Entre les rues de Belleville, Rampal et Rébeval, la destruction se précipite
© Roland Liot
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Entre les rues de Belleville, Rampal et Rébeval, la destruction se précipite
© Roland Liot
Photos © Philippe Hiraga
Les photographies de Philippe Hiraga témoignent de la destruction de la rue Vilin en y ajoutant un chromatisme particulier et une saveur rouille. Elles indiquent la bascule du temps. Quelque chose fut que l'on devine. Ce quelque chose rayonne dans chacune de ces images, comme les rais d'un crépuscule immobile.
Philippe Hiraga nous a retrouvés. Nous lui avons demandé d'évoquer son expérience de la rue Vilin.
"J'ai connu Ménilmontant quand j'étais enfant à la fin des années 1950, grâce à mon père qui était artiste-peintre, diplômé du San Francisco Institute of Arts. Il a peint plusieurs toiles de Ménilmontant dans les années 1920 à 1950. Il a une toile au Musée Georges Pompidou, mais ce n'est pas Ménilmontant, c'est une vue du port de Douarnenez. Nous n'étions pas du quartier car nous habitions le 6ème arrondissement. Je suis retourné du côté de la rue Vilin en 1969, le quartier était à l'abandon, attendant la démolition. J'ai pris quelques photos, trop peu malheureusement. C'est plus tard, un peu par hasard, que je suis tombé sur les démolisseurs à l'oeuvre. C'était en 1971 mais je n'ai pas de date exacte, peut-être septembre 1971. Je peux simplement dire que le haut de la rue Vilin était totalement détruit à la fin octobre 1971. Mon témoignage est donc bien fragile", Philippe Hiraga
Nous remercions Jean-Claude Rihard pour l'envoi de ce document.
Voici le Belleville que découvrait Clément Lépidis depuis les hauteurs de la rue Piat. Comme le précisera l'auteur de Des dimanches à Belleville, cette photographie est une perspective sur Paris avant la construction des buildings.
Dans ce poignant récit qu'il est sans doute toujours possible de se procurer, Clément Lépidis écrit : "Le Belleville d'avant sa démolition m'assiège en permanence et ne me laisse aucun repos. Il me suffit de fermer les yeux pour découvrir le miraculeux losange encadré des quatre stations de métro que les Buttes-Chaumont viennent verdir d'arbres et de massifs."
Vous qui fermez les yeux pour mieux voir les images du souvenir, livrez-nous en quelques mots, en quelques phrases, vos commentaires sur le Belleville-Ménilmontant qui se cache sous vos paupières. Nous vous en remercions les yeux ouverts.
Des dimanches à Belleville
Clément Lépidis
Récit
Collection Terres d'Enfance dirigée par Dominique Balland et Patrick Renaudot
ACE éditeur
244 pages, environ 10 €
Avril 1984
Nous habitions à la frontière du vingtième arrondissement, au 13 rue du Moulin-Joly dans le onzième, au rez-de-chaussée, dans un logement avec vue sur la cour où l'humidité coulait sur les murs.
La rue du Moulin-Joly est perpendiculaire à la rue Jean-Pierre Timbaud qui traverse une bonne partie de ce quartier. Je suis allé à l'école boulevard de Belleville.
On habitait tous le coin : oncles, tantes, grands-parents, etc.
Mon père et ma tante et ma grand-mère habitaient au 12 rue Ramponneau, l'immeuble n'existe plus ; il a subi la loi des opérations immobilières et les gens ont été déplacés, l'immeuble fut déclaré insalubre, et ma grand-mère demeura ensuite dans les années 1970, rue d'Annam, toujours dans le 20 ème.
Ce fut pour elle comme une tragédie que de quitter son quartier.
Je suis né à Paris dans le 12ème arrondissement à l'Hôpital Rothschild, un jour de janvier 1955 où l'hiver fût très rude, ma maman m'a dit que la Seine était gelée. A cette époque, nous ne disposions pas de chauffage central, le poêle à charbons était d'usage, nous n'avions ni salle de bains ni eau chaude. Les WC étaient sur le palier.
Nous étions des parisiens aux conditions modestes.
Mes parents travaillaient tous les deux et je me gardais tout seul.
Mes parents, de par leurs conditions modestes, furent épris très jeunes par le mouvement ouvrier.
Ce que j'ai pu me souvenir d'un petit garçon qui a vécu de 1955 à 1964 dans ce quartier.
Ma maman allait faire ses courses chez l'épicier de la rue du Moulin-Joly
« Chez Mandonné » (je ne suis pas sûr de l'orthographe), l'épicier coiffé d'une casquette vendait du jambon à la coupe, du gruyère râpé, des sacs de charbons... Et, comme mes parents n'étaient pas riches, ma mère faisait la plupart du temps crédit puis elle réglait ses dettes à la fin du mois. C'était, comme disait mon papa, le Village. Les gens se connaissaient et se respectaient .
Il y avait beaucoup de petits commerces qu'on appréciait : la boulangerie, angle Jean-Pierre Timbaud et Moulin-Joly, les commerces de la rue de la Présentation, celui qui vendait des produits de Pologne. Le marché de quatre-saisons de la rue du Faubourg-du-Temple, les volaillers, etc.
Je me souviens d'une crémerie, rue Ramponneau, où tout ce qui était en rayon était appétissant.
Les Magasins Réunis, Place de la République .
Les cinémas du quartier, Le Cocorico, boulevard de Belleville. Je me rappelle de Maciste contre les Cyclope.
Le cinéma Le Florida. Ma grand-mère maternelle qui habitait rue Levert, après qu'elle eut déménagé, elle habita Passage Julien-Lacroix, m'y avait emmené voir Tarzan. Les entractes avec Josélito, le petit chanteur espagnol dans les arènes.
Les bistrots : La Vieilleuse, les Lauriers Roses, sur le Boulevard de Belleville .
Je me rappelle que les jours d'hivers, il y avait une fumée assez épaisse et qui recouvrait le quartier.
Je me rappelle d'une promenade à pied, un dimanche avec mon papa, où nous étions allés jusqu' à la rue des Envierges en remontant la rue Vilin jusqu'en haut des escaliers.
Je me souviens qu'à l'école du Boulevard de Belleville, c'était l'époque des Yéyés, les garçons avaient des coiffures de Rockers et les plus grands s'échangeaient des 45 tours de Johnny contre des disques des Chaussettes Noires dans la cour de récré.
Un jour, pendant la cantine, un instit fan de twist a mis un 45 tours de twist et a fait danser les élèves. J'avais l'impression de vivre des moments particuliers. Maurice Tarlo
Jeter un coup d'oeil mouillé (et amer) sur les dix-neuvième et vingtième arrondissement de Paris dans les années 1960 est rendu possible grâce aux archives de l'INA. Ne manquez pas ce voyage dans le temps.
MENILMONTANT QUARTIER D'ARTISANS
DIX NEUVIEME ET VINGTIEME ARRONDISSEMENT DE PARIS