quitte l’école à quinze ans pour devenir successivement tailleur, potier, éducateur. Il sera l’assistant de François Truffaut sur Les 400 coups, Tirez sur le pianiste, Jules et Jim.

    Réalisateur depuis 1967, il obtint en 1991 le Grand Prix SCAM pour l’ensemble de son œuvre. Il publie Récits d’Ellis Island en collaboration avec Georges Pérec et Quoi de neuf sur la guerre ? Bienvenu Merino

     

     


     

     

     

  • PARFOIS, JEAN-CLAUDE RIHARD SE SENT COMME UN VIEUX CHIEN

     

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    Habitant en province depuis maintenant quarante-et-un ans, je n'ai pas oublié le quartier de mes vingt-cinq premières années. A chaque fois que j'ai l'occasion de monter à Paris, je ne puis m'empêcher d'aller faire mon tour dans ces lieux si riches en souvenir : rue des Couronnes, rue Vilin, rue des Maronites, rue du Pressoir, boulevard de Belleville, rue de Ménilmontant. Je me sens comme un vieux chien qui rechercherait ses anciennes pissettes pour y refaire quelques gouttes !
    Le propos est trivial, j'en conviens ... et pourtant ... n'est-ce pas un peu la vérité ? Jean-Claude Rihard

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  • CONNAISSEZ-VOUS "LA MATERNELLE"/FILM DE HENRI DIAMANT-BERGER ?

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    Henri Diamant-Berger

     

    C'est Stanislas Trinssoutrop, président de l'AALVP (l'Amicale des Anciens du Lycée Voltaire) qui m'a signalé l'autre soir, au téléphone, l'existence de ce film. Au passage, vous découvrez que je fus élève au lycée Voltaire et cela, soyons précis, dans les années 1970-1973. Stanislas me dit que c'est un film à connaître absolument. Le décor se situe à Ménilmontant. Seulement, le film n'existe pas en DVD, pas même en VHS, c'est donc un document rare. Il est possible de le consulter au Forum des Images. Avis aux parisiens. Avez-vous vu ce film de 1949 adapaté du roman de Léon Frapié, réalisé par Henri Diamant-Berger, avec Pierre Larquey et Marcel Mouloudji, s'il vous plaît ? Si tel est le cas, faites-nous des retours. 

    VOIR LE FILM AU FORUM DES IMAGES 

    NOTICE WIKI SUR LE FILM

     

     

     

     

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  • STEPHEN CONTREBASSISTE A COURONNES/ATTITUDE BRITISH BELLEVILLE-MENILMONTANT


    Stephen - Couronnes, Paris 20eme

  • MENILMONTANT/UN FILM DE DIMITRI KIRSANOFF DATANT DE 1925

    Le réalisateur Dimitri Kirsanoff est né à Riga en Russie (actuelle Lettonie) en 1899. Sa famille rejoint Paris en 1923. A l'hiver 1924, Dimitri Kirsanoff tourne Ménilmontant dans son décor réel. Outre les qualités cinématographiques de l'oeuvre, ce film muet est un document incomparable sur un quartier de Paris qui nous est cher. Dimitri Kirsanoff est mort à Pantruche en 1957.



    Dimitri Kirsanoff - Menilmontant (1925)

     

    LIRE L'OEUVRE SINGULIERE DE DIMITRI KIRSANOFF

    BENJAMIN FONDANE ET DIMITRI KIRSANOFF

    BENJAMIN FONDANE, JOSEPH DELTEIL, DIMITRI KIRSANOFF

    AVANT-GARDE : LE CINEMA EXPERIMENTAL (1921-1939), CHRONIQUE DE JEAN-JACQUES BIRGE



  • RESIDENCE LE PRESSOIR/ UN FILM DE THOMAS LALLIER

    Démolition, expropriation, la rue du Pressoir aujourd'hui. Quelques images d'un film explicatif.

     

     




  • LE GRAND TCHAVOLO SCHMITT NOUS OFFRE MENILMONTANT

  • LE MIRIFIQUE GUS VISEUR ACCORDEONNE MENILMONTANT

  • LE MENILMONTANT DE WILLY RONIS COMMENTE PAR CAROLINE LOEB

  • WILLY RONIS REMONTE LA RUE VILIN

  • ENTRETIEN AVEC SOPHIE POUJADE, MENILMONTOISE DE COEUR

     

     

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    Et si c’était le mot d’ordre d’un nouvel essor des anarchistes

     

     

     

     

     

    « LES SOUVENIRS SE CONSERVENT-ILS  COMME DES PHOTOS DANS UNE BOITE ? »

     

     

     

    Bienvenu Merino : Sophie, nous nous connaissons depuis longtemps. La mémoire est la faculté de se rappeler le passé et comporte plusieurs degrés. D’abord, la mémoire immédiate qui enregistre momentanément les informations significatives. Elle est fugitive et son contenu s’élimine rapidement s’il n’est pas travaillé par une contention renouvelée de l’esprit ou une captation inconsciente. Ensuite, la mémoire moyenne qui garde la trace de ce dont nous avons besoin d’un point de vue pratique. Enfin, la mémoire profonde qui détermine notre identité et nous construit sur un plan affectif. Nous y voilà !

    Tu as habité Ménilmontant dans les années 1975-1979, si j’ai bon souvenir, rue Delaître précisément, rue située presque à la hauteur de la rue Julien-Lacroix, sur la droite en montant la rue de Ménilmontant. Dis-moi, tu peux me parler de tes années passées dans ce quartier de Ménilmuche ? Ta rue, le voisinage, les commerçants. Les raisons qui ont fait qu’un jour tu es venue habiter ce Ménilmontant si populaire et pourquoi l’as-tu quitté - sans vouloir être indiscret - soudainement après y avoir vécu quelques années ?

    En ces temps là, connaissais-tu la rue du Pressoir, située à quelques centaines de mètres, où l’on pouvait se rendre par la rue Julien-Lacroix et la rue du Liban ainsi que par sa voisine, la rue des Maronites ?

     

    Sophie Poujade : Je suis arrivée rue Delaître par hasard début 1976. Je rentrais d’un long voyage en Afghanistan et au Pakistan. Je n’avais pas de logement et c’est par un copain que j’ai trouvé un ancien atelier d’imprimerie à louer. C’était un rez-de-chaussée qui donnait sur une cour d’immeuble. C’était très précaire, les toilettes étaient dans la cour et je n’avais pas de salle de bain, juste un évier avec un robinet d’eau froide. Alors j’allais régulièrement dans un établissement de bains et douches dans le quartier, je ne me rappelle plus le nom de la rue, et je lavais mon linge dans une laverie tout prés.

    Juste à côté de chez moi, il y avait un petit café fréquenté par les habitués du coin. A l’époque, tout le monde n’avait pas le téléphone, il fallait même attendre longtemps pour l’obtenir quand on en faisait la demande, c’est difficile à croire maintenant où c’est l’ère de la téléphonie quasi à outrance. Bien sûr, moi, je ne l’avais pas, je donnais mes coups de fil et on m’appelait dans ce café dont l’arrière salle donnait sur la même cour d’immeuble.

    Le café était une annexe de chez moi, beaucoup de gens passaient me voir et pratiquement tous les jours on y prenait l’apéro.

    On allait parfois voir des films indiens ou égyptiens dans un cinéma boulevard de Ménilmontant, on écoutait Oum Kalsoum dans un café du boulevard sur un juke box avec un écran qui permettait de voir le chanteur, ça se faisait beaucoup à l’époque, c’était le scopitone.

    Je ne situe pas la rue du Pressoir, mais je devais certainement y passer parce que je vois bien la rue Julien-Lacroix et la rue des Maronites. Quand j’habitais rue Delaître, je travaillais pour un institut de sondage et je faisais du porte à porte en quête de personnes susceptibles de répondre à des questionnaires ; ça m’a fait sillonner le quartier.

    Je ne dirais pas que j’ai quitté la rue Delaître soudainement : j’y suis restée un an et demi, c’est un moment de ma vie où je bougeais beaucoup, un an et demi, c’était déjà pas mal.

    Je faisais de la poterie depuis quelques temps et je suis partie travailler chez des potiers en basse Ariège et dans le Gers. J’allais vers de nouvelles aventures.

     

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    B. M. : Ta rue d’autrefois a bien changé, l’immeuble où tu habitais n’existe plus. Un bâtiment énorme et monstrueux, tout en briques rouges, avec seulement quelques petites fenêtres, situées très haut, a été construit à sa place, cela ressemble à une Centrale, quoi ... une prison ! C’est une école je crois ou un collège avec sa cour de récréation cernée de hauts murs. Connais-tu les raisons de  la destruction de ton ancien immeuble et as-tu connu les bouleversements dans le quartier que le photographe Henri Guérard a immortalisé ? Tu m’as dit récemment que le bâtiment où tu avais habité était vieux, et qu’il avait  grand besoin de rénovation, cependant il fut détruit. Mais ne penses-tu pas qu’il aurait pu être rénové et non détruit, afin de préserver l’âme du quartier et l’élégance de l’ensemble des immeubles qui avaient alors beaucoup de charme à l’angle de la rue des Panoyaux. Sophie, es-tu retournée rue Delaître ?

     

    S. P : Il me semble avoir vu ce qui a remplacé l’immeuble du 6 rue Delaître, mais ça fait longtemps, j’en garde une image confuse.

    Oui, avec le recul, je me rends compte que mon logement était très insalubre, c’était humide, j’avais une cour privée où il y avait des rats énormes pour lesquels j’avais une véritable répulsion, seule chose qui me dérangeait dans la précarité du lieu, je m’arrangeais bien du reste. Bien sûr, j’aurais préféré qu’on rénove cet endroit plutôt que de le détruire.

     

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    B.M : Maurice Chevalier est né rue Julien-Lacroix et Eddy Mitchell près de Belleville, d’autres personnalités telles que Clément Lépidis, Jo Privat, Marie Trintignant ont longtemps habité le quartier. Monica Bellucci et Vincent Cassel sont toujours là, sur le boulevard. Etais-tu au courant ?

     

    S.P : Non, je ne savais pas tout cela, sauf que Maurice Chevalier était de Ménilmontant. je sais qu’Edith Piaf est née dans ce quartier, sur le trottoir devant un commissariat, dit-on.

     

    B. M : Sophie, je t’ai souvent écoutée parler de tes voyages, entre autres en Asie et au Moyen Orient. Les souvenirs se conservent-ils comme des photos dans une boîte ?

    Cependant il est assez rare que je t’entende parler de la rue Delaître où tu as, tout de même, passé de belles soirées durant ces années d’insouciance. Ces années là, furent-elles bonnes pour toi, là dans ce quartier pittoresque et captivant dans les années 1930, et où autrefois la vigne sur les coteaux était un vrai « empire» où arrivèrent des  générations d’émigrés pour s’y installer et  travailler.

    Ce Ménilmontant te parle t-il encore, à toi, parisienne, native du 14e arrondissement ?

     

    S. P : Tu veux dire que les photos sont des souvenirs en boîte de conserve ? C’est vrai qu’à notre époque on consomme beaucoup d’images en boites de conserves : DVD, vidéos, photos numériques qu’on ne voit même pas sur du papier …

    C’est vrai que je parle plus souvent de mes voyages que des lieux où j’ai habité. Il m’arrive de penser que c’est en voyage dans une chambre d’hôtel que je me sens le plus chez moi.

    <mce;"> y;">Mais il y a eu beaucoup d’endroits où j’ai habité, il faut bien se poser quelque part parfois, des endroits où j’ai passé de très bons moments, la rue Delaître en fait partie.

    En y repensant, je réalise que c’était alors Janis Joplin qu’on écoutait à fond la caisse, la tombe de Jim Morrison au Père Lachaise, les films indiens au cinéma sur le boulevard, Oum Kalsoum au juke box du café du coin, on est loin de Ménilmuche.

    Alors pour te répondre, Ménilmuche pour moi, c’est la chanson d’Aristide Bruant que mon père nous avait apprise et que nous chantions, tout gamins, mon frère, ma sœur et moi :

    … ma sœur est avec Eloi

    dont la sœur est avec moi,

    comme ça sur le boulevard je la refile

    à Belleville

    Comme ça je gagne pas mal de braise,

    mon beau frère en gagne autant,

    puisqu’il refile ma sœur Thérèse

    à Ménilmontant, à Ménilmontant

     

    C’était dans les années 1950, mon oncle et ma tante habitaient justement rue de Ménilmontant, je me rappelle qu’on allait les voir. Dans mes souvenirs d’enfant, c’était une rue qui monte.

    Mon oncle était le beau-frère de mon père, mais il ne s’appelait pas Eloi et mon père n’avait pas de sœur …

     

    B. M : Lorsque tu es partie aux Indes, était-ce juste après avoir quitté ton logement de Ménilmontant ou bien était-ce après tes études confortables de médecine que tu as interrompues très vite ? Il y avait-il une raison due à la difficulté de retrouver un logement convenable ou étais-tu partie pour partir, comme l’a écrit si joliment Charles Baudelaire dans un de ses poèmes. Je sais que tu as fait une vingtaine de voyages là-bas, je ne pense pas que les raisons étaient liées aux difficultés existentielles mais plutôt par goût du voyage comme beaucoup de jeunes qui partaient pour une expérience radicalement nouvelle et qui servait de modèle à toute une génération ?

     

    S. P : Je suis allée en Inde pour la première fois en 1984, longtemps après avoir quitté la rue Delaître.

    Très jeune, j’ai eu envie de voyager. La première fois que je suis partie, j’avais 19 ans, je suis allée au Moyen Orient, juste avant de rentrer à la fac de médecine ; puis l’année d’après j’ai passé l’été en Grèce.

    Comme je te le disais, quand j’ai emménagée rue Delaître, je revenais d’Afghanistan. J’ai quitté la rue Delaître pour le Sud de la France où j’avais déjà séjournée avant de partir précisément en Afghanistan : en Provence et en Lozère. Et depuis j’ai fait d’autres voyages.

    En fait, j’avais toujours un projet de voyage en tête, c’était un peu ma raison de vivre.

    Depuis, avec l’âge, je me suis calmée, j’attache plus d’importance à mon « intérieur », mot révélateur, mais il y a encore des voyages que j’aimerais faire.

    Tu me demandes pourquoi tant de jeunes sont partis voyager à cette époque.

    Il faut se rappeler d’abord que ma génération était la première depuis bien longtemps à ne pas avoir connu de guerre.

    Mon grand-père à 19 ans a été mobilisé en 1918. Heureusement pour lui, l’armistice a eu lieu de suite.

    Il n’était pas non plus question de partir à l’autre bout du monde pour les jeunes entre 1939 et 1945 …

    D’autre part, c’était une période économiquement très faste. On trouvait facilement du boulot, c’était possible de travailler six mois, puis de partir six mois dans l’année. Surtout qu’on voyageait à très peu de frais, avec les moyens du bord.

    Tu dis que ce mode de vie a servi de modèle à toute une génération. Je ne suis pas tout à fait d’accord. Je fais partie des gens du baby boom, ça veut dire que nous étions nombreux dans cette tranche d’âge (nous le sommes encore, d’où le problème des retraites). Cela a donné beaucoup de profils différents. C’est l’époque des grands de la Pop Music, et aussi des grands extrêmes politiques comme Action Directe, la bande à Baader, les Brigades Rouges…et ceux qu’on a appelés les babas. Mais quel pourcentage de cette génération représentaient-ils au juste, ces babas ? Pas énorme.

    Quand je considère les gens de mon âge ou à peu prés, la grande majorité a mené une vie des plus classiques : travail, mariage, enfants. Il y a eu en effet des changements dans la société : divorces, familles recomposées, mais c’est autre chose que le mode de vie auquel tu faisais allusion.

    Si le problème des retraites se pose, ce n’est pas pour « toute une génération de marginaux », mais pour ceux, les plus nombreux, qui ont mené une vie normale.

     

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    B. M : Ton travail d’enseignante et de pédagogue dans une structure spécialisée, te fait rencontrer des émigrés de diverses nationalités qui sont souvent arrivés en France dans des conditions difficiles et qui vivent dans des conditions très modestes, pour ne pas dire, précaires, que garderas-tu de ces années de travail avec ce « monde » venu d’ailleurs ?  Ces émigrés sont je suppose une famille, comme ta famille, non ?

    S. P : Après quelques années chez les babas, j’en ai eu marre de leur anticonformisme en fait très conformiste.

    Je me rappelle d’un choc, comme une révélation soudaine que j’ai eue dans une campagne magnifique entre Pamiers et Saverdun, ça m’est venu d’un seul coup. C’était trop facile de vivre pour soi, isolée, planquée … et j’ai eu envie de m’impliquer socialement.

    J’avais une opportunité d’être engagée à la formation continue de l’académie de Créteil pour des cours d’alphabétisation. J’en avais déjà fait bénévolement quand j’avais 18 ans.

    Un an après cette « révélation » en plein champ, en 1979, j’étais formatrice de français auprès d’un public d’immigrés.

    J’avais toujours mes sentiments de rébellion contre cette société et je considérais que c’était un travail qui me permettait de conserver les mains propres.

    Je n’ai pas une vocation d’enseignante, j’ai toujours été intéressée par les différentes cultures, l’ethnologie me passionnait et pour moi ça a été la possibilité de rencontrer des personnes d’origines très différentes.

    Ces personnes avec qui je travaille vivent dans des conditions très diverses, certains ont une vie difficile, très modeste, mais pas tous, c’est très varié.

    Pour donner un exemple, j’ai eu comme stagiaire un monsieur Polonais à la retraite, il est arrivé jeune adulte en France, il y a été ébéniste toute sa vie et il profitait d’avoir enfin du temps libre pour apprendre à écrire correctement le français. Je l’ai gardé deux ans. C’était il y a dix ans. Maintenant encore, je reçois de lui des cartes de Pologne quand il y va en vacances et ses vœux à chaque nouvelle année, avec une orthographe et une syntaxe tout a fait correctes.

    Un autre exemple. En séance d’oral, je faisais un exercice sur les couleurs : qu’est ce qu’évoque pour vous le jaune, le bleu, le vert. Quand j’ai cité le rouge, une femme de je ne sais plus quel pays d’Europe de l’Est est devenue terrorisée et s’est écriée : « je ne supporte pas le rouge, c’est le sang». J’ai pensé alors que j’étais bien heureuse car le rouge m’évoque les coquelicots alors que pour d’autres, c’est l’horreur de la guerre.

    Il m’est revenu le Chant des Partisans de Joseph Kessel et Maurice Druon :

    Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves

    Ici nous, on marche, nous on tue, nous on crève

     

    Je cite ces exemples pour sortir du cliché du Maghrébin ou de l’Africain. Quand j’ai commencé en effet, mes stagiaires étaient presque tous Maghrébins, puis sont arrivés des Africains.

    Depuis cela a beaucoup changé. Cela a suivi l’évolution des événements dans le monde : l’arrivée des boat people du Sud-Est asiatique, les réfugiés Iraniens, l’ouverture du bloc des pays de l’Est. J’ai connu aussi des Sud Américains. Il me serait plus simple de citer quels sont les pays dont je n’ai jamais rencontré de ressortissants.

    Je garde de tous ces contacts des images de parcours de vies, certains tragiques, certains heureux, parfois même privilégiés.

    Mais je ne dirais pas que c’est une famille. Je veux bien que nous soyons tous frères (et sœurs) dans ce monde, mais je ne peux pas me sentir de la famille du marabout Africain, de la femme voilée, du Russe qui a passé cinq ans dans la légion pour obtenir un titre de résidence à vie, du latinos fils à papa qui pleure parce qu’une réforme agraire dans son pays a donné une partie de son domaine à des paysans sans terre …. Je n’ai pas forcément de sympathie pour tout le monde, je crois que c’est normal. Mais je m’efforce de considérer tous mes stagiaires de façon égale.

    J’ai des relations d’amitié, voire d’affection avec quelques uns qui passent me voir au centre, qui me téléphonent ou m’écrivent longtemps après avoir suivi mes cours. Il m’arrive aussi d’en rencontrer des années après les avoir eus comme stagiaires et c’est toujours un plaisir de se rencontrer.

     

    B. M : Sophie, une dernière question. Tu te consacres depuis 35 ans à l’enseignement du Français, belle carrière ! Tu m’as dit récemment, qu’une fois le métier terminé, c'est-à-dire, une fois en retraite, tu voudrais travailler pour les Libertaires, quoi, pour les anars ! Cela ne m’a pas surpris de l’entendre dire, mais ce qui me surprend est de vouloir s’y consacrer à la fin de ta carrière professionnelle.

    N’était-il possible de militer vraiment en parallèle tout en étant active dans l’enseignement ?

    Est-ce la façon de vouloir te reposer alors que déjà tu as beaucoup donné dans ta vie. Mais je sais qu’il n’est jamais trop tard, tu en conviendras.

     

    S. P : C’est une idée qui m’est venue comme ça récemment parce que je vois autour de moi des gens qui partent à la retraite et qui cherchent à s’occuper : certains se consacrent à leurs petits enfants, d’autres apprennent à jouer au bridge ou s’inscrivent dans des clubs de randonnée.

    J’écoute depuis des années Radio Libertaire, leurs analyses me semblent souvent très censées, et ce sont les rares à parler de politique de façon jubilatoire.

    Il y a 40 ans Léo Férré chantait « Marketing, salope ! ».

    Chez les babas, on vivait selon les principes de Vaneigem et Guy Debord.

    L’UNEF de St rasbourg et de Nantes se rangeaient du côté des situationnistes. Une petite brochure avait été éditée : «  De la misère en milieu étudiant », j’étais alors très jeune et peu avertie mais quand j’ai lu ce petit ouvrage, il me semblait bien déjà avant que les gauchistes et les féministes n’avaient pas le même combat.

    Le journal Hara Kiri annonçait l’an 01 d’une nouvelle ère à venir, c’étaient les premiers écolos et ils n’étaient pas pris au sérieux.

    Actuellement il y a de plus en plus de démunis, les acquis sociaux régressent. Depuis plus de 10 ans, des systèmes d’échanges locaux (SEL) se mettent en place, cela améliore de façon sensible le quotidien de personnes qui vivent avec des revenus plus que modestes. Je m’y suis intéressée mais mon travail ne me laisse pas de temps pour m’y consacrer.
    Des retraités se regroupent en communauté parce que leurs maigres moyens ne leur permettent pas de vivre décemment.

    On nous parle d’une diminution de l’Etat, pour arriver à quoi ? à une jungle capitaliste ?

    La société va peut-être vers la constitution de communautés solidaires autonomes. On s’approche des théories libertaires.

    Nous étions partis de ma vie à Ménilmontant. Je n’en ai gardé qu’un souvenir matériel : une photo que j’ai prise dans ce quartier vers 1976-77.

    Ca représente une expression de révolte inscrite sur une palissade au dessus d’un dépotoir. Cette photo aurait pu être prise de nos jours dans un coin sordide en banlieue.

    « Devenez fou de colère ». Et si c’était le mot d’ordre d’un nouvel essor des Libertaires.

    B.M : Merci Sophie d’avoir répondu à mes questions et je t’en félicite. Maintenant nous allons pouvoir aller boire un verre en l’honneur de ton anniversaire.

     

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    Entretien réalisé le 14 juin 2010 par Bienvenu Merino

     

     

     

     

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  • ROBERT REGARDE DANS LE RETROVISEUR

     

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    Vous êtes né en 1930, rue Ramponneau. Essayons de remonter le temps. Quels sont les souvenirs les plus anciens que vous conservez de cette rue ?

     


    Les plus anciens ? Je cherche et curieusement je ne trouve pas. C'est pour moi tout un ensemble, la porte du 16 de la rue près de laquelle je me suis si souvent adossé attendant les copains ou regardant les passants car il se passait toujours quelque chose dans ma rue. Mais ma rue c'était aussi les soirs d'été, quand j'étais couché la fenêtre grande ouverte, les pièces n'étaient pas grandes et mon logement était sous les toits, en zinc comme tous les toits de Paris. Je m'endormais tard et tous les bruits extérieurs me parvenaient. Comme je connaissais si bien ma rue, je devinais d'où venait chaque bruit : une porte manœuvrée au loin et je me disais, tiens quelqu'un entre au 13 ou quelqu'un sort car le bruit n'était pas le même quand on entrait ou que l'on sortait ; la porte du 12 ou celle du 20 et 22, celle-ci était très lourde et avait un bruit profond, la porte du 16 s'ouvrait ? Le bruit de pas dans le couloir, le cliquetis des fers des souliers, le tintement de pièces de monnaie remuées par la main dans la poche et je savais aussitôt que c'était Kiki qui rentrait. Lui seul faisait sonner sa ferraille et il en avait toujours pas mal dans ses poches. J'en profitais souvent. Quand, adossé à la porte du 16, Kiki passait et s'arrêtait pour me dire: Salut Robert, alors t'es pas au cinoche ? Non monsieur Kiki. C'est la dèche alors ? Plutôt, oui. Alors il glissait sa main dans sa fouille et en sortait une poignée de pièces. Tiens, qu'il me disait, va t'payer une toile. Merci, monsieur Kiki, merci. Il s'éloignait dans le couloir et j'entendais les fers résonner encore quelques instants.

    La nuit, il y avait les siffleurs, souvent de très bons. Cela ne se pratique presque plus de nos jours ou ils ne valent pas ceux de mon temps. Parfois, l'un deux arrivait du bas de la rue et je le suivais à l'oreille jusqu'en haut à la rue de Tourtille.

    Toujours en été, mais le matin de bonne heure, aux environ de sept heures, j'entendais quelques notes sifflées par un gars dans la cour, sans réponse, l'arrivant lançait alors : Marcel, c'est l'heure ! Une tête passait par une fenêtre et le gars Marcel répondait : J'arrive toute suite.

    Il était habituel autrefois que les copains de travail viennent se chercher chez eux pour ne pas faire le chemin seul et puis pour parler, tout simplement. Moi aussi mes copains ont bien essayé de venir me chercher pour partir au boulot, mais ils ont vite abandonné, j'étais vraiment trop en retard !

    La nuit dernière, je me suis réveillé, mon réveil indiquait 2 h 45 et une pensée trottait dans ma tête. Je l'avais mon souvenir le plus ancien, et il n'était pas loin. J'aurais pu d'ailleurs en parler bien avant. Mon souvenir le plus ancien, c'est une porte qui ouvre sur un mur blanc juste à côté, à droite du cinéma Cocorico, une petite porte qui donne accès au dispensaire appelé La goutte de lait.  C'est dans cet établissement que bon nombre de petits bellevillois ont reçu les premiers soins destinés aux nouveaux-nés. Je suis sûr que nous sommes nombreux à nous en souvenir car c'est là que bien souvent on nous réparait quand l'enfant que nous étions se blessait ou souffrait de quelques maux. Avec ma maman, nous entrions toujours par la rue Desnoyer, juste avant les portes de secours des Folies Belleville. Une grille fermait l'entrée. Il y avait un petit appentis sous lequel se serraient quelques voitures d'enfant, le tout terriblement poussiéreux. Rien que de franchir l'entrée me mettait dans un état de peur insurmontable. La grande salle que je trouvais immense et ses bancs nombreux placés les uns devant les autres et dans le fond, une sorte de scène sans décors, abandonnée. Les murs très hauts qui montent, montent uniformément blancs, sont tristes à pleurer, et je retiens déjà mes larmes car j'ai toujours peur ! Maman produit des documents. Je suis inscrit, nous nous asseyons sur un de ces bancs et attendons. Je la revois cette porte, petite et antipathique, je sais que c'est par elle que tout à l'heure une infirmière tout de blanc vêtue, portant sur la tête une sorte de linge blanc avec une petite croix rouge arrivera et braillera mon nom. La panique s'emparera alors de moi et blotti contre ma mère je la suivrai, pitoyable.

     

     

    Clément Lépidis, dans ses chroniques bellevilloises, décrit un quartier voué à la chaussure et il évoque parmi ceux qu'il appelle "les colonels de la bottine" les noms de Gravanis, Milonas, Katarklakis, Tokatlérian ... Arméniens ayant survécu aux  massacres de 1915, Juifs ashkhénazes chassés par les pogromes de Pologne et de Russie, Grecs fuyant la  Turquie composent alors l'essentiel de la population du quartier. Vous-mêmes êtes d'origine arménienne. Comment vivent ensemble les habitants de notre vingtième arrondissement ?

     

     

    Mon père était Arménien, ma mère Française, mais notre "maison" était, du fait de l'entourage de la famille, grands-parents, frères et sœurs vivant dans le même immeuble ou le même quartier, "française".

    Bien sûr, la chaussure a tenu une place importante dans les métiers pratiqués par les immigrés à Belleville et particulièrement par des Arméniens, mais il y en eut bien d'autres : tailleur, lapidaire, épicier, restaurateur, artiste peintre, musicien... Chaque nationalité avait sa spécialité. Les Arméniens : chaussure, tricot, lapidaire, épicier, restaurant, tailleur. Les Juifs : tailleur, confection et vente, horloger, restaurant, boucher. Les Italiens: la construction, le ciment et le plâtre, épicier. Les Arabes : ventes de primeurs, surtout à la sauvette, restaurant.

    Belleville a accueilli depuis très longtemps les immigrés de toutes origines. En plus de ceux que vous avez mentionnés, il faut citer aussi les Italiens, les Espagnols, des Manouches qui furent nombreux à s'installer dans ce quartier. Dans l'ensemble tout se passait de manière acceptable, chacun vivant sa religion, ses coutumes, sa manière de se nourrir. Exemple, il y avait des épiciers ou bouchers italiens, espagnols, arméniens, cacher et hallal. Mais suivant la conjoncture, les étrangers étaient plus ou moins acceptés, surtout quand le chômage s'installait. Les immigrés même naturalisés étaient accusés de prendre le travail des français. On reprochait aux Juifs de s'entraider, on regrettait surtout de ne pas être capable de pratiquer cette même aptitude et la rivalité s'installait car rapidement leur situation financière s'améliorait. Il n'y a rien de changé de nos jours. L'Arménien je crois, s'est généralement bien intégré en France. Il n'est pas d'un naturel violent ou agressif, il est discret et hospitalier, mais je m'arrête ici, on pourrait m'accuser de chauvinisme.

    L'arrivée massive à la fin 1956 de français et autres fuyant l'Afrique du nord suite aux déclarations d'indépendance entraîna un bouleversement radical de la société bellevilloise. Tout alla très vite et le quartier fut submergé par ces nouveaux arrivants. Les anciens habitants partaient vers les banlieues et laissaient la place libre. Belleville, celui d'avant, se mourait et ne s'en remettrait jamais. Belleville de la Courtille, du sieur Ramponeau cabaretier, des guinguettes mais aussi Belleville de la Commune de 1871, de la Libération en 1944 et des ouvriers de 1936 qui luttaient pour leur pain et leur dignité.

    A présent je suis incapable de dire de quoi se composent les habitants de ce quartier. Les derniers arrivants, d'après ce que j'ai pu constater sont asiatiques. Irrémédiablement je crois, leur présence s'étendra à tout le périmètre et émergera alors un 14° arrondissement bis.

     

     

    Quels métiers exerçaient vos parents ?

     


    Ma mère était sans profession. Elle a élevé quatre enfants et a été de ce fait amplement occupée. Mon père avait appris notre langue qu'il maîtrisait assez bien. Cela lui permit de l'enseigner à ses compagnons d'immigration lors de leur arrivée en France. Arrivé à Paris, il pratiqua divers métiers : traducteur, lapidaire, canevas de tricot, épicier, et pour finir rédacteur dans un journal de langue arménienne. Trouver un emploi en France n'était pas toujours facile. Il fallait obtenir pour les apatrides un droit de séjour et de travail. Pas toujours aisé à obtenir.

     


    Les appartements étaient exigus et la vie quotidienne se déroulait en partie dans les cafés. Vous souvenez-vous de ces cafés du dimanche, des habitudes que l'on y avait ?

     


    Les appartements étaient cela est vrai exigus. Dans notre immeuble, il n'y avait que des logements de deux ou trois pièces maximum. Pour ce qui nous concernait, la fonction de ma grand-mère et de ma mère ensuite, nous facilitait l'occupation de plusieurs logements, ce qui me permit à treize ans, au départ de mes sœurs, de me retrouver le seul occupant d'un deux pièces. Pas de vrais problèmes de ce côté.

    L'Arménien est quand même un oriental et aime à se retrouver au café, c'est son agora. Il y retrouve ses coreligionnaires et peut parler sa langue maternelle. Le dimanche, vers midi, ma mère m'envoyait chercher mon père à La Chope qui se tenait à l'angle du boulevard de Belleville et de la rue Pali-Kao. C'est dans cette brasserie que se réunissaient en grande partie les Arméniens du quartier. Papa me disait : Va, commande-toi une grenadine, je viens de suite. Le temps passait : Papa il faut venir, maman va crier. Oui, oui je viens. Enfin la partie de jacquet, de dominos ou de belote terminée, il consentait à me suivre et nous rentrions à la maison. Ma mère le sermonnait mais cela ne durait pas longtemps car mon père avant de rentrer passait acheter un ou deux kilos de raisins, de pêches ou que sais-je encore au vendeur de quatre saisons à la sauvette du coin de la rue.

     


    Quelles étaient les distractions d'un enfant de dix ans, rue Ramponneau ?

     


    Dans cette rue (et celles de tout le quartier), j'ai pratiqué tous les jeux de l'époque : la marelle, la corde à sauter, saute-mouton, le foot avec un ballon ou même une boîte à conserve, les osselets (qui venaient directement de la boucherie) à "dos-creu-i-s" difficile ! Le traîneau que je construisais avec une planche. Un jour, j'ai eu la mauvaise idée d'utiliser la planche à laver de ma mère pour mon œuvre. Il m'en a cuit et le chat à neuf queues a laissé quelques marques sur mes cuisses. A l'époque, les jeunes garçons ne portaient que des pantalons courts et on ne se posait pas la question : Faut-il oui ou non interdire la fessée? Quelques morceaux de bois et des roulements à billes que j'allais récupérer au garage du coin. Ah ! Ça en faisait du bruit quand nous dévalions, parfois à trois ou quatre, la rue en partant de la rue de Tourtille jusqu'au boulevard. Il y avait peu d'automobile dans les rues. La rue était à nous !

     

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    Le cinéma, je l'ai déjà évoqué, il m'est arrivé d'y aller à une certaine époque plusieurs fois par semaine. Un détail, la veille au soir du jour de ma naissance, ma maman et mon papa avaient assisté à une séance de cinéma du quartier (je n'ai jamais su lequel) où était projeté Le collier de la Reine de Gaston Ravel et Tony Lekain, film de 1929. Ma mère a ressenti les premières douleurs lors de cette séance, m'a-t-elle confié un jour. Pas étonnant alors que j'aime le cinéma. Mais j'aimais aussi le music-hall et le théâtre. A ce dernier j'allais pourtant seul, mes copains ne devaient peut-être pas aimer. J'ai assisté à des opérettes ou des marivaudages et aussi à l'opéra comique Le Pays du Sourire de Franz Lehar. Je me relis et je m'aperçois un peu tard que j'ai dépassé mes dix ans. Excusez-moi, tant pis, mais je ne gomme rien de ce que j'ai écrit, je suis lancé !

     

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    Vous avez commencé de travailler à l'âge de 14 ans. Quels furent vos premiers métiers et vous emmenaient-ils loin de Belleville ?

     


    Même un peu avant car afin d'être embauché j'avais modifié de quelques mois ma date de naissance. Mais c'est très loin tout ça et j'avoue que cela se chevauche un peu dans ma mémoire. Je me souviens très bien des différents métiers que j'ai pratiqués, où, dans quel établissement à la rigueur, mais pas dans l'ordre chronologique et il faut préciser qu'en ce temps, trouver du travail était relativement facile, mais mal payé. J'ai été coursier, maroquinier, plombier-zingueur, terrassier-poseur de rails (je vous en parlerai à une autre occasion, c'était Trappes,  j'ai failli y laisser mes 14 ans ! ). Coursier à Paris vous apprend à bien connaître la capitale. Je l'ai parcouru de long en large, du nord au sud, de l'est à l'ouest, à pied, en métro, à vélo, en triporteur (Bloto Frères, rue Charlot à Paris) avec son imposant grelot. Difficile à conduire, l'engin se mettait facilement en équerre. Ou encore avec un plateau à ridelles et les chevaux à conduire. Les chevaux demandent de l'entretien, des soins. Je ne vous expliquerai pas le travail du palefrenier qui est riche d'apprentissage, mais le ripeur devait la journée terminée dételer les bêtes, les conduire à l'écurie et les installer dans leurs boxes respectifs en évitant de placer trop près deux chevaux qui se querellent. Un détail, les chevaux de trait son harnachés de collier, de sangles et divers équipements très souvent parés de grelots qui doivent êtres nettoyés et passés à la poudre à faire briller ( le Miror). Ils doivent reluire et sonner gaîment. J'ai connu des chevaux qui refusaient de partir travailler si leur collier n'étincelait pas ou si oublieux ou fainéant vous aviez oublié de cirer leurs sabots à la graisse noire.

     

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    Parlez-nous de ce bonheur : être un piéton de Paris.

     


    Que l'on parcoure la capitale en travaillant ou en flânant,pour celui qui sait "regarder", Paris offre les mêmes choses : joyaux ou ruines, beauté ou laideur. Je me souviens, je débutais dans un emploi de coursier chez un maroquinier près des Champs–Elysées. De retour d'une livraison, un sac à main magnifique chez une Madame de V…, le patron me fit la remarque suivante : Dis tu en as mis du temps pour livrer. Je lui ai aussitôt répondu : Monsieur, ce n'est pas ma faute mais vous êtes trop bien situé, le quartier est  rempli de belles choses à voir alors il m'arrive de m'arrêter et de regarder. Il a souri et il est parti sans rien ajouter.

     

     

    Est-ce à la suite de la démolition, en 1960, de l'immeuble dans lequel vous êtes né que vous fûtes contraint de quitter Belleville ?

     


    Non, du 16 où je suis né ainsi que mon fils aîné nous avons emménagé un peu plus bas au 10, un cinquième étage avec une pièce de 12 m² et un minuscule réduit faisant office de cuisine : eau, gaz, électricité, le confort. Les wc étaient sur le palier que nous partagions avec deux autres locataires. Il y avait une porte-fenêtre prolongée d'un tout petit balcon avec une vue plongeante sur la rue Ramponeau et le boulevard de Belleville, je pouvais même voir mon école.

    Pour nous chauffer nous avions acheté un chauffage au gaz Butane mais qui produisait beaucoup de vapeur et donc des gouttes d'eau au plafond qu'il fallait éponger avec une serpillière au bout d'un balai, ce qui faisait éclater de rire mon fils. Une petite fille venue accroître notre famille, la surface habitable s'avérait vraiment trop réduite malgré les éléments en bois avec portes à glissières fixés sur les murs que je fabriquai moi-même.

    Départ pour Rungis ou nous resterions quelques mois car le loyer était trop élevé, ensuite Bagneux et la naissance de notre dernier fils dans un neuvième étage d'où l'on voyait les avions atterrir à Orly. L'occasion se présentant et qui me rapprochait encore de mon lieu de travail, nous nous sommes installés à Issy-les-Moulineaux où je suis en train de rédiger non sans mal,mais avec plaisir, les réponses aux sujets que notre cher et grand Ami Guy Darol me propose. Et je le remercie sincèrement pour cet honneur.

    Mais pour rien au monde je n'aurais pu rester dans ce Belleville qui mourait, assassiné par les politiques et les promoteurs, ce quartier que j'avais vu vivre, respirer et procurer de la vraie vie à ses habitants, malgré les taudis qui y existaient mais pour lesquels il eut fallut apporter un peu d'argent pour rénover, adapter, et améliorer le confort.

     

     

    Saviez-vous que  Jo Privat, le créateur du Balajo, demeurait près de chez vous, rue des Panoyaux ? Croisait-on, dans votre jeunesse, les célébrités du quartier ?

     


    Accordéon, qui se resserre et se détend comme les cœurs. Qui chantait cette chanson ? Albert Préjean, peut-être.

    Non, je n'en savais rien, je l'ai découvert bien plus tard à l'occasion d'une lecture. Je me suis contenté de danser sous le charme de son piano à bretelles dans son palais de la rue de Lappe. Il savait insinuer juste ce qu'il fallait de jazz dans son musette, un peu comme Claude Nougaro avec Le jazz et la java.

    J'aimais sa frimousse de titi parisien avec sa gâpette fièrement installée sur le crane comme il le fallait à cette époque et dans le quartier, la gâpette où l'on fixait la visière avec des épingles à tête pour ne pas ressembler à un livreur de journaux.

     

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    A part Maurice Chevalier, aux Folies Belleville, je ne me rappelle pas d'autres célébrités. Les vraies, les authentiques célébrités étaient tous les Titis qui couraient la gueuse à l'occasion, ceux qui se bagarraient pour elles. Je me souviens de tous ces gars qui, le beau temps venu, descendaient fièrement la rue le dimanche matin en maillot de corps immaculés et moulants, ils étaient beaux, de vrais aminches. L'un d'eux, pas mal baraqué, on le surnommait Robert la grande gueule. Pour l'avoir grande, il l'avait, mais pas grand risque car c'était de la frime. Bon le voilà habillé pour l'hiver le pauvre, mais il était quand même sympa.

     

     

    Quel souvenir vous reste-t-il de la rue du Pressoir ? Car vous avez certainement arpenté ses trottoirs.

     


    Je sais que je vais vous décevoir et j'en suis sincèrement désolé, j'aimerais pouvoir vous parler de la rue du Pressoir, vous dire que j'en ai des souvenirs mais malheureusement je n'en ai aucun. Et à présent,  je me trouve un peu idiot à rester devant ma feuille blanche sans pouvoir vous en dire le plus petit mot. Cette rue ne m'est pas inconnue, je la connais de nom au même titre que la rue des Maronites, d'Eupatoria, et bien d'autres du quartier, je suis persuadé y avoir traîné mes bottes comme on dit, mais je n'ai aucun souvenir à lui attribuer.

    Toute proche, la rue Etienne Dolet, je me souviens de l'école, non pas pour l'avoir fréquenté afin de m'y instruire mais plus prosaïquement parce que je venais y faire la queue en me relayant avec mes sœurs et ma mère pour y retirer les tickets d'alimentations avant le début du mois, pendant la guerre. J'ai cité plus haut les rues des Maronites et d'Eupatoria mais pour ces deux rues non plus je ne peux faire jaillir le souvenir, contrairement à toutes celles du quartier pour lesquelles je pourrais écrire pendant des heures. Je n'ai fait qu'y passer voilà tout. Mon cher Guy, à toutes et à tous, à ceux qui ont fréquenté cette rue et à cet espace sur la rue du Pressoir qui m'accueille si fraternellement, je vous renouvelle mes regrets mais je vous dois la vérité.

    Pour conclure cette interview si vous me le permettez, je voudrais vous dire tout le plaisir que j'ai eu à y répondre. Confier à mon papier tous ces souvenirs, qui arrivent comme des larmes que l'on ne peut retenir, et en prime savoir ou espérer qu'ils seront lus et partagés, me donne la sensation du passage de flambeau.

    Nous avons chacun notre BELLEVILLE et MENILMONTANT,nous les portons en nous comme un reliquaire du souvenir, nous les connaissons différemment mais nos souvenirs par nous réunis composent de bien jolies chansons comme Je me souviens d'un coin de rue aujourd'hui disparu et Ménilmontant mais oui Madame, c'est là que j'ai laissé mon cœur... Merci monsieur Trenet, merci mon ami Guy Darol. Robert

     

     

     

     

  • DES BALS AUX BUTTES

     

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    Rue Ramponeau, j'ai connu jusqu'a trois bals. Un se situait au bas de la rue vers le tabac, un autre au bistrot qui avait pour nom "Le bar des amis" et en haut, au coin de la rue de Tourtille, un dernier. L'orchestre était assez réduit : un accordéon, une guitare et  une batterie faisaient l'affaire. Le tout monté sur une estrade mais cela tournait bien quand même. Nous parcourions les trois au fil des danses exécutées par l'orchestre. Pas question qu'un particulier ne s'avise alors de venir troubler la danse avec sa voiture. Comme à un passage à niveau, il devait attendre que la musique ait cessé et encore se faisait-il baptiser de jolis noms d'oiseaux. Seuls les pompiers avaient tous les droits naturellement et eux se faisaient applaudir. Des réclames étaient distribuées sous forme de chapeaux de papier, d'éventails qui se repliaient comme ceux des Andalouses. Des pétards claquaient dans tous les coins et certains n'appréciaient pas du tout, enfin c'était la fête ! Une séquence du film "Hôtel du Nord" de Marcel Carné retrace très fidèlement l'ambiance de ces bals sous des lampions multicolores et le coup de pistolet qui claque se confond dans le bruit des pétards tirés par les enfants. Les parents emmenaient leurs gamins et buvaient un rafraîchissement sur les tables placées sur la chaussée. Les enfants couraient en tous sens, les parents étaient moins sévères ce soir-là, sauf pour les jeunes filles, on veillait au grain ! Les mères disaient : "Rentrez vos poules, je lâche mon coq !"  Si le 14 coïncidait avec un samedi ou un dimanche, alors les bals duraient plusieurs jours et la France était en liesse.

     

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    J'ai une anecdote à vous raconter, une aventure qui m'est arrivée un soir et qui aurait pu mal tourner. J'ai toujours été d'un naturel noctambule et j'aimais entre autre me balader le soir ou même la nuit aux Buttes. Malgré leur fermeture, il était aisé d'y entrer par la route qui les traversait. Un soir d'automne, il était environ onze heures,  je marchais sur un chemin et me dirigeais vers la sortie, quand j'entendis au loin le bruit d'un véhicule qui arrivait rapidement sur moi. Je me retourne et je vois une voiture de police qui s'arrête à ma hauteur. Trois flics en sautent et m'entourent. Ça y est, que je me dis, je vais me faire reconduire à la sortie plus vite que je ne l'avais prévu. Ils m'empoignent vigoureusement sans un mot et m'installent entre eux sur la banquette arrière. Je balbutie quelques mots d'excuse pour m'être trouvé dans le parc après sa fermeture, que je cherchais à prendre le frais avant d'aller me coucher. Pas de réponse, mais j'entends alors celui placé à côté du chauffeur parler dans un micro. " Ça y est, on l'a ! On l'ramène ! ".   Imaginez ma surprise, la peur m'envahissait. Je questionne encore. Pas de réponse. Enfin nous sortons des Buttes et arrivons place A. Carel. A la mairie, il y avait un attroupement d'une quinzaine de personnes avec des agents. A notre arrivée, tout ce monde se précipite vers la voiture, ils me descendent et je me retrouve au beau milieu de ce monde qui apparemment en voulait à ma personne. J'entendais des invectives fuser à mon intention. Les agents écartant les badauds me placèrent face à un couple de gens âgés et leur posèrent la question suivante : "Le reconnaissez-vous ?" Hésitation de leur part mais pas de réponse négative ! J'essaie de m'exprimer, poser des questions. On me fait taire. Le monsieur dit enfin : "Il avait un pardessus." Ouf ! Je me sentis sauvé. De la foule, un bonhomme crie : "Un pardessus ça se jette !" Et tout le monde d'approuver cet idiot, de quoi j'me mêle ? Enfin, après de multiples confrontations du même genre, je suis disculpé car fort heureusement ma silhouette ne devait pas, mais vraiment pas, correspondre à celui qui, enfin je l'apprenais, venait quelques instants auparavant d'attaquer ce couple afin de dérober le sac à main de la dame et s'était enfui dans les Buttes.  Déception de cette foule qui réclamait déjà ma tête...  Discrètement, je sortais de ce rassemblement revanchard et m'éloignait sur la pointe des pieds, inquiet qu'ils ne se ravisent et veulent à tout prix lyncher un gueux.

     

     

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    Heureusement, j'ai de meilleurs souvenirs des Buttes. Un soir d'hiver, j'avais réussi à décider, malgré ses réticences, la jeune fille que j'allais épouser plus tard, à faire un tour dans mon royaume. Elle hésitait quand même un peu, me déclarant que mon royaume n'était pas chauffé et que ses petites chaussures ne la protégeaient guère du froid. Alors, ayant toujours eu le sens pratique et soucieux qu'elle ne prît froid, j'emportais un journal, et devant un de ces fameux bancs à la Brassens, à genoux, je lui enveloppai ses petits pieds dans les " nouvelles du jour ". C'est gentil, non ? Robert