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guinguettes

  • ROBERT AUX BALS ET AUX GUINGUETTES

     

     

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    Rue de Lappe

     

    J'ai appris à danser, vers mes seize ans, dans un tout petit guinche installé dans l'arrière salle du bistrot "Chez Soulié" tenu par un Auvergnat, rue de Lappe, tout près de la Bastille. La salle était de dimensionréduite et on ne pouvait pas être très nombreux sur la piste. L'orchestre était composé d'un accordéoniste, installé dans un angle sur une petite estrade accrochée sur le mur à deux mètres du sol. Dessous se tenaient un batteur et un guitariste, c'était tout. Des petites tables et des chaises complétaient l'agencement. C'était un "musette", et la valse ne se dansait qu'en toupillant à l'endroit et à l'envers. Un soir, j'ai vu un couple valser sur une table de bistrot avec le dessus en marbre, ça c'était d'la gambille.

     

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    Il y en avait d'autres des guinches dans la rue.

    "Le Balajo", nous nous placions, de préférence, au "coin des bons garçons", ceux qui ont connu s'en souviendront certainement. Le Balajo était un musette mais un endroit prisé par les bourgeois désireux de s'encanailler. Les bergères y découvraient le "grand frisson" et les dandys qui les accompagnaient n'en menaient pas large.

    "La Boule rouge" et "La Boule Noire", je ne me souviens plus lequel, l'orchestre était composé uniquement de femmes.

     

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    Vers dix-huit vingt ans, j'ai viré (non pas ma cuti!) mais ma préférence vers le dancing qui me convenait mieux. Je m'arrête, car je me souviens qu'un après midi j'allais danser à "Cadet". Le bal se trouvait à quelques mètres du métro, il y avait deux salles : au premier, musette ; au second, dancing. Je préférais danser les tangos, les slows et les rumbas alors en courant dans l'escalier,  j'arrivais à faire les danses que je préférais.  J'en reviens au musette, je venais de danser avec une jeune fille et la danse finie je la quittai en lui disant "à la prochaine", sans le moins du monde me considérer engagé. L'orchestre entame un nouvel air et comme à l'habitude je longeais les tables repérant d'un coup d'œil discret la fille qui semblerait me convenir. Ben oui, pas trop grande, je mesure 1 m 72  (à l'époque, j'ai du me tasser un peu!) et les échasses c'est bon pour les bergers du sud-ouest. Ni trop petite, pour ne pas mâcher ses cheveux, suffisamment jolie à mon goût et puis il fallait deviner la bonne danseuse. Ça parait pas comme ça, mais c'est pas simple de danser, y'a d'la préparation !  Un tour, deux tours, celles qui m'auraient convenu étaient "en main" si j'ose dire, enfin plutôt "en bras".  J'attends regardant les couples s'agiter. Je repère tout à coup ma précédente cavalière qui se trouvait au bord de la piste et qui semblait me regarder. Je m'approche et lui dis : "Vous ne dansez pas, on ne vous a pas encore invitée ?"  Elle me répond : "Ben si, mais j'ai refusé car vous m'aviez retenue la prochaine tout à l'heure."

    Je ne veux pas dire que les musettes étaient plus mal fréquentés que les dancings, mais quand même dans les musettes il existait certaines règles que les demoiselles se devaient de respecter. Un exemple : une fille retenue n'avait pas intérêt à aller danser avec un autre, c'était risquer la gifle et la bagarre qui s'en suivait... Les mœurs, fortes heureusement, ont bien changé et les femmes ont gagné leur liberté.

    Il y en avait d'autres, cela ne manquait pas. Celui-ci, pas loin de la Bastille. "Le Massif-Central", avec sa piste circulaire, l'orchestre se trouvait au centre. Il l'était aussi "central" comme le massif... Rue de Belleville, il y eut  le "Ca gaze", musette parmi les musettes. J'étais trop jeune à l'époque pour pouvoir y danser mais je me faufilais et entrais discrètement. Je me souviens qu'il y avait des colonnes, l'éclairage très discret et lors des "frotteuses" j'ai vu des couples effectuer toute la danse sans se déplacer d'un centimètre... L'atmosphère était chaude! Sans oublier "La Java" dans le Faubourg du Temple, mais ce n'était pas mon truc.

     

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    Je ne vais pas me balader comme ça dans Paris, cela prendrait des heures parce que des bals, il y en avait et pour tous les goûts. Mais mon préféré à Paris, c'était un dancing,  "Le Moulin de la Galette", en haut de la rue Lepic. La salle était grande, la scène vaste et deux orchestres se  succédaient, l'un était disons classique et l'autre plutôt rythmique. Bien fréquenté, il y avait de la bonne humeur et les serveurs étaient sympas, sauf qu'ils étaient parfois étonnés de nous retrouver un peu pompette après nous avoir servi uniquement de l'orangeade ou de la menthe...Car ils nous arrivaient, avec les copains, d'emporter un flacon plat remplit de cognac que nous dégustions discrètement.  Au sujet des serveurs, quinze années après ces joyeuses heures de jeunesse, un après-midi, nous étions allés quelques collègues et moi, en mission d'information au "Salon des Composants Electroniques" au Parc des Expositions à la Porte de Versailles. Aucun n'était passionné par cette visite et je proposai que l'un d'entre nous entre au salon et, en un rapide petit tour,  ramasse une liasse de documentations diverses.

    J'avais eu l'idée, c'est moi qui suis entré. Un quart d'heure après, je ressortais avec un grand sac rempli de doc. Ils comptaient sur moi, seul vrai parisien, pour trouver le moyen de finir agréablement l'après-midi. Je proposais de faire un tour à "La Coupole", à Montparnasse. Nous nous y rendons, je m'adresse au maître d'hôtel et lui demande une table. Il se tourne vers moi, me regarde, me sourit et me dit : "Je vais très bien vous installer" puis il  et me glisse à l'oreille : "Comme au Moulin de la Galette!" Je le regarde à mon tour, surpris, et je reconnais la personne qui nous accueillait et qui nous plaçait, autrefois,  au Moulin. Il m'avait reconnu, je n'en revenais pas surtout si longtemps après.

     

    "Le Mikado", près de la Place Clichy, dont Serge Gainsbourg a si bien traduit l'ambiance. Il fallait descendre un petit escalier pour parvenir à cette salle. On y dansait très bien mais la moyenne d'âge des dames frôlait les cinquante balais et plus. Moi j'en avais à peine dix-neuf ! On racontait qu'il y avait des danseurs professionnels qui se faisaient payer chaque danse, cela se pratiquait souvent. Je partais lorsque le joue à joue devenait par trop pressant et que l'épaule de ma veste se colorait de poudre de riz. Pourtant cela était tentant car certaines dames étaient, parait-il, généreuses. Mais, malgré la tentation, je n'ai jamais franchi le pas.  J'ai fréquenté quelques fois "Le Bal de la Marine", près de Javel, mais pour moi c'était de l'autre côté de Paris. Je me tenais sur une banquette le dos aux grandes glaces dans le fond et je regardais surtout les couples danser.

     

     

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    Les Guinguettes. J'aimais celles des bords de Marne, à Nogent, à Charentonneau, "Le Moulin Brû" au bord du canal qui fut comblé de gravats  pour y tracer le début de l'autoroute A 4. Ou alors "Chez Gégène", le seul je crois qui existe encore. Il y avait en plus du bal une piste avec des vélocipèdes fantaisistes. Un bicycle, un autre avec l'axe de roue désaxé, un modèle tout petit ou il fallait pédaler en canard, c'était très drôle. "Convert" en face, sur l'autre rive, ces établissements accueillaient beaucoup de monde, jeune et moins jeune, on y allait souvent  à bicyclette. Je me souviens aussi avoir emprunté le train avec des wagons à étages, gare de la Bastille, qui nous emmenait au Perreux-sur-Marne. Nous dansions, nous naviguions sur des barques ou en canot et ensuite, baignade pour nous rafraîchir. Tout ça dans une atmosphère champêtre avec l'odeur des pommes frites comme dans la chanson "Venez-y donc, Ici l'on pêche". Après il arrivait de pouvoir emmener sa conquête pour s'embrasser sur un tapis de verdure, cachés derrière les buissons. Les bords de Marne en ont connu des ébats amoureux.

     

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    "Chez Max", j'aimais bien ce dancing. Je m'y sentais bien, ça dansait pas mal et les filles étaient sympas. L'été j'y allais tous les dimanches. Et pour conclure, un petit tour par "Robinson", sous les lampions "Au Vrai Arbre".  Il y en avait tant et chacun se réclamait de l'authenticité !

    Finies les guinguettes et le petit vin blanc qui faisait tourner les têtes. Il n'y a pas qu'à Saint Germain des Prés, qu'il n'y a plus d'après ...


     

  • ANCIENS CHEMINS DE MENILMONTANT

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    A Gérard Lavalette, mon ami photographe humaniste, connaisseur du vrai Paris, infatigable piéton, badaud,  depuis son plus jeune âge, appareils photo toujours en  bandoulière, marcheur rapide, incognito, jamais à l'arrêt, toujours au travail par n'importe quel temps, froid, gelée, verglas,  neige, pluie , grêle, canicule, soleil tapant le crâne , et aussi, par désastreux et grouillants embouteillages, bouchons, depuis que l'automobile moderne est entrée dans la ville, grèves et folklores, carnavals, manifs, artisans en tous genres, artistes célèbres ou qui le deviendront, clochards intellos ou analphabètes, sans abri s.d.f.  exposés aux dangers quotidiens, poètes oubliés et écrivains connus, inconnus, méritant bien quelques reconnaissances, défilés des belles dans le célèbre Faubourg, par où, autrefois, franchissaient la porte Saint Antoine, les carrosses des Rois et leurs cortèges, brasseries, petits bars les plus vieux du neuf Paris, rue de Charonne, et rue de Chanzy, là, l'un de ses fiefs, le  Pure café. Si vous le rencontrez, à l'abri sous sa casquette de titi parisien,  où se cache sa popularité, n'hésitez pas à lui dire :' compliments, chapeau bas, joyeux Noël, bonne année Monsieur'

     

    courtille .jpgC'était une voie bordée d'arbres avec, à l'écart de la chaussée, quelques moulins en bois, dressés par des charpentiers solides et travailleurs, où se pressaient les meuniers autrefois, pour y moudre le grain. Les dimanches venaient les parisiens, femmes et enfants, en carrosse ou à pied pour y goûter un air de campagne. Les maris galants  invitaient leurs épouses à venir boire le petit vin de la rue des Pas-noyaux, et aimaient les  inviter à danser dans quelques guinguettes proches des coteaux où Jean-Jacques Rousseau y fut renversé par les énormes chiens errant quelques peu sauvages de la Courtille. Tout là- haut, à la limite du vieux château sur les hauteurs de Télégraphe, descendaient les enfants des villages alentour pour s'amuser, mais souvent ils venaient pour travailler, aider leur père, afin de terminer au plus vite le taillage des ceps et le ramassage des brindilles, qu'ils brûlaient à petits 'feux indiens' où se réchauffaient les dignes demoiselles qui rentraient de la ville au petit matin, où elles exerçaient au Palais-Royal, le plus vieux métier du Monde. Les filles étaient belles, savaient faire appâts de leurs charmes et beautés. Les riches et nobles usaient de leurs droits pour combler leurs vifs appétits. Sur ces chemins aussi, des 'mauvais garçons' élégants, dans une misère telle qu'ils ne craignaient rien, s'attaquaient aux nobles qui possédaient richesse et fortune. Paris, alors, se composait de villages, aujourd'hui rassemblés qui forment la grande ville, capitale prestigieuse, connue et reconnue dans le monde entier. Par ci, par là, en temps de crise, collées sur les murs, des affiches portaient ces inscriptions : Terres seigneuriales à vendre ; maisons et héritages aux champs en roture à liquider; maison de Paris à louer ; office à vendre ; bénéfices à permuter ; affaires mêlées. Les fumées noires des usines et ateliers laissaient les traces, à la Soulages, coloraient le ciel de traînées blanches et grises, noircissaient encore plus la nuit sur les dernières vignes accrochées aux coteaux de la butte, à l'emplacement actuel de la rue du Pressoir, car si cette rue n'existait pas encore, là, se situaient de larges prés verdoyants entrecoupés de lignes ocres et siennes, passage des chiens affamés cherchant leur nourriture. Les Buttes- Chaumont s'élevaient, pointée dans les nuages lents et parfois, semblant à l'arrêt, qui d'un coup, prenaient de la vitesse, car s'annonçait la pluie poussée par un vent ondulant les toitures des chaumières et les arbres au bord des chemins, infligeant parfois aux carrosses, quelques petits dégâts, obligeant les Dames à descendre vite fait, en attendant les réparations d'usage. Oui ces dames riches déjà voyageaient, allaient découvrir la France, car elles ne voulaient pas que l'on se moque d'elles. Les parisiens, alors, aimaient rire de l'ignorance et de l'indolence de certains, reclus dans la ville et qui n'étaient jamais sortis de chez eux, sinon pour aller en nourrice ou partir à la guerre. Au loin, la rivière serpentine et argentée était en vue, traçant ses méandres historiques, bordés des trésors du patrimoine que construisirent peu à peu des hommes connaisseurs, architectes et bâtisseurs du Paris magnifique, éloignant loin, très loin la rue aujourd'hui célèbre de Ménilmontant, au sujet de laquelle je vous écris ces quelques lignes pour rappeler que notre cité est aussi un village qui s'agrandit toujours, toujours, et rares seront ceux d'entre nous qui garderont la mémoire de ce qu'était ces villages, à la péripétie du Grand Paris. Bienvenu Merino

     

     

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