Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

camelot

  • HERCULE DE FOIRE/GERARD LAVALETTE

     

    specialite_feu.jpg
    Je dois mon héritage de badaud en grande partie à mon père. Curieux et amateur des petites scènes de la vie parisienne, il appréciait particulièrement les camelots. Il se faisait refourguer toutes sortes d’ustensiles qui entre leurs mains habiles découpaient les patates en fleurs et qui arrivés dans la cuisine se retrouvaient dans un placard, inutiles, au grand dam de ma mère.

    Il m’emmenait le long des boulevards, de l'Opéra à République, et bien sûr à la Foire à la ferraille lorsqu’elle faisait son déballage le long du boulevard Richard-Lenoir.

    Tout ça pour vous dire que j’ai le souvenir de quelques bateleurs, hercules et autres mangeurs de mégots allumés qui officiaient là où se trouvait le promeneur.

    Je me souviens particulièrement de deux hercules. Le premier, accompagné d’un compère, crachait le feu sur le terre-plein central du Richard-Lenoir, presque à la place de la Bastille, pour attirer la galerie. Des poids, des haltères et des chaînes s’entassaient au milieu du cercle des curieux.

    J’étais très impressionné par cet homme à l’air encore jeune et aux cheveux longs déjà gris. Court et trapu, il exhibait son torse tatoué, ses bras musculeux et une forte bedaine maintenue par une très large ceinture de cuir.

    Il buvait à la bouteille de grandes goulées d’alcool ou d’essence, je ne sais pas très bien, qu’il recrachait en pluie sur ses torches pour faire apparaître les flammes que tout le monde guettait. Le compère commençait la manche en gueulant que le spectacle commencerait vraiment quand le chapeau serait rempli de pièces. Ensuite, il distribuait parmi l’assistance quelques barres de fer en demandant aux hommes les plus costauds d’essayer de les tordre.

    Devant l’échec de tous, il les portait à l’hercule qui, les calant sous un bras, les tordait en U à l’aide de l’autre main. Après venaient les autres démonstrations de force pure pendant lesquelles il soulevait des poids de toutes formes et de toutes grosseurs.

    Le spectacle se terminait toujours de la même façon. L’athlète se faisait enchaîner par son comparse qui faisait de multiples tours autour de son corps avant de boucler les derniers maillons par un gros cadenas.

    Le visage de l’artiste se convulsait de grimaces étudiées, les muscles se bandaient et le corps rougissait sous l’effort. Il se démenait quelques minutes sous les encouragements des badauds et les quolibets des habitués. Puis, comme par miracle, les chaînes tombaient  pour laisser apparaître la peau meurtrie, marquée par le métal comme par de nouveaux tatouages.

    Je devais avoir dix ou onze ans, ce qui daterait cette scène au début des années 1960.

    Si ce témoignage vous convient, je vous parlerais une autre fois du fakir du boulevard Edgar-Quinet. Gérard Lavalette, photographe

    Pour mieux connaître Gérard Lavalette :

    http://www.parisfaubourg.com/

    http://www.pariscool.com/index.html

    http://www.flickr.com/photos/gerard_lavalette/sets/