Vieux Belleville, 1966
Photographie de François Lartigue
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Vieux Belleville, 1966
Photographie de François Lartigue
Entre les rues de Belleville, Rampal et Rébeval, la destruction se précipite
© Roland Liot
© Claude Chambon
Nous ne cherchons pas le nom des grues mais celui des rues. Reconnaissez-vous ces façades ?
A l'angle de la rue de Belleville et de la rue Levert, le magasin Union Ouvrière en 1906
© Roland Liot
Qui se souvient de la Halle aux chapeaux ?
© Robert Lasguines
Le Paris des toits et de la Tour Eiffel
© André Guérin
L'escalier de la rue Piat conduisant au Repos de la Montagne
© André Guérin
Cette rare photographie de la rue du Pressoir figure dans l'indispensable Belleville de Clément Lépidis et Emmanuel Jacomin. Elle est ainsi légendée : "Les moines de Saint-Martin-des-Champs possédaient, depuis le XIIe siècle, un pressoir dont l'emplacement est marqué par la rue du Pressoir, que l'on voit ici, vers 1900". Il s'agit d'une vue prise depuis la rue des Couronnes. Au fond de la rue, on aperçoit l'immeuble dans lequel j'ai vécu au milieu des années 1950. Mes souvenirs (alors en gestation) se cachent derrière les quatre fenêtres du dernier étage, à l'exception de la dernière, à droite.
Ignorer Henri Guérard, c'est entraver la marche à rebours, nostalgique et parfois douloureuse, qui nous mène dans les rues et passages d'autrefois, parmi les terrains vagues et les cours, sur les traces d'une enfance qui connut la rue Vilin et le Passage Deschamps. Le photographe Henri Guérard fut le témoin de la rue du Pressoir avant sa destruction. Il réalisa, en 1960, quelques clichés où l'on voit la poussière de nos immeubles transformés en décombres. Il est indispensable de se procurer Le regard d'un photographe sur Belleville, Ménilmontant, Charonne (1944-1999) publié en février 2004 aux éditions de L'Amandier.
Pour vous convaincre de la nécessité de posséder un tel ouvrage, voici quelques photographies extraites de ce volume qui en contient 244.
La blanchisseuse de la rue du Pressoir - 1954 © Henri Guérard
© Henri Guérard
L'escalier de la rue Vilin © Henri Guérard
Photo © Philippe Hiraga
"Cette photo date de 1970. Au bout du passage, il y avait un escalier. A son sommet, on arrivait au niveau du 49 de la rue Vilin. Le passage Julien-Lacroix a totalement disparu.
A l'époque, j'avais tendance à abuser du grand angulaire, ici la photo a été prise avec un 28 mm et la perspective est un peu faussée", Philippe Hiraga
Photo © Epuisette
Les visiteurs de la Rue du Pressoir ne font pas que passer. Ils aident aussi à augmenter notre documentation. On nous signale des blogs ou des sites et ce sont des images de Belleville qui défilent sous nos yeux. De vrais trésors. Il convient donc de partager.
BELLES VUES DE BELLEVILLE 70 PAR JEAN-LOUIS PENEL
PARIS EN IMAGES ☛ LE VINGTIEME ARRONDISSEMENT
Le photographe et poète Willy Ronis (1910-2009) est le grand témoin de Belleville où il vécut. Le voici, traversant pour nous, des paysages intacts ou reconstruits.
Cliquer sur le lien ci-dessous pour voir.
A Emilie Morel et Lionel Mouraux pour leur travail au sein de la Photothèque des jeunes Parisiens
C’est ce que font des peintres, des décorateurs et des tagueurs de tous poils : préserver l’œil, les yeux, de notre génération, des sales constructions que des hommes ont fait pousser dans le Paris des années 1960. Louis Chevalier avait lancé un vif avertissement avec son livre L’assassinat de Paris. Dans sa préface, il écrivit : « Les villes aussi peuvent mourir ». "Comment aurais-je pu imaginer devoir, un jour, appliquer à Paris ce vers du poète du bas empire, pleurant sur les capitales du monde antique, dévastées par les Barbares ? Assurément pas aux environs de 1960 où, venant de décrire les Parisiens, c'est-à-dire Paris plus reconnaissable à la tête des gens qu’à la disposition des lieux. Et pourtant, déjà, les choses ne commençaient-elles pas de changer ?"
Merci à Philippe Galas pour l’autorisation de publier les deux photographies qui illustrent ce billet. Bienvenu Merino
Vient de paraître aux éditions Parimagine
Gérard Lavalette a à son actif presque un demi-siècle de métier, plus de quarante ans de photographies à Paris, dont trente-deux, dans le 11e arrondissement. En tournant chaque page de son livre, Le Piéton du 11e, je ne suis pas surpris que Gérard Lavalette n’ait pas photographié la VILLE. En tous cas son Paris ne ressemble pas à Paris, la capitale. Son onzième arrondissement d’adoption, est plus une petite ville de province, dans le grand Paris, au mieux, je dirais, de ce qui reste d’un village d’autrefois, avec ses petits bâtiments et ceux qui les occupent, des hommes, des femmes et des enfants et avec ce petit monde, les corporations de petits métiers qui disparaissent ou qui sont en voie d’extinction. Les boutiques et les ateliers à chaque coin de rue et fond de cour ferment au fil des années, au fil du temps. Là est le charme et l’intérêt de ses reportages qui nous font retrouver ce qu’il reste des anciens villages, qui formaient autrefois Paris, et dont ce 11e arrondissement qui échappe encore au vertige des lignes modernes des immeubles rêvés par les promoteurs.
Le photographe, Gérard Lavalette, je dirais plutôt l’homme, le sait. Il va vite, très vite, pour ne pas oublier, pour qu’on n’oublie pas, pour ne pas être dépassé. Chacune de ses photos du 11e arrondissement donne l’alerte, signale un avertissement. On est à la limite d’une explosion d’un monde, le passé et le futur qui arrive à vive allure : ville de béton. Petite révolution crainte pour l’humain, cependant elle est déjà là, cette progression dévastatrice dans de nombreux arrondissements, infligeant aux parisiens quelque chose qui n’est pas de l’ordre de la nature. Et l’intérêt du photographe Gérard Lavalette, c’est qu’il prend le temps de nous faire découvrir les poches de résistance, là, dans son quartier, où l’oxygène manque moins, là où les silences de la campagne ne sont plus pour longtemps car les hommes qui construisent voient la ville en hauteur, en flèche, se moquant sans scrupules du besoin de repos de nos regards et tuant nos yeux fatigués de voir déjà si haut sans aucun vol d’oiseaux, sinon le ‘rapace’ qui tournoie sur les hauteurs de la ville pour mieux plonger sur sa proie.
Le photographe ne cherche pas le sensationnel, juste le vrai. Comme beaucoup de gens du métier, il sait qu’une grande réussite photographique n’est pas Edwin Buzz Aldrin saluant le drapeau américain sur la Lune, image prise avec l’un des appareil emportés par les astronautes lors de la conquête, même si c’est un instant inoubliable qui restera gravé pour longtemps dans la mémoire des hommes qui ont vécut l’événement.
Je me souviens, j’étais en plein cœur de l’Amazonie, lorsque Neil Amstrong, en premier, posa le pied sur la lune le 21 juillet 1969. Il était 21heures, heure locale au Pérou, à l’Orient du pays. Avec mon Pentax Asahi, j’immortalisai cet instant, la Lune, photographiée à des millions de kilomètres. Cependant, après mon déclic, l’ami indien assis à mes cotés, près de la rive du fleuve et contemplant le ciel et la Lune si éloignée me chuchota : « Avec la technologie, les hommes vont tuer la Lune. La Lune est là pour nous éclairer ». Depuis longtemps déjà il avait remarqué que les éclipses étaient de plus en plus nombreuses et le simple observateur qu’il était craignait déjà pour lui et les siens et pour son environnement et celui de la planète.
Mais qui sait ce qui restera dans les mémoires, de quelle image se souviendront les hommes, probablement pas celle de ce pigeon, seul, égaré, que Gérard a pu photographier à l’intérieur de la station de métro Charonne, près des voies ferrées de la RATP, comme si ce pigeon dans ce lieu rendait hommage aux drames que vécurent ici des hommes et des femmes, lors d’une charge policière ordonnée volontairement le 8 févier1962.
Ce pigeon était-il en pèlerinage ? Vieux volatile sur les traces de la douleur en repli, comme le furent obligés quelques parisiens luttant pour la liberté et combattus par leurs concitoyens tombés mortellement sans sommations et sans possibilités de se défendre face aux assassins d’Etat qui étaient alors au pouvoir.
Gérald Bloncourt, ne me démentira pas lui qui en tant que photographe couvrit l’événement pour un grand quotidien parisien.
Si les techniques photographiques sont importantes, parce qu’elles aident le photographe à produire une grande variété d’images ‘voulues’, la technique seule ne peut rendre l’originalité, ni une valeur esthétique. La photographie, au service de la science et de la technologie est insurpassable par sa valeur documentaire. Mais la plupart des photographes ne sont ni des scientifiques, ni des techniciens désireux de recueillir des documents. Ces photographes, dont fait partie Gérard Lavalette, sont des hommes passionnés qui souhaitent saisir des moments de vie et qui avec émotion ont ressenti à ce moment précis le besoin de mémoriser l’image, afin de mieux la faire connaître au-delà des gens du métier.
Saisir d’un clic des hommes et des femmes, des familles entières, des lieux humains et ce qu’il reste d’un patrimoine en voie de disparition, voilà le challenge, le dilemme de Gérard.
Je sais, ayant moi-même pratiqué la photo, que lorsque nous isolons les trois éléments essentiels d’une photographie, nous en comprenons mieux l’origine. Le premier est la forme, suivi de la tonalité et de la couleur. Nous pouvons combiner ces éléments pour donner trois qualités supplémentaires : le rythme, la texture et le volume. J’ajouterais ‘le coup de poing, ça c’est de l’ordre du miracle mais sans doute aussi du métier. Quel que soit le sujet traité, une photographie doit toujours contenir une de ces qualités et, ce que fait Gérard Lavalette, est de mettre l’accent sur l’une d’elles plutôt que sur les autres ? Le résultat de ce choix est une image qui exprime sa personnalité en tant que photographe, sa manière de voir les choses. Voilà le résultat : la ville n’apparaît que très peu - disons, elle apparaît comme il la voit - car le photographe qu’il est n’est pas intéressé par le Grand Paris. Comme s’il voulait rester dans son Paris, le protéger, même s’il sait que son effort sera vain. Mais l’extraordinaire c’est qu’il nous livre une œuvre formidablement humaine, des images sages, j’allais dire, mages. Non ! Restons sur ces mots, images sages.
Le noir et blanc, en photo est « abstrait », en ce sens qu’un des éléments réels - la couleur - fait défaut. En photographie, l’emploi du procédé noir et blanc demande une attention soutenue pour la composition et pour la juxtaposition des autres éléments essentiels, afin d’obtenir une bonne image. Gérard préfère le blanc et le noir, considérant sans doute l’obtention d’une épreuve de bonne qualité artistique comme une technique difficile et méritoire, ce que confirme les photographies de son livre, Le piéton du 11e, avec ces petits bâtiments, délaissant les chefs d’œuvres d’architectures, s’intéressant plutôt à une vieille devanture de magasin, à un kiosque à journaux, une usine désaffectée avec son poêle, pièce rare, dont je pourrais parler comme d’une œuvre d’art, chaque édifice ayant un caractère propre, sans oublier les personnages d’une époque, ce boxeur oublié, Pierre Morin, au talent certain avec sa gueule de doublure de cinéma, mon boulanger de la rue de Montreuil, soulevant comme un trophée le meilleur pain de Paris. L’image, c’est juste pour le photographe, ne croyez pas que le boulanger se glorifie comme un sportif, vainqueur après un combat. Dans son fournil il passe sa vie, toute sa vie, tout est là, son métier en famille, son œuvre, ses pains, chefs-d’œuvre fait de ses mains, pétrie aux poings enfarinés et pâles, signes de travail, d’espérance, d’offrandes.
Dans des photos, tout sujet contient une quantité de détails fascinants. Idéalement tout détail devrait être considéré en lui-même comme une image complète, la partie d’un tout mais une entité séparée. Les photographes apprennent vite à sélectionner et à photographier les détails : l’œil exercé sait reconnaître l’équilibre, l’harmonie, les nuances de tonalités et de couleurs où qu’il se trouve.
Très souvent des photographes attendent plusieurs jours, des semaines, parfois des mois avant de rencontrer l’événement atmosphérique qui transforme ce qui est banal en spectaculaire. Cette attente est souvent récompensée par la création d’une image hors du commun. Nous avons là, dans le livre de Gérard, la preuve des images prise de nuit dans des conditions sévères de climat. Pour les images de neige en effet, il y a des risques de surexposition ou de sous-exposition. L’une d’entre elles, Cour Faidherbe, page 66, que Gérald Bloncourt a légendé en quelques mots très significatifs, est d’une pure beauté : « … Rien n’est plus fort que le silence de Paris qui sommeille entre les grains d’argent d’une photographie, rien n’est plus sûr que quelques centimètres carrés qui deviennent mémoire… ». Gérald Bloncourt sait de quoi il parle, lui qui connaît si bien la photographie et la profession ne s’y trompe pas qui lui rend actuellement hommage aux quatre coins du monde.
Nous avons également, la photo de couverture du livre : La station de métro Charonne sous la neige, photo prise de nuit, dans le chamboulement hivernal d’une bourrasque de flocons où scintillent péniblement quelques lampes étouffées par la neige, intempérie qui apporte en fait de sérieuses limitations pour obtenir une image de belle qualité, et cette photo n’est pas évidente à réussir, cependant, là aussi, Gérard a su créer l’ambiance en captant l’atmosphère et l’isolement dans le mouvement de la vie.
Je voudrais dire quelques mots sur la dernière photo légère de quatrième de couverture : L’enseigne, passage l’homme. Comme au temps des gibets, voici une pendaison mais bien plus humaine que celle qui s’exerçait autrefois sur les potences, place de Grève. Le photographe en fixant le fauteuil rouge, a-t-il fait le rapprochement avec ce passé peu glorieux de notre France ?
Comme je n’aime pas terminer sur un point d’interrogation, j’ajouterai quelques lignes, une affirmation. Le 11e arrondissement discret et si bien vu par Gérard est peut-être moins touristique que d’autres, mais notre arrondissement a joué un rôle exceptionnel dans l’histoire de notre capitale et de notre pays. Il fut au cœur du Paris révolutionnaire et des grandes révoltes ouvrières du XIXe siècle.
Avec la place de la République, de la Bastille, Léon Blum (Voltaire) et la place de la Nation qui sont toujours des lieux de rassemblement du militantisme et des libertés, lieux de rencontres d’hommes, de femmes et d’enfants, épris de justice, revendiquant leurs pleins droits, le 11e arrondissement n’a rien à envier aux autres arrondissements de Paris.
Arrondissement édifié peu à peu autour de l’Abbaye de Saint-Antoine et érigé au tout début du XIIe siècle sur des marais alimentés par les ruisseaux qui descendaient des collines de Belleville et de Ménilmontant. Par différentes faveurs royales, les corps de métiers purent travailler librement sur le vaste domaine de la communauté religieuse en exemptant de la maîtrise les ouvriers qui y travaillaient.
Aujourd’hui, face aux évolutions du marché du meuble et de la spéculation immobilière, les métiers et les activités du faubourg Saint Antoine subissent une véritable mutation. C’est toute la diversité et la spécificité de multiples traditions artisanales et l’existence même de certains métiers qui sont en jeu. Le livre de photographies de Gérard Lavalette est un témoignage qui arrive à temps, avant que n’arrive l’insupportable que fait subir aux habitants de ces quartiers encore tranquilles, les manigances de la modernité et de la vie à toute vitesse.
Pour conclusion, je voudrais signaler le texte de présentation de Gérard Lavalette et l’intéressante préface d’Olivier Bailly, ainsi que les textes et légendes d’auteurs d’une haute tenue littéraire et poétique, ceux de Christelle Jugé, Claude Dubois, Cédric Klapisch, Gérald Bloncourt, Dominique Krasnokoutsky, Guy Darol, Isabelle Répiton et votre serviteur. Bienvenu Merino
EXPOSITION LE PIETON DU 11e
DE
GERARD LAVALETTE
DU 31 MAI AU 11 JUIN 2010
SALLE DE LA MAIRIE DU 11e
Du lundi au vendredi de 10h à 17h
(nocturne le jeudi 3 juin jusqu’à 19h30)
Vernissage lundi 31 mai 2010 à 18h
Le livre Le piéton du 11e est disponible en librairie
Un stand de vente des éditions Parimagine sera présent à l’exposition
Informations : Mairie du 11e
12, place Léon Blum 75011 Paris
Métro Voltaire
Tel : 01 53 27 11 11
CONSULTER
http://www.parisfaubourg.com/
http://www.pariscool.com/index.html
http://flickriver.com/photos/gerard_lavalette/popular-interesting/
Boulevard du Temple par Daguerre
La première image d’une personne vivante
L’image ci-dessus est celle d’une rue animée, mais du fait que le temps d’exposition a dépassé dix minutes, le trafic était trop rapide pour apparaître. Seul l’homme en bas à gauche qui est resté immobile pour faire cirer ses chaussures est visible. Comme chaque Daguerréotype, l’image est inversée latéralement. La première photographie d’une personne vivante. Bienvenu Merino
La pauvreté comme la beauté résident dans les yeux du spectateur. La pauvreté est un jugement de valeur ; ce n’est pas quelque chose que l’on veut vérifier ou démontrer, même avec une marge d’erreur, excepté par déduction et suggestion. Dire ce qui est pauvre revient à utiliser toutes sortes de jugements de valeur.
Les photos d’Audrey Félix, celles du 20e arrondissement, nous rappellent que cet arrondissement est beau, toujours beau, comme si par pudeur, la laideur dans son reportage, nous était épargnée. Dans son parcours de piétonne fascinée par les rues proches de celles de la rue du Pressoir, au pied des Buttes-Chaumont, de la rue des Cascades, de la Cité et Villa de l’Ermitage, la photographe a su saisir, le beau du quartier, la beauté toute naturelle, au gré de ses promenades où tant d’autres promeneurs voient pauvreté, désespoir et misère. Là, à flanc de collines, la photographe nous montre que Ménilmontant était il y a pas plus de 50 ans une Hollywood, notre ville des anges, Los Angeles, où je vécus en 1969, loin des stars, des paillettes et des folklores américains, mais sans rien regretter. Parmi les cinq éléments de la mémoire, qui sont la fixation des souvenirs, leur conservation, le rappel, la reconnaissance, la localisation, cinq éléments qui nous aident à recomposer le passé. Bienvenu Merino
CONSULTER
Guy Darol : Il n'y a pas que la pratique de l'écriture et de la marche qui traverse ta vie. Ne serais-tu pas également dessinateur, peintre, photographe et cinéaste ?
Bienvenu Merino : Je suis un touche-à-tout. C'est probablement cela qui m'éloigne de la réussite et du travail bien accompli. Dans mon âme, l'amour de bien faire est divin, donc, s'il n'y a pas de discipline et de travail bien fait, je ne peux pas être totalement satisfait. Ceci vaut pour les travaux que j'ai entrepris et qui me tenaient à cœur. Tout est lié. La photographie m'apporta, durant les années de voyage, beaucoup de plaisirs, puis peu à peu elle s'éclipsa pour être remplacée par la peinture et le dessin. Quant au cinéma, ce fut un déclic qui surgit comme un boum, après m'être intéressé à une période de l'histoire de France si souvent auscultée dans ma mémoire. Ma première expérience au cinéma n'est pas encore terminée puisque le montage de mon film n'est pas achevé. Mais faire tout, tout seul : écriture du scénario, repérages des lieux, recueillir des fonds, chercher des acteurs, des figurants, des techniciens, faire la mise en scène, le secrétariat, l'attaché de presse, ce n'est pas toujours facile.
G.D. : Quels sont les écrivains qui regardent par-dessus ton épaule lorsque tu te trouves à ta table de travail ?
B.M. : Ma table de travail est vaste. En vérité, je suis plus un véritable promeneur qu'un écrivain. A proprement parler, je n'ai pas de méthode bien précise. Aller sur le terrain m'apporte en général l'essence même de mes écrits. Etre écrivain, c'est un sacerdoce, comme Gustave Flaubert qui ne procédait que par notes précises dont il avait scrupuleusement vérifié l'exactitude. Il se condamnait à fréquenter pendant des semaines les bibliothèques jusqu'à ce qu'il ait trouvé le renseignement désiré. Il ne reculait pas devant l'ennui de lire vingt ou trente volumes traitant de la matière. Il ira en outre interroger des hommes compétents, poussera les choses jusqu'à visiter des champs de culture, se rendra sur les lieux, y vivra. Ainsi, pour le premier chapitre de L'Education Sentimentale qui a comme cadre le voyage d'un bateau à vapeur remontant la Seine de Paris à Montereau, il a suivi le fleuve en cabriolet, le trajet ne se faisant plus en bateau à vapeur depuis longtemps ! C'est fou ! Je ne dis pas qu'il était dingue, mais il avait cette passion, celle que j'ai dans les voyages et dans la marche toute simple qui m'a conduit à l'extrême, naturellement, avec fascination et plaisir. Toutefois, bien des écrivains m'ont marqué, et je laisse à mes lecteurs le soin d'apprécier certains de mes auteurs favoris qui m'ont influencé et qu'ils découvriront eux-mêmes, en me lisant. Cependant Antonin Artaud et Georges Bataille et les œuvres du CHE, pour une autre raison, surtout la lecture de son Journal de Bolivie,furent déterminants.
L'écriture de Diarrhée au Mexique est assez brute, dans le sens où la matière est tirée du vécu et si elle détonne encore et toujours c'est que la vérité je suis allé la chercher au fond de moi, dans la douleur ; récit qui choqua, qui choque encore, et qui choquerait en 2007 comme m'avait dit Éric Dussert avant la sortie du livre, lequel est à l'origine de la troisième publication, ce qui m'encouragea à continuer afin de n'être pas l'auteur d'un seul livre.
G. D. : Tu vis désormais à Paris. Le globe-trotter est-il encore un promeneur invétéré ?
B.M. : Je commencerais par te répondre par ces lignes de Platon, extraites de l'Apologie de Socrate. « Les hommes peuvent être heureux en demeurant attachés à une forme de vie immuable, que la musique et la poésie n'ont pas besoin de créations nouvelles, qu'il suffit de trouver la meilleure constitution et qu'on peut forcer les peuples à s'y tenir ».
Voyager fut toujours ma passion car je trouvais dans ce mode de vie et de vivre une belle manière de découvrir, d'apprendre, d'étudier, sans contraintes, ce que je n'avais pas fait dans mon enfance et mon adolescence. Enfant, je n'eus pas une scolarité exemplaire. Dès mon plus jeune âge, je n'étais pas un fervent de la discipline, j'étais bien plus attiré par les dormeurs à la belle étoile et les bergers. C'est à mon retour d'un long voyage que j'eus l'envie et le besoin de conforter certains acquis appris de la route, en étudiant quelque peu à l'Université. Je ne dis pas, comme Flaubert, que le seul moyen de supporter l'existence, c'est de s'étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle.
La vie de voyage s'était ancrée en moi car toujours elle fit partie de mon existence, un peu comme les gitans qui se meuvent continuellement à travers le monde depuis leur naissance. Même si, aujourd'hui, mes voyages ne me mènent plus aussi loin, très souvent ça passe par l'écriture, une manière de traverser les choses et de vivre différemment. Les yeux sont peut-être moins éblouis par la beauté du spectacle comme l'étaient ceux du voyageur incorrigible que j'étais. J'ai une façon différente de voyager dans l'écriture et je sais que je n'ai pas encore tout puiser de mon vécu et c'est devant les pages blanches que je gribouille à ma table de travail que je perpétue ce qui était ma vie d'explorateur. J'habite à Paris, entrecoupé de quelques escapades, cependant j'ai gardé cette habitude de persévérer dans cette irrépressible envie de marcher pour encore et toujours découvrir ma ville et mieux comprendre le monde qui m'entoure. Je suis un inlassable marcheur solitaire. Marcher m'est nécessaire. Le globe-trotter que j'étais est devenu un simple homme qui marche. Hier encore, mercredi 22 décembre, je suis revenu de banlieue, d'Ivry, à pied, en essayant de longer la Seine avec ses hautes cheminées d'usines chapeautées de glace, et ces péniches tranquilles, amarrées sur les berges où, quand elles coulent nonchalantes sur le fleuve lent, recouvertes d'un peu de neige comme si c'était seulement cela qu'elles transportaient tant elles flânaient, écrasant les vaguelettes de leur chargement invisible en allant jusqu'au Pont de Tolbiac, un des de mes anciens quartier. Je fus enchanté de suivre la rivière sous la neige. C'était un vrai conte de Noël. Que d'histoires j'ai revécu, que de nouvelles envies m'ont donné le désir de repartir vers l'inconnu.
Virginia Woolf, la belle rêveuse londonienne, Jean Giono, Julien Gracq, Jacques Réda, dans Marchons sous la pluie, Jacques Lacarrière, Karl Gottlob Schelle, Arthur Rimbaud, Léon-Paul Fargue, Walter Benjamin, Henri Calet, André Hardellet ont fait cela bien avant moi. Mais, c'est sans doute de Don José Merino Martin Campos, mon père, que je tiens l'incroyable invention de savoir aller par les chemins et par les routes. Il commença, jeune, très jeune, avant ses dix ans. De Malaga à Madrid, de Madrid à Barcelone, de Santander à Algesiras, il accompagnait les chevaux, à pied, marchant à leurs côtés, de jour et parfois de nuits, dans la beauté des paysages. Je ne compte pas le voyage forcé par l'exil, celui qui lui causa tant de désagréments, LA RETIRADA DE MALAGA, guerre entre hommes du même pays, d'un même village et parfois d'un même clan familial, mais il sut cheminer, armé de fusil ou sans fusil, et faire magnifiquement son très long parcours, celui dont il apprit ce qu'étaient les hommes et les femmes dans des combats féroces, dans la douleur et la défaite, dans le camps des vainqueurs et dans celui des vaincus, sur la route qui le conduisit vers les hommes libres.
G.D. : Crois-tu que la culture underground ait quelque chose encore à voir avec la pratique des blogs ? Et cette pratique est-elle une chance pour le développement de la pensée et de la création ?
B.M. : Oui, bien sûr, et elle se pratique aussi avec les blogs. C'est un mouvement parallèle, hors des circuits officiels normaux du commerce et de diffusion. On devient underground par la force. Ce sont les maffias du show-biz, de l'art subventionné qui obligent l'artiste à prendre cette tangente. En luttant contre l'establishment qui souvent met le créateur à l'écart, on doit trouver la solution pour se faire entendre ou être lu et par ce moyen il lui est possible enfin de dire ce qu'il ne pouvait pas, d'enlever le frein qui ne permet pas de s'exprimer. Les censeurs dans notre société existent, la diffusion par les blogs permet de résister contre ceux qui sont au pouvoir, contre certaines pressions qui obligent l'artiste à trouver d'autres solutions pour mieux se faire entendre et exister enfin. Le moteur de l'underground, dès ses débuts, a été l'exhibition du corps, la transgression des codes sociaux, montrer ce qui est « caché » et le faire venir à la lumière. C'est une avancée importante pour la communication et la liberté d'expression. Underground et blogs ça fonctionne de pair. Tu peux imaginer pourquoi je n'envoyais plus mes manuscrits aux éditeurs, pourquoi certains de mes « textes monstrueux » sont passés à l'oubliette, ignorés ou simplement jetés au feu de la non-prospérité.
G.D. : Préfères-tu l'ombre à la lumière ?
B.M. : Souvent je me sens dans lumière, même si je vais sur la route sans que personne ne soit au courant ni me reconnaisse. Je vais, fidèle à un certain idéal. J'essaye de faire ce dont j'ai le plus envie, c'est ma manière de marcher à la lumière.
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Bibliographie de Bienvenu Merino
Prière
(Nouvelle)
Manifeste de la Délinquance Littéraire
Cahiers Zédébis, 1975
•
Situations Normales
(Nouvelles)
(Cahier des Hirondelles), 1975
•
Fleurs et Chant d'Espoir du peuple d'Espagne
(Poème (l'agonie d'un dictateur)
Les Cahiers St Germain des Prés, 1976
Plus édition originale accompagnée d'une gravure de l'auteur
Atelier Say, 1996
•
Satisfaction
et autres nouvelles
Revue Le Gué,1976-1977-1978
•
Extrait d'un voyage dans les excréments
ou
Diarrhée au Mexique
(nouvelle)
Editions du Peuple, 1976
(épuisé)
Réédité par Les Cahiers Lolita, préface de Gérald Scozzari, 1977
•
Scènes
(nouvelle)
Livre d'artiste, 1996
•
Qui sera libre demain ?
Gravures de 10 artistes plasticiens
Portfolio
Atelier Say, 1996
Ana
Poème et champs de mots
Préface de Emilio Sanchez-Ortiz
Isabelle Venceslas, 1995
(épuisé)
•
Descendre au cercueil
(Ouvrage sur auguste Pinochet)
Dessins à l'encre de l'auteur
Préambule
Lettres des femmes prisonnières politique de la prison
de haute sécurité de Santiago de chili
Connaissance, 2000
O, voyelle
D'après une œuvre sur acier de l'auteur
Portfolio
Isabelle Venceslas, 2002
•
Traces de plantes fossilisées
Carnet des mines, Graissessac-Hérault
Avec traces et dessins de l'auteur
Ouvrage personnel, tirage limité, 2005)
•
Diarrhée au Mexique
ou
Extrait d'un voyage dans les excréments
(Nouvelle)
(Préface de Éric Dussert)
Atelier du Gué, éditeur 2006
Ensayos sobre el placer de la Felaçion
Essai sur le plaisir de la fellation
Editions espagnole et française avec photos et dessins de l'auteur
Coffret, d'Artiste, 2007
•
Lignes Noires
(Encres et dessins)
Isabelle Venceslas, janvier 2010
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Photographie Philippe Hiraga
Il m’emmenait le long des boulevards, de l'Opéra à République, et bien sûr à la Foire à la ferraille lorsqu’elle faisait son déballage le long du boulevard Richard-Lenoir.
Tout ça pour vous dire que j’ai le souvenir de quelques bateleurs, hercules et autres mangeurs de mégots allumés qui officiaient là où se trouvait le promeneur.
Je me souviens particulièrement de deux hercules. Le premier, accompagné d’un compère, crachait le feu sur le terre-plein central du Richard-Lenoir, presque à la place de la Bastille, pour attirer la galerie. Des poids, des haltères et des chaînes s’entassaient au milieu du cercle des curieux.
J’étais très impressionné par cet homme à l’air encore jeune et aux cheveux longs déjà gris. Court et trapu, il exhibait son torse tatoué, ses bras musculeux et une forte bedaine maintenue par une très large ceinture de cuir.
Il buvait à la bouteille de grandes goulées d’alcool ou d’essence, je ne sais pas très bien, qu’il recrachait en pluie sur ses torches pour faire apparaître les flammes que tout le monde guettait. Le compère commençait la manche en gueulant que le spectacle commencerait vraiment quand le chapeau serait rempli de pièces. Ensuite, il distribuait parmi l’assistance quelques barres de fer en demandant aux hommes les plus costauds d’essayer de les tordre.
Devant l’échec de tous, il les portait à l’hercule qui, les calant sous un bras, les tordait en U à l’aide de l’autre main. Après venaient les autres démonstrations de force pure pendant lesquelles il soulevait des poids de toutes formes et de toutes grosseurs.
Le spectacle se terminait toujours de la même façon. L’athlète se faisait enchaîner par son comparse qui faisait de multiples tours autour de son corps avant de boucler les derniers maillons par un gros cadenas.
Le visage de l’artiste se convulsait de grimaces étudiées, les muscles se bandaient et le corps rougissait sous l’effort. Il se démenait quelques minutes sous les encouragements des badauds et les quolibets des habitués. Puis, comme par miracle, les chaînes tombaient pour laisser apparaître la peau meurtrie, marquée par le métal comme par de nouveaux tatouages.
Je devais avoir dix ou onze ans, ce qui daterait cette scène au début des années 1960.
Si ce témoignage vous convient, je vous parlerais une autre fois du fakir du boulevard Edgar-Quinet. Gérard Lavalette, photographe
Pour mieux connaître Gérard Lavalette :
http://www.parisfaubourg.com/
http://www.pariscool.com/index.html
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