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  • JANE CHACUN POUR TOUS

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    Dans Belleville au coeur (Editions Vermet, 1980), Clément Lépidis se désole une fois de plus du mauvais tour joué à Bellevillemuche par les promoteurs. Ce livre qui est une succession de chroniques anime quelques figures du quartier avec la flamme que l'on connaît à son auteur. Il est beaucoup question de bals-musette et notamment de La Java (105, rue du Faubourg du Temple) dont le patron était Augusto Baldi ("Deux immenses rouflaquettes de neige encadrent le sourire d'un homme appartenant à cette race de vieux boucaniers du piano à bretelles") et la vedette Jane Chacun, née le 12 juillet 1908 à Ambert dans la grande misère.

    Une fois de plus, Clément Lépidis n'en peut plus des mensonges et des injustices. Son livre regorge de flèches, hélas insuffisamment empoisonnées. Il voudrait qu'on n'oublie pas Jane Chacun, "reine du musette, interprète et créatrice du Dénicheur, de Jo le valseur, du Grand Frisé". Il rappelle le nombre de disques qu'elle a gravé chez Pathé, Odéon, Pacific, La Voix de son Maître, plus de 200 succès. En 1980, Clément Lépidis se plaint que le nom de Jane Chacun est en voie de disparition. N'est-il pas, en 2010, biffé des mémoires ? 

    Il déclare son amertume et sa passion pour celle qui, "en 30 années de chansons s'est produite dans tous les musettes : à la Java, au Boléro, chez Bouscat, à la Boule Noire, au Balajo, au Ca Gaze, aux Gravilliers, chez Gégène, etc." Il lui redonne du mouvement : "Robe noire et foulard rouge". Il nous fait réentendre sa voix, accompagnée par Emile Prud'homme. Clément Lépidis a beau dire, Jane Chacun n'est plus que dans les vieux souvenirs. Les occurences de son nom sont rares sur Internet et il n'y a aucune chance de récupérer une vidéo qui la montre en exercice. Il faut se contenter d'une image appartenant à la collection particulière de Clément Lépidis où Jane Chacun est photographiée en compagnie de Marcel Cerdan. Le cliché figure dans le cahier photos de Belleville au coeur

     

     


    LE DENICHEUR

    {Refrain :} 
    On l'appelait le Dénicheur 
    Il était rusé comme une fouine 
    C'était un gars qu'avait du cœur 
    Et qui dénichait des combines 
    Il vivait comme un grand seigneur 
    Et quand on rencontrait sa dame 
    On répétait sur toutes les gammes 
    Voilà la femme à Dénicheur 

    Elle avait fait sa connaissance 
    Dans un bar, un soir, simplement 
    Ce fut le hasard d'une danse 
    Qui le fit devenir son amant 
    Il avait de jolies manières 
    Du tact et beaucoup d'instruction 
    Sachant faire de bonnes affaires 
    C'était là toute sa profession. 
    Comme elle avait un peu d'argent 
    Ils se mirent en ménage tranquillement 

    {au refrain :} 

    Les combines ça dure ce que ça dure 
    La chance tourne et puis s'en va 
    On perd le goût des aventures 
    Quand le noir vous suit pas à pas 
    N'ayant plus confiance en lui-même 
    Un soir qu'il était sans un sou 
    Afin de résoudre le problème 
    Le Dénicheur fit un sale coup 
    Mais comme il rentrait au logis 
    En pleurant son amie lui dit : 

    {Refrain :} 
    On t'appelait le Dénicheur 
    Toi qu'étais rusé comme une fouine 
    Je croyais trouver le bonheur 
    Près de toi, avec tes combines 
    Adieu, c'est fini, pars sans peur
    Je saurai souffrir et me taire 
    Malgré mon chagrin je préfère 
    Abandonner le Dénicheur

  • GEORGES PEREC/EN REMONTANT LA RUE VILIN

     

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    En remontant la rue Vilin est un film de Robert Bober et Georges Perec réalisé en 1993. Georges Perec vécut dans cette rue classée en 1863, déclarée insalbubre puis finalement détruite. 

    Les archives de l'INA nous donnent l'occasion de retrouver Georges Perec à Belleville, sur les lieux de son enfance, en mars 1976. Il évoque ce qui n'est plus qu'un souvenir de rue.

    VOIR

    LE BELLEVILLE DE GEORGES PEREC


    CONSULTER

    LE SITE DE L'ASSOCIATION GEORGES PEREC

  • DE ALGER LA BLANCHE A PARIS, MENILMONTANT

    Française, enfant d’Alger, où elle est née, Aline Marçot vient en France, dans les années 1960, à 13 ans. Elle s’installe d’abord en banlieue avec sa famille, puis à Paris en 1975, dans le 20e arrondissement, rue des Maronites, à deux pas de la rue du Pressoir.  Elle y habite toujours. Sculpteur, mais aussi passionnée de théâtre, comédienne avec à son actif plusieurs mises en scène, Aline Marçot est surtout une amie de longue date. 

     

     

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    "ON N’HABITE PAS MENILMONTANT, C’EST MENILMONTANT QUI NOUS HABITE" 

     Serge Guérin, sociologue.

     

    Bienvenu Merino : Chère Aline, merci d’avoir accepté de venir à ce rendez-vous. Je t’imagine à Alger, sur une terrasse toute blanche, avec l’odeur du jasmin, attablée devant un thé à la menthe. Il y fait très beau. Il est loin ce temps là ?

    Aline Marçot : Oui, c’est loin ce temps là, et par moment, ce n’est pas si éloigné que ça, j’ai fais tout de même du chemin depuis. A Alger, avec mes parents, nous habitions à l’européenne, dans un appartement sans terrasse,  avec un grand balcon sans plantes, ni fleurs, ni odeurs de jasmin. Je te parle comme si le temps depuis m’avait fait oublier les senteurs, fait disparaître les odeurs. Pourtant, ce n’est pas tout à fait vrai, tout est là encore, dans le souvenir, il me suffit d’y repenser, d’aller puiser un peu dans ma mémoire pour que tout cela revienne. Mais ce n’était pas du tout notre habitude de prendre du thé. Avec mes parents, nous avions un mode de vie à la française, sauf le vendredi, qui, en général, était notre jour de couscous. Le samedi,  maman préparait le pique-nique pour le dimanche : la coca, plat typique algérois ainsi que le pâté de porc au cognac. Nous passions la journée au bord de la mer, à la plage. C’était une façon  d’oublier qu’il y avait les événements ; la guerre, quoi ! Mais ce mot guerre était très dur pour moi qui était un enfant ; en famille nous disions : les événements. A la plage, c’était convivial, on oubliait  un peu ce qui se passait en ville. Après le repas, mes parents jouaient à la belote en famille ou avec des amis. Moi, je n’aimais pas du tout ça. Je restais dans mon coin avec mon frère. C’est sans doute la raison pour laquelle, je déteste tous les jeux de carte, belote et tout ce qui s’en suit. Là ne sont que quelques brefs souvenirs de cette période, je pourrais parler encore et encore.

    B. M : Aline, te rappelles-tu de ce jour où, toute jeune fille, très belle, tu prends l’avion et puis vlan, voici Orly ! C’est un bond, non ? Un bond dans l’inconnu ? Ta famille, était-elle déjà installée en métropole ? En proche banlieue de Paris, je crois?

    A. M : Ah oui je me rappelle ! Je suis arrivée en France, à Paris précisément, à 13 ans. Et oui, ce fut un bond, tu as raison, un  bond dans l’inconnu. A coup sûr, il y avait des raisons d’être désorientée. Puis nous nous sommes installés dans la banlieue sud, proche d’Orly, à Villeneuve-le-Roi. Je trouvais la ville grise, le ciel bas ; les avions, je les entendais au-dessus et ça me faisait peur. Je le voyais  tous les jours ainsi.

    C’était l’hiver 1961, il faisait très froid, le gel, la neige, tout cela était nouveau pour moi, je ne connaissais pas les saisons. C’était insupportable, se couvrir, se barricader en nous-mêmes, cacher notre corps, ne pas s’aérer, sinon dans le froid et la neige. Je découvrais ce qui n’existait pas à Alger, du moche, la grisaille, la solitude. Oui, il est vrai, nous vivions les événements, mais mes parents nous protégeaient du mieux qu’ils le pouvaient afin que l’on ne s’en rende pas compte. Partir : moments très difficiles pour moi, quitter ma meilleure amie et ceux qui m’étaient chers. Puis, j’ai repris mes études en banlieue parisienne dans un lycée mixte. C’était nouveau pour moi un lycée avec ensemble filles et garçons. Il a fallu du temps pour m’y habituer, beaucoup de temps. Ma meilleure amie était restée à Alger, je me sentais seule.

    C’est bien des années après que je suis arrivée rue des Maronites, en 1975 je crois. J’approchais de la trentaine. Ma grand-mère avec ses deux jumeaux, frère et sœur, c'est-à-dire mon oncle et ma tante, habitaient déjà rue Julien-Lacroix depuis 1962. Ce fut un grand changement pour moi, la plupart des membres de ma famille, du côté de ma mère étaient restés en Algérie, oncles, tantes, amies. Plus personne parmi les proches n’était là dans mon nouveau pays ; ce fut très difficile vraiment, je me sentais isolée, le cocon familial désagrégé.

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    La rue des Maronites aujourd'hui

     

    B.M : Aline, je me souviens des très belles  poupées en tissus que tu fabriquais il y a quelques années, exposées dans une galerie, quai Malaquais, près du Pont Neuf. Ces poupées, gardaient-elles ton innocence, celle de ton enfance dans ce beau pays qu’est l’Algérie et que j’ai eu la chance de connaître ? 

    A.M : Oui, il y eut une période où je faisais des poupées, puis je me suis mise à la sculpture. Les matériaux, les techniques, tout est différent. Quand à leur ressemblance, les poupées, ce qu’elles voulaient dire, ce qu’elles signifiaient, je ne sais trop comment répondre à ta question,  je laisse à chacun le soin de dire ce qu’il ressent. Je pense que c’est la nostalgie du désir de fusion avec la mère  qui  a fait naître ces poupées de tissu. Elles avaient un rapport avec ce que j’étais, mon passé, mon histoire. Oui, tu as peut-être raison, je ne suis pas sûre, moi je ne me posais pas de questions, je faisais, mais il y a du vrai dans ce que tu dis.

    B. M : Se sent ont déboussolée quand on quitte l’Algérie à 12 ans. Etais-tu consciente, toi, de ce qui se passait dans ton pays natal. Comment voyais-tu ces événements ? Tu te sentais protégée ou bien désorientée ? C’était difficile à certains moments, te souviens-tu ?

    A. M : Cela me paraissait incroyable tout ce qui m’arrivait, et cette idée de recommencer une nouvelle vie ailleurs. Mon père se sentait menacé là-bas, il voulait nous protéger ; il était syndicaliste et libéral ; il n’était pas pour le F.L.N. ni pour l’O.A.S. et il décida, du jour au lendemain, de partir, de tout quitter, de nous embarquer en France. Tout alla très vite. 

    B. M : Lorsque tu as trouvé le logement rue des Maronites, tu es arrivée dans des bâtiments flambants neufs, non ? J’ai remarqué que les trois rues : rue du Pressoir, rue des Maronites et Etienne-Dolet forment, géographiquement, une sorte de croix. C’est un signe de la croisée des chemins, ou bien une croix sur un passé, pourrait-on dire. Ce n’est pas exagéré ? Aline, tu avais conscience de la situation grave que vivaient les Français d’Algérie et la nation  algérienne. Ce n’est pas douloureux de raviver ce passé ? 

    A. M : L’immeuble où j’emménageai en 1975, rue des Maronites, n’était pas neuf, et ceux voisins du même groupe d’immeubles semblaient avoir été construits la même année. Ils avaient déjà une quinzaine d’années, sinon plus. Quand à la croix que forment les trois rues, tu as une imagination débordante, je ne suis pas géomètre. Il me faudrait regarder un plan du quartier pour le confirmer. Oui, j’avais pris conscience de la gravité des événements en Algérie. Je devais avoir une dizaine d’année à peine, je sentais que c’était très grave, tout était en jeu, le destin peut-être de deux nations ! En fin de compte, oui, ce fut comme un trait que l’on avait voulu jeter sur mon passé, mais moi, jamais je ne pus, ni ne voulus, ni ne veut  oublier le pays où je suis née. Je le garde dans mon coeur, présent à tout jamais ! En vérité, Alger et l’Algérie, ce fut toute mon enfance, mon berceau natal, mon repaire nid. C’est émouvant d’y repenser en répondant à tes questions. La France, ma patrie où j’arrivais pour la première fois je ne m’y retrouvais pas.

    B. M : L’intégration a-t-elle été difficile pour toi. Je veux dire de rentrer en classe du jour au lendemain, s’asseoir au milieu de têtes blondes ?

    A. M : Ce fut très dur. Un long tunnel pour moi commençait. Je ne pouvais pas comprendre ce qui m’arrivait. Voyant que la situation m’était difficile, j’essayais et voulais comprendre. Je le voulais afin de m’épanouir, de vivre bien, sans conflit dans ma tête. J’étais en pleine crise d’adolescence, dès mon arrivée d’Algérie. Rentrer dans une  classe mixte, je devais m’habituer à ce changement. C’était un nouveau mode de vie, tout me semblait différent, les maisons, les gens qui m’entouraient, les élèves, les profs, dont certains riaient de mon accent pied noir. Le prof de français, grec et latin était cynique avec moi, ça je m’en souviens ! J’allais très mal. Je ne suis sortie du tunnel que vers les 15-16 ans. Enfin,  je commençais à voir plus clair, je respirais mieux. C’était à Savigny-sur-Orge où se trouvait le lycée et non à Ménilmontant, comme je t’en ai parlé précédemment, où je ne suis venue qu’après les études secondaires.

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    La rue du Pressoir autrefois



    B. M : Aline, la belle rue de Pressoir d’avant, l’as-tu connue, avec ses cafés, ses hôtels et ses très nombreux commerçants ? Et que ressens-tu, là, aujourd’hui aux premières loges de ces immeubles, masse de béton, car toute la rue du Pressoir d’autrefois a été décapitée pour construire du neuf, afin de recevoir des familles françaises rapatriées d’Afrique du Nord. Savait-tu que ces immeubles avaient été construits pour les rapatriés d’Algérie?

    A. M : Non, je n’ai pas connu la rue du Pressoir d’avant. A mon arrivée dans le quartier,  la rue du Pressoir nouvelle  était déjà construite, c’est celle qui est là actuellement. J’ai vu les photos que vous avez publiées, mais c’est tout. Je ne savais pas que les immeubles où j’habite avaient été réservés aux rapatriés d’Algérie, tu me l’apprends, aujourd’hui. Oh !  j’en apprends des choses !

    B. M : Aline, de nombreux contingents de populations ne trouvent plus dans leur propre pays des perspectives de vie digne et sûre. Ils passent souvent les frontières et partent ailleurs. De nombreux émigrés arrivent en France. Ménilmontant fut longtemps une terre d’asile. Pour toi qui habites le quartier,  penses-tu qu’il en soit toujours ainsi ? Vois-tu un changement positif, dans l’arrivée de nouvelles émigrations qui s’installeraient à Belleville et à Ménilmontant?

    A. M : Ménilmontant est un quartier qui se boboïse. S’il a été un quartier d’asile, il l’est toujours je pense aujourd’hui. Peut-être ce n’est pas la même émigration ; ça c’est sûr !  Si les Français reviennent, beaucoup d’Asiatiques s’installent depuis de nombreuses années. Les chinois surtout s’implantent dans ma rue, achètent des appartements dans mon immeuble, ils font partie du quartier, ils s’intègrent assez bien je crois. Mais les nouveaux arrivants dans le quartier s’embourgeoisent, sont embourgeoisés, ça n’a rien à voir avec les années cinquante et soixante. Dans le quartier, il y a aussi une certaine classe moyenne, parisienne, bien assise, qui est à sa place, si je peux dire.

    B. M : Merci Aline d’avoir répondu à mes questions. Veux-tu, un thé, une bière, un cognac avant de goûter à ta coca algéroise ou à un bon couscous, selon ton choix, pour célébrer notre amitié ?

     

    Entretien réalisé par Bienvenu Merino, le 10 septembre 2010

     


    Dernières réalisations théâtrales et projets d'Aline Marçot

     

     

    Théâtre : Nous avons  tué  Stella, monologue adapté du roman de Marlen Haushofer, 2008.

    Projet :  Une femme sous silence, en cours d’écriture.

    Lecture et mise en scène : L’odeur de la mémoire.

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    Aline Marçot sur scène