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lucile

  • LES JUIFS DE BELLEVILLE / SUITE

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    Synagogue de la rue Julien-Lacroix

    Crédit photo Raymond Battaglia 

     

    Ce fut un vrai plaisir de prendre connaissance de votre texte Monsieur Rihard, même s’il me confronte à nouveau à des événements que je préfèrerais n’avoir pas connus.

    Je me souviens parfaitement  de la rafle de 1942. J’avais sept ans à l’époque, et comme cela se passait en juillet, je n’étais pas à l’école. Je revois donc ces visages connus, gens de tous âges, des grands-parents jusqu’aux petits enfants, devant les portes des immeubles de la rue du Pressoir, leurs petites valises déposées sur le trottoir, l’air perdu ne sachant trop ce qui leur arrivait. Des policiers français les avaient fait quitter leurs logements et les encadraient. Ma  grand-mère, pas plus que moi, bien sûr, ne comprenions ce qui se passait et ne pouvions imaginer leur sort futur.

    Je laisse de côté la tragédie d’hier pour évoquer avec vous une communauté pittoresque à laquelle je pense toujours avec une certaine émotion. (J’avais moi aussi des petites amies d’origine polonaise). J’ai compris par la suite que dans ces années là, « le lieu magique » pour reprendre votre expression, rassemblait essentiellement des juifs d’Europe de l’est – disparus pour la plupart dans la tourmente - et remplacés, comme vous le soulignez à juste titre, par des sépharades émigrés d’Afrique du nord. Tunisiens en majorité. Aujourd’hui, le boulevard de Belleville est encore aussi animé mais différent et peut-être plus bruyant. Les odeurs de cuisine ne sont plus les mêmes, les pâtisseries frites regorgeant de miel ont remplacé les gâteaux à la cannelle et les couscous/poulet ont pris le pas sur les ragoûts au paprika ! La  «tchache » est de rigueur  et l’on trouve plus facilement sur le marché la coriandre que le persil commun ! 

    La communauté asiatique change progressivement l’esprit du quartier : les magasins de la rue de Belleville sont repris l’un après l’autre par des Chinois … ou autres émigrés d’Asie dont je ne saurais discerner l’origine. Peu à peu leur influence s’étend au Faubourg du Temple  après être grimpée jusqu’à la rue des Pyrénées et ne va pas tarder à rejoindre La Grisette. Je me suis laissé dire que les manifestations spectaculaires de la fête du Têt fatiguaient un peu la population de base… On « voyage » en arrivant à Belleville ! De nombreux Africains colorent maintenant la foule, spécialisés dans la vente à la sauvette de vieux habits ou ustensiles au rebut qui semblent pourtant trouver preneurs. Je ne suis pas sûre que ce soit tous les jours facile à accepter pour les Anciens bellevillois qui se sentent dépossédés de leurs racines. Ils sont de moins en moins nombreux, mais les jeunes « bobos », installés dans le quartier en toute connaissance de cause, participent allègrement de cette ambiance cosmopolite. 

    Voilà. Ce simple billet pour actualiser vos souvenirs. Comme vous avez pu le constater au fil de ce site, je retourne régulièrement sur mes traces… avec de plus en plus de nostalgie ! Lucile