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LIVRES DE REVIE

  • SOPHIE HERSZKOWICZ ET LA DESTRUCTION DE BELLEVILLE

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    La passion de Paris produit parfois des ouvrages où l'imagination n'excuse pas la réalité. Ainsi de "Lettre ouverte au Maire de Paris à propos de la destruction de Belleville " (Sophie Herszkowicz, Editions de l'Encyclopédie des Nuisances, 1994"). En le cherchant bien, on trouve.


    "L'ensemble des réalisations sont autant de méfaits accomplis, et il suffit d'avoir des yeux, des oreilles et un nez pour s'en dégoûter, mais je ne sais par quel enchantement, ou plutôt ensorcellement, le jugement de chacun se tient prisonnier.
    J'irai donc par ce chemin qui descend le long de la colline, où il est impossible maintenant de contourner ces nouvelles constructions, et je décrirai, tour à tour, quelques opérations que certains, en bons valets de la municipalité, s'accordent à nommer "architecture"".

     

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  • LES MARCHES A BELLEVILLE

     

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    Les commerces étaient nombreux à Belleville, quartier populaire oblige. En ces temps là on ne parlait pas de commerces de proximité, c’était implicite. Les grandes surfaces étaient quasi inexistantes, les premiers Monoprix sont apparus dans les années 1950, l’un dans le bas de la rue Ménilmontant, l’autre rue du Faubourg-du-Temple un peu avant l’avenue Parmentier.

    Au-delà de ces commerces, il y avait l’incontournable marché ! Celui-ci plantait ses « tentes » deux fois par semaine, à savoir le mardi et le vendredi matin. Ce marché durait jusque vers 13h. Vers 14h, tous les marchands devaient avoir déguerpi pour cause de nettoyage.

    Ce marché  était installé sur le trottoir central du boulevard qui était habituellement, pour nous les gosses, notre aire de jeux ; c’étaient donc deux jours « d’abstinence » ou plutôt  de modification de nos plans ! (mais il y avait quelques autres agréments qui compensaient).

    marché.jpgDe fait, ce trottoir central était très large puisqu’il supportait deux rangs de commerces, auxquels s’ajoutaient le passage central pour la clientèle et les passages plus étroits derrière les stands. Dans sa longueur il représentait quasiment l’équivalent de presque  deux stations 1/2 de métro. Il commençait un peu avant le métro Ménilmontant jusqu’à un peu après celui de Belleville en passant par Couronnes.

    Inutile de dire que c’était donc un  excellent et immense  terrain de jeu pour le vélo, le patin à roulettes et autres  traîneaux. Il offrait une grande sécurité pour les enfants, et sa longueur était telle, qu’il mettait ces derniers à l’abri de la « surveillance » visuelle des parents !

    Les jours de marché nous étions donc privés de notre aire de jeux et  il fallait se résoudre à rester devant nos immeubles, sous l’œil des parents. La marge de manœuvre était alors plus réduite pour nos bêtises ! 

    Cet inconvénient avait tout de même quelques compensations. D’abord le marché proprement dit. Car c’était un plaisir de longer tous ces commerces pour trouver le meilleur produit au meilleur prix. Mais surtout, la veille, il y avait les préparatifs à l’installation des stands.
    Un camion de la ville de Paris arrivait avec les poteaux métalliques qui s’enfichaient  dans le sol, puis les barres métalliques transversales et enfin les bâches goudronnées qui servaient de toit et qui étaient alors déroulées.

    Les employés qui installaient cela  étaient tous de grands gaillards, ils avaient de drôles de tenues, avec de grand tablier de protection et surtout des sortes de galoches de bois en semelles compensées hautes de 8 à 10 cm. Ceci leur permettait de pouvoir être à hauteur pour dérouler les bâches.

    Tout ceci était monté en un rien de temps par des équipes de six à huit hommes. En deux heures, la distance Couronnes jusqu’à Ménilmontant  (une station de métro) était couverte. Idem dans l’autre direction jusqu’au métro Belleville ! Dès que le travail était terminé le terrain de jeu nous revenait dans une nouvelle configuration très  appréciée pour les slaloms entre poteaux  et les exercices  de gym (ou autres jeux) aux barres transversales ! En quelque sorte, de nouveaux jeux que nous ne pouvions pratiquer les autres jours. Et nous n’avions qu’une demi-journée pour en profiter, donc pas question de perdre de temps !

    Les jours de marché c’était la fête au village...

    Très tôt le matin, les commerçants déballaient  et s’installaient. Point de barnum à monter, la municipalité avec ses grands gaillards avait fait le nécessaire.

    Il n’y avait pas de conflit, chacun avait sa place depuis longue date. Les absences étaient rares, sauf en période de congés, et c’était le seul moment ou l’on pouvait voir un « étranger » installé à la place de nos commerçants habituels.

    A peine les marchandises déballées (à huit heures tout était quasiment prêt), les ménagères avisées étaient déjà sur place et commençaient leurs allées et venues. L’avenir dit-on appartient à ceux (et surtout celles) qui se lèvent tôt ! Ma grand-mère était de cette race-là.

    Certes, comme la plupart des autres femmes,  elle avait quelques commerçants privilégiés. Malgré tout, elle traversait la moitié du marché de deux à trois fois pour trouver la bonne opportunité. En ce temps, l’expression « meilleur  rapport qualité-prix » n’existait pas encore, mais c’était du « kif ». (On peut changer les mots, les choses restent les mêmes, un non-voyant restera hélas toujours un aveugle).

    poule-gauloise-248533.jpgLa  grand-mère se livrait donc à sa tournée comparative. Quel prix ? Quelle fraîcheur ? Et puis aussi la tête du commerçant : est-il avenant, souriant, pas trop « tchatche » ? Voilà un premier tour où l’on a fait sa première sélection, le second tour pour obtenir la « short-list », et enfin le troisième tour pour les achats.

    Mamy ne marchandait jamais, ce n’était pas dans la « culture » de notre famille. Par contre elle avait le commentaire acide et affûté si le commerçant ne rajoutait pas un petit plus dans la balance ou si encore le compte se terminait par quelques centimes et le commerçant ne semblait pas convaincu d’un petit geste « à l’arrondi inférieur ». Le ton était tel que neuf fois sur dix elle gagnait au « jackpot ».

    Etre tôt sur le marché, c’était avoir la capacité de faire les deux ou trois passages sans être gênée par la populace ! Donc de gagner du temps, si précieux. C’était  avoir le choix des produits les plus frais … en particulier pour le poisson !

    Mais il arrivait fréquemment à notre Mamy de refaire une quatrième « mi-temps » sur la fin de matinée, à un moment où les commerçants sont plus portés à liquider quelques fruits et légumes. La fin de matinée arrivée, elle avait des kilomètres dans les pattes notre grand-mère !

    Le mardi et le vendredi étaient chez nous,  jours de poisson, précisément en raison du marché et de la fraîcheur des produits. Mon père qui était de passage à Paris le mardi bénéficiait de ce privilège (encore que, exerçant sa profession de marchand forain à Cherbourg, il ne devait pas en être privé là-bas). Nous avions toujours droit ce jour là, à une entrée de fruits de mer (moules crues ou cuites ou crevettes grises) et à un plat de poisson. Ce « luxe »  pourrait surprendre aujourd’hui, mais il faut savoir que ce genre de produit dans les années 1950 était extrêmement bon marché, infiniment moins cher qu’un morceau de viande ordinaire (hormis le cheval lui aussi bon marché).

    Tous ces achats se faisaient dans la bonne humeur et vers dix heures du matin, il régnait une telle foule qu’il devenait très difficile de circuler au milieu de toutes ces senteurs et de cette multitude de couleurs. Il fallait jouer des coudes. Certes ce n’était pas le marché de Provence, mais il y avait une certaine  parenté !

    A 10H00, ma grand-mère avait fait ses petites affaires, elle rentrait, terminait son ménage et attaquait la préparation du repas. Je la revois, grattant les moules, les ouvrant, vidant le poisson ...

    Régal des enfants sur le marché, parfois nous avions droit au chevrier qui descendait du haut de Belleville (anciennes fortifications, j’y reviendrais un peu plus tard au chapitre des petits métiers. Toutes les bonnes choses ayant une fin (les mauvaises aussi !), venait le moment où nos commerçants remballaient.

    glaneurs 2.jpgLe marché se vidait alors très rapidement. Une autre population allait prendre place et profiter des restes. Les animaux, chiens, chats, moineaux, pigeons mais aussi ...  gens ultra-pauvres ! Et oui, on a un peu oublié cela.

    Aujourd’hui  (années 2000) on nous parle de la pauvreté comme quelque chose de nouveau, une bizarrerie du progrès ! Dans les années 1950, les très pauvres venaient donc, après le marché, ramasser les têtes de poissons (pour faire une soupe), les fruits et légumes avariés. Et certains ne vivaient pas sous les tentes avec sacs de couchages, canal Saint-Martin, avec médias et associations pour  leur distribuer soupes, vêtements et  autres réconforts. Non, ceux-là étaient tout simplement ignorés, et vivait dans des cartons d’emballage, sur les terrains vagues de la rue des Couronnes, du passage Ronce ou sur les fortifs du Haut Belleville ! Autres temps, autre société.

     

    EXTRAIT D'UNE JEUNESSE BIEN ORDINAIRE A BELLEVILLE PAR JEAN-CLAUDE RIHARD

     

     

     

     

     

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  • JANE CHACUN POUR TOUS

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    Dans Belleville au coeur (Editions Vermet, 1980), Clément Lépidis se désole une fois de plus du mauvais tour joué à Bellevillemuche par les promoteurs. Ce livre qui est une succession de chroniques anime quelques figures du quartier avec la flamme que l'on connaît à son auteur. Il est beaucoup question de bals-musette et notamment de La Java (105, rue du Faubourg du Temple) dont le patron était Augusto Baldi ("Deux immenses rouflaquettes de neige encadrent le sourire d'un homme appartenant à cette race de vieux boucaniers du piano à bretelles") et la vedette Jane Chacun, née le 12 juillet 1908 à Ambert dans la grande misère.

    Une fois de plus, Clément Lépidis n'en peut plus des mensonges et des injustices. Son livre regorge de flèches, hélas insuffisamment empoisonnées. Il voudrait qu'on n'oublie pas Jane Chacun, "reine du musette, interprète et créatrice du Dénicheur, de Jo le valseur, du Grand Frisé". Il rappelle le nombre de disques qu'elle a gravé chez Pathé, Odéon, Pacific, La Voix de son Maître, plus de 200 succès. En 1980, Clément Lépidis se plaint que le nom de Jane Chacun est en voie de disparition. N'est-il pas, en 2010, biffé des mémoires ? 

    Il déclare son amertume et sa passion pour celle qui, "en 30 années de chansons s'est produite dans tous les musettes : à la Java, au Boléro, chez Bouscat, à la Boule Noire, au Balajo, au Ca Gaze, aux Gravilliers, chez Gégène, etc." Il lui redonne du mouvement : "Robe noire et foulard rouge". Il nous fait réentendre sa voix, accompagnée par Emile Prud'homme. Clément Lépidis a beau dire, Jane Chacun n'est plus que dans les vieux souvenirs. Les occurences de son nom sont rares sur Internet et il n'y a aucune chance de récupérer une vidéo qui la montre en exercice. Il faut se contenter d'une image appartenant à la collection particulière de Clément Lépidis où Jane Chacun est photographiée en compagnie de Marcel Cerdan. Le cliché figure dans le cahier photos de Belleville au coeur

     

     


    LE DENICHEUR

    {Refrain :} 
    On l'appelait le Dénicheur 
    Il était rusé comme une fouine 
    C'était un gars qu'avait du cœur 
    Et qui dénichait des combines 
    Il vivait comme un grand seigneur 
    Et quand on rencontrait sa dame 
    On répétait sur toutes les gammes 
    Voilà la femme à Dénicheur 

    Elle avait fait sa connaissance 
    Dans un bar, un soir, simplement 
    Ce fut le hasard d'une danse 
    Qui le fit devenir son amant 
    Il avait de jolies manières 
    Du tact et beaucoup d'instruction 
    Sachant faire de bonnes affaires 
    C'était là toute sa profession. 
    Comme elle avait un peu d'argent 
    Ils se mirent en ménage tranquillement 

    {au refrain :} 

    Les combines ça dure ce que ça dure 
    La chance tourne et puis s'en va 
    On perd le goût des aventures 
    Quand le noir vous suit pas à pas 
    N'ayant plus confiance en lui-même 
    Un soir qu'il était sans un sou 
    Afin de résoudre le problème 
    Le Dénicheur fit un sale coup 
    Mais comme il rentrait au logis 
    En pleurant son amie lui dit : 

    {Refrain :} 
    On t'appelait le Dénicheur 
    Toi qu'étais rusé comme une fouine 
    Je croyais trouver le bonheur 
    Près de toi, avec tes combines 
    Adieu, c'est fini, pars sans peur
    Je saurai souffrir et me taire 
    Malgré mon chagrin je préfère 
    Abandonner le Dénicheur

  • CLEMENT LEPIDIS/ECRIVAIN CATHODIQUE

     

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    Depuis jolie lurette que vous flanôchez sur le blog de la rue du Pressoir, vous savez notre enthousiasme inextinguible  pour l'oeuvre de Clément Lépidis, pour l'homme Lépidis, soutien infaillible de Belleville.

    Il nous a paru nécessaire de vous le montrer, non pas sous toutes les coutures, mais tel que la télévision l'a filmé. Car il fut souvent sous les projecteurs et devant les caméras, défendant ses livres bellevillois, prévenant de la mort d'un quartier si l'on n'y faisait rien. De plus en plus pessimiste, Lépidis finit par déclarer que Belleville serait de toute façon détruite dans quelques décennies. C'était en avril 1978.

    Pour retrouver l'auteur de La vie en chantier (roman autobiographique) et de Belleville au coeur, il vous suffit de cliquer sur les liens ci-dessous. Ainsi Clément Lépidis vous deviendra de plus en plus merveilleux, de plus en plus fraternel.

     

     

    CLEMENT LEPIDIS A APOSTROPHES POUR DEFENDRE LA MAIN ROUGE


    SUR LE PLATEAU DE L'EMISSION AUJOURD'HUI MADAME L'ECRIVAIN EVOQUE LES FOLIES-BELLEVILLE, DAMIA ET FREHEL

     

    SUR LE PLATEAU DE L'EMISSION AUJOURD'HUI LA VIE L'ECRIVAIN PARLE DE SES DIMANCHES A BELLEVILLE

     

    EN 1996, L'ECRIVAIN SE SOUVIENT DE BELLEVILLE QUI SELON LUI EST MORT

     

    CLEMENT LEPIDIS, ROBERT DOISNEAU ET ODETTE LAURE SE RAPPELLENT LES 14 JUILLET DE LEUR JEUNESSE

     

    BERNARD PIVOT INVITE L'ECRIVAIN SUR LE PLATEAU D'APOSTROPHES A L'OCCASION DE LA PUBLICATION DE L'OR DU GUADALQUIVIR

     

    CLEMENT LEPIDIS DIT VOULOIR QUITTER BELLEVILLE QU'IL CONSIDERE N'ETRE PLUS SON QUARTIER

     

    POUR L'EMISSION OUVREZ LES GUILLEMETS L'ECRIVAIN INTERROGE QUELQUES HABITANTS DU QUARTIER

     

    DANS SAGA CITES CLEMENT LEPIDIS ET JO PRIVAT EVOQUENT L'UN DES PLUS VIEUX QUARTIERS DE PARIS

     


     


  • LE THEATRE DE BELLEVILLE

     

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    On a démoli le Théâtre de Belleville pour édifier à sa place un immeuble - en béton armé bien sûr - et qui comprenait il est vrai un cinéma remplacé quelque temps après par un Uniprix lui-même supprimé. Ah cette manie de tuer les choses avant leur temps, n'est-ce pas assez que meurent les hommes ? Clément Lépidis in Des dimanches à Belleville, ACE éditeur, avril 1984.

  • PARIS APACHE/ CASQUE D'OR & EUGENE CORSY

     

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    En un même volume, présenté et annoté par Quentin DeluermozChroniques du Paris apache (1902-1905) rassemble les Mémoires de Casque d'Or alias Amélie Elie et La Médaille de mort d'Eugène Corsy, deux témoignages photographiant, sur le vif, le vingtième arrondissement de Paris, celui de Manda de la Courtille et de Leca de Charonne.

    Le mot apache n'avait pas cours parmi les bandes qui sévissaient à l'eustache du côté de Belleville-Ménilmontant. Amélie Elie (la Simone Signoret du film de Jacques Becker, 1952) le jure. Entre eux, il n'y avait que le mot copain.

    Cette cartographie de Paris qu'il est utile de déchiffrer en compagnie de Jacques Hillairet (Evocation du Vieux Paris, Editions de Minuit, 1954), désigne des rues, des façades d'immeubles défigurées ou disparues. Amélie Elie nous fait ainsi découvrir la rue Dénoyez, ce point de départ de la « descente de la Courtille », qui doit son nom à une fameuse taverne installée au 8, de la rue de Belleville. Avec elle, nous humons et buvons de petites môminettes.

    Casque d'Or n'a pas d'autre ambition que de raconter « l'histoire d'une petite dinde ». Elle le fait si bien. Comme elle sait narrer ses amours, les sincères et les factices. Comme elle sait, avec les yeux du cœur, nous promener dans la rue Ramponeau et peindre à traits de sang les figures des grands « Apaches » : Erbs, Ferraille, le Dénicheur, Son-Pied, Leca, Manda.

    Eugène Corsy pratique une « littérature de gardien de la paix » qui épingle des faits, rien que des faits. Ils sont tragiques. Cela commence rue des Amandiers et se termine rue des Partants. Entre ces deux pôles tombent des hommes, victimes du devoir méchamment surinées par les sauvageons du Paris 1900, un Paris somme toute plus sévère que l'actuel.

    CHRONIQUES DU PARIS APACHE

    (1902-1905)

    MERCURE DE FRANCE

    Collection "Le Temps Retrouvé"

    245 pages, 17, 50 €


     

  • BELLEVILLE COMMENTE PAR ADOLPHE JOANNE

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    Dans son Paris Illustré (Hachette, 1878), Adolphe Joanne décrit ainsi Belleville :

    " Belleville, qui renfermait, avant son annexion à Paris, plus de 50 000 habitants, est située sur les pentes et sur le plateau de la chaine de collines gypseuses qui domine Paris au N.E. ; elle s'appelait autrefois Savegium ou Saviae, puis Poitrouville, avant de prendre son nom actuel. Sous Philippe Auguste, on y construisit des aqueducs qui alimentèrent les premières fontaines de la capitale.

    Belleville doit sa célébrité aux combats dont son territoire fut le théâtre, en 1814. Lorsque les armées alliées s'avancèrent pour la première fois sur Paris, elles débouchèrent justement entre Rosny-sous-Bois et la Villette, c'est-à-dire sur les points où il était naturellement fortifié par le saillant de Romainville. Malheureusement, il n'existait aucun ouvrage, capable d'arrêter l'ennemi, et aucun préparatif de défense n'avait été fait quand, le 30 mars au matin, commença la lutte désespérée connue sous le nom de bataille de Paris.

    Les Parisiens ou les étrangers qui ont pris part, en 1814, à cette lutte, ne reconnaîtraient pas leur champ de bataille s'ils allaient le visiter aujourd'hui. Avant sa réunion à Paris, Belleville formait déjà une grande ville, avec la Courtille et Ménilmontant ; elle se relie à la Villette, aux Prés-Saint-Gervais, à Romainville et à Charonne. Si elle conserve encore, surtout près des anciens boulevards extérieurs, un grand nombre de ses guinguettes, elle a perdu presque tous ses jardins. Sa principale curiosité est l'église construite en 1854-1855 par Lassus.

    La partie inférieure de la grande rue de Belleville, autrefois rue de Paris, se nomme la Courtille. C'était là qu'autrefois (les temps sont bien changés) l'immense majorité des individus masqués et costumés, qui s'étaient amusés ou ennuyés dans les bals publics de Paris, venaient achever la nuit du mardi gras au mercredi des Cendres. C'était par là qu'ils rentraient dans Paris, au petit jour, ou même au grand jour, le matin du mercredi des Cendres, à pied, à cheval ou en voiture. Cette procession s'appelait la Descente de la Courtille.

    Après avoir dépassé le théâtre, la rue de Belleville croise la rue de Puebla, avenue qui, à gauche, conduit aux Buttes-Chaumont, ainsi que les rues Clavel et de la Villette, que l'on rencontre ensuite. Au delà de l'église, qu'on laisse à gauche, on peut rejoindre, par la rue des Fêtes, la rue de Crimée, qui longe les Buttes-Chaumont un peu plus loin ; la rue de Belleville, qui mène à Romainville, projette des rameaux qui conduisent aux Prés-Saint-Gervais et à Pantin. "

     

     

  • BELLEVILLE DANS LES AGENDAS DE JEAN FOLLAIN

     

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    Jean Follain

     

     

    Jean Follain, dans ses Agendas publiés en 1993 par Claire Paulhan, évoque ainsi Belleville, le vendredi 30 octobre 1942 :

    "Après avoir été en vain à la Petite Roquette, je remonte les Boulevards jusqu'à Belleville et sous une pluie battante... Après avoir mangé en compagnie de Guillevic, nous allons aux Folies-Belleville où chante Fréhel. Divers bons numéros : l'illusionniste levantin, la jeune Antillaise aux belles cuisses, la noce grotesque aux visages de personnages peints sur des dos de femmes et la figure du marié sur une jeune poitrine et les yeux sur les seins ..."

     

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    Première édition des Agendas 1926-1971 :

    Editions Seghers, collection Pour Mémoire

    642 pages

     

     

  • BELLEVILLE-MENILMONTANT VU PAR JEAN FOLLAIN

     

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    « Il faut toujours recomposer la carte du tendre. Le chemin qui suivaient femmes et gars des hauteurs de la Courtille a depuis été remué par la pioche ; mais les cieux restent les mêmes, ils soutiennent les mêmes nuances fines ; ils sont peints avec les fumées qui montent de partout, du petit café-restaurant comme de ces appartements riches où les meubles en bois noir de style 1880 reprennent faveur aux yeux des dernières indolentes qui, ravies à des terres lointaines, fument le tabac de la régie turque. Quant aux fumées usinières, le ciel les reçoit aussi, le vieux ciel bleu du Moyen Age à l'escalade duquel veulent monter certains pourvoyeurs de rêves, auteurs, par ailleurs, de fort beaux poèmes d'amour. (...)

    Rue de Belleville, à la devanture d'une marchande de couronnes mortuaires, on a mis en montre une petite bicyclette en perles commandée spécialement par la famille d'un coureur cycliste, pour honorer la mémoire du champion dont elle était fière. Une impalpable poussière de farine venue de la boulangerie voisine tourne autour de la petite bicyclette funéraire.

    Le dernier des hommes-orchestres joue dans un bistrot dont le patron a la nostalgie des louis d'or et où l'odeur d'une savonnette à la violette fait légèrement se gonfler les ailes du nez d'une jeune ouvrière.

    Rue des Cascades, dans le jardin de la guinguette en contrebas, des lurons jouent aux boules la veste tombée.

    Rue des Envierges s'allume à peine la petite boutique poussiéreuse montrant en devanture un globe terrestre, un bâton d'encre de Chine à lettres d'or, des cartes-lettres à filet rouge.

    Des filles à petites oreilles, d'immenses et tristes cinémas, les grises maisonnettes de l'allée des Soupirs donnent à Belleville une préciosité sombre, glorieuse et tendre. »

     

    Extraits de Paris par Jean Follain.

    Ce livre publié en 1935 chez Corrêa a été réédité en 1978 puis en  2006 chez Phébus (collection Libretto) avec une préface de Gil Jouanard.

     

    JEAN FOLLAIN

    Paris

    Editions Phébus

    185 pages, 7,50 €

     

    CONSULTER

    JEAN FOLLAIN PRESENTE PAR OLIVIER BARROT


     

     

  • EUGENE DABIT/LE VIEUX BELLEVILLE

     

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    Citée par le grand historien de Paris qu'était Louis Chevalier (il y vécut), décrite par Jacques Hillairet dans son Évocation de Paris en trois volumes, la rue du Pressoir n'apparaît que rarement dans les pages de la Littérature. Clément Lépidis ne l'oublia pas et nous ne l'avons trouvé (pour le moment) sous aucune autre plume. Comme si on en faisait le tour. Serait-elle un hameau perdu de Belleville ? Un obscur chemin vigneron ? Avec Eugène Dabit, populaire auteur de Petit Louis, d'Hôtel du Nord, nous n'en sommes jamais loin. Mais c'est surtout dans Faubourgs de Paris que son odeur transpire. Là, le romancier fraie des voies, ouvre des portes et nous marchons dans son sillage parmi les souvenirs de ce que fut la rue du Pressoir et ses environs avant démolition. On y retrouve le cinéma Cocorico, les cafés Le Point du Jour, La Vielleuse « où s'alignent dix billards qu'entourent dès six heures les joueurs en bras de chemise. » Voici La Bellevilloise, Les Folies-Belleville, le ciné Floréal. « Fracas des autobus, rumeurs ; enseignes, réclames étincelantes (...) Les trottoirs ne sont pas assez larges, on marche sur la chaussée. » La rue de Belleville et sa ruée nous sont décrites dans un luxe d'images et de sons. On croirait une fenêtre ouverte tant la vie est palpable. « A Belleville, on trouve peu de fonctionnaires, peu d'employés. Dès qu'ils peuvent, singeant leurs chefs, ils vont s'installer à l'ouest de Paris. » Eugène Dabit poursuit de sa lumière ouvriers, apprentis, manœuvres. « C'est ici qu'on naît, vit et meurt ; qu'on travaille et qu'on aime, sur sa terre natale. » Pour Dabit, Belleville n'a de racines que parisiennes. Avec lui, la couleur des rues est celle de la suie mais tous les visages resplendissent. Pour peu, on se croirait ailleurs, dans quelque cambrousse. Du reste l'herbe y pousse. La végétation se rebelle contre le macadam. Guy Darol

     

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    LIRE

    EUGÈNE DABIT

    FAUBOURGS DE PARIS

    GALLIMARD, Collection L'Imaginaire


    CONSULTER

    FAUBOURGS DE PARIS AUX EDITIONS GRANDS CARACTERES

     

     

  • 55 ANS D'IMAGES

     

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    Henri Guérard est un enfant de Ménilmontant qui n'a pas déserté ses terres. Il y vit toujours. Cinquante-cinq ans durant il a randonné autour de son immeuble situé 10 rue Henri-Chevreau.

    Pour nous, citoyens de la rue du Pressoir et de ses environs, les photographies d'Henri Guérard sont évidemment une aubaine. Hélas, ce chasseur d'images toujours poignantes n'a conservé dans ses archives que des vues dévastées, le souvenir désastreux de nos immeubles résumés en un tas de poussières.

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    1963 - rue du Pressoir par Henri Guérard
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    1960 - rue du Pressoir par Henri Guérard

    Toutefois, l'ouvrage volumineux (plus de 140 pages d'images) propose un cliché du Passage Deschamps, venelle pavée (et ici vernissée par la pluie) qui reliait la rue du Pressoir au boulevard de Belleville.

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    1966 -  passage Deschamps par Henri Guérard
  • MEMOIRE DES RUES

     

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    Thierry Halay est le co-fondateur et le président de l'AHAV (Association d'Histoire et d'Archéologie du Vingtième arrondissement). Il est l'auteur de quelques ouvrages dont Paris et ses quartiers (1998). Dans la collection "Mémoire des rues" qui ouvre ses recueils à tous les arrondissements de Paris, Thierry Halay a réuni 320 photographies évoquant la vie des habitants de Belleville, Saint-Fargeau, Charonne et des alentours du Père-Lachaise. Autant dire que cet ouvrage de 190 pages est une absolue référence pour randonner en souvenir dans la rue du Pressoir et ses environs.

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    La rue du Pressoir vers 1908
    Au sujet de cette image, Thierry Halay précise : "Difficile de croire qu'il était impossible de conserver et de réhabiliter ces immeubles des années 1900."

    Une carte de 1925 situe notre rue au coeur de Belleville. Elle rappelle, nostalgiquement, l'existence des Passages Deschamps, des Impasses du Pressoir et des Célestins.

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    Belleville en 1925

    MEMOIRE DES RUES

    PARIS 20e ARRONDISSEMENT 1900-1940

    THIERRY HALAY

    EDITIONS PARIMAGINE

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