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rue du pressoir hier

  • UNE NOSTALGIE TRES SELECTIVE

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    Rue du Pressoir aujourd'hui

     

     

    Il pleut et vente ce lundi sur ma campagne. Coincée à la maison, j’ai tout loisir de me confier à mon ordinateur.

    Il ne se passe pas de jour où je ne vais faire un tour sur notre site, et j’ai souvent envie de réagir. Avec véhémence quelquefois.

    Au risque de choquer quelques-uns, mais avec le souci, croyez-le bien, de ne peiner personne, je décide aujourd’hui de préciser ma pensée.

    La « rue du Pressoir » et son environnement, avant les destructions massives qui les ont défigurés, ce n’était pas le Paradis. Il y régnait certes un esprit de quartier encore marqué du sceau des faubourgs du XIXème siècle, et nous y avons tous des souvenirs d’enfance, d’adolescence, directs ou transmis par des êtres chers, qui nous ont marqués à vie. Il nous arrive de nous les remémorer avec un tendre sentiment d’attachement en oubliant tous les désagréments du quotidien. 

    Et pourtant ! L’eau sur le palier, les wc à l’étage, le charbon qu’il fallait aller chercher à la cave l’hiver pour alimenter la cuisinière, la vie de famille concentrée dans 30m2, les dissertations rédigées sur un coin de table quand était venu le temps du lycée, expliquent la réaction de soulagement de nombreux habitants du secteur lorsque leur fut proposé un relogement dans des locaux plus spacieux et surtout plus confortables.

    Sans parler de l’état de délabrement de certains immeubles que les propriétaires ne pouvaient plus entretenir depuis des décennies en raison de la modicité des loyers encaissés. (La fameuse loi, dite de 48 je crois, n’a pas eu que de bons côtés.)

    La lassitude était grande de vivre dans un quartier qui dépérissait progressivement et le fait de devoir abandonner le vieux Paris et s’exiler en banlieue n’a pas pesé lourd en face de « la salle de bains » annoncée. Fut occulté pour un grand nombre de ceux qui n’avaient pas encore trouvé mieux où se loger le dépaysement sentimental pourtant à prévoir. Les jeunes gens qui n’avaient pas encore eu l’occasion de connaître autre chose, attristés de voir se décomposer leurs groupes d’amis, et les très âgés prêts à tout pour conserver le logement où ils avaient passé la plus grande partie de leur vie l’ont bien ressenti, mais une grande majorité d’adultes y a vu, au contraire, un changement de mode de vie bienvenu.

    Il est vrai qu’une réhabilitation, telle qu’on la conçoit maintenant, eût été mille fois préférable à la brutale démolition entreprise. Cinquante ans plus tard, on ne peut que le regretter. Je ne saurais pas dire si, à l’époque, il y avait vraiment le choix, compte tenu de l’urgence et de l’ampleur  du problème à régler. Ce n’était pas un ou deux immeubles qu’il fallait remettre en état l’un après l’autre, mais complètement reconsidérer un quartier tout entier, qui plus est, de forte densité d’occupation.  

    Voilà, c’est dit : j’ai une nostalgie très sélective !

    C’est pourquoi cela me chagrine un peu de voir percer au travers de différents récits un certain et nuisible esthétisme, au détriment de la réalité des faits et du vécu des ménilmontagnards ou bellevillois de souche.

    Je l’ai déjà noté : pour retourner souvent sur place puisque mes enfants ont choisi d’y demeurer, je sais qu’il  règne encore dans ces quartiers de l’est parisien, une atmosphère de convivialité, différente de celle que nous avons connue, mais tout aussi précieuse aux yeux de ceux qui la vivent.

    Amicalement à tous, Lucile.

     

    Un point de vue que partage entièrement la chanteuse Clarika qui habite dans la rue du Pressoir des jours actuels. Elle avait témoigné, sur notre site, il y a quelques-années, de la continuité des équilibres dans l'immeuble où elle vit, du fait que la mixité des âges et des cultures est toujours aussi nourrissante. Une occasion de recommander l'écoute de son cinquième album, Moi en mieux (Mercury, 2009) et en particulier du titre Bien Mérité, lequel pourrait être l'hymne mappemondial de la rue du Pressoir. Guy Darol