Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • L'ESCALIER OU S'ELEVE L'ENFANCE

    25-Rue-du-pressoir-1967-.jpg
    23-25, rue du Pressoir

    Au 23-25 de la rue du Pressoir, je n'ai vécu que les six premières années de ma vie (des années capitales) et il m'arrive souvent de refaire dans ma tête le chemin qui des trottoirs de la rue menait à la porte du deux pièces que nous occupions au quatrième étage.

    Ce chemin est désormais éclairé par les lumières de Josette Farigoul à qui j'ai demandé de me conter l'escalier, un escalier bien sombre, grinçant et qui, selon elle, foutait la trouille.

    "Cher Guy,
    A votre question, si je me souviens de l'escalier qui grimpait à votre étage, je répondrais qu'il me reste, bien sûr, quelques souvenirs. J'étais très souvent de votre côté et il est évident que je vous ai croisé, à un moment ou à un autre, ainsi que vos parents.
    Je revois très bien l'entrée carrelée du 23-25 de la rue du Pressoir, juste en entrant, sur la gauche, la porte de Madame Dilouya, la Tunisienne comme nous l'appelions, sa fenêtre blanche donnait sur la rue. En prolongement de sa porte, votre escalier. Je dirais, trois marches droites face à l'entrée de l'immeuble puis l'escalier tourne sur la gauche, il monte droit jusqu'au 1er étage. Les marches en bois grincent sous l'effet de notre passage. Les murs sont écaillés et de couleur marron foncé. Au palier du 1er nous tournons sur la droite pour monter aux étages supérieurs. L'escalier ainsi que les couloirs sont très sombres, je vois quatre  appartements par palier, une porte de chaque côté des paliers au fond à droite et à gauche et deux autres portes sur la gauche en arrivant à chaque étage. Les fenêtres des appartements de gauche donnent sur la rue et celles des appartements de droite sur la cour de mon côté, face à mon immeuble, du moins face aux fenêtres des chambres du 25, côté matelassier pour mieux se repérer. A chaque palier des WC à la turque et un robinet.
    Au regret de vous dire, cher Guy, que je n'étais pas très à l'aise de votre côté. Les couloirs bien trop sombres et sans fenêtres, le cliquetis de la minuterie, cette minuterie qui, bien évidemment, se coupait au moment où je me trouvais entre deux étages, le grincement des marches de l'escalier, un cocktail détonant pour foutre la trouille à un enfant. Les voisins m'attendaient pour leurs courses alors je prenais mon courage à deux mains, je grimpais très vite les étages.
    Il me semble bien que les locataires du 23 étaient  plus calmes que ceux du 25 et mis à part les habitants du 4ème, et oui vos voisins Guy, je n'ai pas souvenance de réels problèmes dans cet immeuble.
    Voilà encore un bond dans le temps où j'ai pu un instant me retrouver chez nous au 23/25 de notre chère rue du Pressoir.
    Avec toute l'amitié de votre voisine,
    Josette"
  • FORMULAIRE POUR UN URBANISME NOUVEAU

    d17thum01.jpg

    Nous nous ennuyons dans la ville. Il n'y a plus de temple du soleil. Entre les jambes des passantes les dadaïstes auraient voulu trouver une clé à la molette, et les surréalistes une coupe de cristal, c'est perdu. Nous savons lire sur les visages toutes les promesses, dernier état de la morphologie. La poésie des affiches a duré vingt ans. Nous nous ennuyons dans la ville, il faut se fatiguer salement pour découvrir encore des mystères sur les pancartes de la voie publique, dernier état de l'humour et de la poésie :

    Bains-Douches des Patriarches

    Machines à trancher les viandes

    Zoo Notre-Dame

    Pharmacie des Sports

    Béton translucide

    Scierie Main-d'or

    Centre de récupération fonctionnelle

    Ambulance Sainte-Anne

    Cinquième Avenue café

    Rue des Volontaires Prolongée

    Pension de famille dans le jardin

    Hôtel des Etrangers

    Rue Sauvage

    Et lapiscine de la rue des Fillettes. Et le commissariat de police de la rue du Rendez-Vous. La clinique médico-chirurgicale et le bureau de placement gratuit du quai des Orfèvres. Les fleurs artificielles de la rue du Soleil. L'hôtel des Caves du Château, le bar de l'Océan et le café du Va et Vient. L'hôtel de l'Epoque.

    Et l'étrange statue du Docteur Philippe Pinel, bienfaiteur des aliénés, dans les derniers soirs de l'été. Explorer Paris.

    Et toi, oubliée, tes souvenirs ravagés par toutes les consternations de la mappemonde, échouée aux Caves Rouges de Pali-Kao, sans musique et sans géographie, ne partant plus pour l'hacienda où les racines pensent à l'enfant et où le vin s'achève en fables de calendrier. Maintenant c'est joué. L'hacienda, tu ne la verras pas. Elle n'existe pas.

    Il faut construire l'hacienda.

    Toutes les villes sont géologiques et l'on ne peut faire trois pas sans rencontrer des fantômes, armés de tout le prestige de leurs légendes. Nous évoluons dans un paysage fermé dont les points de repères nous tirent sans cesse vers le passé. Gilles Ivain

    PG_Group.jpg

    in INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

    Numéro 1 - Juin 1958

     

     

  • LE PIETON BLANC

    à Jérôme Mesnager, créateur de ce piéton que je rencontre parfois lors mes promenades salutaires

    Merino en vitrine 1.JPG

    Depuis de longues années je croise le piéton blanc, silencieux. Que se soit, rue du Temple, sur les hauteurs de la Courtille , rue du Soleil, proche des choses simples de la vie, et aussi près des livres. C’est là que nous nous sommes rencontrés, hier, en librairie. Nous avons, lui et moi, la marche en commun. Je me suis demandé s’il arrivait du Père Lachaise, tout proche. Cependant je ne le pense pas ! Là, à l’oreiller de la rue du Repos demeurent ses collègues, eux, ne se déplacent pas ou très peu.

    Je l’ai vu si souvent le piéton blanc que parfois je me dis : « Ce doit être effrayant de savoir que les cimetières de Paris se vident de leur défunts personnages, en période de Toussaint, quand viennent les familles au cimetière avec une jolie fleur à la main».

    C’est un marcheur d’avenir, ne croyez pas le contraire ! Et aussi un coureur de fond comme il existe des mineurs de fond. Mais lui ne serait jamais entré dans l’ossuaire des Catacombes, même pour une courte visite. Il se sent mieux à l’air libre, encore que….

    La promenade est une activité sans équivalent, un art à part entière, à laquelle seule une élite débarrassée des basses contingences matérielles peut goûter pleinement à condition de posséder une certaine « ingénuité de l’âme » et un bagage culturel approprié. Un art de vivre en somme qui est plutôt de l’ordre esthétique qu’intellectuel. Jeu du corps qui met en branle les mécanismes de l’esprit. Mais cependant, je vous certifie qu’il  ne faut pas être intello pour se dire marcheur. J’ai beaucoup vu lors de mes voyages des familles entières marcher dans la pampa Argentine ou tout au long des routes du Brésil, de Puerto Allègre à Fortaleza, de Bahia de tous les Saints à Manaus, tous étaient à la recherche du sauveur,  d’une miette de travail ou simplement parce qu’ils n’avaient pas les moyens de  payer le transport.

    Jean-Jacques Rousseau pratiquait régulièrement la promenade, pour réfléchir et herboriser à loisir. Dans sa jeunesse, il effectua plusieurs longs voyages à pied dont le premier le conduisit à travers les Alpes, depuis Genève jusqu’à Turin.

    Arthur Rimbaud fit la traversée en hiver du Saint Gothard, à pied. Voici quelques lignes de ce qu’il écrivit : « …la route, qui n’a guère que six mètres de largeur, est comblée tout du long, à droite, par une chute de neige de près de deux mètres de hauteur, qui, à chaque instant, allonge sur la chaussée une barre haute d’un mètre qu’il faut fendre sous une atroce tourmente de grésil. Voici…  plus une  ombre dessus, dessous ni autour… plus de route, de précipice, de gorge, ni de ciel : rien que du blanc à songer, à toucher…voici… à fendre plus d’un mètre de haut sur un kilomètre de long. On ne voit plus ses genoux de longtemps… »

    Aujourd’hui, l’homme en difficulté, essentiellement urbain, qui vit dans la rue, s’oppose traditionnellement au chemineau, son homologue des routes et des villages qui avait fait de la nature toute entière son royaume.

    Marcher pour ne pas mourir ou devenir fou ! Avant de sombrer profondément dans la dépression, le narrateur d'Un homme qui dort, mon ami Georges Perec était un homme qui marchait jusqu’à ce qu’il se retire définitivement dans sa mansarde, parfaitement indifférent au monde.

    momotombo.JPGJ’ai rencontré en Alaska des marcheurs rares, des vrais, qui du voyage avait fait un métier et que je retrouvais tout au long des saisons, dans des pays très éloignés les uns des autres. Certains de ces voyageurs rencontrés en Alaska, je les revoyais quelques mois après à Irazú,  volcan du Costa Rica, à plus de 3432 mètres d’altitude, puis plus tard au sommet de deux autres volcans, au Nicaragua, le Momotombo et le Momotombito , et bien plus tard, en Terre de Feu, là- bas où fini le sable, au large de Puntas Arénas, Chili, où Augusto Pinochet isola au milieu des glaces, hommes et femmes, afin qu’ils comprennent que la liberté n’était pas leur DROIT, jugeant en son âme et conscience qu’ils méritaient d'être considérés comme des chiens.

    Le vrai marcheur, connaît rarement l’ennui, la solitude, la peur, le racisme, il s’intéresse à tout.  Tout est réflexion, discipline et labeur et il doit posséder beaucoup de talent,  pour que les expériences les plus difficiles lui soient profitables et légères, afin d’entreprendre  de façon professionnelle, comme un danseur de tango et de flamenco, sur les pointes des pieds, et rester à la hauteur des plus grandes étoiles du firmament, proche, non seulement des hommes et des femmes, de la jeunesse et des anciens, mais également des bêtes : loups, ours, rapaces, tout ce qui est sources intarissables qui peuvent enrichir son expérience. Il est, pour certains, de ces étoiles ayant fui  les écoles, et pour d’autres,  passé tous les examens de la conscience se graduant au fil des kilomètres, des chemins et des routes où chaque jour il doit résoudre les problèmes, seul, sans rien demander au monde, au contact d’une nature gigantesque où le voyageur se livre, corps et âme, les yeux grands ouverts, se cultivant ainsi de toutes les choses la vie, et utilisant avec subtilité les combinés appris au contacts quotidiens avec leur environnement sauvage ou au contraire très civilisé.

    Dans le monde actuel, moderne, nous avons en France, un exemple, non du marcheur, mais du coureur peu commun, le Président de la République, Nicolas Sarkozy. Lui n’est pas un marcheur, mais un coureur des bois, Bois de Boulogne, il a su se débarrasser de «  toute la racaille » du Bois des Amants, afin d'être mieux à l’aise pour réfléchir, tout en courant, et affronter les problèmes des ni putes ni soumises. Comment pénétrer la zone,  lui qui n’a jamais vécu la joie ou la tristesse de ces filles. C’est un vrai sprinter, à sa manière d’affronter l’obésité des autres, la précarité, et de se débarrasser de l’empilement haut des dossiers, de la came, du poids de Cécilia, de la légèreté de Carla, des fidélités de sa troupe de ministres girouettes fragiles. Regardez ! Besson, Attali, et tous les autres, régiment de trouillards avançant avec obéissance derrière leur petit  Napoléon de Président. C’est un chique-came, qui renverse la vapeur quand il  veut, et roule les mécaniques, tel un boxeur, avant d’allonger une droite à un adversaire de gauche. Et flac ! Il a du répondant dans la voix : « Qui a dit ça ? Descend si t’es courageux ! » Et dans le geste, lorsqu’il pince du bout de  ses doigts secs, la joue de sa chère Cécilia, le jour où il prend les pouvoirs à L’Elysée, devant des milliards de téléspectateurs de la planète entière. Pincée comme on tourne un interrupteur pour éteindre la lumière. Le visage de son épouse, Albéniz, ce jour-là,  avait tout de la bonne espagnole égarée et paumée, servante au Palais du Prado comme si le Caudillo mécontent l’avait  réprimandé et humilié, et dont ce Prince de l’Elysée serrait la joue entre ses pinces, devant la Cour et des centaines d’invités. J’ai vu ça, à la TV , l’intronisation vraie et chèros, ne confondez pas, chair et en os, ce qui est de même. Les dernières élections Présidentielles auxquelles l’Etat nous convoquait étaient en effet dominées par l’enchevêtrement contradictoire de deux types de peur. Il y a d’abord la peur que je dirais essentielle, celle qui caractérise la situation subjective de gens qui, dominateurs et privilégiés, sentent que ces privilèges sont relatifs et menacés et que leur domination n’est peut-être que provisoire, déjà branlante. En France, puissance moyenne dont on ne voit pas que l’avenir puisse être glorieux, sauf si elle invente la politique qui soustraira le pays à son insignifiance et en fera une référence émancipatrice planétaire, l’affect négatif est particulièrement violent et misérable. Il se traduit par la peur des étrangers, des ouvriers, du peuple, des jeunes de banlieues, des musulmans, des noirs venus d’Afrique…Cette peur conservatrice et crépusculaire, crée le désir d’avoir un maître qui vous protège, fût-ce en vous opprimant et paupérisant plus encore. Nous connaissons  les traits de ce maître aujourd’hui : le coureur Sarko, un flic agité qui fait feu de tout bois, et pour qui, coups médiatiques, financiers, amicaux et magouilles de coulisses sont tout le secret de la politique.

    Pour revenir à mes amis fidèles, le piéton blanc, est d’une grande honnêteté et humanité. Son activité est grande ; je l’ai vu à New-York, sur la muraille de Chine et bien plus loin encore, avant que nous traversions ensemble la mer pour aller à loisir au Portugal, vers des sourires et des amours, comme si là était nos métiers.

    Cher piéton blanc, si l’idée vous prenait de stationner, rue du Pressoir vous encourez le risque d’un procès-verbal. Ici, tout est réglementé. Certains guettent. Vous êtes prévenu si vous voulez faire de vieux os.  Bienvenu Merino 

    momotombo2.JPG
    Momotombo