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jean-claude rihard

  • MENILMONTANT

     

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    Cité du Figuirer - 104 rue Oberkampf

     

    Comme chaque année nous réunissons notre amicale sur les lieux du crime … au 55 boulevard de Belleville  (côté 11 ème arrondissement) où se situait notre patronage St Joseph-St Louis et où subsiste encore une chapelle avec des vitraux d’origine. Cette chapelle, toujours catholique, est aujourd’hui dédiée aux Sri Lankais. Pour les anciens du quartier qui ne la situent pas, c’était au coin du boulevard de Belleville et de la rue de la Fontaine au Roi, à 100 m à peine du cinéma Nox devenu Berry.

    Cette année, pour des raisons pratiques, notre assemblée avait lieu dans le village d’à côté, toujours au 55, mais boulevard de Ménilmontant.

    La messe avait lieu dans la crypte sous la chapelle. Je ne connaissais pas cette chapelle. Pourtant, je suis passé devant des dizaines de fois. Ecoliers, nous allions à pied depuis la rue Julien Lacroix,  tous les 15 jours,  au stade qui est juste à côté, face au Père Lachaise ! Une très jolie chapelle et une belle petite crypte nouvellement refaite, très sobre et bien adaptée à la prière. Nous venions de perdre, il y a trois semaines, un grand ami qui présida notre amicale des années durant. Occasion pour moi de lui dédier un poème, lui qui sa vie durant en écrivait.

    Nous n’étions que neuf. De nombreux amis s’étaient excusés … l’âge, la maladie…

    Notre déjeuner se déroula rue de la Roquette, peu après l’ancienne prison, remplacée par un très beau parc. Déjeuner asiatique d’excellente qualité, patrons chinois de Shanghai.

    Retour par la rue Saint Maur jusqu’à la rue Oberkampf. Bien entendu, il y a quelques nouveaux immeubles, en particulier tout autour de l’ancienne prison, mais, pour l’essentiel, ce quartier n’a pas beaucoup bougé. Tous les petits ateliers  mécaniques de jadis ont disparu au profit d’activités tertiaires.

     

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    Arrivé rue Oberkampf, on tombe pile sur le café « Bois-Charbon » qui depuis que Picouly n’y vient plus pour son émission de télé … s’est réduit à « Charbon ». L’intérieur est inchangé. Le public a un âge moyen inférieur à 30 ans. Je dépare un peu m’enfin ... la bière de Noël - une belle rousse - est excellente!

    Direction le métro de Ménilmontant.  J’ai mon train à la gare de Lyon dans 50 minutes ! Je remonte donc la rue Oberkampf, il y a toujours des petits jardins cachés, en particulier au 104 et, plus haut, au 154. A peine plus haut encore, on arrive à Varsovie avec le célèbre magasin polonais d’alimentation Manorek. La patronne est toujours la même. J’échange quelques mots de polonais avec elle et achète mon Kabanosy (longue et fine saucisse sèche fumée parente de nos Gendarmes) et mon pieprzoswka  (saucisson très poivré) .

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    En sortant, je passe devant l’entrée de l’ancienne piscine où nous allions avec l’école.

    Voici maintenant le grand carrefour de Ménilmontant, là où le boulevard de Belleville fait l’accolade avec celui de Ménilmontant. Là où la rue du même nom prend son élan en direction des Pyrénées ! Et voilà le 96 ! Enfin, son descendant sans plateforme, qui me fait un clin d’œil.

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    Fin de mon pélerinage annuel sur le quai du métro. Ménilmontant ! Ah Ménilmontant ! Jean-Claude Rihard

     

    Ménilmontant mais oui madame
    C'est là que j'ai laissé mon cœur
    C'est là que je viens retrouver mon âme
    Toute ma flamme
    Tout mon bonheur...
    Quand je revois ma petite église
    Où les mariages allaient gaiement
    Quand je revois ma vieille maison grise
    Où même la brise
    Parle d'antan
    Elles me racontent
    Comme autrefois
    De jolis contes
    Beaux jours passés je vous revois
    Un rendez-vous
    Une musique
    Des yeux rêveurs tout un roman
    Tout un roman d'amour poétique et pathétique
    Ménilmontant !

    Quand midi sonne
    La vie s'éveille à nouveau
    Tout résonne
    De mille échos
    La midinette fait sa dînette au bistro
    La pipelette
    Lit ses journaux
    Voici la grille verte
    Voici la porte ouverte
    Qui grince un peu pour dire "Bonjour bonjour
    Alors te v'là de retour ?"

    Ménilmontant mais oui madame
    C'est là que j'ai laissé mon cœur
    C'est là que je viens retrouver mon âme
    Toute ma flamme
    Tout mon bonheur...
    Quand je revois ma petite gare
    Où chaque train passait joyeux
    J'entends encor dans le tintamarre
    Des mots bizarres
    Des mots d'adieux
    Je suis pas poète
    Mais je suis ému,
    Et dans ma tête
    Y a des souvenirs jamais perdus
    Un soir d'hiver
    Une musique
    Des yeux très doux les tiens maman
    Quel beau roman d'amour poétique
    Et pathétique
    Ménilmontant !

    (Paroles et musique : Charles Trénet. Editée par Vianelli/Breton. Enregistrée par Charles Trénet en avril 1938, interprétée à l'ABC en juillet 1938).

     

     

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    154 rue Oberkampf

     

     

  • BELLEVILLE AVANT 1860

    Aujourd’hui, je vous invite à un petit voyage historique. Nous parlerons du Belleville ancien mais pour éviter toute ambiguïté, positionnons le terme ancien, soit avant 1860 !

    L’idée de ce billet m’est venue grâce à mon ami Michel Mazure qui a habité dans le quartier Couronnes, peu après le carrefour avec la rue Vilin.

    L’histoire de cette amitié n’est pas tout à fait ordinaire car je ne connais pas ... ou si peu Michel !

    Un jour sur le site « Les Copains », je trouve une photo d’une tête qui me dit quelque chose ! Le post joint mentionne la recherche d’Elie Sasella qui fut un copain de jeunesse. Or Elie Sasella fut aussi un copain d’enfance, disons de la petite enfance soit de 6 à 15 ans. Nous avions donc un copain commun, mais pas tout à fait de la même période. Donc, indirectement, nous devions nous connaître.

    Elie habitait en bas de la rue des Couronnes, côté gauche en montant, juste après le café La Mascotte. Ses parents tenaient une boutique qui vendait des frites, quelques légumes dont des patates à l’eau.

    J’ai dû croiser Michel Mazure à l’école primaire rue Julien-Lacroix et probablement plus tard chez Elie. Mon cheminement scolaire, puis mes études m’avaient un peu écarté de ce copain du Boulevard de Belleville, mais nous sommes restés en contact grâce à notre coiffeur commun qui était un peu plus haut dans la rue des Couronnes. Ce dernier avait nos adresses, ce qui a permis plus tard les retrouvailles. Elie est aujourd’hui en Suisse (Lausanne) quant à Michel qui est devenu un excellent ami grâce à Internet, il vit en Bretagne. Tout ce long préambule pour mettre en évidence que les attaches bellevilloises sont toujours omniprésentes !

    Revenons à notre sujet. Avant-hier Michel Mazure me fait parvenir des plans de Belleville des années 1860. Intéressant car, à cette époque, Belleville et Ménilmontant n’étaient pas intégrés à Paris, ce n’étaient que des villages aux portes de Paris.

     

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    Barrière des 3 Couronnes


    Tous les quartiers que nous avons habités n’étaient que des jardins, des vignobles et des carrières ou anciennes carrières.

    Pour les anciens du quartier « Pressoir-Couronnes », vous ne manquerez pas d’être étonné de découvrir que « notre » rue des Couronnes était en fait la rue « des Trois Couronnes ». Elle prenait naissance à la barrière des Trois Couronnes (très exactement là  où se situe le métro Couronnes actuel).

    Son cheminement était le même qu’actuellement et rejoignait ce qui est actuellement la rue Julien- Lacroix, pour sa partie qui redescend vers Ménilmontant et qui était encore la Rue des Trois Couronnes.

    Il est intéressant de noter que le tracé de la rue du Pressoir est déjà là, ce n’est qu’un chemin de campagne. De même la future rue Bisson.

    « Mon » Boulevard de Belleville n’est encore que le Boulevard des Barrières, dit aussi Boulevard extérieur. En effet, à cette époque, Paris s’arrêtait  à cet endroit et l’on pouvait y voir dressées les portes et barrières d’octroi. Idem à Belleville et à Ménilmontant !

     

     

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    En remontant la rue des  Trois Couronnes ( notre rue des Couronnes), on pouvait donc croiser le carrefour avec la future rue du Pressoir. On peut observer que ce chemin de campagne avait déjà son futur parcours avec son angle droit tout à fait significatif ! Et oui les amis du « Pressoir », vous avez habité à « L’Ecorcherie » (pas grand-chose à voir avec le Pressoir qui pourtant a existé !).

    Ce qui est aussi intéressant de noter, c’est l’ébauche de la future rue Vilin, qui  s’étendra plus tard en suivant la ligne de parcelle. Juste à cette pointe, ma famille vécut dans las années 1930 jusqu’en 1943.

                                                 

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              Le carrefour rue Vilin/rue des Couronnes au début des années 1900

                 Que de changement en une cinquantaine d’années !

     

     

     

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    La future rue des Maronites existe déjà mais c’est le Chemin de Ménilmontant et l’autre chemin qui sera plus tard le rue du Pressoir se sent déjà quelques affinités de proximité et ne se cache pas au jeu du « touche-touche » !

    La rue de Ménilmontant,  n’est encore que la route du même nom. Et quand on voit toutes ces parcelles de jardins et champs, on comprend mieux le nom de notre « Passage Deschamps ».

    Si l’on revient au secteur « montagneux » du haut de la rue des Couronnes, on constate qu’il s’agissait de l’ancienne carrière dite de Mississipi ! Mais oui, Belleville, c’était notre  Amérique à nous ! Ces carrières furent en  partie construites fin du 19ème, début du 20ème siècle. Néanmoins,  il subsistera  de  vastes zones laissées  à l’abandon. Ce seront les fameux terrains vagues, spectateurs de nos premières « cibiches », de nos premières batailles entre clans ou bandes, de nos premières cabanes, parfois de premières amourettes … bref, toute notre jeunesse.                      

                                

                     

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    Ah ! j’en vois quelques-uns sourire lorsque je fais référence au côté « montagneux » de notre quartier ! Bah oui quoi, les vignes, c’est bien connu, cela pousse beaucoup mieux sur les coteaux ! Ou du moins cela donne du meilleur vin !

    Cette « montagne » a donné  naissance au bistroquet que l’on a pu connaître au pied de l’escalier immortalisé par Willy Ronis.

     

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      Café « Bois-Charbon » de la Montagne , en haut de la rue Vilin 

     

     

    Je poursuivrais à l’occasion ce petit retour en arrière historique. Pour l’immédiat, je vous laisse méditer sur le fait que vous avez vécu  dans « L’Ecorchoir », à proximité du Mississipi ! Il fallait le faire ! Jean-Claude Rihard

    Merci Michel d’avoir réveillé ma fibre bellevilloise et ménil-montagnarde avec ces plans historiques que chacun pourra visualiser ici 

     

    http://canadp-archivesenligne.paris.fr/documents_figures/_plans_parcellaires/visu_zoomify.php?id_ark=AD075CA_000019&titre=%20Belleville,%20plan,%20Section%20C%20dite%20de%20M%E9nilmontant&cote=%20D6P2/2/2/8&collec=1&refstats=2

     

     

     

     

     

     

  • ET QUELQUES CINEMAS DE PLUS ...

    A la suite de notre billet sur le cinéma Le Phénix, Jean-Claude Rihard nous fait partager ses archives. Voici quelques cinémas de plus ... Et du souvenir qui se réveille !

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    Le Ménil Palace. Rue de Ménilmontant

     

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    Belleville-Pathé. Rue de Belleville

     

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    Théâtre de Belleville. Rue de Belleville

     

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    Folies Belleville. Rue de Belleville

     

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    Cocorico. Boulevard de Belleville

     

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    Ciné Bellevue. Boulevard de Belleville

     

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    Palais des Glaces. Rue du Faubourg-du-Temple


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  • LES JUIFS DE BELLEVILLE / SUITE

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    Synagogue de la rue Julien-Lacroix

    Crédit photo Raymond Battaglia 

     

    Ce fut un vrai plaisir de prendre connaissance de votre texte Monsieur Rihard, même s’il me confronte à nouveau à des événements que je préfèrerais n’avoir pas connus.

    Je me souviens parfaitement  de la rafle de 1942. J’avais sept ans à l’époque, et comme cela se passait en juillet, je n’étais pas à l’école. Je revois donc ces visages connus, gens de tous âges, des grands-parents jusqu’aux petits enfants, devant les portes des immeubles de la rue du Pressoir, leurs petites valises déposées sur le trottoir, l’air perdu ne sachant trop ce qui leur arrivait. Des policiers français les avaient fait quitter leurs logements et les encadraient. Ma  grand-mère, pas plus que moi, bien sûr, ne comprenions ce qui se passait et ne pouvions imaginer leur sort futur.

    Je laisse de côté la tragédie d’hier pour évoquer avec vous une communauté pittoresque à laquelle je pense toujours avec une certaine émotion. (J’avais moi aussi des petites amies d’origine polonaise). J’ai compris par la suite que dans ces années là, « le lieu magique » pour reprendre votre expression, rassemblait essentiellement des juifs d’Europe de l’est – disparus pour la plupart dans la tourmente - et remplacés, comme vous le soulignez à juste titre, par des sépharades émigrés d’Afrique du nord. Tunisiens en majorité. Aujourd’hui, le boulevard de Belleville est encore aussi animé mais différent et peut-être plus bruyant. Les odeurs de cuisine ne sont plus les mêmes, les pâtisseries frites regorgeant de miel ont remplacé les gâteaux à la cannelle et les couscous/poulet ont pris le pas sur les ragoûts au paprika ! La  «tchache » est de rigueur  et l’on trouve plus facilement sur le marché la coriandre que le persil commun ! 

    La communauté asiatique change progressivement l’esprit du quartier : les magasins de la rue de Belleville sont repris l’un après l’autre par des Chinois … ou autres émigrés d’Asie dont je ne saurais discerner l’origine. Peu à peu leur influence s’étend au Faubourg du Temple  après être grimpée jusqu’à la rue des Pyrénées et ne va pas tarder à rejoindre La Grisette. Je me suis laissé dire que les manifestations spectaculaires de la fête du Têt fatiguaient un peu la population de base… On « voyage » en arrivant à Belleville ! De nombreux Africains colorent maintenant la foule, spécialisés dans la vente à la sauvette de vieux habits ou ustensiles au rebut qui semblent pourtant trouver preneurs. Je ne suis pas sûre que ce soit tous les jours facile à accepter pour les Anciens bellevillois qui se sentent dépossédés de leurs racines. Ils sont de moins en moins nombreux, mais les jeunes « bobos », installés dans le quartier en toute connaissance de cause, participent allègrement de cette ambiance cosmopolite. 

    Voilà. Ce simple billet pour actualiser vos souvenirs. Comme vous avez pu le constater au fil de ce site, je retourne régulièrement sur mes traces… avec de plus en plus de nostalgie ! Lucile

  • LES JUIFS DE BELLEVILLE

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    La sortie des écoles rue des Maronites, vers 1908


    A plusieurs reprises, sur ce site, divers intervenants ont rappelé combien Belleville était un quartier d’immigration : italiens, polonais, arméniens ... Et aussi juifs d’Europe Centrale puis de Tunisie et plus marginalement du Maroc et d’Algérie. Une des raisons majeures de cette concentration d’immigrés est que Belleville (et son annexe Ménilmontant)  était un quartier pauvre, avec des loyers abordables.

    S’agissant des juifs d’Europe Centrale (Bessarabie, Bucovine, Ukraine, Russie, Pologne), les premières migrations eurent lieu dans les années 1920 après les premiers pogroms en Pologne. La venue à Paris était   souvent précédée par un passage à Berlin dans le ghetto de la Grenadier-strasse.

     

    En Pologne et en particulier en Galicie, l’information qui circulait alors mentionnait le besoin de  main d’œuvre en France et surtout  à Paris. Des agents recruteurs parcouraient aussi la Pologne à cet effet. C’est ainsi  qu’une population laborieuse vint, beaucoup de polonais de souche vers le Nord, pays de mines et beaucoup de juifs polonais vers  Paris  pour les travaux d’artisanat. Trois quartiers de prédilection pour accueillir ces nouveaux venus : Montmartre et  Saint-Paul pour les plus nantis ainsi que Belleville pour les plus pauvres.

    Très vite, pour faire face aux aspects religieux, le baron de Rothschild fit construire une synagogue.

    Par ailleurs ces populations avaient le besoin de se rencontrer pour échanger leurs souvenirs de Pologne, parler politique  ou plus simplement «boulot». Un premier lieu de rencontre fut, à Ménilmontant, chez  l’horloger-bijoutier Scholem. D’autres lieux de Belleville-Ménilmontant virent le jour, dans des cafés, dans des boutiques ou ateliers d’artisans.

    Un peu plus tard, la création de la « Ligue pour la culture » mis fin à ces rencontres «en boutique»  au profit de rencontres plus structurées et organisées dans un grand local dans le secteur République.

    Mais pour ceux qui étaient moins intellectuels, moins politiques, il existait un lieu « magique » où l’on se retrouvait « au pays », c’était le Boulevard de Belleville. Ce lieu de rencontre très apprécié des juifs de Belleville était encore très utilisé après la seconde guerre jusque dans les années 1960.

    Ces véritables rassemblements très paisibles s’étendaient sur le Boulevard, depuis la rue de Belleville jusqu’à la rue de Pali-Kao, mais la plus grande densité était incontestablement entre la rue Ramponneau et la rue Bisson.

    J’ai bien connu, dans les années 1950, ces rassemblements qui avaient lieu chaque dimanche matin. Nous, nous  sortions  de la messe, dans notre chapelle au 55 Boulevard de Belleville, au coin de la rue de la Fontaine- au-Roi et l’on pouvait voir le trottoir d’en face noir de monde !  C’était une curiosité et très souvent, on allait se faufiler entre les groupes. Ils «  jaspinaient » une drôle de langue qui ressemblait à l’allemand. J’appris plus tard que c’était du Yiddish, une langue vernaculaire qui permettait à tous les juifs d’Europe d’échanger entre eux quels que soient leurs pays d’origine.

    (Ayant appris à parler allemand beaucoup plus tard, vers 25 ans, je me suis aperçu que je comprenais 70% d’une discussion ou d’un film en Yiddish !)

    Les rassemblements se faisaient par affinité ou  par thèmes de discussion. Ici un groupe « chaussure » ou « tailleur » là, un groupe originaire de Bolechow ou Lwow (Galicie), là encore un groupe plus familial dispersé sur toute la région parisienne. Hé oui, à Belleville, le dimanche matin il y avait du monde qui venait des quatre coins de Paris !

    Parfois avec mon pote Alain nous n’allions pas à la messe, mais à la pêche, Canal Saint-Martin. Lui était plutôt  « poisson » donc il amenait ses gaules et son épuisette,  moi j’étais plus « écrevisses ». Nous étions  jeunes et cons et l’on s’amusait à traverser ces rassemblements avec les cannes. Tous s’écartaient pour nous laisser passer. On trouvait cela marrant ! Parfois cela râlait, mais jamais on nous a botté les fesses !

    Dans les années 1960,  les juifs d’Europe Centrale (Ashkénazes),  dont la situation s’était améliorée avec le temps, migrèrent vers des quartiers plus chics (Grands Boulevards, Sentier, Saint-Paul). Ils laissèrent ainsi la place aux juifs en provenance d’Afrique du Nord (Séfarades). Nous étions dans les années de fin de colonisation.

    Moi-même, j’ai dû quitter le quartier en 1969, date à laquelle je fus expulsé de mon immeuble pour cause de rénovation.

    Souvent ma grand-mère m’avait parlé des juifs et des grandes rafles de Juillet 1942. Ma famille, à cette époque, habitait au 2 rue Vilin et elle avait vu le quartier se vider de sa substance le 16 Juillet 42. J’avais vu par ailleurs des tas de films sur le sujet et j’étais donc parfaitement au courant de cette tragédie.

    Dans les années 1970, la vie professionnelle m’a amené à Besançon.

    Souvent,  je « montais » à Paris pour des réunions de travail au Ministère de la Santé ou dans  ses « annexes ». Il m’arrivait alors d’avoir un peu de temps libre entre une  fin de réunion et l’heure de mon train, gare de Lyon. Alors, dès que je le pouvais,  je fonçais dans mon ancien quartier, pour renifler, déambuler et même aller chez mon ancien coiffeur, « Gérard », rue des Couronnes. Il m’arrivait de retourner  aussi sur les lieux du crime et de roder autour de mes  écoles des Maronites et Julien-Lacroix.

     

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    Rue des Maronites, à l'angle de la rue du Liban. Vers 1957

    Photographie de Henri Guérard

    Un jour,  dans les années 1980, les souvenirs me hantant, je suis retourné dans cette rue, me suis arrêté sous le porche, près à détaler si quelqu’un arrivait. Comme le « piaf » sur la défensive, j’ai regardé à l’intérieur, puis j’ai monté les quelques deux ou trois marches, passé la tête et finalement suis entré dans le hall inchangé. Un moment d’émotion bousculé par un bruit de porte brutalement ouverte et une « bignole » qui m’interpelle sur un ton très sec :

    « Vous cherchez quelque chose ? »

    La brutalité de la question aurait dû me faire fuir, je n’avais vraiment rien à faire là, mais par réaction, par provocation,  j’ai dit : « Oui, la directrice, je suis un ancien élève ».

    Les heures de vol que je portais sur mon visage ont dû suggérer à Mme la Concierge, d’appeler la directrice.

    jean-claude rihard,rue de pali-kao,robert gostanian,rue des maronites,rue julien-lacroix,rue bisson,rue ramponneau,rue ramponeau,boulevard de belleville,rue de la fontaine-au-roiCette dernière,  surprise et ravie de voir quelqu’un qui avait fréquenté cet établissement, pardon, « son »  établissement, il y a si longtemps, me proposa alors de consulter les archives. Il parait que depuis 2009 ce n’est plus possible car ces archives ne sont plus stockées dans les écoles !

    Et c’est ainsi que un quart d’heure plus tard, j’étais assis avec elle derrière un gros bouquin relié d’une 40cm de long sur 20cm de large, style registre de Mairie, comportant « N » années de scolarités.

    Dès 1948, je retrouve ma trace. Une grosse émotion en voyant des noms  de copains et de copines que j’avais oubliés. Mais surtout, un grand coup de « blues » en retrouvant  des noms de copains  juifs  (à consonance « germanique »). Pour beaucoup d’entre eux, dans les colonnes père et mère figurait la mention « mort en déportation ».

    Tous ces petits copains dont on ignorait qu’ils avaient perdu un, voire deux parents, qui vivaient probablement chez une tante ou autre ... Pourquoi ce grand secret ?

    De cette curiosité que j’avais eue, je découvrais que, durant  toutes mes années de jeunesse, j’avais en fait été  dans une ignorance  quasi complète.  Bien sûr, à la maison, ma grand-mère, ma tante, mon oncle avaient évoqués cette  grande rafle de 1942. Mais pour moi, c’était un peu une part d’histoire ancienne, d’une époque qui n’était pas la mienne. Comme la guerre de 100 ans et Jeanne d’Arc !

    Pas un instant, je n’avais imaginé que des petits copains d’école, là, avec moi, avaient perdu des parents.

    Je suis ressorti de cette maternelle complètement sonné, les larmes aux yeux. Aujourd’hui encore je repense souvent à cette scène, bien plus troublante que tous les films que j’ai pu voir sur le sujet car j’avais été touché personnellement.

     

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    Plaque commémorative  ☛ Ecole des garçons, rue Julien-Lacroix 


    Tout comme Robert  Gostanian, dans son billet, qui nous mentionnait les plaques à la mémoire des enfants juifs de Belleville déportés :  peut-on rester insensible à une telle tragédie ?

    Jean-Claude Rihard

     

     

     

  • LAVER SON LINGE SALE EN FAMILLE

     

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    Une fois n’est pas coutume, je vais vous proposer, à vous, anciens « Bellevillois-Ménilmontagnards », de laver notre linge sale en famille. Laver son linge est depuis la nuit des temps quelque chose de convivial,  un temps de rencontre où l’on tue la corvée à grands coups de papotages et de petites histoires. Parce que, bien sûr, laver le linge n’est pas une partie de plaisir et c’était jadis un travail de force à grands coups de brosse et de battoir.

    Nos anciens avaient bien plus de philosophie que nous et transformaient un tâche ingrate en partie de plaisir. Les lavandières, qu’elles soient du Portugal ou d’ailleurs, l’ont bien exprimé à leur manière et … en chansons.

    A la ville, les choses étaient un peu différentes, mais cependant gardaient cet esprit convivial. Je propose aux anciens de la rue des Couronnes et de la rue du Pressoir un petit détour au lavoir de la rue des Couronnes.  Ce qui suit est un extrait de mes mémoires : Une jeunesse bien ordinaire à Belleville , chapitre 3  « Oh ... pays »,  sous-chapitre « Ou au lavoir ». Il fait suite à un petit développement chez le coiffeur avec ses larges conférences  « au sommet ».

    On y va ?


     

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    «  … Si j’utilise l’expression « conférence au sommet », c’est pour bien faire prendre conscience qu’il ne s’agissait pas de discussions à deux ou trois, mais plutôt à huit ou dix. Il est même arrivé que tout le lavoir s’enflamme sur des thèmes d’actualité ! Attention, il ne s’agissait pas du lavoir de campagne, qui reçoit une poignée de ménagères, non là on est à Paris, dans une quasi usine !

    En ce temps-là, bien sûr, les machines à laver étaient inexistantes dans les foyers bellevillois ( tout comme les réfrigérateurs). Non que les produits n’existaient pas, mais hors de portée financière des budgets familiaux dans les quartiers populaires !

    Une partie de la lessive était souvent faite à la maison, avec une grosse marmite à bouillir. Cependant, ceci n’était pas toujours facile, et puis comment faire face à la quantité ?

    Alors, régulièrement, ma grand-mère (Mamy) allait au lavoir de la rue des Couronnes.

    Celui-ci se trouvait sur le trottoir de droite en montant, bien après la rue du Pressoir, après le maroquinier FERTZ et avant la boulangerie AMY (on me pardonnera l’orthographe de ces noms). Un point assez central dans le quartier. Je n’ai jamais connu le statut exact de ce lieu, privé, municipal… ? Par contre, je puis dire qu’il était pleinement utilisé !

    Comme Mamy n’était pas des plus causantes, le lavoir c’était bien pour laver et rien d’autre !  Revue de détail… 

    Ah ! le lavoir… un roman à lui tout seul !  On aurait pu se croire à l’époque de Zola, et pour qui a vu le film « Gervaise » avec Maria Schell et François Périer, il n’y avait aucune différence malgré le petit siècle de distance.

    C’était un local immense, avec au rez-de-chaussée la partie lavage et à l’étage le séchage.

    Le rez-de-chaussée avait une hauteur de plafond très importante, peut être 5 à 7m. On entrait par un grand porche, et tout de suite à gauche se tenait la caisse où l’on achetait le prix des  différentes prestations   :

     

          - Place de lavage main (utilisation d’un emplacement avec  plusieurs bacs, battoirs…)

    - Linge à bouillir. On recevait ainsi une grosse épingle de nourrice numéroté et destinée à marquer le paquet de linge qui sera mis à bouillir (dans une toile de jute ou filet grossier)

    - Produits lessiviels (savon, eau de javel…)

    - Essorage. Là encore on recevait un numéro en métal destiné à être attaché au paquet de linge à essorer

    - Séchage (droit d’usage d’une place en étage pour étaler son linge à sécher).

     

    Après la caisse on entrait dans le ventre du monstre enfumé !

    A droite, dans la hauteur, à la verticale, et presque jusqu’au plafond (5m à 6m environ) la machine à bouillir. Une immense « marmite » tournant dans le sens des aiguilles d’une montre pendant près d’une heure avec de l’eau bouillante à l’intérieur. A chaque mise en route, elle était chargée jusqu’à la gueule de tous les baluchons de dizaines de ménagères … et en route pour la « bouillissoire » communautaire !

    Ces baluchons étaient tous constitués d’une grosse toile maillée carrée, contenant le linge à bouillir. Les quatre coins étaient noués solidement pour ne pas s’ouvrir pendant l’opération « bouilloir ». Ils étaient identifiés par la fameuse grosse « épingle de nourrice » numérotée, afin que chacun puisse retrouver son bien. On rend à César le linge de César !

    A gauche, à l’horizontale, l’essoreuse. Chargée à bloc de ballots de linge lavé … et en route pour un grand tour de manège communautaire !

    Marmite et essoreuse étaient entraînées mécaniquement par des moteurs assez éloignés et un ensemble de poulies qui tournaient à grande vitesse et entraînaient des courroies. Il fallait garder ses distances car c’était assez dangereux. Il était déjà arrivé qu’une femme soit happée par les cheveux. Un beau carnage… et le linge à relaver !

    Bien entendu, on ne passait pas impunément du « bouilloir » à l’essoreuse, il fallait tout de même user d’un peu d’huile de coude pour laver le linge entre ces deux opérations majeures.

    La plus grande partie du local était donc  constituée de multiples emplacements de plans de bois inclinés disposés tête-bêche. Ainsi chaque ménagère avait ses compagnes de droite et gauche avec son vis-à-vis à proximité. Soit une potentialité d’échanges de six personnes !

    La Suzanne Rihard, ma grand-mère, n’était pas de caractère à raconter sa vie, encore moins celle de ses voisins. Les potins, les ragots ce n’était pas son pain quotidien, elle avait assez à faire avec ses propres problèmes, son dévouement à sa famille étant total, chaque minute comptait. Et elle s’activait donc à s’acquitter de sa tâche dans les meilleurs délais, d’autres tâches l’attendant à la maison.

     Entre ces plans inclinés de bois, plusieurs bacs en bois de différentes dimensions, chacun pour un usage spécifique. A chacune son organisation : un bac avec de l’eau savonneuse, un autre avec de l’eau javellisée, un bac pour le premier rinçage et un autre pour le second… Sans oublier pour le blanc, le bleu !

    Je m’explique, comme nous étions en ville, pas de possibilité de faire sécher le linge au soleil et donc de la blanchir. Pour donner de l’éclat après la javellisation, l’astuce consistait à faire tremper le linge dans un bac d’eau contenant une solution de bleu de méthylène

    Alors, le  voici le méthylène ... magique !  Tel le prestidigitateur, la grand-mère mettait  dans un petit chiffon noué par un élastique ses deux ou trois pincées de cette poudre bleue que l’on pouvait acheter chez le marchand de couleurs (ou droguiste). Ceux qui se souviennent de la rue des Couronnes se rappelleront volontiers l’existence de deux marchands de couleurs à 30 mètres d’intervalle dans le bas de la rue des Couronnes !

    Le tout était mis dans un bac d’eau claire ou le linge blanc serait mis à tremper. Résultat, un linge blanc avec  une très légère nuance bleutée, renforçant ainsi l’aspect de propreté. Plus banc que blanc, cela vous dit quelque chose ?

    Le processus « lavoir »  était immuable. Dès l’arrivée, munie de ses jetons et autres numéros métalliques, ma grand-mère s’empressait de porter son paquet de linge à bouillir. Elle a toujours été très organisée pour économiser autant son temps que son peu d’argent. Donc, dès le départ du 52 boulevard de Belleville, elle avait déjà préparé ses paquets de linge sale et pouvait donc mettre à bouillir de suite, puisque le tri avait déjà été fait.

    D’autres passaient un bon moment à faire le tri sur place. Lorsque c’était fini, la « marmite » tournait déjà et il leur fallait attendre le tour suivant ! Mais peut-être, était-ce là une bonne occasion d’être un peu plus longtemps avec les copines à échanger des nouvelles !

    Pendant que le linge était à bouillir, la grand-mère  était « au charbon » sur le linge qui ne nécessitait pas l’ébullition à 100°C ! Et que j’ te savonne, et que j’ te frappe à coups de battoir, et que j’ te rinçe et rebelote.

    Tout ce travail au milieu d’un bruit infernal, des voix qui s’élevaient pour se faire entendre, l’humidité ambiante, les odeurs plutôt désagréables, sans oublier les autres participants moins bruyants mais assez nombreux qu’étaient les rats installés comme chez eux, gros quasiment comme des chats, à l’affût d’une saleté à ronger et qui bougeaient à peine, même lorsqu’un battoir envoyé avec force leur passait au raz du museau. Z’avez d’jà vu un vrai rat d’égout ? Presque aussi gros qu’un chat !

    Quant tout était terminé, tout ce joli linge passait au trempage final et alors, on pouvait aller chercher celui qui sortait de la « marmite ». Et c’était reparti ! Savon de Marseille, battoir, rinçage … Arrivait l’étape du rinçage final où certains vêtements subissaient le « javellisé »  ou le méthylène. Le rinçage terminé il fallait alors préparer un ou plusieurs balluchon selon le type de linge et porter tout cela à l’essorage. Tout était enfourné dans cette immense machine (environ 3 à 4m de diamètre) positionnée cette fois à l’horizontale contrairement à la « marmite ». Cette opération durait environ 10 mn à l’issue desquelles chacun pouvait ramener son linge à la maison ou le cas échéant le mettre à sécher à l’étage du dessus.

    Cette dernière option était toujours celle retenue par ma grand-mère car nous avions si peu de place à la maison ( 30 mètres carré ) que l’on ne pouvait imaginer y faire sécher du linge pour 6 personnes !

    Au-delà de ces contraintes « spatiales », cette option recevait très largement mon assentiment … et celle de ma copine Yolande. En effet, le coin séchage était un terrain de jeu fabuleux pour nous enfants ! Agréable et intéressant. D’abord, on ne pataugeait plus dans l’eau de lessive, on était au sec, pas de rats, et surtout nous bénéficions d’un immense terrain de cache-cache. Un vrai labyrinthe !

    Ce local à séchage était situé au-dessus du lavoir, occupait toute la surface de ce dernier et n’en était séparé que par un plancher. C’était en quelque sorte les combles, couvertes par un toit, mais ouvertes à tous vents. On y accédait par un escalier de bois quelque peu vermoulu compte tenu de l’immense humidité régnant au rez-de-chaussée.

    Toute cette partie « comble »  était compartimentée non par des parois, mais par des cloisons en grillage, lesquelles pouvaient être fermées avec un cadenas personnel, ceci pour ne pas se faire « faucher » le linge par quelqu’un d’autre. Et propre qui plus est !

    Il y avait là, peut-être, une soixantaine de ces compartiments, certains accessibles, car encore libre, d’autres pas car déjà occupés. Chaque local était équipé de fils métalliques tirés dans toute la longueur et permettant d’étendre le linge. La location était pour un jour ou deux. Pendant que les mamans installaient ce linge nous en profitions pour effectuer de mémorables parties de cache-cache en cavalant à travers les emplacements libres et ceux dans lesquels les mamans étaient à l’œuvre ! Imaginez les scènes au milieu des draps… Certes, en regardant par le dessous on pouvait distinguer les jambes du copain ou de la  copine cachés un peu plus loin, mais en pratique ce n’était pas si simple car la quantité de linge qui pendouillait, cassait la perspective et ce que l’on pensait tout proche était plus lointain et réciproquement. Entre temps, le comparse avait de nouveau changé de place !

    Le tout au milieu d’une étendue de linge tout propre. J’en ai gardé un souvenir olfactif quasiment intact.

    Quant enfin le linge était sec, on venait le récupérer, le plier, le remettre dans le baluchon en grossière toile de jute et c’était le retour à la maison pour le repassage. L’épopée lavoir avait lieu deux fois par mois et entre les deux, les petites pièces étaient traitées à la maison, et bouillies dans une marmite dédiée à cela. Bien sûr, Javel et bleu de méthylène restaient de mise ! Jean-Claude Rihard

     

     

     

  • VENDEUR DE PEIGNES

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    Complétant le billet de Jean-Claude Rihard sur les marchés de Belleville, Robert Gostanian nous adresse, venant de sa malle à trésors, cette autorisation d'exercer le commerce de vendeur de peignes datant de 1949. Témoignage d'un temps où les marchés regorgeaient de spécialités et où les petits métiers s'épanouissaient sur le pavé.

    Je ne saurais trop, à ce sujet, recommander la lecture des ouvrages de Gérard Boutet et particulièrement les trois volumes qu'il consacra, en 1987, aux Petits métiers oubliés.

    Qui conserve le souvenir des faiseurs de liens, du grâleur de marrons, du barbier-perruquier, du tailleur de limes, du bourrelier-matelassier ? Le Père Noël ne serait-il pas l'une des dernières figures du savoir-faire d'antan ?

     

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  • LES MARCHES A BELLEVILLE

     

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    Les commerces étaient nombreux à Belleville, quartier populaire oblige. En ces temps là on ne parlait pas de commerces de proximité, c’était implicite. Les grandes surfaces étaient quasi inexistantes, les premiers Monoprix sont apparus dans les années 1950, l’un dans le bas de la rue Ménilmontant, l’autre rue du Faubourg-du-Temple un peu avant l’avenue Parmentier.

    Au-delà de ces commerces, il y avait l’incontournable marché ! Celui-ci plantait ses « tentes » deux fois par semaine, à savoir le mardi et le vendredi matin. Ce marché durait jusque vers 13h. Vers 14h, tous les marchands devaient avoir déguerpi pour cause de nettoyage.

    Ce marché  était installé sur le trottoir central du boulevard qui était habituellement, pour nous les gosses, notre aire de jeux ; c’étaient donc deux jours « d’abstinence » ou plutôt  de modification de nos plans ! (mais il y avait quelques autres agréments qui compensaient).

    marché.jpgDe fait, ce trottoir central était très large puisqu’il supportait deux rangs de commerces, auxquels s’ajoutaient le passage central pour la clientèle et les passages plus étroits derrière les stands. Dans sa longueur il représentait quasiment l’équivalent de presque  deux stations 1/2 de métro. Il commençait un peu avant le métro Ménilmontant jusqu’à un peu après celui de Belleville en passant par Couronnes.

    Inutile de dire que c’était donc un  excellent et immense  terrain de jeu pour le vélo, le patin à roulettes et autres  traîneaux. Il offrait une grande sécurité pour les enfants, et sa longueur était telle, qu’il mettait ces derniers à l’abri de la « surveillance » visuelle des parents !

    Les jours de marché nous étions donc privés de notre aire de jeux et  il fallait se résoudre à rester devant nos immeubles, sous l’œil des parents. La marge de manœuvre était alors plus réduite pour nos bêtises ! 

    Cet inconvénient avait tout de même quelques compensations. D’abord le marché proprement dit. Car c’était un plaisir de longer tous ces commerces pour trouver le meilleur produit au meilleur prix. Mais surtout, la veille, il y avait les préparatifs à l’installation des stands.
    Un camion de la ville de Paris arrivait avec les poteaux métalliques qui s’enfichaient  dans le sol, puis les barres métalliques transversales et enfin les bâches goudronnées qui servaient de toit et qui étaient alors déroulées.

    Les employés qui installaient cela  étaient tous de grands gaillards, ils avaient de drôles de tenues, avec de grand tablier de protection et surtout des sortes de galoches de bois en semelles compensées hautes de 8 à 10 cm. Ceci leur permettait de pouvoir être à hauteur pour dérouler les bâches.

    Tout ceci était monté en un rien de temps par des équipes de six à huit hommes. En deux heures, la distance Couronnes jusqu’à Ménilmontant  (une station de métro) était couverte. Idem dans l’autre direction jusqu’au métro Belleville ! Dès que le travail était terminé le terrain de jeu nous revenait dans une nouvelle configuration très  appréciée pour les slaloms entre poteaux  et les exercices  de gym (ou autres jeux) aux barres transversales ! En quelque sorte, de nouveaux jeux que nous ne pouvions pratiquer les autres jours. Et nous n’avions qu’une demi-journée pour en profiter, donc pas question de perdre de temps !

    Les jours de marché c’était la fête au village...

    Très tôt le matin, les commerçants déballaient  et s’installaient. Point de barnum à monter, la municipalité avec ses grands gaillards avait fait le nécessaire.

    Il n’y avait pas de conflit, chacun avait sa place depuis longue date. Les absences étaient rares, sauf en période de congés, et c’était le seul moment ou l’on pouvait voir un « étranger » installé à la place de nos commerçants habituels.

    A peine les marchandises déballées (à huit heures tout était quasiment prêt), les ménagères avisées étaient déjà sur place et commençaient leurs allées et venues. L’avenir dit-on appartient à ceux (et surtout celles) qui se lèvent tôt ! Ma grand-mère était de cette race-là.

    Certes, comme la plupart des autres femmes,  elle avait quelques commerçants privilégiés. Malgré tout, elle traversait la moitié du marché de deux à trois fois pour trouver la bonne opportunité. En ce temps, l’expression « meilleur  rapport qualité-prix » n’existait pas encore, mais c’était du « kif ». (On peut changer les mots, les choses restent les mêmes, un non-voyant restera hélas toujours un aveugle).

    poule-gauloise-248533.jpgLa  grand-mère se livrait donc à sa tournée comparative. Quel prix ? Quelle fraîcheur ? Et puis aussi la tête du commerçant : est-il avenant, souriant, pas trop « tchatche » ? Voilà un premier tour où l’on a fait sa première sélection, le second tour pour obtenir la « short-list », et enfin le troisième tour pour les achats.

    Mamy ne marchandait jamais, ce n’était pas dans la « culture » de notre famille. Par contre elle avait le commentaire acide et affûté si le commerçant ne rajoutait pas un petit plus dans la balance ou si encore le compte se terminait par quelques centimes et le commerçant ne semblait pas convaincu d’un petit geste « à l’arrondi inférieur ». Le ton était tel que neuf fois sur dix elle gagnait au « jackpot ».

    Etre tôt sur le marché, c’était avoir la capacité de faire les deux ou trois passages sans être gênée par la populace ! Donc de gagner du temps, si précieux. C’était  avoir le choix des produits les plus frais … en particulier pour le poisson !

    Mais il arrivait fréquemment à notre Mamy de refaire une quatrième « mi-temps » sur la fin de matinée, à un moment où les commerçants sont plus portés à liquider quelques fruits et légumes. La fin de matinée arrivée, elle avait des kilomètres dans les pattes notre grand-mère !

    Le mardi et le vendredi étaient chez nous,  jours de poisson, précisément en raison du marché et de la fraîcheur des produits. Mon père qui était de passage à Paris le mardi bénéficiait de ce privilège (encore que, exerçant sa profession de marchand forain à Cherbourg, il ne devait pas en être privé là-bas). Nous avions toujours droit ce jour là, à une entrée de fruits de mer (moules crues ou cuites ou crevettes grises) et à un plat de poisson. Ce « luxe »  pourrait surprendre aujourd’hui, mais il faut savoir que ce genre de produit dans les années 1950 était extrêmement bon marché, infiniment moins cher qu’un morceau de viande ordinaire (hormis le cheval lui aussi bon marché).

    Tous ces achats se faisaient dans la bonne humeur et vers dix heures du matin, il régnait une telle foule qu’il devenait très difficile de circuler au milieu de toutes ces senteurs et de cette multitude de couleurs. Il fallait jouer des coudes. Certes ce n’était pas le marché de Provence, mais il y avait une certaine  parenté !

    A 10H00, ma grand-mère avait fait ses petites affaires, elle rentrait, terminait son ménage et attaquait la préparation du repas. Je la revois, grattant les moules, les ouvrant, vidant le poisson ...

    Régal des enfants sur le marché, parfois nous avions droit au chevrier qui descendait du haut de Belleville (anciennes fortifications, j’y reviendrais un peu plus tard au chapitre des petits métiers. Toutes les bonnes choses ayant une fin (les mauvaises aussi !), venait le moment où nos commerçants remballaient.

    glaneurs 2.jpgLe marché se vidait alors très rapidement. Une autre population allait prendre place et profiter des restes. Les animaux, chiens, chats, moineaux, pigeons mais aussi ...  gens ultra-pauvres ! Et oui, on a un peu oublié cela.

    Aujourd’hui  (années 2000) on nous parle de la pauvreté comme quelque chose de nouveau, une bizarrerie du progrès ! Dans les années 1950, les très pauvres venaient donc, après le marché, ramasser les têtes de poissons (pour faire une soupe), les fruits et légumes avariés. Et certains ne vivaient pas sous les tentes avec sacs de couchages, canal Saint-Martin, avec médias et associations pour  leur distribuer soupes, vêtements et  autres réconforts. Non, ceux-là étaient tout simplement ignorés, et vivait dans des cartons d’emballage, sur les terrains vagues de la rue des Couronnes, du passage Ronce ou sur les fortifs du Haut Belleville ! Autres temps, autre société.

     

    EXTRAIT D'UNE JEUNESSE BIEN ORDINAIRE A BELLEVILLE PAR JEAN-CLAUDE RIHARD

     

     

     

     

     

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  • COURS ET ARRIERE-COURS /RUE VILIN

    1960-Cours et arrières cours- Albert Rihard.jpg

    Nous remercions Jean-Claude Rihard pour l'envoi de ce document.

     

  • PARFOIS, JEAN-CLAUDE RIHARD SE SENT COMME UN VIEUX CHIEN

     

    2 Rue Vilin- Identifié et crédité.jpg

     

    Habitant en province depuis maintenant quarante-et-un ans, je n'ai pas oublié le quartier de mes vingt-cinq premières années. A chaque fois que j'ai l'occasion de monter à Paris, je ne puis m'empêcher d'aller faire mon tour dans ces lieux si riches en souvenir : rue des Couronnes, rue Vilin, rue des Maronites, rue du Pressoir, boulevard de Belleville, rue de Ménilmontant. Je me sens comme un vieux chien qui rechercherait ses anciennes pissettes pour y refaire quelques gouttes !
    Le propos est trivial, j'en conviens ... et pourtant ... n'est-ce pas un peu la vérité ? Jean-Claude Rihard

    Palikao et Synagogue-Crédit Battaglia Raymond.jpg


     

  • ENTRETIEN AVEC JEAN-CLAUDE RIHARD

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    Carrefour rue des Couronnes - rue du Pressoir

    Photo Raymond Battaglia, début des années 1960

     

    Jean-Claude Rihard fait désormais partie de la belle équipe des animateurs du blog de la Rue du Pressoir. Cet ancien du quartier répond à quelques questions - quelque chose me dit qu'il y en aura d'autres.


    Où as-tu vu le jour ?

    Si la réponse est stricto sensu, ma réponse est : dans la dixième arrondissement, à la Clinique. Mais huit jours après, j'étais au 52 boulevard de Belleville ! Mon père était Bellevillois, ma grand-mère paternelle aussi, mon arrière grand-père paternel aussi. Il faut remonter à la génération d'avant pour retrouver...  la Bretagne non bretonnante,  premières marches de Bretagne.

    Ma mère était Bellevilloise, ma grand-mère maternelle aussi (métro Belleville, côté 11ème). L'arrière grand-père maternel venait du Nord.

    Que faisaient tes parents ?

    Mon père était ajusteur-tourneur et après-guerre, il a monté un commerce en Normandie (cette démarche était une conséquence directe de la guerre et de la pénurie alimentaire , nous participions au trafic de fausses cartes de pain  ... imprimées dans l'impasse du Pressoir ! ).

    Ma mère était danseuse, mais je ne l'ai pas beaucoup connu. Elle a quitté le domicile conjugal quand j'avais  deux ans. J'ai donc été élevé par ma grand-mère paternelle.

    Dans quelles écoles fus-tu scolarisé ?

    La Maternelle était celle de la rue des Maronites, le Primaire, c’était rue Julien Lacroix, à côté du passage Ronce, en face d'où était né Momo (Chevallier). Ce dernier venait nous rendre visite chaque année jusqu'à 1958 environ. Il faisait tourner un petit film à chaque fois avec les gosses. Puis un jour... il n'est plus venu, il a oublié son quartier !

    Plus tard, n'ayant pas eu les meilleures notes au concours pour entrer en sixième, le CCG (Cours Complémentaire Général) m'a échappé et j'ai dû me contenter de celui situé rue Pelleport. Je n'ai pas perdu au change, je prenais le bus à plateforme tous les jours. Un bon sport pour le prendre et descendre en marche! 

    Que t'as appris Belleville-Ménilmontant ?

    Question trop vaste, je pourrais en écrire de très nombreuses pages ! J'y ai tout appris, du bon et du moins bon. J'y ai appris ... le travail, les différents métiers dits "de Paris", les amourettes, les copains, l'entraide, mais aussi à chaparder, à fumer… d'abord de la liane (terrains vagues obligent), puis des P4, avant d'avoir les moyens d'acheter le premier paquet de Gauloises. En bref, j'y ai appris tout simplement ... la vie !

    As-tu fréquenté le rue du Pressoir et qu'y faisais-tu ?

    La rue du Pressoir, c'était une annexe ! J'y avais de nombreux copains d'école,  y compris dans le passage Deschamps. De mémoire, JP Cardon dont les parents étaient concierges, les frères Tonneau, Aubri, Nathan (dont les parents étaient tailleurs dans le passage Deschamps), Ponnelle (également passages Deschamps) et quelques autres.

    Quelles images conserves-tu du quartier dans les années 1960 ?

    Ces années ont été pour moi comme un fin d'époque et ceci à tout point de vue.

    Changements des populations tout d'abord. Alors que dans mon enfance il y avait un relatif équilibre entre les différentes ethnies, tout cela a basculé. Je ne m'étendrais pas sur ce point car de nos jours on ne peut même plus parler de choses factuelles sans être taxé a minima de xénophobie. Mais c'est un fait, il y a eu un exode massif des Bellevillois de souche, remplacés par d'autres populations.

    Ces changements de population ont entraîné un changement des moeurs et de toute la sociologie. L'esprit village en a pris un sérieux coup, même si cela perdure ici où là dans des secteurs épargnés. On a changé le biotope.

    Changement architecturaux. Certes, l'eau sur la palier a disparu, de même les WC à l'étage pour cinq à six familles. La salle de bain est arrivée. Ces conforts étaient devenus indispensables. Mais en parallèle, les voisins sont devenus des "étrangers", les relations humaines se sont dépersonnalisées. Les cages à lapin, c'est aussi une autre forme de promiscuité.

    L'image essentielle qui m'a marqué, c'est la destruction de mon quartier. La venue des bulls, ces tours métalliques mobiles et obliques au bout desquelles pendaient les boules d'acier qui étaient balancées dans les murs. Je pense que j'aurais eu moins de chagrin de savoir qu'une bombe était tombée là.

    Je me suis toujours posé la question, mais pourquoi n'a-t-on pas essayé de conserver une partie de ces quartiers en les restaurant. Tous ces jardins cachés, ces cours er arrière-cours, ces passages qui nous menaient de rues en rues et qui avaient un charme désuet. Ce quartier était un véritable capital.

    Quels étaient tes loisirs en ces temps anciens, néanmoins pérecquiens ?

    Pérécquiens... entre-autres, anciens pas tant que cela. Encore que la vie, ces dernières années, s'est déroulée à vitesse Grand V.

    Là, encore, la question est vaste. Elle remplit plusieurs chapitres de mes mémoires en cours d'écriture.

    Vaste car, bien sûr, les loisirs sont associés à l'âge. Rappelons qu'à cette époque la TV n'avait pas encore trop entamé nos modes de vie.

    Dans la période de stricte enfance, ce fut tous les jeux de notre âge, billes, patins à roulettes, compétition de traîneau, jeux de cordes et autres avec les filles.

    J'avais l'immense privilège d'avoir en face de chez moi le terre-plein qui recevait le marché. A l'époque, le mardi matin et le vendredi matin (si ma mémoire est bonne! Ce terre-plein était une superbe aire de jeu y compris les veilles de marché où les employés municipaux, je suppose, venaient installer les poteaux métalliques et les toits de toiles du marché. Amusants ces hommes chaussés de chaussures en bois à hauts talons pour leur donner la bonne hauteur!

    Le travail terminé, c'était pour nous le temps du slalom en patins, en traîneaux, à vélo (pour les plus aisés!).

    Un peu plus grand, notre périmètre s'étendait vers les terrains vagues. Nous étions comblés. Un petit en haut du passage Ronce qui donnait sur la rue des Couronnes. L'autre étant une grande partie de l'espace occupé par l'actuel Parc de Belleville ainsi que par les immeubles construits sur le plateau, vers les Envierges.

    Nous y avons construit des baraques avec les matériaux qui traînaient là (briques, planches...). Nous y avons fumé les premières "lianes" puis nos premières P4, dites cigarettes de chômeurs.

    Plus grand encore ce fut le cinéma, dieu qu'il y en avait entre Belleville et Ménilmontant. On était loin de la dernière séance chantée par notre compatriote Claude alias Eddy. Je me prends à penser au nombre impressionnant d'artistes que ce quartier a engendré !

    Pourquoi t'intéresses-tu à Georges Perec et à Clément Lépidis ? 

    Je ne connaissais pas pas Georges Perec, jusqu'à ce qu'un jour (émission de télé ), je découvre son existence et apprenne qu'il avait vécu à Belleville et pour être plus précis rue Vilin. Or, ma famille a habité au 2 rue Vilin durant une bonne dizaine d'années. J'ai su que Georges Pérec était juif, ma grand-mère m'avait beaucoup parlé du quartier, des juifs de l'époque, des rafles de l'été 42...

    Juif ou pas, il était du quartier, je me trouvais donc une parenté.

    Pour être honnête, Georges Pérec n'est pas mon auteur préféré... à chacun ses goûts. Mais c'est quelqu'un de "la famille", alors je lui ai trouvé  beaucoup de qualités. Peut-être un peu trop éclectique, mais quel bonheur son art lipogrammatique et ses palindromes ... un régal !

    J'ai un peu sublimé "W",  tout simplement parce qu'il s'agissait de souvenirs d'enfances et que la rue Vilin y était évoquée. Ah ! cette rue Vilin et son escalier. Combien parmi nous ont usé leurs culottes courtes sur le muret pentu qui se situait sous cet escalier et que l'ami Willy a immortalisé par sa célèbre photo. Cette photo, je l'ai trouvé en poster, je l'ai faite encadrée et elle trône dans la chambre de mon papa âgé de 90 ans et qui est maintenant en maison de retraite, à 100 m de chez moi. Il vit en concubinage notoire avec une garce .... Héloïse, traduisez Aloïs...    alias Alzeihmer. Il a tout oublié ou presque mais aux mots rue Vilin, ses yeux s'illuminent... Mais je m'égare, revenons dans le sujet !

    Quant à Clément, j'aurais étrangement presque rien à dire. Je me sens lui lorsque je lis ses livres. Son style près proche du peuple me va comme un gant. Je l'ai vu une fois il y a très longtemps vers la rue des Envierges, nous avons échangé quelques mots, mais je ne voulais pas trop le déranger ce fut donc a minima. J'ai dévoré tous ses livres sur Belleville. Ils trônent tous sur ma bibliothèque de plus d'un millier de livres. Je me suis payé le luxe d'orner l'intérieur de ses livres d'une palanquée de photos de Doisneau et de Ronis. Dommage Kléanthis est parti ... pas de dédicaces ! Une perte pour notre quartier.

    Qu'est-ce qui te motive (dangereusement ?) à péleriner aujourd'hui dans ce quartier métamorphosé ?

    La vie n'est pas un long fleuve tranquille, ne dit-on pas? Et puis, il faut vivre dangereusement. Il y a probablement un côté pathos dans ma démarche.

    Un jour que j'échangeais avec Josette (de la rue du Pressoir), elle me faisait part de sa nostalgie, un peu dans le syle "c'était mieux avant".

    Oui bien sûr, je l'ai évoqué plus haut, il y avait des tas de choses plus sympas, plus conviviales… Mais on sait tous que cela ne pouvait durer, car ainsi va la vie et rien n'est immuable, même les avantages acquis ! Je suis bien conscient de tout cela, bien conscient aussi, que, ce faisant, je suis à la recherche de quelque chose de perdu définitivement ... ma jeunesse.

    Mais cependant, ce n'est pas que de la nostalgie, pourquoi j'y retouve des odeurs? Pourquoi ce mélange de haine (ils ont tout cassé !)  et d'amour ? Pourquoi je me dis toujours : "Cette fois, c'est la dernière" ?Et pourquoi dès que je suis à Paris j'essaie de trouver un moment pour aller traîner mes guêtres ? Alors pathos ou pas? Serait-ce du vice ?

    Guy, t'es pas sympa, à cause de ta question, il va falloir que je consulte !

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    Classe de Maternelle, rue des Maronites

    Jean-Claude est debout, près de la maîtresse

    Photo Yolande Suchet épouse Lapierre

    Sur cette image, figurent Aubri (rue du Pressoir), Tonneau (rue du Pressoir), Yolande Suchet (52 boulevard de Belleville), Cardon (rue du Pressoir), Pallini.

     

     

     

     

  • JEAN-CLAUDE RIHARD/ANCIEN DU QUARTIER

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    Jean-Claude Rihard à l'Ecole Maternelle, rue des Maronites

    Photo Yolande Suchet épouse Lapierre

     

    "Ancien du quartier, j'ai lu avec intérêt votre blog. Cela m'a rappelé des souvenirs anciens et cependant très présent : Mon école maternelle rue des Maronites, puis la Communale rue Julien Lacroix pour ce qui me concerne, rue Etienne Dolet pour ma copine Yolande. Les trois marchands de bonbecs qui avaient eu le bon "goût" de s'installer sur le chemin de l'école et chez lesquels nous avions un passage obligé... La chanson du père Renaud fait allusion aux mistrals gagnant, je dois avouer que je n'ai pas ce souvenir, par contre les chewing gum gagnant, alors oui... et l'arrivée des Carambars... les roudoudous... pas les modernes dans des coquillages mais ceux en écorce de bouleau ou de sapin... Non, je n'ai pas oublié, dit une autre chanson... Je ne risque pas, puisque j'écris mes mémoires et que mes 23 premières années furent passées dans ce "village" inoubliable. Mon pote Jean-Pierre Cardon, dont les parents étaient concierges rue du Pressoir, fut parmi les premiers à être "déporté" là-bas, à Sarcelles. Je me rappelle très bien les premières destructions au coin de la rue du Pressoir et des Maronites ... adieu le marchand de bonbecs... Et les premières cibiches fumées dans les terrains vagues d'alors, soit dans le haut du passage Ronce, soit vers ce qui est aujourd'hui le parc de Belleville... et l'enchevêtrement des passages et impasses qui menaient de la rue des Couronnes à la rue d'Eupatoria ... et ... et ...

    Ma tante Janou (Jeanne Battaglia) a été l'élève de Gus Viseur et de Jo Privat. Elle a joué vers 15-16 ans dans quelques cafés du quartier (en particulier rue des Maronites). En matière bibliographique, je citerai aussi :  Les Bals à Jo (Lépidis), Belleville Apache (Tardieu), Le Bougnat [rue Bisson] (Tardieu), Maurice, bottier à Belleville (Bloit), Regard d'un Photographe (Henri Guérard, un "pays"!), P'tit Claude (on s'éloigne dans le Haut de Belleville ... avec Eddy Mitchell), W ( Rue Vilin ... Georges Perec ), Le Belleville des juifs Tunisiens ( Boulevard de Belleville, rues Ramponneau, Denoyez) (Simon et Tapia), Souvenirs (Odette Laure), Jean Ramponneau (Viderman),  Belleville au coeur (Lépidis) et de nombreux autres qui s'étalent dans ma bibliothèque. Sans oublier l'incontournable Belleville au XIXe de Jacquemet qui est une véritable étude socio-anthropologique qui permet de mieux comprendre le Belleville du XXe ..... siècle! Enfin un introuvable écrit en Yiddish puis traduit en français par Marcel Arnaud, il s'agit des Juifs à Belleville de Benjamin Schlevin. Ce livre écrit vers 1955-56 reflète parfaitement le quartier de ma jeunesse, celle de l'après guerre."

      Jean-Claude Rihard