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années 1950

  • L'ECOLE MATERNELLE 42 RUE DES MARONITES PARIS VINGTIEME ARRONDISSEMENT N'EST PLUS

     

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    A Guy Darol, qui fut élève de cette école, dans les années 1950, auteur d’un livre émouvant, Héros de papier véritable éloge de la lecture et de la venue à l’écriture.

     

     

    I

     

    Dans  cette école maternelle, les classes ne sont plus assurées, l’administration de l’éducation nationale y a mis terme. Mais le corps de bâtiment est toujours là, debout, ses murs solides, en pierres grises pâles, montées en  faux morceaux de sucre et enrubannées dans leurs façades de liserés de briques rouge-rose, cette couleur que l’on attribue souvent  au féminin, dont les mamans, il n’y a pas si longtemps, aimaient faire porter par leurs filles. Corsages roses, contrastés bien souvent avec la jupe marine, taillée de mains souples par des mères inquiètes de vouloir donner la meilleure image de leur progéniture. De ces murs de l’école, montent encore les cris joyeux des angelots mominards parisiens, des pleurs aussi, des appels poignants aux mamans et papas s’élèvent au-dessus de la petite cour de récréation séparée d’une autre cour, celle des grands de la Communale, par un muret pas trop haut, cependant suffisamment pour faire croire à ces petits que c’est infranchissable. Cette bâtisse est la mémoire de tout le quartier de l’îlot de la rue du Pressoir. Long rectangle magique, où des milliers d’enfants, de générations en générations, hommes et  femmes aujourd’hui, ont fait l’apprentissage de la langue et de l’écriture ! Si l’école maternelle demeure, ces salles de classes ont depuis peu, d’autres fonctions. Dorénavant elles servent d’annexes et de bureaux. C’est lors des dernières Portes Ouvertes d’Ateliers d’Artistes de Ménilmontant que j’ai eu le privilège de découvrir l’intérieur de l’école et sa cour, où Guy Darol, tout jeune enfant, élabora ses premiers plans de jeux, édifia ses premières barricades, ne se méfiant pas à priori de certaines institutrices, apparemment douces, et inventa de nouveaux westerns d’où sortaient toujours vainqueurs, les indiens, ses favoris. C’est dans l'une de ces classes qu'il travailla ses cours  d’élève assidu. Et n’oublia jamais le merveilleux souvenir de Blanche Neige et les sept nains, projeté dans une grande salle, sur la gauche, en entrant par la rue des Maronites,  salle qui jouxtait un vaste dortoir. Salle fée. Blanche-Neige est une princesse dont la très grande beauté rend jalouse la Reine, sa belle-mère, qui ordonna son assassinat. Epargnée mais abandonnée dans la forêt, elle trouve refuge chez sept nains qui l’intègrent à leur communauté. L’action débute lorsqu’un jour, la Reine interrogeant son miroir, celui-ci lui répond que la plus belle du royaume est dorénavant la princesse Blanche-Neige. Peu après, celle-ci, alors qu’elle lave l’escalier du château tout en chantant, est aperçue par un prince, qui, ébloui, lui chante son amour.

    C’est aussi, dans une de ces classes, que naîtra, pour Guy Darol, le goût et la passion de la lecture, les devoirs bien fait et le long début du métier de lire et écrire dont il témoigne avec beaucoup d’émotion dans son livre Héros de papier : « La lecture était ma bouée, radeau de survie ; également mon tapis volant. Je me cramponnais… Une échappatoire, à ce que l’on dit. Il est vrai que je me caltais sur le torrent des mots. Leurs cascades, leurs écueils, les visages en épingles, tout me secouait de frissons. Chaque histoire avalée me laissait sur le sable, tristounet. Mais la promesse d’une suite me regonflait de joie. Je ne sais comment tout arrivait. Quel chemin arpentait mon père pour m’approvisionner ? Qu’est-ce qui le dirigeait ? Ses goûts étaient les miens. Il se mit à lire, lui aussi, à dévorer, à se goinfrer, sacrifiant sa femme sur l’autel de la boulimie. Nous fûmes bientôt dans le même lit, environnés de bouquins, éblouis de mots, de lumières. C’est par la ruse que j’ai vaincu, par la fugue que je m’en suis allé . Avec la nuit, j’ai feinté. Les trouilles n’en sont pas toutes parties, mais la lecture m’étant permise, j’en abusais, et je confondais mes parents qui voyaient dans cette griserie un penchant  à sortir du rang.  Issus de Bretagne, ils me souhaitaient plus noble sort. Ça j’étais averti. Etant  donné mes origines, enracinées à des lopins, il fallait pour m’en arracher, doubler d’effort, travailler dur. D’où tu viens, on me répétait, il faudra faire tes preuves. «  J’étais tiré à quatre épingles ; le cheveu court, chemise, cravate. Chaussures vernies. On me croyait des grands boulevards, je descendais des chemins creux ; terre battue astiquée au balai de genêt ; fermes basses. « Si tu ne veux pas apprendre, on me disait, tu garderas les vaches. De Dieu, cette perspective m’aiguillonnait. Je ne voulais pas finir bouvier, tirer les patates, pousser le soc. Mes parents n’avaient pas eu de chance. Ils trimèrent à l’âge de douze ans. L’école en avait assez fait. Ils  savaient lire, écrire, compter. Leur place était à la charrue. Ils eurent le sursaut de s’enfuir. J’ai mal à les imaginer, patoisant gare Montparnasse pour demander ligne de bus ou de métro. Paris fut leur Eldorado. Et c’est ainsi que je suis né en bord de Seine, à l’Hôtel-Dieu, le pied fluvial et la tête toute emplie d’oiseaux. Et c’est ainsi que j’ai grandi dans le souvenir des vignes de Ménilmontant, rue du Pressoir. Quatrième étage. Les fenêtres étaient peintes de bleu, celui des charrettes agricoles. Aussi vite, j’aurais pu émerger à New York ou à Dublin, c’était possible. Par Joseph, j’ai du sang d’Irlande...» «Joseph s’arrogea de m’élever dans le culte du verbe acrobate, et le respect de l’arbre qui porte l’oiseau et qui touche le ciel. Il m’étoffa d’un lexique champêtre, le modulant un peu d’argot et de langue gallèse».

     

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    II

     

    ECOLE DE LA REPUBLIQUE

    DE LA DEMOCRATIE ET DE L’EMANCIPATION

     

     A l’heure où l’école, l’éducation, l’enseignement sont au centre du combat public, que l’avenir des enfants est l'une des principales préoccupations d’une majorité de nos concitoyens, au moment où l’on assiste à d’importants mouvements sociaux, notamment de la part des enseignants qui contestent la réforme gouvernementale de l’éducation nationale dans le cadre de sa politique de décentralisation, il semble opportun de traiter l’histoire de l’école républicaine, obligatoire, gratuite et laïque. Le savoir reste le seul élément qui donne à l’individu l’émancipation, le sens de la responsabilité, la capacité d’être libre. L’ignorant sera toujours dépendant de quelqu’un, d’un groupe, d’un dogme. Ce n’est pas un hasard si l’accès à la connaissance fut difficilement accordé au peuple, car ce droit de savoir, pendant trop longtemps accordé à une élite, avait pour seule finalité de servir ceux qui détenaient le pouvoir. Voltaire qui a marqué son empreinte dans le combat des libertés, en dénonçant le fanatisme religieux, l’absolutisme royal et les insuffisances de la justice, s’interrogea pourtant sur la nécessité de permettre aux paysans d’apprendre à lire et à écrire, alors, disait-il, que la seule tâche qui leur était prescrite était de labourer et semer les champs. Un état d’esprit qui peut surprendre de la part d’un intellectuel engagé pour le progrès et qui, toutefois, est très significatif des pesanteurs que représentent certaines formes de préjugés. On sait que  le combat  pour l’égalité des droits n’est pas facile. L’histoire montre qu’il a fallu bien des engagements et beaucoup de détermination  pour imposer l’école de la république et de la démocratie. Au regard du conflit qui oppose une grande majorité des enseignants au gouvernement, concernant la réforme de l’Education Nationale dans le cadre de la politique de décentralisation, aujourd’hui, le sujet reste sensible et prioritaire, car si l’école est obligatoire pour tous, l’égalité des chances d’assurer son avenir par la connaissance est loin d’être réalisée. En période de crise profonde où précisément les injustices sont fortes, l’effort de la collectivité citoyenne et ceux de l’Etat pour apporter des réponses aux plus défavorisés  est une obligation civique. C’est là, l’essence même du rôle de l’école démocratique. Bienvenu Merino

     

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  • CINEMAS DE BELLEVILLE

     

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    Le Ménil Palace

     

    Cher Guy,

    Je cherche toujours à comprendre pourquoi, depuis tant et tant d’années, la rue du Pressoir est si présente dans ma mémoire. Probablement que sommeillent, au fond de moi, l’enfant et l’adolescente que j’étais. Ce temps-là ne me semble pas si loin et pourtant …

    Avec mon amie Liliane nous en avons fait des pas dans cette rue et dans tout le quartier. Sans vraiment d’argent, nos sorties s’en trouvaient limitées mais Liliane se débrouillait toujours pour obtenir, de ses parents, un peu d’argent de poche.

    Nous pourrons, peut-être, nous offrir une toile au Ménil-Palace ou encore au Phénix de la rue de Ménilmontant, ou bien au Cocorico sur le Boulevard de Belleville proche de la rue de Belleville, nos trois cinémas préférés.

    Le Phénix se trouvait dans le bas de la rue de Ménilmontant sur le trottoir de droite en remontant. Le Ménil-Palace se situait plus haut, à côté du Prisunic, sur le même trottoir de droite, pratiquement en face de la rue Julien Lacroix. Nous avons tendance à l’oublier mais il y avait un autre cinéma sur le Boulevard de Ménilmontant, en direction du Père Lachaise, et dont le nom m’échappe. D’après un écrit d’Edgar Morin (qui a vécu dans notre quartier) rédigé en espagnol, que j’ai tenté de traduire, mal traduit, mais malgré tout je comprends les grandes lignes, Edgar Morin parle du Ménil-Palace, du Phénix et de ce troisième cinéma situé sur le Boulevard de Ménilmontant. Son nom serait le XXe Siècle.

    Si je me reporte au temps des années 1963/64, une place de cinéma coûtait un peu plus d'1 franc, l’esquimau à l’entracte dans les 20 centimes. Je ne pense pas être très loin de la vérité.

    A cette époque, on peut dire que le cinéma, c’était du vrai spectacle. Je nous revois toutes les deux, côte à côte, confortablement assises dans nos fauteuils, attendant que les lumières baissent tout doucement, que le spectacle commence. Il fuse des «Taisez-vous ! chut !» pour les petits malins qui n’auraient pas compris. Plus un bruit dans la salle, nous pouvons maintenant assister, avec une grande élégance, à l’ouverture des rideaux qui dissimulent un gigantesque écran. Il nous est, tout d’abord, présenté un documentaire quelque peu ennuyeux, par la suite la réclame avec ce très fameux Balzac 00 01 Jean Mineur Publicité 79 Champs Elysées Paris, phrase et petit bonhomme inoubliables. Après diverses réclames les rideaux se referment, l'un reste fermé sur l’écran pendant que l’autre s’ouvre de nouveau pour laisser apparaître un artiste en herbe, peut-être un magicien. 

    Maintenant, le film ! Il est fort possible que notre choix se soit porté, une fois de plus, sur un Josélito et une fois de plus nous verserons des larmes. Il nous aura fait pleurer, ce Josélito. Je crois bien que nous avons vu la majorité de ses films. Ou alors, non Liliane, pas un Hercule, je suis à saturation, La Vengeance d’Hercule, Le Triomphe d’Hercule, Les Amours d’Hercule, Hercule Se Déchaîne, pour n’en citer que quelques-uns. Depuis, je déteste les péplums tout autant que les westerns que nous avons consommés sans modération. 

    Nous n’avons pas vu que ça ! Impossible de rater le film avec l’idole des jeunes de l’époque (D’où Viens-tu Johnny ?) et bien évidemment ceux avec Elvis Presley, bien meilleur chanteur que comédien. Mais oui, mais oui, nous avons aimé certains navets dont Elvis était la vedette. Il faut bien que jeunesse se passe. Et bien sûr, j’en oublie.

    Ah ! nos sorties au ciné ! Que de bons souvenirs et malgré les difficultés de la vie, cette vie, nous l’avons croquée à pleines dents, en toute insouciance. 

    Voilà, c’était la dernière séance et le film est terminé pour reprendre quelques mots d’une chanson d’Eddy Mitchell qui a vécu à Belleville lui aussi. Je referme le couvercle sur ce récit afin qu’il retrouve sa place dans les archives de ma mémoire.

    Avec toute mon amitié,

    Josette