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culture

  • RENTREE DES CLASSES AVEC CHRISTINE BRAVO

     

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    De 1979 à 1982, Christine Bravo fut institutrice. On ne disait pas alors professeur des écoles. Le 7 septembre 1984, les caméras de TF1 filment la future animatrice télé à Belleville, dans l'établissement où elle enseigna. Est-ce la timidité du premier jour - Christine Bravo n'est plus certaine de ses effectifs -, la future animatrice est à l'étroit dans ses souliers ? Elle fait la promo de Maîtresse à Belleville, éditions Ramsay, 1984.

     

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    CHRISTINE BRAVO A BELLEVILLE

  • STEPHEN CONTREBASSISTE A COURONNES/ATTITUDE BRITISH BELLEVILLE-MENILMONTANT


    Stephen - Couronnes, Paris 20eme

  • MENILMONTANT/UN FILM DE DIMITRI KIRSANOFF DATANT DE 1925

    Le réalisateur Dimitri Kirsanoff est né à Riga en Russie (actuelle Lettonie) en 1899. Sa famille rejoint Paris en 1923. A l'hiver 1924, Dimitri Kirsanoff tourne Ménilmontant dans son décor réel. Outre les qualités cinématographiques de l'oeuvre, ce film muet est un document incomparable sur un quartier de Paris qui nous est cher. Dimitri Kirsanoff est mort à Pantruche en 1957.



    Dimitri Kirsanoff - Menilmontant (1925)

     

    LIRE L'OEUVRE SINGULIERE DE DIMITRI KIRSANOFF

    BENJAMIN FONDANE ET DIMITRI KIRSANOFF

    BENJAMIN FONDANE, JOSEPH DELTEIL, DIMITRI KIRSANOFF

    AVANT-GARDE : LE CINEMA EXPERIMENTAL (1921-1939), CHRONIQUE DE JEAN-JACQUES BIRGE



  • LE MIRIFIQUE GUS VISEUR ACCORDEONNE MENILMONTANT

  • SCENE DE COMPTOIR RUE DES ENVIERGES

     

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    Le 22 mars 1994 France 2 dressait un bilan anthracite de la situation du café parisien. Les Licences IV se meurent alertait Nicolas Winckler. Pour dire après Robert Giraud, après Jean-Paul Clébert, après François Caradec, après Antoine Blondin (et tant d'autres bien inspirés) les bienfaits du bistro, Midi 2 s'arrête rue des Envierges. Les habitués vantent la thérapie des zincs. Pichtegorne pour tout le monde !

     

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    LE BISTROT BELLEVILLE

  • LE MENILMONTANT DE WILLY RONIS COMMENTE PAR CAROLINE LOEB

  • RADIOSCOPIE DE CLEMENT LEPIDIS

     

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    Le 20 juin 1980, Clément Lépidis fut l'invité de Jacques Chancel pour une Radioscopie de sa vie. On y apprend beaucoup. On découvre le grouillot photographe qu'il a été, le commis d'agent de change à la bourse de Paris, le représentant en préservatifs et en produits de beauté, l'homme de tous les métiers, le titi parisien amoureux de la Grèce et de Belleville.

     

    Cliquer sur le lien ci-dessous pour écouter

     

    RADIOSCOPIE DE CLEMENT LEPIDIS

  • CLEMENT LEPIDIS/ECRIVAIN CATHODIQUE

     

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    Depuis jolie lurette que vous flanôchez sur le blog de la rue du Pressoir, vous savez notre enthousiasme inextinguible  pour l'oeuvre de Clément Lépidis, pour l'homme Lépidis, soutien infaillible de Belleville.

    Il nous a paru nécessaire de vous le montrer, non pas sous toutes les coutures, mais tel que la télévision l'a filmé. Car il fut souvent sous les projecteurs et devant les caméras, défendant ses livres bellevillois, prévenant de la mort d'un quartier si l'on n'y faisait rien. De plus en plus pessimiste, Lépidis finit par déclarer que Belleville serait de toute façon détruite dans quelques décennies. C'était en avril 1978.

    Pour retrouver l'auteur de La vie en chantier (roman autobiographique) et de Belleville au coeur, il vous suffit de cliquer sur les liens ci-dessous. Ainsi Clément Lépidis vous deviendra de plus en plus merveilleux, de plus en plus fraternel.

     

     

    CLEMENT LEPIDIS A APOSTROPHES POUR DEFENDRE LA MAIN ROUGE


    SUR LE PLATEAU DE L'EMISSION AUJOURD'HUI MADAME L'ECRIVAIN EVOQUE LES FOLIES-BELLEVILLE, DAMIA ET FREHEL

     

    SUR LE PLATEAU DE L'EMISSION AUJOURD'HUI LA VIE L'ECRIVAIN PARLE DE SES DIMANCHES A BELLEVILLE

     

    EN 1996, L'ECRIVAIN SE SOUVIENT DE BELLEVILLE QUI SELON LUI EST MORT

     

    CLEMENT LEPIDIS, ROBERT DOISNEAU ET ODETTE LAURE SE RAPPELLENT LES 14 JUILLET DE LEUR JEUNESSE

     

    BERNARD PIVOT INVITE L'ECRIVAIN SUR LE PLATEAU D'APOSTROPHES A L'OCCASION DE LA PUBLICATION DE L'OR DU GUADALQUIVIR

     

    CLEMENT LEPIDIS DIT VOULOIR QUITTER BELLEVILLE QU'IL CONSIDERE N'ETRE PLUS SON QUARTIER

     

    POUR L'EMISSION OUVREZ LES GUILLEMETS L'ECRIVAIN INTERROGE QUELQUES HABITANTS DU QUARTIER

     

    DANS SAGA CITES CLEMENT LEPIDIS ET JO PRIVAT EVOQUENT L'UN DES PLUS VIEUX QUARTIERS DE PARIS

     


     


  • ENTRETIEN AVEC SOPHIE POUJADE, MENILMONTOISE DE COEUR

     

     

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    Et si c’était le mot d’ordre d’un nouvel essor des anarchistes

     

     

     

     

     

    « LES SOUVENIRS SE CONSERVENT-ILS  COMME DES PHOTOS DANS UNE BOITE ? »

     

     

     

    Bienvenu Merino : Sophie, nous nous connaissons depuis longtemps. La mémoire est la faculté de se rappeler le passé et comporte plusieurs degrés. D’abord, la mémoire immédiate qui enregistre momentanément les informations significatives. Elle est fugitive et son contenu s’élimine rapidement s’il n’est pas travaillé par une contention renouvelée de l’esprit ou une captation inconsciente. Ensuite, la mémoire moyenne qui garde la trace de ce dont nous avons besoin d’un point de vue pratique. Enfin, la mémoire profonde qui détermine notre identité et nous construit sur un plan affectif. Nous y voilà !

    Tu as habité Ménilmontant dans les années 1975-1979, si j’ai bon souvenir, rue Delaître précisément, rue située presque à la hauteur de la rue Julien-Lacroix, sur la droite en montant la rue de Ménilmontant. Dis-moi, tu peux me parler de tes années passées dans ce quartier de Ménilmuche ? Ta rue, le voisinage, les commerçants. Les raisons qui ont fait qu’un jour tu es venue habiter ce Ménilmontant si populaire et pourquoi l’as-tu quitté - sans vouloir être indiscret - soudainement après y avoir vécu quelques années ?

    En ces temps là, connaissais-tu la rue du Pressoir, située à quelques centaines de mètres, où l’on pouvait se rendre par la rue Julien-Lacroix et la rue du Liban ainsi que par sa voisine, la rue des Maronites ?

     

    Sophie Poujade : Je suis arrivée rue Delaître par hasard début 1976. Je rentrais d’un long voyage en Afghanistan et au Pakistan. Je n’avais pas de logement et c’est par un copain que j’ai trouvé un ancien atelier d’imprimerie à louer. C’était un rez-de-chaussée qui donnait sur une cour d’immeuble. C’était très précaire, les toilettes étaient dans la cour et je n’avais pas de salle de bain, juste un évier avec un robinet d’eau froide. Alors j’allais régulièrement dans un établissement de bains et douches dans le quartier, je ne me rappelle plus le nom de la rue, et je lavais mon linge dans une laverie tout prés.

    Juste à côté de chez moi, il y avait un petit café fréquenté par les habitués du coin. A l’époque, tout le monde n’avait pas le téléphone, il fallait même attendre longtemps pour l’obtenir quand on en faisait la demande, c’est difficile à croire maintenant où c’est l’ère de la téléphonie quasi à outrance. Bien sûr, moi, je ne l’avais pas, je donnais mes coups de fil et on m’appelait dans ce café dont l’arrière salle donnait sur la même cour d’immeuble.

    Le café était une annexe de chez moi, beaucoup de gens passaient me voir et pratiquement tous les jours on y prenait l’apéro.

    On allait parfois voir des films indiens ou égyptiens dans un cinéma boulevard de Ménilmontant, on écoutait Oum Kalsoum dans un café du boulevard sur un juke box avec un écran qui permettait de voir le chanteur, ça se faisait beaucoup à l’époque, c’était le scopitone.

    Je ne situe pas la rue du Pressoir, mais je devais certainement y passer parce que je vois bien la rue Julien-Lacroix et la rue des Maronites. Quand j’habitais rue Delaître, je travaillais pour un institut de sondage et je faisais du porte à porte en quête de personnes susceptibles de répondre à des questionnaires ; ça m’a fait sillonner le quartier.

    Je ne dirais pas que j’ai quitté la rue Delaître soudainement : j’y suis restée un an et demi, c’est un moment de ma vie où je bougeais beaucoup, un an et demi, c’était déjà pas mal.

    Je faisais de la poterie depuis quelques temps et je suis partie travailler chez des potiers en basse Ariège et dans le Gers. J’allais vers de nouvelles aventures.

     

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    B. M. : Ta rue d’autrefois a bien changé, l’immeuble où tu habitais n’existe plus. Un bâtiment énorme et monstrueux, tout en briques rouges, avec seulement quelques petites fenêtres, situées très haut, a été construit à sa place, cela ressemble à une Centrale, quoi ... une prison ! C’est une école je crois ou un collège avec sa cour de récréation cernée de hauts murs. Connais-tu les raisons de  la destruction de ton ancien immeuble et as-tu connu les bouleversements dans le quartier que le photographe Henri Guérard a immortalisé ? Tu m’as dit récemment que le bâtiment où tu avais habité était vieux, et qu’il avait  grand besoin de rénovation, cependant il fut détruit. Mais ne penses-tu pas qu’il aurait pu être rénové et non détruit, afin de préserver l’âme du quartier et l’élégance de l’ensemble des immeubles qui avaient alors beaucoup de charme à l’angle de la rue des Panoyaux. Sophie, es-tu retournée rue Delaître ?

     

    S. P : Il me semble avoir vu ce qui a remplacé l’immeuble du 6 rue Delaître, mais ça fait longtemps, j’en garde une image confuse.

    Oui, avec le recul, je me rends compte que mon logement était très insalubre, c’était humide, j’avais une cour privée où il y avait des rats énormes pour lesquels j’avais une véritable répulsion, seule chose qui me dérangeait dans la précarité du lieu, je m’arrangeais bien du reste. Bien sûr, j’aurais préféré qu’on rénove cet endroit plutôt que de le détruire.

     

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    B.M : Maurice Chevalier est né rue Julien-Lacroix et Eddy Mitchell près de Belleville, d’autres personnalités telles que Clément Lépidis, Jo Privat, Marie Trintignant ont longtemps habité le quartier. Monica Bellucci et Vincent Cassel sont toujours là, sur le boulevard. Etais-tu au courant ?

     

    S.P : Non, je ne savais pas tout cela, sauf que Maurice Chevalier était de Ménilmontant. je sais qu’Edith Piaf est née dans ce quartier, sur le trottoir devant un commissariat, dit-on.

     

    B. M : Sophie, je t’ai souvent écoutée parler de tes voyages, entre autres en Asie et au Moyen Orient. Les souvenirs se conservent-ils comme des photos dans une boîte ?

    Cependant il est assez rare que je t’entende parler de la rue Delaître où tu as, tout de même, passé de belles soirées durant ces années d’insouciance. Ces années là, furent-elles bonnes pour toi, là dans ce quartier pittoresque et captivant dans les années 1930, et où autrefois la vigne sur les coteaux était un vrai « empire» où arrivèrent des  générations d’émigrés pour s’y installer et  travailler.

    Ce Ménilmontant te parle t-il encore, à toi, parisienne, native du 14e arrondissement ?

     

    S. P : Tu veux dire que les photos sont des souvenirs en boîte de conserve ? C’est vrai qu’à notre époque on consomme beaucoup d’images en boites de conserves : DVD, vidéos, photos numériques qu’on ne voit même pas sur du papier …

    C’est vrai que je parle plus souvent de mes voyages que des lieux où j’ai habité. Il m’arrive de penser que c’est en voyage dans une chambre d’hôtel que je me sens le plus chez moi.

    <mce;"> y;">Mais il y a eu beaucoup d’endroits où j’ai habité, il faut bien se poser quelque part parfois, des endroits où j’ai passé de très bons moments, la rue Delaître en fait partie.

    En y repensant, je réalise que c’était alors Janis Joplin qu’on écoutait à fond la caisse, la tombe de Jim Morrison au Père Lachaise, les films indiens au cinéma sur le boulevard, Oum Kalsoum au juke box du café du coin, on est loin de Ménilmuche.

    Alors pour te répondre, Ménilmuche pour moi, c’est la chanson d’Aristide Bruant que mon père nous avait apprise et que nous chantions, tout gamins, mon frère, ma sœur et moi :

    … ma sœur est avec Eloi

    dont la sœur est avec moi,

    comme ça sur le boulevard je la refile

    à Belleville

    Comme ça je gagne pas mal de braise,

    mon beau frère en gagne autant,

    puisqu’il refile ma sœur Thérèse

    à Ménilmontant, à Ménilmontant

     

    C’était dans les années 1950, mon oncle et ma tante habitaient justement rue de Ménilmontant, je me rappelle qu’on allait les voir. Dans mes souvenirs d’enfant, c’était une rue qui monte.

    Mon oncle était le beau-frère de mon père, mais il ne s’appelait pas Eloi et mon père n’avait pas de sœur …

     

    B. M : Lorsque tu es partie aux Indes, était-ce juste après avoir quitté ton logement de Ménilmontant ou bien était-ce après tes études confortables de médecine que tu as interrompues très vite ? Il y avait-il une raison due à la difficulté de retrouver un logement convenable ou étais-tu partie pour partir, comme l’a écrit si joliment Charles Baudelaire dans un de ses poèmes. Je sais que tu as fait une vingtaine de voyages là-bas, je ne pense pas que les raisons étaient liées aux difficultés existentielles mais plutôt par goût du voyage comme beaucoup de jeunes qui partaient pour une expérience radicalement nouvelle et qui servait de modèle à toute une génération ?

     

    S. P : Je suis allée en Inde pour la première fois en 1984, longtemps après avoir quitté la rue Delaître.

    Très jeune, j’ai eu envie de voyager. La première fois que je suis partie, j’avais 19 ans, je suis allée au Moyen Orient, juste avant de rentrer à la fac de médecine ; puis l’année d’après j’ai passé l’été en Grèce.

    Comme je te le disais, quand j’ai emménagée rue Delaître, je revenais d’Afghanistan. J’ai quitté la rue Delaître pour le Sud de la France où j’avais déjà séjournée avant de partir précisément en Afghanistan : en Provence et en Lozère. Et depuis j’ai fait d’autres voyages.

    En fait, j’avais toujours un projet de voyage en tête, c’était un peu ma raison de vivre.

    Depuis, avec l’âge, je me suis calmée, j’attache plus d’importance à mon « intérieur », mot révélateur, mais il y a encore des voyages que j’aimerais faire.

    Tu me demandes pourquoi tant de jeunes sont partis voyager à cette époque.

    Il faut se rappeler d’abord que ma génération était la première depuis bien longtemps à ne pas avoir connu de guerre.

    Mon grand-père à 19 ans a été mobilisé en 1918. Heureusement pour lui, l’armistice a eu lieu de suite.

    Il n’était pas non plus question de partir à l’autre bout du monde pour les jeunes entre 1939 et 1945 …

    D’autre part, c’était une période économiquement très faste. On trouvait facilement du boulot, c’était possible de travailler six mois, puis de partir six mois dans l’année. Surtout qu’on voyageait à très peu de frais, avec les moyens du bord.

    Tu dis que ce mode de vie a servi de modèle à toute une génération. Je ne suis pas tout à fait d’accord. Je fais partie des gens du baby boom, ça veut dire que nous étions nombreux dans cette tranche d’âge (nous le sommes encore, d’où le problème des retraites). Cela a donné beaucoup de profils différents. C’est l’époque des grands de la Pop Music, et aussi des grands extrêmes politiques comme Action Directe, la bande à Baader, les Brigades Rouges…et ceux qu’on a appelés les babas. Mais quel pourcentage de cette génération représentaient-ils au juste, ces babas ? Pas énorme.

    Quand je considère les gens de mon âge ou à peu prés, la grande majorité a mené une vie des plus classiques : travail, mariage, enfants. Il y a eu en effet des changements dans la société : divorces, familles recomposées, mais c’est autre chose que le mode de vie auquel tu faisais allusion.

    Si le problème des retraites se pose, ce n’est pas pour « toute une génération de marginaux », mais pour ceux, les plus nombreux, qui ont mené une vie normale.

     

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    B. M : Ton travail d’enseignante et de pédagogue dans une structure spécialisée, te fait rencontrer des émigrés de diverses nationalités qui sont souvent arrivés en France dans des conditions difficiles et qui vivent dans des conditions très modestes, pour ne pas dire, précaires, que garderas-tu de ces années de travail avec ce « monde » venu d’ailleurs ?  Ces émigrés sont je suppose une famille, comme ta famille, non ?

    S. P : Après quelques années chez les babas, j’en ai eu marre de leur anticonformisme en fait très conformiste.

    Je me rappelle d’un choc, comme une révélation soudaine que j’ai eue dans une campagne magnifique entre Pamiers et Saverdun, ça m’est venu d’un seul coup. C’était trop facile de vivre pour soi, isolée, planquée … et j’ai eu envie de m’impliquer socialement.

    J’avais une opportunité d’être engagée à la formation continue de l’académie de Créteil pour des cours d’alphabétisation. J’en avais déjà fait bénévolement quand j’avais 18 ans.

    Un an après cette « révélation » en plein champ, en 1979, j’étais formatrice de français auprès d’un public d’immigrés.

    J’avais toujours mes sentiments de rébellion contre cette société et je considérais que c’était un travail qui me permettait de conserver les mains propres.

    Je n’ai pas une vocation d’enseignante, j’ai toujours été intéressée par les différentes cultures, l’ethnologie me passionnait et pour moi ça a été la possibilité de rencontrer des personnes d’origines très différentes.

    Ces personnes avec qui je travaille vivent dans des conditions très diverses, certains ont une vie difficile, très modeste, mais pas tous, c’est très varié.

    Pour donner un exemple, j’ai eu comme stagiaire un monsieur Polonais à la retraite, il est arrivé jeune adulte en France, il y a été ébéniste toute sa vie et il profitait d’avoir enfin du temps libre pour apprendre à écrire correctement le français. Je l’ai gardé deux ans. C’était il y a dix ans. Maintenant encore, je reçois de lui des cartes de Pologne quand il y va en vacances et ses vœux à chaque nouvelle année, avec une orthographe et une syntaxe tout a fait correctes.

    Un autre exemple. En séance d’oral, je faisais un exercice sur les couleurs : qu’est ce qu’évoque pour vous le jaune, le bleu, le vert. Quand j’ai cité le rouge, une femme de je ne sais plus quel pays d’Europe de l’Est est devenue terrorisée et s’est écriée : « je ne supporte pas le rouge, c’est le sang». J’ai pensé alors que j’étais bien heureuse car le rouge m’évoque les coquelicots alors que pour d’autres, c’est l’horreur de la guerre.

    Il m’est revenu le Chant des Partisans de Joseph Kessel et Maurice Druon :

    Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves

    Ici nous, on marche, nous on tue, nous on crève

     

    Je cite ces exemples pour sortir du cliché du Maghrébin ou de l’Africain. Quand j’ai commencé en effet, mes stagiaires étaient presque tous Maghrébins, puis sont arrivés des Africains.

    Depuis cela a beaucoup changé. Cela a suivi l’évolution des événements dans le monde : l’arrivée des boat people du Sud-Est asiatique, les réfugiés Iraniens, l’ouverture du bloc des pays de l’Est. J’ai connu aussi des Sud Américains. Il me serait plus simple de citer quels sont les pays dont je n’ai jamais rencontré de ressortissants.

    Je garde de tous ces contacts des images de parcours de vies, certains tragiques, certains heureux, parfois même privilégiés.

    Mais je ne dirais pas que c’est une famille. Je veux bien que nous soyons tous frères (et sœurs) dans ce monde, mais je ne peux pas me sentir de la famille du marabout Africain, de la femme voilée, du Russe qui a passé cinq ans dans la légion pour obtenir un titre de résidence à vie, du latinos fils à papa qui pleure parce qu’une réforme agraire dans son pays a donné une partie de son domaine à des paysans sans terre …. Je n’ai pas forcément de sympathie pour tout le monde, je crois que c’est normal. Mais je m’efforce de considérer tous mes stagiaires de façon égale.

    J’ai des relations d’amitié, voire d’affection avec quelques uns qui passent me voir au centre, qui me téléphonent ou m’écrivent longtemps après avoir suivi mes cours. Il m’arrive aussi d’en rencontrer des années après les avoir eus comme stagiaires et c’est toujours un plaisir de se rencontrer.

     

    B. M : Sophie, une dernière question. Tu te consacres depuis 35 ans à l’enseignement du Français, belle carrière ! Tu m’as dit récemment, qu’une fois le métier terminé, c'est-à-dire, une fois en retraite, tu voudrais travailler pour les Libertaires, quoi, pour les anars ! Cela ne m’a pas surpris de l’entendre dire, mais ce qui me surprend est de vouloir s’y consacrer à la fin de ta carrière professionnelle.

    N’était-il possible de militer vraiment en parallèle tout en étant active dans l’enseignement ?

    Est-ce la façon de vouloir te reposer alors que déjà tu as beaucoup donné dans ta vie. Mais je sais qu’il n’est jamais trop tard, tu en conviendras.

     

    S. P : C’est une idée qui m’est venue comme ça récemment parce que je vois autour de moi des gens qui partent à la retraite et qui cherchent à s’occuper : certains se consacrent à leurs petits enfants, d’autres apprennent à jouer au bridge ou s’inscrivent dans des clubs de randonnée.

    J’écoute depuis des années Radio Libertaire, leurs analyses me semblent souvent très censées, et ce sont les rares à parler de politique de façon jubilatoire.

    Il y a 40 ans Léo Férré chantait « Marketing, salope ! ».

    Chez les babas, on vivait selon les principes de Vaneigem et Guy Debord.

    L’UNEF de St rasbourg et de Nantes se rangeaient du côté des situationnistes. Une petite brochure avait été éditée : «  De la misère en milieu étudiant », j’étais alors très jeune et peu avertie mais quand j’ai lu ce petit ouvrage, il me semblait bien déjà avant que les gauchistes et les féministes n’avaient pas le même combat.

    Le journal Hara Kiri annonçait l’an 01 d’une nouvelle ère à venir, c’étaient les premiers écolos et ils n’étaient pas pris au sérieux.

    Actuellement il y a de plus en plus de démunis, les acquis sociaux régressent. Depuis plus de 10 ans, des systèmes d’échanges locaux (SEL) se mettent en place, cela améliore de façon sensible le quotidien de personnes qui vivent avec des revenus plus que modestes. Je m’y suis intéressée mais mon travail ne me laisse pas de temps pour m’y consacrer.
    Des retraités se regroupent en communauté parce que leurs maigres moyens ne leur permettent pas de vivre décemment.

    On nous parle d’une diminution de l’Etat, pour arriver à quoi ? à une jungle capitaliste ?

    La société va peut-être vers la constitution de communautés solidaires autonomes. On s’approche des théories libertaires.

    Nous étions partis de ma vie à Ménilmontant. Je n’en ai gardé qu’un souvenir matériel : une photo que j’ai prise dans ce quartier vers 1976-77.

    Ca représente une expression de révolte inscrite sur une palissade au dessus d’un dépotoir. Cette photo aurait pu être prise de nos jours dans un coin sordide en banlieue.

    « Devenez fou de colère ». Et si c’était le mot d’ordre d’un nouvel essor des Libertaires.

    B.M : Merci Sophie d’avoir répondu à mes questions et je t’en félicite. Maintenant nous allons pouvoir aller boire un verre en l’honneur de ton anniversaire.

     

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    Entretien réalisé le 14 juin 2010 par Bienvenu Merino

     

     

     

     

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  • CACHER LA LAIDEUR D'UN CERTAIN PARIS

     

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    A Emilie Morel et Lionel Mouraux pour leur travail au sein de la Photothèque des jeunes Parisiens

     

    C’est ce que font des peintres, des décorateurs et des tagueurs de tous poils : préserver l’œil, les yeux, de notre génération, des sales constructions que des hommes ont fait pousser dans le Paris des années 1960. Louis Chevalier avait lancé un vif avertissement avec son livre L’assassinat de Paris. Dans sa préface, il écrivit : « Les villes aussi peuvent mourir ». "Comment aurais-je pu imaginer devoir, un jour, appliquer à Paris ce vers du poète du bas empire, pleurant sur les capitales du monde antique, dévastées par les Barbares ? Assurément pas aux environs de 1960 où, venant de décrire les Parisiens, c'est-à-dire Paris plus reconnaissable à la tête des gens qu’à la disposition des lieux. Et pourtant, déjà, les choses ne commençaient-elles pas de changer ?"

     

    Merci à Philippe Galas pour l’autorisation de publier les deux photographies qui illustrent ce billet. Bienvenu Merino

     

     

     

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  • MIGUEL EGANA EXPOSE

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    MIGUEL EGAÑA
     
    IN SANGRE VERITAS
     
    Vernissage vendredi 26 février à partir de 17h
    Exposition jusqu'au samedi 27 mars 2010
     
     
    Galerie SATELLITE
     
    7 rue François-de-Neufchâteau 75011 Paris
    M° Voltaire/Charonne
    tel. 0143798020/www.galeriesatellite.com
    Mardi à samedi de 13h30 à 19h.
     
    CONSULTER

  • QUI ETES-VOUS BIENVENU MERINO ?

     

     

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    Guy Darol : Il n'y a pas que  la pratique de l'écriture et de la marche qui traverse ta vie. Ne serais-tu pas également dessinateur, peintre, photographe et cinéaste ?

    Bienvenu Merino :  Je suis un touche-à-tout.  C'est probablement cela qui m'éloigne de la réussite et du travail bien accompli. Dans mon âme, l'amour de bien faire est divin,  donc, s'il n'y a pas de discipline et de travail bien fait, je ne peux pas être totalement satisfait. Ceci vaut pour les  travaux  que j'ai entrepris et qui me tenaient à cœur.  Tout est lié. La photographie m'apporta, durant les années de voyage, beaucoup de plaisirs, puis peu à peu elle s'éclipsa pour être remplacée par la peinture et le dessin. Quant au cinéma, ce fut un déclic qui surgit comme un boum, après m'être intéressé à une période de l'histoire de France si souvent auscultée dans ma mémoire. Ma première expérience au cinéma n'est pas encore terminée puisque le montage de mon film n'est pas achevé. Mais faire tout, tout seul : écriture du scénario, repérages des lieux, recueillir des fonds, chercher des acteurs, des figurants, des techniciens, faire la mise en scène, le secrétariat, l'attaché de presse, ce n'est pas toujours facile. 

    G.D. : Quels sont les écrivains qui regardent par-dessus ton épaule lorsque tu te trouves à ta table de travail ?

    B.M. :  Ma table de travail est vaste. En vérité, je suis plus un véritable promeneur qu'un écrivain. A proprement parler, je n'ai pas de méthode bien précise. Aller sur le terrain m'apporte en général l'essence même de mes écrits. Etre écrivain, c'est  un sacerdoce, comme Gustave Flaubert qui ne procédait que par notes précises dont il avait scrupuleusement vérifié l'exactitude. Il se condamnait à fréquenter pendant des semaines les bibliothèques jusqu'à ce qu'il ait trouvé le renseignement désiré. Il ne reculait pas devant l'ennui de lire vingt ou trente volumes traitant de la matière. Il ira en outre interroger  des hommes compétents,  poussera les choses jusqu'à visiter des champs de culture, se rendra sur les lieux, y vivra.  Ainsi, pour le premier chapitre de L'Education Sentimentale qui a comme cadre le voyage d'un bateau  à vapeur remontant la Seine de Paris à Montereau,  il a suivi le fleuve en cabriolet, le trajet ne se faisant plus en bateau à vapeur depuis longtemps ! C'est fou ! Je ne dis pas qu'il était dingue, mais il avait cette passion, celle que j'ai dans les voyages et dans la marche toute simple qui m'a conduit à l'extrême, naturellement,  avec fascination et  plaisir. Toutefois, bien des écrivains m'ont marqué, et je laisse à mes lecteurs le soin d'apprécier certains de mes auteurs favoris qui m'ont influencé et qu'ils découvriront eux-mêmes, en me lisant. Cependant Antonin Artaud et Georges Bataille et les œuvres du CHE, pour une autre raison, surtout  la lecture de son Journal de Bolivie,furent déterminants.

    L'écriture de Diarrhée au Mexique est assez brute, dans le sens où la matière est tirée du vécu et si elle détonne encore et toujours c'est que la vérité je suis allé la chercher au fond de moi, dans la douleur ; récit qui choqua, qui choque encore, et qui choquerait en 2007 comme m'avait dit Éric Dussert avant la sortie du livre, lequel est à l'origine de la troisième publication, ce  qui m'encouragea à continuer afin de n'être pas l'auteur d'un seul livre.

    G. D. : Tu vis désormais à Paris. Le globe-trotter est-il encore un promeneur invétéré ?

    B.M. :  Je commencerais par te répondre par ces lignes de Platon, extraites de l'Apologie de Socrate. « Les hommes peuvent être heureux en demeurant attachés à une forme de vie immuable, que la musique et la poésie n'ont pas besoin de créations nouvelles, qu'il suffit de trouver la meilleure constitution et qu'on peut forcer les peuples à s'y tenir ».

    Voyager fut toujours ma passion car je trouvais dans ce mode de vie et de vivre une belle manière de découvrir, d'apprendre, d'étudier, sans contraintes, ce que je n'avais pas fait dans mon enfance et mon adolescence. Enfant, je n'eus pas  une scolarité exemplaire.  Dès mon plus jeune âge, je n'étais pas un fervent de la discipline, j'étais bien plus attiré par les dormeurs à la belle étoile et les bergers. C'est à mon retour d'un  long voyage que j'eus l'envie et le besoin de conforter certains acquis appris de la route, en  étudiant quelque peu à l'Université. Je ne dis pas, comme Flaubert, que le seul moyen de supporter l'existence, c'est de s'étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle.

    La vie de voyage s'était ancrée en moi car toujours elle fit partie de mon existence, un peu comme les gitans qui se meuvent continuellement à travers le monde depuis leur naissance. Même si, aujourd'hui,  mes voyages ne me mènent plus aussi loin, très souvent ça passe par l'écriture, une manière de traverser les choses et de vivre différemment. Les yeux sont peut-être moins éblouis par la beauté du spectacle comme l'étaient ceux du voyageur incorrigible que j'étais.  J'ai une façon différente de voyager  dans l'écriture et je sais que je n'ai pas encore tout puiser de mon vécu  et c'est devant les pages blanches que je gribouille  à ma table de travail que je perpétue ce qui était ma vie d'explorateur.  J'habite à  Paris, entrecoupé de quelques  escapades, cependant j'ai gardé cette habitude de persévérer dans cette irrépressible envie de marcher pour encore et toujours découvrir ma ville et  mieux comprendre le monde qui m'entoure. Je suis un inlassable marcheur solitaire.  Marcher m'est nécessaire. Le globe-trotter que j'étais est devenu un simple homme qui marche. Hier encore, mercredi 22 décembre, je suis revenu de banlieue, d'Ivry,  à pied, en essayant de longer la Seine avec ses hautes cheminées d'usines chapeautées de glace, et ces péniches tranquilles, amarrées sur les berges où, quand elles  coulent nonchalantes sur le fleuve  lent,  recouvertes d'un peu de neige comme si c'était seulement cela qu'elles transportaient tant elles flânaient, écrasant les vaguelettes de leur chargement invisible en allant jusqu'au Pont de Tolbiac, un des de mes anciens quartier. Je fus enchanté de  suivre la rivière sous la neige. C'était un vrai conte de Noël. Que d'histoires j'ai revécu, que de nouvelles envies m'ont donné le désir de repartir vers l'inconnu.

    Virginia Woolf, la belle rêveuse londonienne, Jean Giono, Julien Gracq, Jacques Réda, dans Marchons sous la pluie, Jacques Lacarrière, Karl Gottlob Schelle,  Arthur Rimbaud, Léon-Paul Fargue, Walter Benjamin, Henri Calet, André  Hardellet ont fait cela bien avant moi. Mais, c'est sans doute de Don José Merino Martin Campos, mon père, que je tiens  l'incroyable invention de savoir aller par les chemins et par les routes. Il commença, jeune, très jeune, avant ses dix ans. De Malaga à Madrid, de Madrid à Barcelone, de Santander à Algesiras, il accompagnait les chevaux, à pied, marchant à leurs côtés, de jour et parfois de nuits, dans la beauté des paysages. Je ne compte pas le voyage forcé par l'exil, celui qui lui causa tant de désagréments, LA RETIRADA DE MALAGA,  guerre entre hommes du même pays, d'un  même village et parfois d'un même clan familial, mais il sut cheminer, armé de fusil ou sans fusil, et faire magnifiquement son très long parcours, celui dont il apprit ce qu'étaient les hommes et les femmes dans des combats féroces, dans la douleur et  la défaite, dans le camps des vainqueurs et dans celui des vaincus, sur la route qui le conduisit vers les hommes libres.

    G.D. : Crois-tu que la culture underground ait quelque chose encore à voir avec la pratique des blogs ? Et cette pratique est-elle une chance pour le développement de la pensée et de la création ?

    B.M. : Oui, bien sûr, et elle  se  pratique aussi avec les blogs. C'est  un mouvement parallèle, hors des circuits officiels normaux du commerce et de diffusion. On devient underground  par la force. Ce sont les maffias du show-biz, de l'art subventionné qui obligent l'artiste à prendre cette tangente. En luttant contre l'establishment qui souvent met le créateur à l'écart, on doit trouver la solution pour se faire entendre ou être lu et par ce moyen  il lui est possible enfin de dire ce qu'il ne pouvait pas, d'enlever le frein qui ne permet pas de s'exprimer. Les censeurs dans notre société existent, la diffusion par les blogs permet de résister contre ceux qui sont au pouvoir, contre certaines pressions qui obligent l'artiste à trouver d'autres solutions pour mieux se faire entendre et exister enfin. Le moteur de l'underground, dès ses débuts, a été l'exhibition du corps, la transgression des codes sociaux, montrer ce qui est « caché » et le faire venir à la lumière. C'est une avancée importante pour la communication et la liberté d'expression. Underground et blogs ça fonctionne  de pair. Tu peux imaginer pourquoi je n'envoyais plus mes manuscrits aux éditeurs, pourquoi certains de mes « textes monstrueux » sont  passés à l'oubliette, ignorés ou simplement jetés au feu de la non-prospérité.

    G.D. : Préfères-tu l'ombre à la lumière ?

    B.M. : Souvent je me sens dans lumière, même si je vais sur la route sans que personne ne soit au courant ni me reconnaisse. Je vais, fidèle à un certain idéal. J'essaye de faire ce dont j'ai le  plus envie, c'est ma manière de marcher à la lumière.

     

     

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    Bibliographie de Bienvenu Merino

     

    Prière

    (Nouvelle)

     Manifeste de la Délinquance Littéraire

    Cahiers Zédébis, 1975

     

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    Situations Normales

    (Nouvelles)

    (Cahier des Hirondelles), 1975

    Fleurs et Chant d'Espoir du peuple d'Espagne

    (Poème (l'agonie d'un dictateur)

    Les Cahiers St Germain des Prés, 1976

     

    Plus édition originale accompagnée d'une gravure de l'auteur

    Atelier Say, 1996

    Satisfaction

    et autres nouvelles

    Revue Le Gué,1976-1977-1978

    Extrait d'un voyage dans les excréments

    ou

    Diarrhée au Mexique

    (nouvelle)

    Editions du Peuple,  1976

    (épuisé)

     

    Diarrhée Epuisé.jpg

     

    Réédité par Les Cahiers Lolita, préface de Gérald Scozzari, 1977

    Scènes

    (nouvelle)

    Livre d'artiste, 1996

     

    Scènes.jpg

    Qui sera libre demain ?

    Gravures de 10 artistes plasticiens

    Portfolio

    Atelier Say, 1996

     

    Qui sera libre.jpg

    Ana

    Poème et champs de mots

    Préface de Emilio Sanchez-Ortiz

    Isabelle Venceslas, 1995

    (épuisé)

    Descendre au cercueil

    (Ouvrage sur auguste Pinochet)

    Dessins à l'encre de l'auteur

     Préambule

    Lettres des  femmes prisonnières politique de la prison

    de haute sécurité de Santiago de chili

    Connaissance, 2000

     

    Descendre au cercueil.jpg

    O, voyelle

    D'après une œuvre sur acier de l'auteur

    Portfolio

    Isabelle Venceslas, 2002

     

    voyelle.jpg

    Traces de plantes fossilisées

    Carnet des mines, Graissessac-Hérault

    Avec traces et dessins de l'auteur

    Ouvrage personnel,  tirage limité, 2005)

    Diarrhée au Mexique

    ou

    Extrait d'un voyage dans les excréments

    (Nouvelle)

    (Préface de Éric Dussert)

    Atelier du Gué, éditeur 2006

     

    Diarrhée.jpg

     

    Ensayos sobre el placer de la Felaçion

    Essai sur le plaisir de la fellation

    Editions espagnole et française avec photos et dessins de l'auteur

    Coffret, d'Artiste, 2007

     

    felaçion.jpg

    Lignes Noires

    (Encres et  dessins)

    Isabelle Venceslas, janvier 2010


    Lignes noires.jpg

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  • QUI ETES-VOUS BIENVENU MERINO ?

     

    Diarrhée.jpg

     

     

    Guy Darol : La réédition, en 2006, de Diarrhée au Mexique, a été suivie d'échos plus que favorables. Ce livre a été couvert d'éloges et cependant c'est l'arbre qui cache la forêt, car ton activité d'écriture est riche de plusieurs volumes. Peux-tu nous en parler ?

    Bienvenu Merino : Oui, quelques critiques littéraires ont réservé un bon accueil à mon livre et c'est une chance de savoir qu'il ait touché et  conquis  autant de lecteurs. Mes autres livres sont bien plus sages, tout en étant fidèles à mes convictions politiques et à mes expériences  d'éternel homme qui marche.

    J'ai peu publié. Pendant presque vingt ans je n'ai plus envoyé de manuscrits aux éditeurs, alors comment veux-tu que l'on me lise ? La peinture de tableaux avait pris le relais, alternant des travaux de décoration  et de construction de lieux et scènes de théâtre. J'étais ouvrier pour gagner ma vie. Puis la fête et les rigolades, les bistrots de Paris où naissaient les rencontres aventureuses  me portaient au zénith d'une gloire acquise par mon manque assidu à l'écriture et à toute relation avec le système éditorial. Je vivais  bien, cela me convenait assez la vie faite de plaisirs. J'étais doué pour la danse et les jeux de séduction qui m'apportaient  plus de bonheur. A 19 ans, durant mes deux années de pratique de la  boxe, j'appris à travailler mon jeu de jambes. Le direct du gauche et l'uppercut me donnèrent plus de confiance. Je me mouvais à la manière de Ray Sugar Robinson dansant sur un ring. Mes amies spectatrices qui suivaient mes combats se sentaient protégées. Très entouré, je me perdais avec elles dans les nuits de Saint-Germain-des-Prés.  Comment veux-tu que je puisse travailler consciencieusement l'écriture ? Pour bâtir une œuvre, "c'est chaque jour qu'il faut se poster devant la page blanche", me disait mon ami écrivain Emilio Sanchez-Ortiz, alors qu'après quelques verres à La Coupole et au Sélect puis dans les petits bals bretons du quartier de  Cambronne, nous allions guincher non sans avoir passé deux ou trois heures  avec mon ami le batteur Jackie Bouissou qui jouait au River-Boat  avec  Claude Luter, rue de Rivoli, et avec  Marc La Ferrière et Maxime Saury au Caveau de la Huchette. La belle vie en somme car en ces moments-là la littérature venait après la fête. La lecture m'était bohème et je devais faire des efforts afin de continuer à lire et à étudier sérieusement. En fait, c'était mon "manuscrit de vie", mon livre de chair. Un laisser-aller impardonnable si l'ont veut écrire vraiment. Henry Miller mena cette vie et je me demande comment il trouva du temps pour réussir à accomplir une œuvre aussi solide et si intéressante. Mes vrais manuscrits sont rangés aux rayons de l'oubli, certains en partie inachevés ou à corriger. Ce peu de ma fortune ne peut intéresser un éditeur, croyais-je longtemps. Dans leur état actuel, où ils racontent des moments de vie égarée entre splendeur et jouissance, ce sont des manuscrits pas vraiment aboutis.

    Pour mes  livres parus, la grâce s'est trouvée sur ma trajectoire, mais souvent en faisant personnellement  un travail de grand écolier studieux et appliqué qui, tout petit homme, eut quelques rêves passagers pour se prouver à lui-même qu'il pouvait vraiment se faire plaisir et pouvoir  se sentir devenir écrivain. Tout cela me donne parfois de l'énergie pour donner à ma vie la satisfaction qui emplit mon cœur et  m'aide à m'appliquer à exprimer ce que je vis. Les pétards mouillés ne peuvent jaillir et faire des étincelles que si le désir de bien les sécher correctement existe. Je crois que j'ai préféré vivre avant tout. Existence de chevalier, entouré de nymphes, mais c'est ainsi que jamais la solitude ne m'a gagné. Ecrire des livres vous plonge dans les souterrains et les puits de la recherche de la vie fabriquée de  livres.  J'ai eu la chance partout dans le monde de rencontrer ce que jamais je n'avais espéré. La littérature ne me manqua pas ; si le besoin d'écrire me prenait, j'avais toujours un crayon et du papier pour exercer mon envie, sinon,  je contemplais le ciel, la mer, les arbres, les cimes des montages, et surtout, tout être humain sur mon passage, quel qu'il soit. Je pouvais lire dans les yeux et sur les visages le sommet de la bonté ou bien y découvrir la pire des crapules. Mais même si les livres sont mes amis, rien ne vaut ces hommes ou femmes rencontrés dans mes voyages qui avec génie m'ont offert ce qu'il est impensable que l'on puisse donner et  détacher du cœur : leur amour, quitte à se dépouiller de tout ce qu'ils avaient en leur possession. C'est eux qui m'ont le plus appris, mieux que ce je pouvais apprendre dans les livres et à l'université. Le bonheur tout simplement. Voilà sans doute pourquoi écrire des livres ne m'est pas obligé, ni un besoin nécessaire, même pas vital, ni un métier.

    Ecrire n'est pas pour moi une nécessité, je lai toujours su, j'avais d'autres cordes à mon arc. Voilà pourquoi, l'ours qui est en moi s'est mieux habitué à un environnement hors des sentiers battus, peut-être de crainte de déranger son voisinage postulant au succès de la renommée et à l'aliénation, ce que sans doute j'ai toujours su éviter sans crier gloire ni déception. Non, surtout, ne pas me faire voler mes ardeurs, mon souffle, mon enthousiasme et ma liberté, ce qui donne à ma personnalité ce rien de riche qui m'est tout.

     

    G.D. : Les billets que tu publies régulièrement sur Rien ne te soit inconnu et Rue du Pressoir attestent que tu as approché de grands noms de la vie culturelle et politique. J'observe toutefois que tu es l'opposé d'un mondain. De quelle façon se réalisent ces rencontres ? Quelles sont celles qui t'ont le plus profondément marqué ?

    B.M : J'ai rencontré quelques grands talents du showbiz, comme Compay Secundo qui était mon ami, et le fils et la fille de Violetta Parra, Angel et Isabel, merveilleux interprètes, réfugiés en France après le coup d'Etat au Chili,  mais c'est  surtout des peintres  et des  artistes avec lesquels je suis le plus  lié. Aussi, ayant un de mes frères comédien, et un autre militant,  cela me facilite les rencontres.  Les hommes politiques rencontrés  avec qui j'eus un vrai contact, sont assez rares. En 1970, j'ai approché Salvador Allende pendant sa campagne Présidentielle, cela grâce à des amis du MIR (Movimiento d'Izquierda Revolucionaria), et je fus invité à une de ses marches légendaires avec les paysans, à Osorno et à Valdivia, dans le sud du Chili. Dans les années 1970, il existait une telle peur, dans certains pays d'Amérique du Sud, que la Gauche arrive au pouvoir au Chili, que pour moi, il était inconcevable que je n'accepte pas l'invitation de mes compagnons militants chiliens d'être auprès d'eux et de leur leader à la Présidence  de la République. Le souvenir de Salvador Allende est celui de sa simplicité, de sa gentillesse et de sa conviction  absolue qu'il allait gagner les élections et être élu Président du pays. Tout le monde connaît la suite.

    Moi qui voulait être discret, c'est raté. Je ne vais pas cependant tout t'avouer. Mais  je ne résiste pas. Voici arrivé un instant de grâce. Un vrai conte de fée.  Je veux  te parler de Monica, la compagne de mon frère Emmanuel,  jeune femme et attachante qui fit son entrée glorieuse dans notre modeste clan familial, et pour qui nous avons beaucoup d'estime et d'admiration. Monica Justo est la petite-fille de Pedro Agustín  Justo, Président de l'Argentine de 1932 à 1938. C'est quelques années après, durant mon séjour à Buenos Aires, que j'appris vraiment qui était la famille de Monica, son grand-père, Président, et le père de ma belle sœur, Liborio Justo,  écrivain et leader  du Trotskisme durant un demi siècle, qui vécut jusqu'à cent et un an et qui est décédé il y a peu de temps.

    Donc, de fil en aiguille, notre  famille s'agrandit, un mélange d'artistes des Beaux-Arts, comédien, chanteuse, cantador flamenco, belle-sœur, petite fille de Freddo Gardoni, accordéoniste célèbre, banquier, médecin, juristes, avocats, enseignants ou ouvriers de la politique universelle, ouvriers tout court, sportifs. Comme je te disais, Guy, c'est  la chance. Plus nous sommes de frères et sœurs, plus nous rencontrons de monde, gens connus, ou simples citoyens méritants.  Parfois nous  débarquons à dix, douze, dans un vernissage ou un cocktail  au Théâtre de Chaillot ou à l'Odéon, pour la première d'un spectacle de mon frère Louis, et nous continuons la soirée dans la fête et la bonne humeur. Mais aussi, parfois, cela nous arrive, d'accompagner un ami pour son premier voyage en cercueil,  son dernier dans la mort, porté sur des épaules des frères andalous-périgourdins en chantant les honneurs que mérite le défunt.

    Ma rencontre avec Dennis Hopper et Peter Fonda  ainsi qu'avec d'autres acteurs américains, eut lieu dans des circonstances invraisemblables au carnaval de Oruro, au Pérou, au milieu des fameuses  Diabladas, uniques dans le pays. Dennis et Peter venaient de terminer le tournage d'un film, près du Cusco, à Chinchero, et c'est par hasard, en revêtant une peau d'ours en guise de déguisement, en compagnie de deux de mes amis, avec l'intention d'aller dans les rues de la ville en fête que nous nous sommes rencontrés, face à face, habillés en animaux.  Parfois, c'est très simple, tout s'enchaîne. Je repartis le lendemain avec eux en taxi, de Oruro à la frontière bolivienne, le long du splendide lac Titicaca, jusqu'au village frontière, Copacabana, et c'est ainsi que je j'eus la chance d'être avec eux, avec leur enthousiasme pour passer la frontière, ce qui n'était pas très facile en ces moments-là avec un passeport Français, car Régis Debray, sympathisant du CHE, c'est-à-dire, d'Ernesto Guevara, était emprisonné à Camiri, Bolivie,  pour  les raisons politiques que l'on connaît. A la frontière, comme tout le personnel de la douane savait qui était Peter fonda, je n'eu absolument aucun problème à rentrer dans le pays. On ne me demanda même pas mon passeport.

     

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    Aussi, je dirais quelques mots sur ma rencontre avec le magnifique acteur  du film  Les Enfants du Paradis, Jean-Louis Barrault, à la Cartoucherie de Vincennes, où je travaillais sur les décors d'un spectacle qui allait être donné en Avignon. Personne, parmi nous, techniciens et comédiens,  ne s'attendait à le voir arriver. Surtout, nous pensions qu'il n'avait aucune raison pour que nous le retrouvions devant nous, tout souriant. En fait, Il était venu féliciter la troupe, du travail qu'avait accompli le Théâtre de l'Aquarium, dans la l'immense hall qui lui avait appartenu et qu'il avait légué à la jeune compagnie pour laquelle nous travaillions.  Ce jour là, il fit une distribution de présents inattendus. Moi, j'héritais, entre autres,  d'un de ses habits de scènes, un smoking noir splendide que je devais porter durant plus de vingt ans, plutôt fier du cadeau dont il m'avait honoré.

    Mais un de mes souvenirs inoubliables et qui n'a rien à voir avec une personnalité culturelle, date de 1966 dans le désert du Sahara, le grand Erg de la Soif, où, affaiblit physiquement  par le manque d'eau et craignant ne pas arriver à temps au premier village pour m'abreuver, j'eus l'immense chance de me trouver face à mon sauveur, le caïd du village, qui je ne sais comment, descendit ,  pied après pied, sans chaussures dans un puits profond de  plus de vingt mètres et remonta à la surface avec un seau d'eau. Je puis t'assurer que l'eau était fraîche et la meilleure que je n'ai jamais bu.

    Pour revenir à ta question sur "l'opposé d'un mondain", oui, tu as parfaitement raison. Je n'aime guère tout ce qui relève de la haute société, non très peu pour moi. Je n'apprécie  pas les habitudes de la vie bourgeoise et leurs divertissements qui ont attrait au luxe et aux plaisirs de la table même si j'ai grand plaisir à  faire un bon repas  en famille ou avec des amis. Dans les phrases qui précèdent,  j'ai donné un aperçu de mon mode vie.  Pour moi, les rencontres me sont assez faciles pour ce qui concerne l'art et mon attirance de la vie  avec les hommes et les femmes que je rencontre. « Faire de la vie un chemin d'épanouissement, la vie doit toujours devancer l'art, une activité parmi bien d'autres, la vie doit être considérée comme une œuvre d'art potentielle ».

    (A suivre... demain !)

     

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    Emmanuel Merino et Monica Justo

     

     

     

     

     

  • QUI ETES-VOUS BIENVENU MERINO ?

     

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    Le Moulin, en Dordogne. Sous la maison de mon enfance coule une rivière.

     

     

    Guy Darol : Ton histoire personnelle est liée à celle de la Guerre d'Espagne. De quelle façon s'effectue le parcours de ta nombreuse famille depuis l'Espagne jusqu'en France ?

    Bienvenu Merino : Après  les années 1936-1939, dates de la guerre civile, ma mère, et mes frères aînés arrivèrent en France à travers les Pyrénées dans des conditions difficiles, avec des  milliers d'autres réfugiés. Moi, je n'étais pas encore né. Deux de mes frères et une de mes sœurs nés en Andalousie périrent avant de pouvoir passer la frontière. Mon père était resté au front, à Barcelone. Il n'arriva en France qu'un an après, à la défaite de la République. Il fut interné comme des milliers d'autres Espagnols dans un camp de réfugiés politiques, où il passa plusieurs mois, presque un an, tandis que ma mère et les enfants se trouvaient dans un autre camp de réfugiés pour femmes et enfants, dans la région de Limoges.  Mon père ne put revoir ma mère et les enfants que plusieurs mois plus tard, lors d'une visite arrangée, car tout était contrôlé, et par la police française et par les autorités du camp.  Personnellement, je connus L'Espagne qu'en juin 1968. Il était alors déconseillé aux opposants au régime de retourner en Espagne, tant que Franco était au pouvoir. On encourait alors des risques de représailles. Franco mourut à 83 ans,  le 20 novembre1975, après un mois d'une interminable agonie et quarante ans de pouvoir sans partage en Espagne.

    Je ne sais si les malheurs vécus par mes parents et mes frères ont été des catalyseurs qui contribuèrent à mon goût du voyage. Peut-être ! En tous cas la vie nomade, durant des années, contribua et facilita notre intégration en France. De région en région, je suivis forcément le mouvement familial. Le clan ayant appris à se mouvoir, à connaître les flux migratoires, la vague houleuse familiale continua de se déplacer de département en département à la recherche de travail et du rassemblement des autres membres  de la famille éparpillée dans le sud de la France. Mes frères et sœurs, et moi-même, nés en France, fûmes préservés d'un cataclysme annoncé. Les aînés étaient morts, il fallait se reconstruire, rebâtir la famille. Que de luttes et combats de chaque instant pour des parents, heureusement unis dans « l'élevage » difficile des enfants qui vinrent au monde pendant et après la guerre 1939-1945.

     

    G.D : Cette migration est-elle le point central qui déterminera par la suite un certain goût du voyage et de l'aventure humaine fraternelle ?

    B.M : Oui je pense. J'ai puisé son essence dans le quotidien d'amour que nous ont donné mes parents. Ma sensibilité à fleur de peau est sans doute due aux drames de la vie que vécut ma famille, aux déchirements issus des guerres fauchant debout les combattants qu'ils étaient devenus pour défendre leur honneur et leurs convictions. Se relever après cela était plus que difficile. Il fallait avoir un père et une mère forts contre les épreuves. C'est sans doute là où s'est forgé un rempart contre les injustices. Sans se barricader, ils ont pu, au contraire, s'ouvrir à la vie, avoir de nouveaux enfants, élevés dans la dignité et l'espérance, nous rendre à l'émerveillement.

     

    G.D : Tes itinéraires te conduisent sur le continent Américain et dans d'autres régions du Monde. Sont-ce tes activités d'écrivain qui te meuvent ainsi ?

    B.M : Non, ce ne sont pas mes activités d'écrivain qui me font bouger. Souvent, ce sont mes voyages qui m'incitent à l'écriture.  Ce qui me fait mouvoir, c'est l'intérêt que je porte aux individus, je vais vers eux, je tiens cela de mon enfance, c'est irrésistiblement naturel, tu comprends ! Je dirais même que c'est mon école d'apprentissage libre et sans obligations. C'est le besoin de s'assouvir, de vivre vrai. Quand j'étais en Amérique, j'étais plus « chemineau » qu'écrivain, dans le sens de suivre son chemin et être observateur. C'était presque un luxe. Le plaisir que j'éprouve dans la marche est immense. Je suis « On the road » en quête initiatique, en réflexion existentielle. Point de frontières, pas de douanes, tous les jours de nouvelles rencontres, des fiancées, des épouses, des amis. C'est une force  de vouloir et de pouvoir être itinérant. Sans doute que les « obligations » de la vie qu'ont eu mes parents et ma famille ont contribué au goût fantastique d'user mes souliers pour aller quelque part. Là où j'ai de l'intérêt.

    Je suis un troubadour. Je préfère les  plaisirs simples, marcher, entrer dans un bar, m'installer sur un haut tabouret et regarder les gens tout en lisant sur les  journaux les nouvelles du monde.

    Mon existence est là, toujours dans la rue. C'est mon œuvre principale. Chaque pays où je suis allé était mon chef-d'œuvre : découverte à pied,  marchant et souriant au monde ; exercice du corps, de l'esprit. Souvent j'étais rempli de bonheur quand je marchais sur le macadam, de l'Alaska à la Terre de Feu. J'ai connu tous les stratagèmes pour éviter des pièges et pour être heureux, apprendre à vivre pénard, parfois tout en aidant les plus défavorisés qui en échange m'offraient l'hospitalité, un hamac, une litière.

    Alors écrire tout cela, tout ce j'ai pu emmagasiner, c'est  de la discipline pour composer, mot à mot, un bouquin de plus. Le secret est là, dans la banque de mon  cerveau, dans mes yeux lorsque parfois j'en parle et que quelqu'un, quelqu'une, veuille bien entendre mon chant. Le conte, je le tiens de mon père Don José et de Amalia, ma mère, ainsi que de mes frères aînés Joseph et Fernando et de deux de mes oncles. J'ai appris, avec ces êtres chers, à capter l'attention et à savourer l'instant où il faut dire les choses, la seconde où il vaut mieux se taire, garder le silence et écouter. Chez nous, cela se faisait par la parole. Essayer de comprendre, réagir, répondre verbalement, car les livres il y en avait peu.

    J'ai grandi dans les champs, avec mes frères et sœurs, près de  petites maisons,  dans le Périgord Noir. "L'Oustal Nèbe"  d'abord,  "le Roc de la Rode", dans  l'ancien presbytère de mon village natal,  puis  "Le Moulin",  assis  sur un sol d'argile recouvert de mousse, les fenêtres s'ouvrant sur une rivière d'argent où nageaient les carpes et les truites, mes premiers pas croisant les biches, les cerfs, les hérissons, le tracé des escargots. Durant une période, nous étions en zone de combats contre l'envahisseur allemand, mon père était dans les forces F.F.I. et continua  à donner avec bravoure tout  ce qu'il avait de générosité.  Ma maman qui avait donné naissance à plus de dix enfants, sans compter les fausses couches, connaissait ce qu'était le chemin qui va droit au cœur. Le soir, à tour de rôle, à plat ventre sur ses genoux, elle nous instruisait à la manière des philosophes espagnols du 18e siècle, qu'elle chantait d'une beauté inégalable, digne des divas du 17e siècle. Ce fut mon meilleur professeur. Il n'y eut rien de pareil. Fille de sage femme Andalouse, toute sa vie elle honora les gens pauvres, ceux qui avaient besoin de tout,  à qui elle offrait et partageait ce qu'elle possédait. Mon père vécut presque soixante-dix ans de mariage, avec elle, jusqu'au bout, à près de 97 ans, avant de s'éteindre doucement dans mes bras et tirer sa révérence de géant qu'il a été. Il complimentait chaque jours ma mère pour l'œuvre qui était aussi la sienne, ses enfants, grande famille admirée de tous, tout au long des petites routes du Lot où nous allions en chapelet serré,  vêtus de blanc et de satin par maman, marchant heureux pour nous rendre aux fêtes votives. Quand, à la sonnerie du manège, commençaient à tourner les chevaux de bois et les voiturettes, mon père, très vite, asseyait les plus petits sur les sièges tandis que mes grands frères s'envolaient seuls vers les chevaux de bois et la grosse Mercédès chromée dont on entendait le klaxon faisant la fête aux parents, ce qui faisaient parfois soulever les paupières et lever les yeux au ciel de Grégoire, l'aveugle de Castelfranc que l'on retrouvait dans toutes fêtes. A Cahors et dans toute la vallée du Lot, région de vignobles, nous allions, parcourant en sabot de bois et chaussettes russes, les sentiers  millénaires le long du fleuve, au bord duquel poussaient les pêchers et les abricotiers, les fraisiers et  les melons dans les champs à pertes de vue.

    Déjà à six ans, le jeudi, jour sans école, sur les coteaux des vignes nous mettions la « main à la patte » : vendanger, cueillir les abricots et les pêches, ramasser les fraises. Et le soir venu,  frères et sœurs, on se retrouvait dans la vaste salle à manger de la "Villa du Paradis", notre belle maison qui dominait le Lot et sa petite plage. Mon père se mettait à chanter des cantes jondos, chants profonds, émouvants, les plus émouvants jamais entendus de toute mon existence, pendant que ma mère tambourinait des mains et des coudes, et, d'un bond, se levait de sa chaise et se mettait à  exécuter des zapatéados almachareños de sa région natale,  invitant les enfants à venir à table où ma sœur aînée, Aurora, avait aligné des floraisons de gâteaux, ronds et carrés, fait de farine de blé, d'huile d'olive et de raisins  secs parfumés de Malaga. Ainsi s'ouvrait la ronde merveilleuse qui créait ce lien "inséparable"  qui nous unissait et nous portait aux anges de la création, amoureux, hérités de l'affection qui nous avait été donnée, sans aucun autre échange : cadeau immense d'un père et d'une mère. Notre respect envers eux était sans compter. Non seulement pour le Noël, en échange du mensonge historique où les pères et mères ne sont là que pour une nuit. Pour nous, c'était chaque jour et chaque nuit Noël ou plutôt l'affection renouvelée toute la vie. Mon père était mon Zappa. Sans trop avoir de livres il connaissait par la pratique, les bonnes manières éducatives qu'il fallait donner à ses fils et à ses filles. Il tenait, beaucoup aussi, de Buenaventura Durutti, dans l'effort et la méthode de nous former à nous défendre. Sa vie, bien que pas facile, fut heureuse du don qu'il nous offrit à tous,  même si  un peu fragilisée par un manque d'instruction qu'il ne put nous offrir totalement, dû aux difficultés qu'il traversa. Il nous sortit de l'ornière des bas chemins où les guerres nous avaient enfoncé pour nous hisser au faîte de la liberté qui  manquait si cruellement à tant de nos concitoyens.  

    (A suivre... demain !)

     

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    Villa du Paradis. Notre maison dans le Lot.

     

     

     

     

  • GERARD LAURENT/PHOTOGRAPHIES 2009

     

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    GERARD LAURENT/PARIS COOL

     

  • RUE DE BELLEVILE

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    La rue de Belleville, indiquée sur les plans de 1672, s'est appelée, de 1836 à 1868, rue de Paris pour sa partie comprise entre le boulevard de Belleville et la rue Compans, et rue du Parc pour celle comprise entre cette dernière et le boulevard Sérusier. Ce nom du Parc lui venait de ce que sa section comprise entre les deux extrémités de la rue de Romainville avait été ouverte sur les terrains de l'ancien parc du château de Ménilmontant.

    La rue de Belleville constituait la principale rue de l'ancien village de Belleville.

    Lorsque avant la Révolution, venant de Paris, on avait franchi la barrière de Belleville, alors en cours de construction, on sortait de la Basse-Courtille et on entrait dans la Haute-Courtille ; celle-ci s'étalait jusqu'au bas de la montée, soit jusqu'à la proximité de la transversale formée par les rues Saint-Laurent (Rébeval) et Piat. La grande rue de Belleville était alors assez sale quoique les eaux d'égout qui dévalaient aux environs du débouché de la rue de Tourtille ; des guinguettes avec cour, jardinet et tonnelles la bordaient des deux côtés. Source : Evocation du vieux Paris, volume 3, Jacques Hillairet.

     

  • BELLEVILLE COMMENTE PAR ADOLPHE JOANNE

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    Dans son Paris Illustré (Hachette, 1878), Adolphe Joanne décrit ainsi Belleville :

    " Belleville, qui renfermait, avant son annexion à Paris, plus de 50 000 habitants, est située sur les pentes et sur le plateau de la chaine de collines gypseuses qui domine Paris au N.E. ; elle s'appelait autrefois Savegium ou Saviae, puis Poitrouville, avant de prendre son nom actuel. Sous Philippe Auguste, on y construisit des aqueducs qui alimentèrent les premières fontaines de la capitale.

    Belleville doit sa célébrité aux combats dont son territoire fut le théâtre, en 1814. Lorsque les armées alliées s'avancèrent pour la première fois sur Paris, elles débouchèrent justement entre Rosny-sous-Bois et la Villette, c'est-à-dire sur les points où il était naturellement fortifié par le saillant de Romainville. Malheureusement, il n'existait aucun ouvrage, capable d'arrêter l'ennemi, et aucun préparatif de défense n'avait été fait quand, le 30 mars au matin, commença la lutte désespérée connue sous le nom de bataille de Paris.

    Les Parisiens ou les étrangers qui ont pris part, en 1814, à cette lutte, ne reconnaîtraient pas leur champ de bataille s'ils allaient le visiter aujourd'hui. Avant sa réunion à Paris, Belleville formait déjà une grande ville, avec la Courtille et Ménilmontant ; elle se relie à la Villette, aux Prés-Saint-Gervais, à Romainville et à Charonne. Si elle conserve encore, surtout près des anciens boulevards extérieurs, un grand nombre de ses guinguettes, elle a perdu presque tous ses jardins. Sa principale curiosité est l'église construite en 1854-1855 par Lassus.

    La partie inférieure de la grande rue de Belleville, autrefois rue de Paris, se nomme la Courtille. C'était là qu'autrefois (les temps sont bien changés) l'immense majorité des individus masqués et costumés, qui s'étaient amusés ou ennuyés dans les bals publics de Paris, venaient achever la nuit du mardi gras au mercredi des Cendres. C'était par là qu'ils rentraient dans Paris, au petit jour, ou même au grand jour, le matin du mercredi des Cendres, à pied, à cheval ou en voiture. Cette procession s'appelait la Descente de la Courtille.

    Après avoir dépassé le théâtre, la rue de Belleville croise la rue de Puebla, avenue qui, à gauche, conduit aux Buttes-Chaumont, ainsi que les rues Clavel et de la Villette, que l'on rencontre ensuite. Au delà de l'église, qu'on laisse à gauche, on peut rejoindre, par la rue des Fêtes, la rue de Crimée, qui longe les Buttes-Chaumont un peu plus loin ; la rue de Belleville, qui mène à Romainville, projette des rameaux qui conduisent aux Prés-Saint-Gervais et à Pantin. "

     

     

  • WEBPROMENADE DANS BELLEVILLE

    Je ne suis pas le seul à aimer Belleville (et je m’en doutais) et j’ai découvert il y a déjà un petit bout de temps un petit blog tourné vers « le  Belleville d’antan » : Rue du Pressoir. Alors pourquoi la rue du Pressoir, qui est une petite rue de Belleville à la suite de la rue de Tourtille ? L’auteur, Guy Darol, veut témoigner de l’esprit de cette rue, avant sa « défiguration » en 1966. Témoignages, photos anciennes, livres, Guy Darol en profite pour faire découvrir un peu de l’esprit de ce vieux Belleville qui soufflait alors de la rue du Pressoir à la Rue des Pyrénées en passant par la rue Vilin, autre rue emblématique du quartier…

    Le rétrospectif et futurible site BELLEVILLE BELLEVILLE signale notre Rue du Pressoir. Il faut y aller voir pour flâner, pour flâner toujours dans les rues d'hier et d'aujourd'hui. Car tout  comme La Commune, Belleville n'est pas morte. 

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    LE SITE DE BELLEVILLE BELLEVILLE

    BIENVENUE À Belleville Belleville

    Belleville-Belleville, c'est une balade permanente dans le Belleville d'aujourd'hui (ses restos, ses bars, son actu) et le Belleville d'hier (photos,histoires, témoignages). 
    Bienvenue! 

    Envie de participer au blog, une idée, une demande?
    jf@ebizfun.fr
  • EUGENE DABIT/LE VIEUX BELLEVILLE

     

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    Citée par le grand historien de Paris qu'était Louis Chevalier (il y vécut), décrite par Jacques Hillairet dans son Évocation de Paris en trois volumes, la rue du Pressoir n'apparaît que rarement dans les pages de la Littérature. Clément Lépidis ne l'oublia pas et nous ne l'avons trouvé (pour le moment) sous aucune autre plume. Comme si on en faisait le tour. Serait-elle un hameau perdu de Belleville ? Un obscur chemin vigneron ? Avec Eugène Dabit, populaire auteur de Petit Louis, d'Hôtel du Nord, nous n'en sommes jamais loin. Mais c'est surtout dans Faubourgs de Paris que son odeur transpire. Là, le romancier fraie des voies, ouvre des portes et nous marchons dans son sillage parmi les souvenirs de ce que fut la rue du Pressoir et ses environs avant démolition. On y retrouve le cinéma Cocorico, les cafés Le Point du Jour, La Vielleuse « où s'alignent dix billards qu'entourent dès six heures les joueurs en bras de chemise. » Voici La Bellevilloise, Les Folies-Belleville, le ciné Floréal. « Fracas des autobus, rumeurs ; enseignes, réclames étincelantes (...) Les trottoirs ne sont pas assez larges, on marche sur la chaussée. » La rue de Belleville et sa ruée nous sont décrites dans un luxe d'images et de sons. On croirait une fenêtre ouverte tant la vie est palpable. « A Belleville, on trouve peu de fonctionnaires, peu d'employés. Dès qu'ils peuvent, singeant leurs chefs, ils vont s'installer à l'ouest de Paris. » Eugène Dabit poursuit de sa lumière ouvriers, apprentis, manœuvres. « C'est ici qu'on naît, vit et meurt ; qu'on travaille et qu'on aime, sur sa terre natale. » Pour Dabit, Belleville n'a de racines que parisiennes. Avec lui, la couleur des rues est celle de la suie mais tous les visages resplendissent. Pour peu, on se croirait ailleurs, dans quelque cambrousse. Du reste l'herbe y pousse. La végétation se rebelle contre le macadam. Guy Darol

     

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    LIRE

    EUGÈNE DABIT

    FAUBOURGS DE PARIS

    GALLIMARD, Collection L'Imaginaire


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    FAUBOURGS DE PARIS AUX EDITIONS GRANDS CARACTERES

     

     

  • MAURICE THOREZ AU CAFE

     

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    Lucile nous propose cette réunion d'ouvriers communistes dans un café du 20ème arrondissement, dans les années 1930. Où l'on reconnaît Maurice Thorez, 5ème à gauche.

    Chaque dimanche, nous publions sur le site de la Rue du Pressoir une image de notre quartier. Seulement, nous ne disposons que d'un très faible stock. Nos albums personnels sont limités. Aussi faisons-nous appel à vos archives. Si vous possédez une photographie que vous souhaiteriez mettre en ligne, avec les mentions et légendes que vous jugerez nécessaires, faites-nous plaisir. Elles feront le bonheur des visiteurs toujours plus nombreux qui viennent flâner parmi nos pages.
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  • LA BELLEVILLOISE

     

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  • DES ETABLISSEMENTS LEON WEILL AU MAGASIN DE LA MERE FOUILLIS

     

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    Josette, devant le magasin de jouets, rue des Maronites, en 1953

    En parcourant le récit de Lucile qui nous conte si bien la rue des Maronites, malgré quelques problèmes, que j’espère passagers, j’interromps, un instant, mon silence radio, le billet de Lucile méritant quelques commentaires.

    Rien qu’à la lecture de ce billet, je suis transportée dans le temps, mon imagination débordante m’aide à me retrouver au début des années 50 où avant de remonter la rue des Maronites et de m’engager dans la rue du Pressoir, je vais m’arrêter à l’angle du boulevard de Belleville et m’attarder devant ce magasin de voitures d’enfant décrit par Lucile.
    J’ai un souvenir encore très présent de ce commerce, un magasin de voitures d’enfant mais aussi de jouets. Maintes fois, le nez collé à la vitrine, j'ai regardé, avec envie, les magnifiques poupées bien trop chères pour nous. Du souvenir de ce magasin, il me reste une vieille photo jaunie et abîmée, datant de 1953, où je pose, timide mais fière, les yeux écarquillés, aux côtés du Père Noël.
    Un autre point fort dans le récit de Lucile : l’entreprise aux portes métalliques vert foncé. Cette entreprise se situait, effectivement, un peu plus haut après la boulangerie du coin. Comment oublier les Ets Léon Weill, fabricant de boucles en métal (il me semble pour chaussures, sacs et ceintures). Maman a fait partie, un temps, de ces femmes qui tout en travaillant à leur domicile pouvaient s’occuper de leurs enfants. Si je me rappelle bien, cette entreprise employait pas mal de salariés qui fournissait, en plus, du travail à domicile. Ce travail consistait à accrocher la pointe à la boucle en abaissant une espèce de petite presse, d’un coup sec. Il fallait, malgré tout, un bon coup de main et un sacré rendement pour se faire un petit pécule. J’ai eu la chance ou la malchance d’avoir un père ingénieux qui, un peu pour lui et beaucoup pour moi, fabriqua à l’identique une autre presse, la réplique parfaite de celle prêtée par les Ets Léon Weill. Résultat, un travail à quatre mains : deux fois plus vite et deux fois plus d’argent pour ma mère. De ce fait, nous pouvions, ma mère et moi, ramener ces gros sacs en toile de jute, très lourds, et récupérer, plus rapidement, le fruit de son labeur afin d’améliorer les conditions de notre vie difficile et arrondir les fins de mois.
    Lucile éveille, en moi, un autre souvenir au sujet du magasin qu’elle nomme « la caverne d’un rose délavé » et du personnage à l’image de sa boutique. C’est certain, cette espèce de fée bienveillante ne peut-être que la Mère Fouillis. Tous les enfants de la rue du Pressoir la surnommaient ainsi. On trouvait de tout dans son bric-à-brac mais surtout, je confirme, des bonbons ! À éviter. Inoubliable Mère Fouillis.
    Des souvenirs importants pour moi qui ont marqué ma petite enfance et mon adolescence. Dans chaque récit, il existe toujours un petit quelque chose qui me rappelle un grand quelque chose. Si émouvants, les récits de Lucile ou de Nicole font ressurgir des souvenirs que je croyais à jamais enfouis.
    Dernièrement, en lisant celui de ce bébé fugueur qu’était Nicole, la fin de son récit a de suite fait remonter à la surface une image, celle de ma mère qui comme Nicole adorait la crème de lait.
    Très distinctement, je vois ma mère dans notre cuisine de la rue du Pressoir, devant une casserole de lait en ébullition, attendant que la crème se forme sur le dessus avec, déjà à la main, sa cuillère. Machinalement, comme lorsque j’étais gamine, j’affichais une grimace d’écœurement, supportant très mal de voir Maman manger cette crème à la cuillère.
    Voilà pour les quelques souvenirs, les plus forts, ceux sur la rue des Maronites que j’ai gardés en mémoire. Josette

  • A LA VIELLEUSE

     

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    A La Vielleuse, rue de Belleville

    Merci à Maurice Tarlo pour l'envoi de cette image.

     

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  • RUE DES MARONITES

     

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    La Rue par Balthus

    Jusqu’au grand bouleversement des années 60, la rue du Pressoir prenait sa source dans la rue des Maronites, s’enrichissait au passage d’un petit affluent, le passage Deschamps, et amorçait un large méandre avant de se jeter dans la rue des Couronnes.

    Si donc vous souhaitiez la remonter, il fallait emprunter la rue des Maronites.

    J’ai constaté que plusieurs visiteurs du site y avaient de nombreux souvenirs et je vous propose d’y ajouter les miens.

    Il est possible que mon témoignage ne suive pas fidèlement le cours des années, mais ce que je souhaite c’est raconter « ma » rue des Maronites, telle que tapie au plus profond de ma mémoire. Celle de mon enfance, de mon premier âge, juste avant que l’adolescence ne disperse ailleurs mes centres d’intérêt.

    Dixit Jacques Hillairet, la rue des Maronites a un an de plus que la rue du Pressoir. Elle s’est urbanisée en 1836 sur les traces d’un sentier du XVIIIème siècle.

    Elle démarre boulevard de Belleville, et cela commence très mal pour moi car je n’arrive pas à me souvenir du premier magasin côté pair ! Tout au moins dans les années 40. Après il y eût successivement un marchand de meubles, de voitures d’enfant… En face, une grande boulangerie animait l’angle, suivie d’un immeuble et d’une entreprise dotée de deux larges portes métalliques vert foncé. Suivait un café, avec une grande salle un peu sombre, légèrement en contrebas de la chaussée. Entre deux entrées d’immeubles, un marchand de couleurs (il me semble qu’il n’y a qu’à Paris qu’on parle de marchand de couleurs, ailleurs on dit un droguiste !).

    En face il y eut un temps une pâtisserie très agréable, à côté d’un hôtel à la façade recouverte de carreaux de faïence blanc et bordeaux. Denise, la fille de la maison, allait à l’école avec moi. Des immeubles, puis la cour et les arrières de la Poste de la rue Étienne Dolet.

    Je vais devoir maintenant naviguer de bâbord à tribord, sans souci de la circulation qui ne posait pas vraiment problème. 

    Côté impair, une toute petite boutique offrait aux amateurs l’éventail de la charcuterie auvergnate arrivée directement du pays. Mon oncle et ma tante ne manquaient pas d’y acheter des « gratons » chaque fois qu’ils nous rendaient visite. On y trouvait aussi des frites, et de la morue en beignet que l’on rapportait enveloppée dans de grands papiers blancs tout graisseux.

    On ne la cuisinait pas chez soi, à cause de l’odeur.

    À touche-touche, je revois comme si c’était hier la caverne d’un rose délavé où régnait une espèce de fée bienveillante. Sa porte était toujours ouverte. Quand on entrait, elle apparaissait tout étonnée du fond de je ne sais où, comme si elle venait de se réveiller. Elle arborait une chevelure foisonnante, portait des grandes lunettes, et suçotait constamment quelque chose. Elle vendait tout ce qui pouvait intéresser les enfants : des billes, des petits jouets, des perles, des pochettes-surprises… et des bonbons indéfinissables dont on avait l’impression qu’ils étaient là depuis toujours. La boutique sentait la fraise et la poussière : c’était complètement délicieux.

    Un café/hôtel faisait suite, puis le Primistère, la grande épicerie, à l’angle de la rue du Pressoir. J’aimais bien aller chez « Madame Primistère », retrouver la caisse centrale, le carrelage propre comme un sou neuf et les étagères pleines de jolies boîtes de conserve. J’y allais toute seule, il n’y avait que la rue à traverser « en faisant bien attention » !

    Sur le trottoir d’en face, après la Poste, le mur sans porte d’un atelier de menuiserie ouvert sur la rue Étienne Dolet portait l’inscription « Défense d’afficher, loi du 21 juillet 1881 ». Combien de fois me suis-je répétée cette phrase énigmatique en allant à l’école !

    Pour rentrer à la maison, je passais devant l’épicerie des parents de ma petite amie Lisette. À la réflexion, je me demande aujourd’hui comment vivait cette famille tant il y avait peu de choses à vendre dans le magasin. L’hôtel meublé de Monsieur Castel le séparait de la boucherie du père de mon autre amie, Cécile. J’avais l’impression que Monsieur Castel passait son temps assis à son bureau, et était chargé de surveiller la rue, caché derrière un voilage.

    Il faut que je m’arrête ici un moment car les souvenirs, bons et moins bons, se précipitent.

    J’allais souvent chez Cécile où j’étais toujours bien accueillie. Ses parents, juifs d’origine polonaise, pressentant le pire, évacuèrent leurs trois enfants en zone libre dès qu’ils le purent. Le papa ferma bien sûr la boutique, disparut lui aussi, et la maman garda les lieux, sans sortir, tout le temps de l’occupation. Bien entendu, nul d’entre nous n’était au courant de sa présence et les faits ne nous furent rapportés qu’en 1945. La boutique fut rouverte lorsque revint notre boucher et maman lui fut toujours reconnaissante du beefsteak dont il lui fit cadeau pour régaler mon parrain à son retour de captivité.

    La vie reprit son cours, et je retrouvai chez Cécile les grands plats de gâteaux que confectionnait sa maman, le parfum de la cannelle et des graines de pavot, qui me dépaysaient et me changeaient des tartes aux pommes de la maison ! (J’y pense à chaque fois que je me promène rue des Rosiers, dans le Marais).

    On arrivait ainsi progressivement au cœur de la rue des Maronites : l’embouchure de la rue du Pressoir.

    Arrivée là, j’ai des références ! Le 24, c’était « mon » immeuble et tout tournait autour ! Les habitants m’étaient tous connus, leurs habitudes et, pour certains, leurs appartements. J’y étais chez moi.

    La bonneterie du rez-de-chaussée n’avait pas changé depuis les années 20. Je l’ai connue telle qu’elle figure sur la photo publiée sur le site. Les propriétaires avaient l’âge de ma grand-mère et la longue barbe de Monsieur Tabak était grisonnante, mais la vitrine, les casiers et le grand comptoir de bois dataient de la création du magasin. Le souci de mode n’intervenait pas sur le choix des articles présentés : on vendait du sérieux, du solide, on respectait religieusement le jour du sabbat et les traditions qui y étaient attachées. (Maman m’a souvent raconté que, Léa, l’une des fillettes de la famille qui avait son âge, mourait d’envie de manger du jambon qui lui était interdit et l’interrogeait souvent sur le goût que cela pouvait avoir !)

    Une anecdote au passage : un soir des années 42 ou 43 - je ne me souviens plus exactement - alors que nous venions de nous endormir, grand branle-bas dans l’immeuble. On frappe brutalement à la porte : ma grand-mère va ouvrir, c’était la police qui, sans ménagement, pénètre dans le logement, me fait lever également et commence à fouiller partout. La même opération à chacune des deux portes des quatre étages. Rapidement, tous les hommes de la maison sont « invités » à se regrouper au rez-de-chaussée et on entend courir et parler allemand dans la rue des Maronites. Deux hommes bousculent un peu tout dans les deux pièces et se montrent agressifs en trouvant, dans la table de chevet de ma grand-mère, un nerf de bœuf qu’elle conservait là Dieu seul sait pourquoi car on ne craignait pas spécialement les attaques. Plusieurs voisines se regroupent chez nous et nous attendons avec inquiétude la suite des évènements. Des cris et des bruits de poursuite continuent à nous parvenir. Inutile de préciser que le temps nous a semblé long… jusqu’à ce qu’enfin les hommes soient autorisés à rentrer dans leurs foyers. On devait apprendre plus tard qu’un soldat allemand avait été tué dans un immeuble de notre rue. Sans plus d’explication.

    Naturellement, ma grand-mère rapporte les faits à maman le lendemain matin. À maman qui passe par toutes les couleurs, car elle se souvient  qu’un revolver de son père était caché dans le fond d’une armoire ! Le nerf de bœuf à côté était un jouet d’enfant ! Dans l’heure qui suivit, l’arme dûment dissimulée dans un journal, était discrètement jetée dans un égout du quartier …  

    Le 26 et ses deux étages, collé au 24, permettait la conversation de fenêtre à fenêtre avec Madame Baronnet, la concierge logée au premier. Au rez-de-chaussée, c’était la Cave, où l’on achetait le vin à la tireuse. Trois (ou quatre ?) grandes cuves contenaient le vin de table courant, les bouteilles « du dimanche » trônant à la place d’honneur sur les étagères. Je collectionnais consciencieusement les superbes étiquettes en couleurs dont on me faisait gentiment cadeau quand on n’en avait pas l’usage.

    L’antre du bougnat suivait au 28. J’avais l’impression qu’on y servait à boire au milieu du charbon et des ligots tellement c’était noir. En hiver, le propriétaire, allait livrer à ses clients les sacs de boulets et d’anthracite coincés directement sur son dos. Le pauvre, un sac de jute sur la tête en guise de capuchon ne le protégeait guère de la poussière de charbon, si bien qu’il était aussi noir que sa boutique ! L’été, par contre, un camion lui livrait de la glace et l’on savait qu’on pouvait en trouver chez lui.

    Après, c’était Legrand, le marchand de bois de construction dont le chantier était traversé d’une large allée ouverte qui épousait la dénivellation du terrain jusqu’à la rue Étienne Dolet. Il tenait bien à lui seul l’espace de deux boutiques. On se disait qu’il n’aurait pas fallu que le feu y prenne car tout le quartier aurait flambé. 

    Sur le trottoir d’en face, le café de « Madame Gaston » faisait l’angle de la rue du Pressoir. J’en ai déjà parlé et n’y reviens donc pas. La clientèle était d’habitués, chacun savait y retrouver qui, en fonction de ce qu’il avait à y faire ! On pouvait même y jouer au billard. Moi j’aimais bien Madame Gaston qui a toujours été très aimable avec nous, notamment si, exceptionnellement ou en cas d’urgence, il fallait recevoir ou passer un coup de téléphone.

    Un coiffeur pour hommes précédait l’entrée du 23 dont on voyait souvent la concierge faire la causette sur le pas de la porte. C’était une vieille dame toujours vêtue d’une blouse noire à fleurettes. Elle vivait là depuis longtemps et avait de nombreux souvenirs du quartier de Charonne en commun avec ma grand-mère.

    Au 25 - ou 27 peut-être ? - on était chez Madame Pouzet. J’adorais. On montait trois marches. On  trouvait les journaux, les cahiers, la craie, les crayons à papier et d’ardoise, et les bonbons. Contre une pièce de dix sous on pouvait choisir un lot de friandises dans cinq ou six boîtes différentes : un rouleau de réglisse avec une perle de sucre rouge ou bleu au milieu, plus un roudoudou, plus une minuscule boîte de coco, un sucre d’orge, une sucette ou un bâton de réglisse à mâchonner. La seule difficulté était d’obtenir des parents la pièce de dix sous ! J’aimais bien aussi la petite boîte ronde en métal représentant une tête d’Africain et dont la langue se soulevait pour laisser passer les cachous. Mais ça, c’était plus cher !

    Un autre café ( il n’en manquait pas dans le quartier) et on arrivait à la cour du 29.

    Un porche à passer, et une cour donnant accès aux habitations. Pour moi, la cour du 29, c’était « la Fernande ». Je m’explique : cette dame dont je ne savais rien, était constamment entourée d’enfants d’âges divers qui l’accompagnaient dans ses courses. Elle transportait un cabas proportionné à l’appétit de sa nombreuse famille, et comme elle était aussi large que haute, j’avais l’impression que les sept nains de Blanche-Neige étaient en déplacement.  

    Toujours du côté impair, je me souviens du boucher de cheval, de la cour qui suivait et où justement logeait un équipage de deux énormes chevaux gris, de l’herboriste, du bureau de tabac, de ce que l’on appellerait aujourd’hui la maison de la Presse, et à nouveau d’un bar, à l’angle de la rue Julien Lacroix.

    Longeant « mon » trottoir, après le marchand de bois, un immeuble qui devait être le 34, le café Chez Maurice, puis la boulangerie avant l’école maternelle. Je redoutais en allant chercher le pain de croiser un sale gamin, un grand qui devait bien avoir 12 ans, et qui s’amusait à me terroriser !

    Pendant la guerre, la boulangère était indulgente et fermait les yeux sur les tickets de pain plus ou moins maquillés que mon cousin lui présentait. Elle prenait ses risques, qu’elle en soit encore remerciée ! 

    La courte rue du Liban s’annonçait, avec la boucherie faisant l’angle, et immédiatement après le tournant à droite, l’échoppe du cordonnier. C’était un petit bonhomme, myope comme une taupe, qui connaissait parfaitement son métier et savait tirer le meilleur parti des vieilles paires de chaussures que l’on devait préserver, faute de pouvoir les renouveler. Pour les vêtements et les chaussures aussi, il y avait des tickets.

    Une autre boulangerie formait l’angle de la rue Julien Lacroix. À cette époque le quartier était vivant, tout simplement parce que les nombreux petits commerçants étaient complètement immergés dans les lieux d’habitation et faisaient partie intégrante de notre quotidien, qui était aussi le leur.  

    Voilà. J’ai sûrement oublié beaucoup de choses et je compte bien sur vous autres, nombreux visiteurs du site, pour compléter ou rectifier mes souvenirs.

    Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas vécu directement l’anéantissement de notre îlot du Pressoir et par conséquent, n’ai pas souffert de la séparation obligée d’avec mon milieu d’enfance à l’âge où cela s’est produit pour les natifs des années 45.

    Je dois avouer, qu’arrivée à l’âge adulte, le délabrement des immeubles, l’exiguïté et le manque de confort des logements me pesaient.

    Je continue à penser que l’amélioration des conditions de vie était indispensable pour tous. Reste que l’on ne peut que déplorer la méthode choisie pour la réaliser.

    À bientôt, et cordialement à tous, Lucile