Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

PARIS, RUE DU PRESSOIR - Page 8

  • RUE DES PANOYAUX

     

    Depuis la rue des Panoyaux.jpg
    Cher Guy,
    Cette photo a été prise par le père de mon époux du toit de l'immeuble de la rue des Panoyaux où il est né. 
    On y voit successivement : 
    au premier plan, le toit d'une imprimerie de la rue des Panoyaux et une maison du côté impair, l'arrière d'une maison de la rue des Platrières (la jeune femme qui devait devenir ma belle-mère est à la fenêtre du quatrième étage), les immeubles de la rue des Platrières, côté impair, à droite, l'arrière des immeubles de la rue Sorbier, côté pair. 
    On aperçoit, au loin, le clocher de Notre-Dame-de-la-Croix (à gauche d'une haute cheminée). 

    La photo date du 12 avril 1929, 
    mais rien n'avait changé jusqu'à la démolition du quartier.  Subsiste encore à ce jour, dans la rue des Platrières, heureux hasard, l'immeuble numéro 8, où est photographiée ma belle-mère et où a été élevé mon mari. Lucile

     

  • 27 RUE DU PRESSOIR

     

     

    Le métro.jpg

    La relecture des billets de Josette a déclenché dans ma tête l’ouverture de la boîte à souvenirs.

    Cela n’a rien d’original, mais juste après le 23/25 de la rue du Pressoir, se trouvait le 27 …

    Une porte coincée entre l’angle de la rue et le garage donnait accès à un couloir, puis à une cour, où un raide escalier extérieur menait directement à un vaste local largement vitré.

    Là, sous la houlette de « Mademoiselle Claire », une dizaine d’employées fabriquaient des articles de bonneterie à partir de gros rouleaux textiles dans lesquels elles découpaient les pièces à assembler. Cela m’impressionnait de voir avec quelle facilité la lame mordait les couches de tissu superposées, dans le bruit caractéristique des machines à coudre qui constituaient l’équipement principal de l’atelier. 

    J’ai eu accès à ce lieu à la fin de la guerre, lorsque Maman qui n’avait pas encore retrouvé d’emploi dans sa profession, y travailla quelque temps. En effet, depuis qu’elle avait quitté l’école, elle occupait un poste d’aide-comptable au siège des Pompes Funèbres Générales, boulevard Richard Lenoir. (Elle en gardait le meilleur souvenir et racontait, avec malice, que ce furent les années les plus drôles de sa vie professionnelle !) Au moment de l’exode, les PFG allèrent s’installer à Flers, dans l’Orne, et maman ne put les suivre ;Papa était mobilisé et nous étions nés, mon frère et moi. Elle piqua donc à la machine sans grand enthousiasme en attendant de pouvoir exercer à nouveau son métier.

    Pour en revenir à cette petite entreprise du 27 rue du Pressoir, je me souviens que le patron passait pour être un peu distrait. Il habitait place de Ménilmontant, dans un de ces immeubles cossus qui forment encore un arc de cercle entre le boulevard de Belleville et la rue Oberkampf. Un matin qu’il était mal réveillé ou particulièrement préoccupé, il se retrouva sur le quai du métro… avec sa boîte à ordures qu’il avait oublié de vider dans la poubelle collective !

    Je suis étonnée que les anciens de l’immeuble du 23/25 rue du Pressoir n’aient pas mentionné l’existence de cet atelier qui assurément créait de l’animation dans leur secteur. Ne serait-ce que par le va-et-vient des employés et des ouvrières à domicile  qu’il faisait travailler. 

    Mais peut-être n’existait-il plus dans les années 50 ? Lucile 

  • DES ETABLISSEMENTS LEON WEILL AU MAGASIN DE LA MERE FOUILLIS

     

    Josette Farigoul à 6 ans.jpg
    Josette, devant le magasin de jouets, rue des Maronites, en 1953

    En parcourant le récit de Lucile qui nous conte si bien la rue des Maronites, malgré quelques problèmes, que j’espère passagers, j’interromps, un instant, mon silence radio, le billet de Lucile méritant quelques commentaires.

    Rien qu’à la lecture de ce billet, je suis transportée dans le temps, mon imagination débordante m’aide à me retrouver au début des années 50 où avant de remonter la rue des Maronites et de m’engager dans la rue du Pressoir, je vais m’arrêter à l’angle du boulevard de Belleville et m’attarder devant ce magasin de voitures d’enfant décrit par Lucile.
    J’ai un souvenir encore très présent de ce commerce, un magasin de voitures d’enfant mais aussi de jouets. Maintes fois, le nez collé à la vitrine, j'ai regardé, avec envie, les magnifiques poupées bien trop chères pour nous. Du souvenir de ce magasin, il me reste une vieille photo jaunie et abîmée, datant de 1953, où je pose, timide mais fière, les yeux écarquillés, aux côtés du Père Noël.
    Un autre point fort dans le récit de Lucile : l’entreprise aux portes métalliques vert foncé. Cette entreprise se situait, effectivement, un peu plus haut après la boulangerie du coin. Comment oublier les Ets Léon Weill, fabricant de boucles en métal (il me semble pour chaussures, sacs et ceintures). Maman a fait partie, un temps, de ces femmes qui tout en travaillant à leur domicile pouvaient s’occuper de leurs enfants. Si je me rappelle bien, cette entreprise employait pas mal de salariés qui fournissait, en plus, du travail à domicile. Ce travail consistait à accrocher la pointe à la boucle en abaissant une espèce de petite presse, d’un coup sec. Il fallait, malgré tout, un bon coup de main et un sacré rendement pour se faire un petit pécule. J’ai eu la chance ou la malchance d’avoir un père ingénieux qui, un peu pour lui et beaucoup pour moi, fabriqua à l’identique une autre presse, la réplique parfaite de celle prêtée par les Ets Léon Weill. Résultat, un travail à quatre mains : deux fois plus vite et deux fois plus d’argent pour ma mère. De ce fait, nous pouvions, ma mère et moi, ramener ces gros sacs en toile de jute, très lourds, et récupérer, plus rapidement, le fruit de son labeur afin d’améliorer les conditions de notre vie difficile et arrondir les fins de mois.
    Lucile éveille, en moi, un autre souvenir au sujet du magasin qu’elle nomme « la caverne d’un rose délavé » et du personnage à l’image de sa boutique. C’est certain, cette espèce de fée bienveillante ne peut-être que la Mère Fouillis. Tous les enfants de la rue du Pressoir la surnommaient ainsi. On trouvait de tout dans son bric-à-brac mais surtout, je confirme, des bonbons ! À éviter. Inoubliable Mère Fouillis.
    Des souvenirs importants pour moi qui ont marqué ma petite enfance et mon adolescence. Dans chaque récit, il existe toujours un petit quelque chose qui me rappelle un grand quelque chose. Si émouvants, les récits de Lucile ou de Nicole font ressurgir des souvenirs que je croyais à jamais enfouis.
    Dernièrement, en lisant celui de ce bébé fugueur qu’était Nicole, la fin de son récit a de suite fait remonter à la surface une image, celle de ma mère qui comme Nicole adorait la crème de lait.
    Très distinctement, je vois ma mère dans notre cuisine de la rue du Pressoir, devant une casserole de lait en ébullition, attendant que la crème se forme sur le dessus avec, déjà à la main, sa cuillère. Machinalement, comme lorsque j’étais gamine, j’affichais une grimace d’écœurement, supportant très mal de voir Maman manger cette crème à la cuillère.
    Voilà pour les quelques souvenirs, les plus forts, ceux sur la rue des Maronites que j’ai gardés en mémoire. Josette

  • A LA VIELLEUSE

     

    la vielleuse nouveau format.jpg

    A La Vielleuse, rue de Belleville

    Merci à Maurice Tarlo pour l'envoi de cette image.

     

    Chaque dimanche, nous publions sur le site de la Rue du Pressoir une image de notre quartier. Seulement, nous ne disposons que d'un très faible stock. Nos albums personnels sont limités. Aussi faisons-nous appel à vos archives. Si vous possédez une photographie que vous souhaiteriez mettre en ligne, avec les mentions et légendes que vous jugerez nécessaires, faites-nous plaisir. Elles feront le bonheur des visiteurs toujours plus nombreux qui viennent flâner parmi nos pages.
    NOUS CONTACTER

  • RUE DES MARONITES

     

    La Rue par Balthus.jpg

    La Rue par Balthus

    Jusqu’au grand bouleversement des années 60, la rue du Pressoir prenait sa source dans la rue des Maronites, s’enrichissait au passage d’un petit affluent, le passage Deschamps, et amorçait un large méandre avant de se jeter dans la rue des Couronnes.

    Si donc vous souhaitiez la remonter, il fallait emprunter la rue des Maronites.

    J’ai constaté que plusieurs visiteurs du site y avaient de nombreux souvenirs et je vous propose d’y ajouter les miens.

    Il est possible que mon témoignage ne suive pas fidèlement le cours des années, mais ce que je souhaite c’est raconter « ma » rue des Maronites, telle que tapie au plus profond de ma mémoire. Celle de mon enfance, de mon premier âge, juste avant que l’adolescence ne disperse ailleurs mes centres d’intérêt.

    Dixit Jacques Hillairet, la rue des Maronites a un an de plus que la rue du Pressoir. Elle s’est urbanisée en 1836 sur les traces d’un sentier du XVIIIème siècle.

    Elle démarre boulevard de Belleville, et cela commence très mal pour moi car je n’arrive pas à me souvenir du premier magasin côté pair ! Tout au moins dans les années 40. Après il y eût successivement un marchand de meubles, de voitures d’enfant… En face, une grande boulangerie animait l’angle, suivie d’un immeuble et d’une entreprise dotée de deux larges portes métalliques vert foncé. Suivait un café, avec une grande salle un peu sombre, légèrement en contrebas de la chaussée. Entre deux entrées d’immeubles, un marchand de couleurs (il me semble qu’il n’y a qu’à Paris qu’on parle de marchand de couleurs, ailleurs on dit un droguiste !).

    En face il y eut un temps une pâtisserie très agréable, à côté d’un hôtel à la façade recouverte de carreaux de faïence blanc et bordeaux. Denise, la fille de la maison, allait à l’école avec moi. Des immeubles, puis la cour et les arrières de la Poste de la rue Étienne Dolet.

    Je vais devoir maintenant naviguer de bâbord à tribord, sans souci de la circulation qui ne posait pas vraiment problème. 

    Côté impair, une toute petite boutique offrait aux amateurs l’éventail de la charcuterie auvergnate arrivée directement du pays. Mon oncle et ma tante ne manquaient pas d’y acheter des « gratons » chaque fois qu’ils nous rendaient visite. On y trouvait aussi des frites, et de la morue en beignet que l’on rapportait enveloppée dans de grands papiers blancs tout graisseux.

    On ne la cuisinait pas chez soi, à cause de l’odeur.

    À touche-touche, je revois comme si c’était hier la caverne d’un rose délavé où régnait une espèce de fée bienveillante. Sa porte était toujours ouverte. Quand on entrait, elle apparaissait tout étonnée du fond de je ne sais où, comme si elle venait de se réveiller. Elle arborait une chevelure foisonnante, portait des grandes lunettes, et suçotait constamment quelque chose. Elle vendait tout ce qui pouvait intéresser les enfants : des billes, des petits jouets, des perles, des pochettes-surprises… et des bonbons indéfinissables dont on avait l’impression qu’ils étaient là depuis toujours. La boutique sentait la fraise et la poussière : c’était complètement délicieux.

    Un café/hôtel faisait suite, puis le Primistère, la grande épicerie, à l’angle de la rue du Pressoir. J’aimais bien aller chez « Madame Primistère », retrouver la caisse centrale, le carrelage propre comme un sou neuf et les étagères pleines de jolies boîtes de conserve. J’y allais toute seule, il n’y avait que la rue à traverser « en faisant bien attention » !

    Sur le trottoir d’en face, après la Poste, le mur sans porte d’un atelier de menuiserie ouvert sur la rue Étienne Dolet portait l’inscription « Défense d’afficher, loi du 21 juillet 1881 ». Combien de fois me suis-je répétée cette phrase énigmatique en allant à l’école !

    Pour rentrer à la maison, je passais devant l’épicerie des parents de ma petite amie Lisette. À la réflexion, je me demande aujourd’hui comment vivait cette famille tant il y avait peu de choses à vendre dans le magasin. L’hôtel meublé de Monsieur Castel le séparait de la boucherie du père de mon autre amie, Cécile. J’avais l’impression que Monsieur Castel passait son temps assis à son bureau, et était chargé de surveiller la rue, caché derrière un voilage.

    Il faut que je m’arrête ici un moment car les souvenirs, bons et moins bons, se précipitent.

    J’allais souvent chez Cécile où j’étais toujours bien accueillie. Ses parents, juifs d’origine polonaise, pressentant le pire, évacuèrent leurs trois enfants en zone libre dès qu’ils le purent. Le papa ferma bien sûr la boutique, disparut lui aussi, et la maman garda les lieux, sans sortir, tout le temps de l’occupation. Bien entendu, nul d’entre nous n’était au courant de sa présence et les faits ne nous furent rapportés qu’en 1945. La boutique fut rouverte lorsque revint notre boucher et maman lui fut toujours reconnaissante du beefsteak dont il lui fit cadeau pour régaler mon parrain à son retour de captivité.

    La vie reprit son cours, et je retrouvai chez Cécile les grands plats de gâteaux que confectionnait sa maman, le parfum de la cannelle et des graines de pavot, qui me dépaysaient et me changeaient des tartes aux pommes de la maison ! (J’y pense à chaque fois que je me promène rue des Rosiers, dans le Marais).

    On arrivait ainsi progressivement au cœur de la rue des Maronites : l’embouchure de la rue du Pressoir.

    Arrivée là, j’ai des références ! Le 24, c’était « mon » immeuble et tout tournait autour ! Les habitants m’étaient tous connus, leurs habitudes et, pour certains, leurs appartements. J’y étais chez moi.

    La bonneterie du rez-de-chaussée n’avait pas changé depuis les années 20. Je l’ai connue telle qu’elle figure sur la photo publiée sur le site. Les propriétaires avaient l’âge de ma grand-mère et la longue barbe de Monsieur Tabak était grisonnante, mais la vitrine, les casiers et le grand comptoir de bois dataient de la création du magasin. Le souci de mode n’intervenait pas sur le choix des articles présentés : on vendait du sérieux, du solide, on respectait religieusement le jour du sabbat et les traditions qui y étaient attachées. (Maman m’a souvent raconté que, Léa, l’une des fillettes de la famille qui avait son âge, mourait d’envie de manger du jambon qui lui était interdit et l’interrogeait souvent sur le goût que cela pouvait avoir !)

    Une anecdote au passage : un soir des années 42 ou 43 - je ne me souviens plus exactement - alors que nous venions de nous endormir, grand branle-bas dans l’immeuble. On frappe brutalement à la porte : ma grand-mère va ouvrir, c’était la police qui, sans ménagement, pénètre dans le logement, me fait lever également et commence à fouiller partout. La même opération à chacune des deux portes des quatre étages. Rapidement, tous les hommes de la maison sont « invités » à se regrouper au rez-de-chaussée et on entend courir et parler allemand dans la rue des Maronites. Deux hommes bousculent un peu tout dans les deux pièces et se montrent agressifs en trouvant, dans la table de chevet de ma grand-mère, un nerf de bœuf qu’elle conservait là Dieu seul sait pourquoi car on ne craignait pas spécialement les attaques. Plusieurs voisines se regroupent chez nous et nous attendons avec inquiétude la suite des évènements. Des cris et des bruits de poursuite continuent à nous parvenir. Inutile de préciser que le temps nous a semblé long… jusqu’à ce qu’enfin les hommes soient autorisés à rentrer dans leurs foyers. On devait apprendre plus tard qu’un soldat allemand avait été tué dans un immeuble de notre rue. Sans plus d’explication.

    Naturellement, ma grand-mère rapporte les faits à maman le lendemain matin. À maman qui passe par toutes les couleurs, car elle se souvient  qu’un revolver de son père était caché dans le fond d’une armoire ! Le nerf de bœuf à côté était un jouet d’enfant ! Dans l’heure qui suivit, l’arme dûment dissimulée dans un journal, était discrètement jetée dans un égout du quartier …  

    Le 26 et ses deux étages, collé au 24, permettait la conversation de fenêtre à fenêtre avec Madame Baronnet, la concierge logée au premier. Au rez-de-chaussée, c’était la Cave, où l’on achetait le vin à la tireuse. Trois (ou quatre ?) grandes cuves contenaient le vin de table courant, les bouteilles « du dimanche » trônant à la place d’honneur sur les étagères. Je collectionnais consciencieusement les superbes étiquettes en couleurs dont on me faisait gentiment cadeau quand on n’en avait pas l’usage.

    L’antre du bougnat suivait au 28. J’avais l’impression qu’on y servait à boire au milieu du charbon et des ligots tellement c’était noir. En hiver, le propriétaire, allait livrer à ses clients les sacs de boulets et d’anthracite coincés directement sur son dos. Le pauvre, un sac de jute sur la tête en guise de capuchon ne le protégeait guère de la poussière de charbon, si bien qu’il était aussi noir que sa boutique ! L’été, par contre, un camion lui livrait de la glace et l’on savait qu’on pouvait en trouver chez lui.

    Après, c’était Legrand, le marchand de bois de construction dont le chantier était traversé d’une large allée ouverte qui épousait la dénivellation du terrain jusqu’à la rue Étienne Dolet. Il tenait bien à lui seul l’espace de deux boutiques. On se disait qu’il n’aurait pas fallu que le feu y prenne car tout le quartier aurait flambé. 

    Sur le trottoir d’en face, le café de « Madame Gaston » faisait l’angle de la rue du Pressoir. J’en ai déjà parlé et n’y reviens donc pas. La clientèle était d’habitués, chacun savait y retrouver qui, en fonction de ce qu’il avait à y faire ! On pouvait même y jouer au billard. Moi j’aimais bien Madame Gaston qui a toujours été très aimable avec nous, notamment si, exceptionnellement ou en cas d’urgence, il fallait recevoir ou passer un coup de téléphone.

    Un coiffeur pour hommes précédait l’entrée du 23 dont on voyait souvent la concierge faire la causette sur le pas de la porte. C’était une vieille dame toujours vêtue d’une blouse noire à fleurettes. Elle vivait là depuis longtemps et avait de nombreux souvenirs du quartier de Charonne en commun avec ma grand-mère.

    Au 25 - ou 27 peut-être ? - on était chez Madame Pouzet. J’adorais. On montait trois marches. On  trouvait les journaux, les cahiers, la craie, les crayons à papier et d’ardoise, et les bonbons. Contre une pièce de dix sous on pouvait choisir un lot de friandises dans cinq ou six boîtes différentes : un rouleau de réglisse avec une perle de sucre rouge ou bleu au milieu, plus un roudoudou, plus une minuscule boîte de coco, un sucre d’orge, une sucette ou un bâton de réglisse à mâchonner. La seule difficulté était d’obtenir des parents la pièce de dix sous ! J’aimais bien aussi la petite boîte ronde en métal représentant une tête d’Africain et dont la langue se soulevait pour laisser passer les cachous. Mais ça, c’était plus cher !

    Un autre café ( il n’en manquait pas dans le quartier) et on arrivait à la cour du 29.

    Un porche à passer, et une cour donnant accès aux habitations. Pour moi, la cour du 29, c’était « la Fernande ». Je m’explique : cette dame dont je ne savais rien, était constamment entourée d’enfants d’âges divers qui l’accompagnaient dans ses courses. Elle transportait un cabas proportionné à l’appétit de sa nombreuse famille, et comme elle était aussi large que haute, j’avais l’impression que les sept nains de Blanche-Neige étaient en déplacement.  

    Toujours du côté impair, je me souviens du boucher de cheval, de la cour qui suivait et où justement logeait un équipage de deux énormes chevaux gris, de l’herboriste, du bureau de tabac, de ce que l’on appellerait aujourd’hui la maison de la Presse, et à nouveau d’un bar, à l’angle de la rue Julien Lacroix.

    Longeant « mon » trottoir, après le marchand de bois, un immeuble qui devait être le 34, le café Chez Maurice, puis la boulangerie avant l’école maternelle. Je redoutais en allant chercher le pain de croiser un sale gamin, un grand qui devait bien avoir 12 ans, et qui s’amusait à me terroriser !

    Pendant la guerre, la boulangère était indulgente et fermait les yeux sur les tickets de pain plus ou moins maquillés que mon cousin lui présentait. Elle prenait ses risques, qu’elle en soit encore remerciée ! 

    La courte rue du Liban s’annonçait, avec la boucherie faisant l’angle, et immédiatement après le tournant à droite, l’échoppe du cordonnier. C’était un petit bonhomme, myope comme une taupe, qui connaissait parfaitement son métier et savait tirer le meilleur parti des vieilles paires de chaussures que l’on devait préserver, faute de pouvoir les renouveler. Pour les vêtements et les chaussures aussi, il y avait des tickets.

    Une autre boulangerie formait l’angle de la rue Julien Lacroix. À cette époque le quartier était vivant, tout simplement parce que les nombreux petits commerçants étaient complètement immergés dans les lieux d’habitation et faisaient partie intégrante de notre quotidien, qui était aussi le leur.  

    Voilà. J’ai sûrement oublié beaucoup de choses et je compte bien sur vous autres, nombreux visiteurs du site, pour compléter ou rectifier mes souvenirs.

    Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas vécu directement l’anéantissement de notre îlot du Pressoir et par conséquent, n’ai pas souffert de la séparation obligée d’avec mon milieu d’enfance à l’âge où cela s’est produit pour les natifs des années 45.

    Je dois avouer, qu’arrivée à l’âge adulte, le délabrement des immeubles, l’exiguïté et le manque de confort des logements me pesaient.

    Je continue à penser que l’amélioration des conditions de vie était indispensable pour tous. Reste que l’on ne peut que déplorer la méthode choisie pour la réaliser.

    À bientôt, et cordialement à tous, Lucile

     

  • L'ECOLIER DU BOULEVARD DE BELLEVILLE

     

    Photo de classe 1962-1963 petit format.jpg
    Sur cette photo de classe 1962-1963 prise dans la cour de récréation du 75 Boulevard de Belleville, Maurice Tarlo, au dernier rang, est le cinquième en partant de la gauche

     

    J'ai fréquenté l'école du 75  Boulevard de Belleville en 1962 et en 1963. Nous habitions au 11/13 de la rue du Moulin Joly dans le onzième arrondissement. J'y ai vécu de 1955, année de ma naissance jusqu'en 1964, lorsque nous sommes partis en banlieue parisienne à Garges les Gonesse.

    J'ai 54 ans et je m'appelle Maurice Tarlo.
    Je connaissais bien la rue du Pressoir, de l'autre côté du Boulevardd de Belleville et surtout mes parents la connaissaient très bien.
    Par le plus grand des hasards, j'ai fait connaissance de trois gars qui ont aussi fréquenté cette école à la même période, mais ils n'ont plus de photos de classe, deux d'entres eux étaient même dans la même classe et ont le même âge. Ils sont nés en 1950. Ils se nomment Bernard Pourrez, Daniel Magnaud et Daniel Guilleminot. Et ils se souviennnent qu'ils allaient à l'école rue de La Fontaine au Roy travailler le bois une semaine et le métal la semaine suivante en vue d'un apprentissage de métier manuel.

    Nous nous retrouverons le 27 février 2009 dans le quartier devant la Maison des Métallurgistes, 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris onzième, à midi. Nous déjeunerons ensemble et nous nous raconterons nos souvenirs d'enfance autour d'un bon repas.

    Je reviens de chez mes parents. Mon père est un gosse de ce quartier qu'il a connu dans les années 1940. C'est un amoureux de Belleville, quartier populaire au sens noble. Je me souviens de chanteurs ou chanteuses de rues qui venaient de temps en temps dans la cour du 11/13 rue du Moulin Joly et à la fin de leur chanson, les gens envoyaient des pièces par la fenêtre. On entendait dans les rues " Vitrier... Vitrier...", on voyait passer des rémouleurs. Il y avait une vie, il y avait un tissu social.

    L'épicier de la rue du Moulin Joly, Monsieur Mandonné : Ma mère payait au mois les notes de tranches de jambon, de gruyère rapé. Mon dentiste était au centre de santé des Métallos, il était renommé. Il se nommait  Jean TORCHINSKY.
    A la maison des Métallos, chaque fin d'année à la période de Noël, il y avait "la kermesse du Bol d'air". C'est une association qui a été créée par le PCF et qui avait vocation d'envoyer les enfants en colonie de vacances ou d'élever la jeunesse à la culture.
    Mon père m'a dit que même Guy Lux est venu dans cette salle des Métallos. Des artistes y ont chanté, comme Marcel Amont.
    J'étais petit mais je me souviens du cinéma Le Cocorico ou des films d'Hercule ou Maciste contre le Cyclope ! Je me rappelle des conditions de vie de mes parents dans un logement où il n' y avait pas de WC, pas de salle de bains, pas d'eau chaude, un poêle à charbons.
    Des souvenirs d'enfant de huit ans.
    Votre site est vraiment sympa. Rue du pressoir, j'ai bien connu avant tout l'essor immobillier des années 80. Je me rappelle avoir monté sur les épaules de mon papa les escaliers de la rue Vilin qui étaient interminables. On arrivait en haut et on disait ouf ! Maurice Tarlo

  • MEMOIRES D'UN VIEUX QUARTIER/BELLEVILLE-MENILMONTANT/1965

     

    Miroiterie.jpg

     

    Documentaire sur le quartier de Belleville à Paris alternant les récits d'habitants du quartier et de nombreux plans et photos de ce petit "village". En guise de pré-générique, un homme chante "Le Moineau de Paris" (chanson d'Hector Pellerin). Désormais, Belleville est désertée par ses habitants, les boutiques ferment, on mure les portes et les fenêtres. Cependant la mémoire de ce quartier persiste grâce aux récits des habitants et commerçants qui font ainsi renaître le passé communard de Belleville et le Belleville du début du XXe siècle. Début 1900, Belleville était une sorte de campagne avec ses pavillons aux jardins peuplés de poulets ou de canards et aujourd'hui encore on découvre des traces de ce passé. Un homme raconte que de la vigne poussait rue Carducci (anciennement rue des Alouettes). Pendant 30 ans, les habitations sont restées vétustes, sans chauffage ni électricité, vouées à être détruites. Les enfants, quant à eux, se promenaient aux Buttes- Chaumont, assistaient à des pièces de théatre à Gavroche pour seulement deux sous et dès l'obtention du certificat d'études, ils commençaient à travailler. Il existait une forme de solidarité entre les habitants et lors des diverses grèves qui rythmaient le quartier, les grèvistes étaient soutenus par la population qui les nourrissait. Belleville pouvait également être comparée à une montagne que l'on gravissait grâce au funiculaire. Les représentations données au Théatre de Belleville étaient régulièrement mouvementées et ce quartier faisait souvent peur aux gens extérieurs, la "BANDE À BONNOT" y semant la terreur. La misère et les épreuves supportées en commun ont soudé les habitants entre eux et maintenant que les démolitions débutent, les habitants regrettent non pas les habitations vétustes mais l'ambiance si particulière de ce quartier. Désormais certains quittent Belleville, d'autres sont relogés dans de nouvelles habitations. Ainsi il n'est pas simple de ne pas briser les liens tissés par le temps et faire que l'histoire de ce quartier ne s'arrête pas là.

    CONSULTER LE DOCUMENTAIRE DE L'INA

    Voir également BELLEVILLE ET SES HABITANTS

    Clement Lépidis, écrivain, interviewe quelques habitants de Belleville : Un sabotier, la dernière blanchisseuse de Belleville, une ancienne couturière et un bellevillois né dans le caniveau. Il parle du langage bellevillois à Pierre Dumayet qui l'interviewe en 1973.

  • UNE FANFARE RUE DU PRESSOIR

     

    Rue du Pressoir fanfare.jpg
    Une fanfare défile rue du Pressoir. Vue depuis la rue des Maronites. Années 1958-60
    Chaque dimanche, nous aimerions publier sur le site de la Rue du Pressoir une image de notre quartier. Seulement, nous ne disposons que d'un très faible stock. Nos albums personnels sont limités. Aussi faisons-nous appel à vos archives. Si vous possédez une photographie que vous souhaiteriez mettre en ligne, avec les mentions et légendes que vous jugerez nécessaires, faites-nous plaisir. Elles feront le bonheur des visiteurs toujours plus nombreux qui viennent flâner parmi nos pages.

     

  • LE BEBE FUGUEUR

     

    Pot_de_lait.jpg

     

     

    L'histoire que je vais vous raconter est authentique.
     
    La scène se déroule dans un premier temps rue des Maronites pour se terminer rue du Pressoir.

    Mes parents m'ont raconté cette petite histoire moult fois. L'année dernière encore, mon père ne savait pas, que c'était la dernière fois qu'il se remémorait "l'exploit" du "bébé" fugueur que j'étais! Papa ne rentrait pas tous les jours car il était "mobilisé" à la caserne des pompiers de Paris. Dans un premier temps, à Nativité puis, une fois les classes terminées, à la caserne de Port-Royal.
     
    Comme il est né en 1919, il était très jeune à l'époque. Il a été mobilisé je crois, pendant la période 1939-1945.
    Ma petite escapade  se situe vers le mois de juin 1944, j'avais vingt-huit mois. Ce matin là, maman devait se rendre à l'atelier de couture, de son amie car elle effectuait des travaux de couture avec elle. Quant à moi, bien sage, j'étais avec maman dans la cour, côté atelier.
    Je tirais un petit camion rouge, bien sûr attaché par une cordelette.
     
    Silence! On tourne !
     
    Je ne sais pas par quel hasard, la porte cochère se trouvait grande ouverte ! Peut-être en prévision d'une livraison de boissons destinée au Bar dont l'arrière-boutique donnait sur la grande cour.
     
    Soudain! la liberté s'offrait à moi. Je partais à toute allure ! Vers une destination inconnue ? Pas vraiment. Je courais sur mes petites jambes.
    Au risque de tomber! Le sourire aux lèvres, apparemment très pressée d'après les observateurs, je donnais l'impression d'avoir des ailes.
    Je devais bien être consciente, dans ma petite tête, que j'étais en train d'échapper à la surveillance de Maman.
     
    Je tournais à l'angle de la rue du Pressoir, je continuais, et là, l'objectif était atteint ! J'étais devant la crèmerie chez "Maggi" !
    Pendant ce temps, panique générale, tout le monde me cherchait. J'avais été repérée ! Cernée, les chalands étaient autour de moi afin que Maman puisse me rejoindre.
    J'affectionnais particulièrement ce magasin. Je donnais le pot au lait à la crèmière. Après elle le donnait à Maman car le pot était trop lourd, les bidons paraîssaient énormes... J'adorais cette crème de lait  qui se déposait au-dessus de la casserole. En ce temps là le mot "solidarité" dans notre quartier n'était pas un vain mot. Papa n'était pas natif de ce quartier. Il venait de la rue Laurence Savart, dans le XXème. Nicole Bourg

  • CONNAISSEZ-VOUS RENE NORMANT ?

     

    France Reynaud nous écrit dans l'espoir d'être renseignée sur ses grands-parents qui vécurent rue du Pressoir. Lisez son message ci-après et n'hésitez pas à laisser des commentaires. Si vous avez connu René Normant, quelle joie ce serait pour sa petite-fille ! 

     

    rené normant.jpg

    René Normant

     

    Bonjour Monsieur, 

    J'ai récemment découvert votre site et j'y suis particulièrement attachée. En effet, je fais des recherches sur mes grands-parents maternels qui ont vécu dans la rue du Pressoir, après avoir vécu rue de la Chapelle à la fin des années 20. Mon grand-père s'appelait René NORMANT, il est né en 1899 à Paris (18°) et ma grand-mère était Marie-Louise NORMANT née BLANCHETIERE, décédée de la tuberculose dans un sanatorium en 1936. Mon grand-père a vécu au 3 (ou 5) rue du Pressoir pendant la 2nde guerre mondiale et certainement après. Il vécut après la mort de ma grand-mère, rue du Pressoir avec une dame du nom de COANUS (Emma était son son prénom, me semble-t-il). Il est décédé en 1969. Ma mère, Paulette NORMANT y a vécu avec son frère Maurice. Juste en face habitait une tante "Yvonne" qui vivait avec un certain Monsieur Pierre, je crois. Je n'en sais pas beaucoup plus malheureusement.

    Je suis à la recherche de toutes personnes qui pourraient les avoir connu pour pouvoir me faire partager quelques souvenirs et en savoir plus sur ce grand-père dont je me sens si proche.

    Peut-être pourriez-vous m'aider ou me conseiller dans ma recherche ?

    Merci d'avance

    Bien cordialement,

    France Reynaud. Dunkerque (59)

     

     

  • RUE HAXO/L'IMAGE DU JOUR

     

    angle rue de belleville et rue haxo .jpg

    Angle de la rue Haxo et de la rue de Belleville

    Chaque dimanche, nous aimerions publier sur le site de la Rue du Pressoir une image de notre quartier. Seulement, nous ne disposons que d'un très faible stock. Nos albums personnels sont limités. Aussi faisons-nous appel à vos archives. Si vous possédez une photographie que vous souhaiteriez mettre en ligne, avec les mentions et légendes que vous jugerez nécessaires, faites-nous plaisir. Elles feront le bonheur des visiteurs toujours plus nombreux qui viennent flâner parmi nos pages.

     

  • PARIS JOUR PAR JOUR/LES FAITS IMPORTANTS DE 1935 A 1945

     

    Doisneau Belleville.jpg

    Belleville Robert Doisneau

     

    A Lucile qui se souvient si bien de l’îlot de la rue du Pressoir

    d’avant la guerre et bien après. Bienvenu Merino

    1935

    20 avril : Première  émission officielle de télévision à partir   du  ministère des P.T.T. rue de Grenelle.

    18 mai : Neige exceptionnellement tardive sur la région parisienne.

    5 juillet : Pose de la première pierre des musées d’Art moderne de l’avenue de Tokyo.

    14 juillet : Manifestation commune de la gauche, naissance du Front populaire.

    1er août : Premier transport aérien de poisson : les sardines pêchées le matin à La Baule sont mises en vente à Paris à dix-neuf heures.

    17 novembre: Création du service de renseignements téléphoniques S.V.P.

     

    1936 

     3 mai Victoire du Front populaire aux élections législatives.

    26 mai : Début d’une vague exceptionnelle de grèves.

    7 juin : Accords  salariaux de Matignon.

    31 juillet : Record absolu de pluie pour le mois de juillet avec 153 millimètres. Le maximum précédent, en 1829, était de 126 millimètres.

    9 septembre : Fondation de la Cinémathèque française par Henri Langlois, Georges Franju et Jean Mitry.

    1937

    1er mai : Première fête du Travail officielle et chômée.

    15 mai : Premier crime dans le métro, entre les stations Porte de Charenton et Porte Dorée.

    24 mai : Inauguration de l’Exposition internationale des Arts et des Techniques.

    27 août :  Inauguration au Trocadéro du musée des Monuments français.

    11 septembre : Attentats à la bombe contre les sièges de la Confédération générale du patronat français et de l’union des industries mécaniques, rues de Presbourg et Boissière.

    1938

    5 février : Inauguration du Stade Pierre de Coubertin.

    17 juin : Inauguration du centre de transfusion sanguine de l’hôpital Saint-Antoine

    30 septembre : Accueil triomphal pour Edouard Daladier, président du Conseil, de retour de Munich où il a abandonné la Tchécoslovaquie à Hitler.

    1939

    10 mars : Distribution des premiers masques à gaz à la population civile.

    19 mars : Affichage indiquant les emplacements des abris contre les raids aériens.

    21 avril : Décret-loi restreignant les attributions du Conseil municipal. Il est complété par le décret-loi du 13 juin.

    25 août : Saisie des journaux communistes L’Humanité et Ce Soir pour avoir écrit que le pacte germano-soviétique favorisait la paix.

    31 août : Début de l’évacuation des enfants de la capitale.

    1er septembre : Mobilisation générale et état de siège. La guerre est déclarée le 3.

    1940

    29 février : Mise en place de la carte d’alimentation.

    3 juin : Bombardement aérien : deux cent cinquante-quatre morts, six cent cinquante-deux blessés.

    10 juin : Départ du gouvernement pour Tours puis pour Bordeaux. Paris est déclarée ville ouverte le 13. Les allemands y entrent le 14.

    6 septembre : Sur les ondes de la B.B.C. à Londres, la radio de la France libre, sur l’air de la Cucaracha, lance le slogan : « Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand. »

    18 octobre : Instauration d’un statut spécial pour les juifs par les autorités allemandes d’occupation.

    11 novembre : Manifestation des étudiants à l’Arc de triomphe de l’Etoile.

    26 décembre : Loi suspendant le Conseil municipal.

    1941

    14 mai : Arrestation de cinq mille juifs  d’origine étrangère.

    1er juillet : Carte de rationnement du textile.

    20 août : Ouverture du camp de Drancy, centre de transit pour les juifs avant leur déportation.

    21 août : Assassinat à la station de métro Barbès d’un officier allemand par Pierre Georges, dit Fabien. Riposte des autorités d’occupation : institution du système des otages.

    29 août : Exécution au mont Valérien des premiers résistants, parmi eux Honoré d’Estienne d’Orves.

    2 septembre : Serment de fidélité au maréchal Pétain des magistrats parisiens : un seul refuse.

    16 septembre : Exécution des dix premiers otages.

    16 octobre : Loi d’organisation municipale provisoire.

    1942

    10 mars : Manifestation antinazie  au lycée Buffon : cinq élèves sont arrêtés et fusillés.

    7 avril : Obligation de possession d’une carte d’identité à partir de seize ans.

    29 mai : Obligation du port de l’étoile jaune de David par les juifs de la zone occupée.

    16-17 juillet : Grande rafle des juifs : treize mille personnes arrêtées et enfermées au Vélodrome d’hiver.

    1943

    15 février : Création d’un Service du travail obligatoire (S.T.O.) de deux ans pour tous les français de vingt trois ans.

    27 mai : Première réunion, rue du Four, du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) présidé par Jean Moulin.

    3 septembre : Bombardement aérien, par les Alliés, quatre cent morts.

    1944

    21 avril : Bombardement aérien du quartier de la Chapelle, six cent quarante et un morts. Le 26, le maréchal Pétain vient leur rendre hommage. C’est sa première visite dans la capitale depuis 1940.

    19 août : Insurrection  contre les allemands. La ville est libérée le 25.

    27 août : Premier Conseil des ministres à l’hôtel Matignon depuis 1940.

    30 octobre : Création d’une assemblée municipale provisoire. Elle ne siège qu’en mars-avril 1945.

    18 décembre : Premier numéro du journal Le Monde qui s’est substitué au Temps.

    1945

    13 avril : Ordonnance de création d’un Conseil municipal élu.

    29 avril : Premières élections municipales depuis la guerre. Les femmes votent pour la première fois.

    4 juin : Echange des billets de banque jusqu’au 16.

    4 juillet : Premier grand  prix du théâtre à Paris décerné à Jean Vilar.

    4 septembre : Institution de la Sécurité sociale.

    Chronologie de Bienvenu Merino

  • LA PASSERELLE/L'IMAGE DU JOUR

     

    la passerelle gare ménilmontant.jpg

    La passerelle de la Gare Ménilmontant

    Chaque dimanche, nous aimerions publier sur le site de la Rue du Pressoir une image de notre quartier. Seulement, nous ne disposons que d'un très faible stock. Nos albums personnels sont limités. Aussi faisons-nous appel à vos archives. Si vous possédez une photographie que vous souhaiteriez mettre en ligne, avec les mentions et légendes que vous jugerez nécessaires, faites-nous plaisir. Elles feront le bonheur des visiteurs toujours plus nombreux qui viennent flâner parmi nos pages.

     

  • RUE DE BELLEVILLE/L'IMAGE DU JOUR

     

    5-rue-de-belleville-1944.jpg
    Rue de Belleville en 1944
    Chaque dimanche, nous aimerions publier sur le site de la Rue du Pressoir une image de notre quartier. Seulement, nous ne disposons que d'un très faible stock. Nos albums personnels sont limités. Aussi faisons-nous appel à vos archives. Si vous possédez une photographie que vous souhaiteriez mettre en ligne, avec les mentions et légendes que vous jugerez nécessaires, faites-nous plaisir. Elles feront le bonheur des visiteurs toujours plus nombreux qui viennent flâner parmi nos pages.

     

     

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/1

     

    Marché Ménilmontant.jpg
    Les deux billets de Lucile à propos de la rue du Pressoir et de ses environs nous ont donné envie de la solliciter de nouveau. Lucile nous raconte les commerces qu'elle fréquentait et c'est l'occasion d'une promenade à rebours dans notre quartier tant aimé. Voici le premier volet d'un entretien au long cours.

    Vous habitiez rue des Maronites, un point de vue idéal sur la rue du Pressoir qui comptait de nombreux commerçants. Avez-vous le souvenir de l’épicerie de Madame Gilles ? 

    Lucile : Je n’ai pas fréquenté « l’épicerie de Madame Gilles ». Je la situe très bien, puisqu’elle figure sur votre plan, juste en face de l’impasse, là où la rue du Pressoir amorce l’angle droit qui va la mener vers la rue des Couronnes. Je l’ai même reconnue sur l’une de vos photos, prise à partir du haut de la rue du Pressoir. 

    C’était bien trop loin de mon poste d’observation, et ma grand-mère n’aurait jamais eu l’idée de monter si haut pour y faire ses courses, alors qu’elle disposait du Primistère et de la boîte à oublis que constituait le magasin de Monsieur Terrot où l’on trouvait de tout ! 

    (Une parenthèse, mais qui pour moi a de l’importance : M. et Mme Terrot s’honoreront de n’avoir jamais fait de marché noir durant la guerre.)

    Dans vos billets, vous évoquez de nombreuses enseignes situées rue du Pressoir. En est-il une qui vous a profondément marqué ?

    Lucile : Les courses, on les faisait essentiellement rue de Ménilmontant et boulevard de Belleville, les jours de marché. C’était à la fois une obligation et un plaisir.

    Tous les métiers de bouche étaient réunis entre la place Ménilmontant et la rue Sorbier : boulangers, pâtissiers, bouchers, charcutiers, tripiers, volaillers, poissonniers, marchands de légumes crus et cuits  (mais oui !), épiciers, et même à plusieurs exemplaires. Ce qui offrait un choix considérable. Sans oublier les marchandes de quatre saisons qui occupaient le côté droit en partant du boulevard de Ménilmontant. Je dis bien les « marchandes » de quatre saisons, car ces emplois étaient réservés, et la majorité des voitures étaient tenues par des veuves de guerre (celle de 14) qui avaient obtenu la plaque. Cela gênait peut-être un peu les chauffeurs du 96, mais quelle vie et quel charme elles donnaient au quartier ! Je me souviens, entre autres, dans le bas de la rue, de « la grande Marcelle », jolie femme de belle allure, dont l’étal de fruits et légumes était toujours élégant et les produits de premier choix. Elle avait vite fait de plier un journal pour envelopper votre salade, réservant les sacs de papier aux fruits plus fragiles.

    On y trouvait aussi tous les autres types de commerce : un grainetier, au coin de la rue Delaitre,  un marchand de chaussures, au coin de la rue Victor Letalle, des cafés/bureaux de tabac bien sûr, un grand bazar avant l’épicerie Loiseau-Rousseau, un chemisier et des marchands de vêtements, des marchands de journaux/papeteries, des pharmacies, la mercerie « Au myosotis », juste avant la rue des Amandiers, la grande bijouterie de « La Serpe d’Or » au coin de la même rue, l’Uniprix, des parfumeries, et j’en oublie…, enfin bref tout ce qu’il fallait pour ne pas avoir à descendre dans Paris !  Sans compter les cinémas sur lesquels j’aurais l’occasion de revenir.

    J’appréciais tout particulièrement « l’Italien ». Une grande boutique, à gauche en montant, qui sentait bon jusque dans la rue, et qui vous dépaysait dès l’entrée. La présentation et les produits étaient différents, les salamis et les jambons pendaient au plafond, la mortadelle était énorme, les grands sacs de toile entr’ouverts laissaient apercevoir des farines et graines inconnues et les macarons collés sur de grandes feuilles de papier blanc découpées à la demande ne se trouvaient que chez lui. Le magasin était profond. Un peu mystérieux mais tellement délicieux pour la très petite fille que j’étais à l’aube des années 40 !

    J’ai évoqué le marchand de légumes cuits. Les légumes en question, betteraves, épinards, artichauts, pommes de terre à l’huile, haricots rouges, reposaient en pyramides dans de grands saladiers blancs posés sur un comptoir de marbre. Tout cela donnait directement sur la rue, il n’y avait pas de vitrine fermée. Les pommes de terre grelots étaient vendues, soit crues grattées à la machine, soit frites et déposées bouillantes à l’aide de grandes araignées de métal dans un cornet de papier. 

    Je me suis éloignée de la rue du Pressoir. Tous les commerces m’étaient familiers, même si mes parents ne faisaient qu’y passer. Je les ai déjà évoqués dans un billet précédent Par contre, je ne revois pas l’établissement de Bains-Douches à l’endroit situé sur le plan. Je le croyais plus haut dans la rue. Il faut dire que maman fréquentait plus facilement celui situé boulevard de Belleville, à la hauteur du métro Couronnes, là où le boulevard forme une sorte de petite place.

    Entre chez Terrot, l’épicier, et l‘impasse Célestin, on comptait un « bougnat », café/marchand de charbon auvergnat - qui vendait aussi des ligots pour allumer le feu, (petits fagots de bois taillé en bûchettes et entourés d’un fil de fer ), le comptoir Maggi, et un salon de coiffure.  On m’y a fait couper les cheveux un moment. J’ai gardé le souvenir d’un praticien à la main baladeuse qui avait trouvé le moyen de conserver ma clientèle - ou plutôt celle de mon innocente mère - en me faisant un superbe cran ! Je suis moi-même surprise de constater combien ces menus détails me reviennent.

    boulevard belleville.jpg
     La rue du Pressoir comptait d’étroites perpendiculaires (Passage du Pressoir, Passage Deschamps). Vous arrivait-il de vous y aventurer et quelles images en gardez-vous ?

    Lucile : Je connaissais le passage Deschamps pour une raison très simple. Ma grand-mère donnait son linge à laver à Madame Deschamps qui occupait un petit logement vétuste dans l’une des premières maisons à gauche. Nous allions donc porter le linge sale, avec la liste des pièces confiées, et le récupérer propre la semaine suivante après pointage de la liste et règlement de la somme due. Il y avait chez cette pauvre femme une horloge comtoise qui me faisait oublier le reste. À tort ou à raison, cet endroit me paraissait terriblement sinistre et le débouché du passage sur le boulevard de Belleville non fréquentable!

     

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/2

     

    angle rue de belleville et bd de belleville 1a.jpg

    Où Lucile nous parle de cinéma et de pommes d'amour, de chocolats glacés et de la Rosengart de son père surnommée Trottinette.

    Avez-vous le souvenir d’un spectacle de rue et particulièrement de la fête (scénic railway, stands de jeux) qui s’étalait sur les trottoirs du boulevard de Ménilmontant ?

    Lucile : Hormis le cinéma, les sorties « parisiennes » de mes parents n’étaient pas très nombreuses.

    La Foire à la ferraille et au Pain d’épices  - qui me voyait gratifiée d’un petit cochon portant mon nom en sucre coloré, quelquefois les Puces de Montreuil, la balade sur les grands boulevards au moment des Fêtes lorsque s’y installaient les baraques du Jour de l’An, c’était à peu près tout.

    Même la fête foraine du boulevard de Belleville ne les tentait pas. On la traversait sans s’arrêter en allant rendre visite à mon parrain qui habitait le 19ème, et les pommes d’amour me subjuguaient. Je fus d’ailleurs très déçue lorsque j’en reçus une ! Par contre, on descendait fréquemment jusqu’à la République en empruntant le faubourg du Temple, ou l’on remontait la rue de Belleville jusqu’à la rue des Pyrénées. Mais disons qu’en faisant ces promenades,  on n’avait pas l’impression de sortir du quartier.

    Il faut dire que Papa alliait un fort goût pour la verdure et l’air pur à celui non moins prononcé de la mécanique. Cela tombait bien à cette époque si l’on souhaitait disposer d’un moyen de transport familial personnel. Il commença donc avec un side-car, puis s’équipa d’une vieille Rosengart baptisée Trottinette.  

    Lucile et la trottinette.jpg
    La Trottinette Rosengart

    Quelles étaient vos promenades avec vos parents ?

    Lucile : Dès les premiers beaux jours, nous partions en forêt de Fontainebleau, sur les bords de Marne, ou ailleurs… et l’hiver, Papa désossait complètement Trottinette et bichonnait son moteur afin qu’elle soit fin prête pour la saison prochaine !

    Pendant la guerre, la voiture échappa aux Allemands, dissimulée dans une cour de la rue Julien Lacroix. Elle reprit vaillamment du service aussitôt qu’il fut possible de se procurer de l’essence. Papa n’abandonna en fait sa chère Rosengart que lorsque apparut la 4CV. 

    Plus tard, à l’âge du collège, les sorties « culture » du jeudi vers les monuments et musées parisiens, théâtres ou concerts, c’est au patronage que je les dois. Encore maintenant je rends grâce à la qualité de ces éducateurs dévoués qui surent très tôt éveiller ma curiosité. 

    1936_Menilmontant.jpg

    Quelles étaient vos distractions dans le quartier ? Fréquentiez-vous les cinémas ? 

    Le cinéma ! Le bon et le mauvais, en vrac, on était tellement émerveillés de l’avoir qu’on absorbait goulûment tous les programmes

    Du bas de la rue de Ménilmontant jusqu’à la rue des Pyrénées, il y avait trois salles, toutes du même côté, à droite en montant : Le Phénix, à côté de l’Uniprix, Le Ménil-Palace en face de la rue Julien Lacroix et le Gaîté-Ménil un peu après la rue Boyer.

    (C’est au Phénix que j’ai vu mon premier film : Blanche-Neige et les Sept nains de Walt Disney. Je devais avoir 5 ou 6 ans.)

    Le choix était grand car on trouvait l’Impérator, rue Oberkampf, l’Excelsior, avenue de la République près du Père Lachaise, le Zénith, rue Malte-Brun et le 20ÈME Siècle boulevard de Ménilmontant, avant la rue des Panoyaux. 

    C’était, dans ma famille, la sortie rituelle du samedi soir. Dès le mercredi on allait repérer les films qui passaient dans le quartier et les parents décidaient. On se dépêchait de dîner - surtout si le choix se portait sur l’Excelsior ou le Zénith qui étaient plus loin – et on allait faire la queue pour être bien placés. Il n’était pas question de manquer l’attraction, les actualités et le documentaire qui précédaient le film. Ni même la publicité Jean Mineur qui nous amusait beaucoup ! Les ouvreuses vendaient leurs « chocolats glacés » à l’entracte, c’était du plaisir à bon compte.

    Les films dont je me souviens surtout sont les films américains d’après-guerre . Tels Mrs Miniver ou Ouragan sur le Caine, Le Bal des Sirènes avec Esther Williams qui enchantait mon papa, Le Troisième homme avec Orson Welles. Et puis les Zorro, les films de cow-boys en général, et les péplums comme Ben Hur. Les grands films français, je les ai vus plus tard, en ciné-club. De même que le Cuirassé Potemkine dont la célèbre séquence de la voiture d’enfant qui dévale les escaliers d’Odessa nous a tous marqués. 

    À l’époque on ne se souciait guère du réalisateur, ce sont les acteurs qui avaient la vedette. Le cinéma n’était pas encore le Septième art, c’était une distraction à la portée de tous, plus facilement accessible que le théâtre. La notion de film d’auteur n’avait pas encore fait son apparition dans l’esprit du public.   

     

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/3

     

     

    Livre de Henri Guérard.jpg

     

    Lucile : Je reviens sur le cinéma, tel que - je crois - la plupart des gens l’abordaient dans ces années là.


    C’était « l’histoire » qui retenait d’abord le spectateur. Puis la plastique et le jeu des acteurs. L’intérêt pour l’écriture du scénario, de la photo, du cadrage ou du son n’était pas courant. Il a fallu que le public soit progressivement éduqué pour qu’il puisse apprécier.

    Des personnalités vécurent dans le quartier, parmi lesquelles Maurice Chevalier, Georges Pérec, Clément Lépidis… Les avez-vous croisées ?

    Lucile : Je sais que notre quartier a inspiré des plumes célèbres. Je n’ai malheureusement pas eu la chance de les connaître. À moins que je ne les aie croisées avant qu’elles le soient devenues !

    Mis à part Maurice Chevalier qui était revenu tourner un court-métrage sur sa vie - ou quelque chose de ce genre - dans le fond de la rue du Pressoir, je n’ai pas de souvenirs marquants. Bien sûr la chanson « Les gars de Ménilmontant » était en quelque sorte l’hymne local et je l’avais entendue, comme tout le monde. Je dois dire que je n’apprécie ni l’homme, ni l’acteur. Ce doit être la raison profonde de mon oubli…

    Vous avez connu le photographe Henri Guérard. Pouvez-vous nous en parler ?

    Lucile : J’ai connu Henri Guérard qui faisait partie de l’équipe fondatrice de l’Ami du XXème. Nous étions proches de la paroisse Notre-Dame-de-la-Croix, et c’est tout naturellement que nous lui avons demandé de faire nos photos de mariage. Il habitait alors rue d’Annam et nul ne se doutait encore, à l’époque, qu’il figurerait parmi les grands photographes de sa génération. Les albums de mariés, où il mettait tout son cœur, étaient pour lui une source de revenus.

    L’année dernière, en compagnie d’amis retrouvés, nous avons eu l’occasion de passer un moment avec lui et son épouse qui l’a toujours accompagné dans ses travaux. Nous ignorions qu’il était devenu aveugle et cela nous a beaucoup peinés. Il nous a toutefois laissé l’impression d’un vieux monsieur charmant qui semble avoir conservé le sens de l’humour et la joie de vivre en dépit de son cruel handicap. Je regarderai maintenant nos photos avec encore plus d’émotion.

    Henri Guérard, Willy Ronis, et d’autres, ont laissé du Ménilmontant d’avant le massacre des années 60 des images inoubliables. C’est une grande chance. La mémoire est volage. C’est en participant à votre blog et en essayant de reconstituer dans ma tête les rues de mon enfance que je m’aperçois combien il est difficile d’être fidèle.


    Avez-vous été le témoin de la destruction du quartier et particulièrement de la rue du Pressoir ?

    Lucile : Je n’ai pas vécu les démolitions de masse. Nous avions déjà quitté le quartier quand elles ont commencé, mais nous les avons suivies de près en venant voir nos familles rue Julien Lacroix et rue des Platrières.

    Nos parents ne sont plus, nos amis de jeunesse se sont éparpillés à travers la France, mais c’est toujours avec plaisir que nous retrouvons sur les photos célèbres les personnages que l’on connaissait de vue et dont les silhouettes caractéristiques avaient retenu l’œil du photographe.

     

    destruction rue du pressoir.jpg

     

    La plume remarquable de Lucile, la précision de ses témoignages, nous ont incité à lui poser quelques questions sur son histoire personnelle. Elle a bien voulu nous livrer certains renseignements au sujet de ses parents et de son parcours professionnel et nous l'en remercions.

    "Quand on a perdu ses parents, on se sent en première ligne. Les années passant, il arrive même que l’on tente de se retrouver en eux. À moins que ce ne soit le contraire : on cherche à les retrouver en soi.

    Mon papa était ajusteur de formation.

    Je sais qu’il avait fréquenté l’école de la rue Henri Chevreau, mais j’ignore où et comment il avait appris son métier. Toujours est-il qu’il a terminé sa carrière professionnelle comme chef-monteur au département essoreuses industrielles des Pompes Guinard.

    Ce qui l’entraînait à circuler à travers toute la France, l’Europe, et même le monde. Il n’était jamais à la maison en semaine et ne rentrait le week-end que si ses déplacements n’étaient pas trop éloignés de Paris.

    À partir des années 60 jusqu’à sa retraite, il a promené successivement sa chère caisse à outils, qui pesait des tonnes, en Espagne, en Italie, en Allemagne, au Moyen-Orient et même au Brésil où il mettait en route des installations de dessalement d’eau de mer. Au Moyen-Orient il utilisait deux passeports :  à ce moment là – déjà -  il valait mieux ne pas faire figurer sur un même document les cachets d’Israël et ceux du Liban…

    Il nous rapportait de ses voyages des informations inédites car il était en général chaleureusement accueilli par les ingénieurs locaux. Cela dit, il en fallait beaucoup pour étonner Papa, et il partait à Bahia comme s’il allait à Saint-Ouen.  L’important pour lui était de trouver sur place les compétences nécessaires à la résolution de ses problèmes techniques !

    Maman jouait les Pénélope.

    Elle tenait un poste de secrétaire-comptable dans une petite entreprise de la rue Boyer, juste en face de la Bellevilloise et de la Maroquinerie. Ce qui lui a permis, jusqu’à ce que nous quittions Ménilmontant, de profiter de son petit fils en fin de journée alors que je n’étais pas encore rentrée du bureau.

    Car à mon tour j’étais entrée dans la vie active après l’E.S.D. de la rue Soufflot (Ecole des Secrétaires de Direction). Après une dizaine d’années d’arbitrage/titres (bourse), j’ai suivi mon mari muté à Lyon par sa banque et, une fois rentrée à Paris, me suis consacrée à la vie associative : animation de club d’investissement féminin et organisation de consommateurs essentiellement.

    Comme nous vivons le plus souvent à la campagne depuis la retraite de mon mari, mes activités ont changé mais n’en sont pas moins passionnantes. Je me suis impliquée dans la rédaction du bulletin communal : histoire du village depuis son origine, de ses monuments, de sa sainte patronne et surtout, d’un personnage historique qui a marqué le 18ème siècle de son empreinte, Madame Roland, l’égérie des Girondins, dont le mari, éphémère ministre de l’Intérieur de Louis XVI, a eu le bon goût de venir se suicider sur nos terres !

    De plus, j’ai participé pendant deux ans au travail de la commission Culture de la Communauté de Communes à laquelle nous sommes rattachés. Il me revenait, après les avoir présentés et mis en valeur pour allécher nos concitoyens, de faire les comptes-rendus des divertissements divers que nous proposions : théâtre, cirque, concerts de rock, et spectacles de rue. 

    Inutile de préciser que, comme hier encore, j’ai aussi bien souvent, servi d’écrivain public."

     

    Henri Guérard.jpg

     

    B I O G R A P H I E DE HENRI GUERARD

    Henri Guérard naît le 19 mai 1921 au 10 rue Sorbier à Ménilmontant. Il commence à travailler très tôt comme employé de bureau. Ce travail ne lui convient pas et c’est grâce à un collègue qu’il rentre aux Éclaireurs de France et s’initie à la randonnée et au canoë. C’est lors d’une de ces sorties qu’Henri réalisera ses premières prises de vues. Il rencontre Simone qui deviendra son épouse en 1942. Le jeune couple «entre» en résistance en passant des messages ou en distribuant des tracts. Ils aident aussi, avec leurs camarades, les personnes âgées particulièrement démunies. En 1944, Henri réalise des photos de la Libération de Paris et de la bataille de Ménilmontant. Il entre cette même année au service photographique et cinématographique des armées. L’année suivante, il quitte l’armée et s’installe avec Simone comme artisan photographe. Photos de mariages, de communions, reportages industriels… sont le lot des photographes d’alors. Il travaille pour le journal «L’Ami du 20e» et commence à photographier l’arrondissement sous toutes ses coutures. Henri est le témoin des grandes mutations que subit le 20e dans les années 60. Il s’intéresse au sort des habitants et capte mieux que personne, l’atmosphère, le charme particulier de Belleville et de Ménilmontant. À partir de 1963, Henri et Simone travaillent pour les Petits Frères des Pauvres pour lesquels ils réaliseront de nombreux reportages tant en France qu’à l’étranger, tout en organisant des sorties et des animations culturelles pour de jeunes couples. Infatigable, généreux, heureux de partager son savoir, Henri Guérard animera un club photo de 1970 à 1985. 

    VOIR SITE

    PHOTOGRAPHIES D'HENRI GUERARD

    PORTRAIT D'HENRI GUERARD SUR AGORAVOX

     

    Photographes de Paris.jpg

     

     

     

     

  • GERALD BLONCOURT PHOTOGRAPHE FRANC-TIREUR

     

    Gérald B. sur grand écran.jpg
    Gérald Bloncourt sur grand écran à la Mairie du 11e arrondissement
    par Bienvenu Merino

     

    Né le 4 novembre 1926, à Haïti, Gérald Bloncourt est à 20 ans, artiste et leader des journées révolutionnaires qui secouent Haïti, début 1946. Il doit s’exiler en France pour échapper à une condamnation à mort par la junte militaire qui a pris le pouvoir. Devenu photographe, membre du P.C.F. et responsable photo du service politique du journal l’Humanité, il décide de faire de son objectif une arme au service de son combat humaniste.

    « JE NE SUIS PAS UN MARCHAND DE PHOTOGRAPHIE, JE SUIS UN FRANC-TIREUR DE L’IMAGE ».

    Ici, dans les salons de la Mairie, 50 ans de photographies résumés en moins de cent  images époustouflantes de vérité, de sensibilité, témoignages d’un monde tourmenté, de tueries dans le cher Haïti de son enfance, d’émigrés venus du monde entier s’entassant dans les bidonvilles de la région parisienne, dans les années 1960, de travailleurs hors du temps, de mineurs du nord de la France aux visage de saints terrorisés par le destin,  de femmes, d'enfants et d'hommes anonymes acculés par la souffrance et la lutte quotidienne. Bienvenu Merino

    Bloncourt Belleville.jpg

    Belleville par Gérald Bloncourt

     

    Photo Gérald Bloncourt.jpg
    Photo: Gérald Bloncourt.
    Angela Grimau, femme de Julian Grimau, au moment de l'annonce de l'exécution de son mari, militant communiste espagnol. Cela se passe à la Bourse du travail de Paris, au cours de la manifestation réclamant l'arrêt de la sentence. On lui apprend avec des fleurs que son mari vient d'être fusillé. Son regard montre l'immense douleur qui l'envahit.

     

     

    EXPOSITION DU 23 AU 31 JANVIER

    Film/entretien sur grand écran avec Gérald Bloncourt

    Salle des fêtes de la mairie du 11e arrondissement deParis

    Place Léon Blum Paris 75011

    Métro Voltaire

     

    Belmondo - Bloncourt.jpg

    Poème de Gérald  Bloncourt

    Paris quelque part

    Le ciel blafard et l’ombre muette

    jettent leur valise au regard du monde

    la faim gèle sa cadence

    au pluvieux nuage que mord l’étain

     

    Le vent céleste et la molle cerise

    appellent la tendresse et le rire bruyant

    Je vois mourir l’ombre des grands toits

    Et se tordre le gris des ardoises tristes

     

    Je vois miauler

    la couche d’asphalte

    j’entends grincer pleurer la radio

    et la joie.

     

    Et je dis au courant qui gratte

    l’espace

    voici venir l’ombre vaste

    des cyclones hargneux.

     

    Je boucle ma valise pour un port

    plus doux

    et je nage dans l’équilibre de la sueur

    moite.

    LE BLOG DE GERALD BLONCOURT

  • LUCILE SE SOUVIENT DE LA RUE DU PRESSOIR

     

    Rue des Maronites.jpg
    Cinquième à gauche, arborant fièrement sa croix d'honneur sur son tablier noir d'écolière, la maman de Lucile. Cette photo prise devant le magasin de Monsieur et Madame Tabak, 24 rue des Maronites, date de 1922 ou 1923. Lucile a bien connu ces commerçants avant qu'ils ne disparaissent dans la tourmente de la guerre de 40
    Comme je l'ai précédemment indiqué, mes grands-parents maternels habitaient, dès avant la guerre de 14, 24 rue des Maronites, juste en face de la rue du Pressoir. L'immeuble existe encore aujourd'hui bien que j'aie toujours entendu dire qu'il allait être abattu !(Comme la rue du Pressoir a été percée en 1937 - ai-je lu sur votre blog - je suppose que l'intention était de rejoindre ainsi la rue Etienne Dolet dont presque tous les immeubles correspondaient à ceux de la rue des Maronites par une suite de cours intérieures.)
    Leur logement était celui, sur rue, du troisième étage. C'est là que ma grand-mère, devenue veuve de guerre, a élevé seule ses deux enfants, nés, mon oncle en 1912, et maman en 1915.
    Mes parents, jeunes mariés (Papa venait, lui, de la rue des Couronnes) s'installèrent en 1934 au premier étage du  même immeuble. Et c'est, lorsqu'en 1938 à la naissance de mon frère, ils déménagèrent pour un appartement plus confortable rue Julien Lacroix, que ma grand-mère "descendit" occuper le premier étage car les escaliers commençaient à lui peser.
    Crise du logement oblige, moi, née en 1935, je suis restée auprès d'elle. Et c'est là que le film commence...
    Dès ma toute petite enfance j'ai aimé le mouvement de la rue et j'ai gardé un souvenir précis des gens et des bruits qui l'animaient. Du haut de mon observatoire - trois fenêtres ce n'est pas rien! - j'étais aux premières loges et je ne perdais rien du spectacle.
    Je me souviens, comme si c'était hier, du troupeau de chèvres et du marchand à qui sa boite de bois peinte en bleu servait de boutique pour le lait et les fromages. Il prévenait de son arrivée avec une trompette et il fallait se dépêcher de descendre car les chèvres s'impatientaient !
    Le vitrier équipé de son harnais soutenant les carreaux qu'il ne demandait qu'à poser s'annonçait en criant, de même    que le rémouleur qui aiguisait sur place les couteaux et ciseaux.
    Moins fréquemment venaient également les matelassières, convoquées pour retaper les matelas de laine. Elles s'installaient de préférence dans les cours, mais également sans problème dans la rue. Le travail durait la journée car il fallait aérer la laine et reconstituer le matelas si la toile était encore bonne.
    J'entends encore le piétinement de l'attelage à deux énormes chevaux dont l'écurie se trouvait dans une cour à large porche, rue du Pressoir, un peu avant le passage Deschamps. Je crois me souvenir avoir entendu mon père parler de brasserie.
    Il y a avait aussi la visite du "Caïffa" qui venait régulièrement en espérant qu'on lui passerait commande une fois pour l'autre. Il laissait en toute confiance son triporteur dans le couloir de l'immeuble et montait avec sa toilette pleine de trésors. Il l'installait sur la table de la salle à manger et il était bien rare qu'on ne soit pas tenté par quelque produit d'épicerie fine. Les bouchées de chocolat à la crème et les bonbons fondants de Noël m'ont laissé des souvenirs inoubliables!
    (Je précise pour les plus jeunes, que "Le Caïffa" était une grande épicerie orange, dont l'une des succursales se trouvait presque au coin de la place Ménilmontant, boulevard de Belleville).
    Et puis il y avait bien sûr les chanteurs à qui l'on jetait du haut des fenêtres des sous soigneusement enveloppés dans du papier journal.
    Je grandissais et mon intérêt quitta naturellement le coeur de la maison pour s'étendre à ce qui l'entourait. Arriva la guerre et l'entrée à l'école. J'allais au Sacré-Coeur, rue des Panoyaux, là où Maman elle-même était allée. C'était une "grande" qui m'y accompagnait : Ginette, la fille de Monsieur et Madame Terrot, qui tenaient l'épicerie/crémerie/fruits et légumes du début de la rue du Pressoir, située juste après le café-hôtel du coin "Chez Gaston".
    Une parenthèse : celui-ci est appelé "chez Terro" sur votre plan, parce qu'en fait, la fille de Madame Gaston, la bistrote, épousa un jour le frère de Monsieur Terrot, l'épicier ! et c'est le jeune couple qui prit la suite. Mais ceci est une autre histoire !
    Toujours est-il que dans les années 40, avant, pendant et après l'Occupation, c'était pour tout le monde "Chez Gaston". Du haut de mon premier étage, j'avais évidemment une vue à 180° sur tout ce qui s'y passait !
    De l'autre côté de la rue du Pressoir et ouvrant sur la rue des Maronites, se trouvait le Primistère, encore une épicerie. Et si l'on remontait la rue côté pair, on trouvait vite le bougnat dont la patronne, "l'Auvergnate" bien sûr, tricotait continuellement des chaussettes, à quatre aiguilles s'il vous plaît !, tout en faisant sa petite promenade.
    J'étais très admirative...
    Toujours du même côté un peu plus haut, il y avait le dépôt Maggi (laiterie/crémerie à succursales). Tout blanc, le magasin frisquet à l'odeur légèrement surette, offrait ses yoghourts, coeurs à la crème et "Fontainebleau" mousseux dans des grands bacs de zinc. Il ne fallait surtout pas oublier sa boîte car on y versait directement le lait puisé dans le grand réservoir à couvercle avec les mesures de métal. J'entends encore le bruit des pots de verre que l'on rapportait et déposait sur le marbre du comptoir, le frottement contre les bacs... c'était déjà du bling-bling ...
    Cela ne dura d'ailleurs pas bien longtemps pour moi, car c'était la guerre et les tickets de rationnement changèrent la donne. Dans l'esprit d'un enfant, la guerre c'est flou. Je garde cependant très vif le sentiment de malaise, informulé à l'époque, des questions qui se posaient à propos de mes petites voisines en allées on ne savait où. Cécile, Lisette, savais-je seulement qu'elles étaient juives ?
    Certes, presque toutes les familles avaient un "prisonnier" en Allemagne (chez nous c'était mon oncle) ou un réquisitionné du S.T.O., mais les enfants n'avaient pas vraiment conscience des drames qui se jouaient. Les problèmes évidents étaient la course à l'alimentation, les rues plongées dans l'obscurité le soir venu, les bandes de papier collées en croix sur les vitres pour éviter la casse en cas de bombardement (!), l'obligation de tenir bien fermés les double-rideaux pour qu'aucune lumière ne soit visible de la rue, et les coups de sifflet des chefs d'îlots rappelant à l'ordre les récalcitrants. Et puis, à partir de 1943, je crois, les alertes, et les sirènes qui  en annonçaient le début et la fin. En principe il fallait descendre aux abris : en ce qui me concerne, ma grand-mère accueillait des voisins de l'immeuble et nous jouions en attendant que cela se passe !
    Le plus pénible souvenir de cette époque demeure pour moi - surtout lorsque j'y repense maintenant - le matin où je vis, rue du Pressoir, les familles juives regroupées au pied de leurs immeubles par des agents en pèlerines, leurs petites valises à la main et l'air complètement perdu. Ce devait être un jeudi, puisque je n'étais pas à l'école. On sait ce qu'il en est advenu.
    La Libération arriva enfin en 1944 et la vie reprit son cours. Je me souviens avec émotion du bal du premier 14 juillet qui suivit, organisé par un café du "fond" de la rue du Pressoir, bal où je n'avais pas le droit d'aller - j'avais neuf ans - mais dont les flons-flons arrivaient jusqu'à moi. C'était la fête.De même lorsque le Tour de France repartit et que l'on suivait au jour le jour, sur la carte de France dessinée à la peinture à l'eau sur la vitre de chez Gaston, le parcours et les résultats d'étapes. Cela attirait un monde fou et chacun y allait de ses commentaires. Moi, j'observais et n'aurais cédé ma place pour rien au monde ! Lucile
  • LUCILE SE SOUVIENT DE LA RUE DU PRESSOIR/2

     

    Maronites.jpg

    24 et 26 rue des Maronites

     

    En fait, les jours passant, chacun prit vite conscience qu'il y eut "avant" et "après" la guerre.

    Mais, comme la nature après un trop long hiver, la vie reprit son cours en essayant de rattraper le temps perdu. On avait toujours aussi froid puisqu'il n'y avait pas assez de charbon pour alimenter les salamandres, mais le peu de circulation automobile permettait aux enfants de se réchauffer en jouant dans la rue. Ce ne sont pas les véhicules à gazogène qui encombraient la chaussée. Si les filles se réservaient le saut à la corde ou la marelle, les garçons avaient le monopole des jeux de billes ou d'osselets, et dévalaient la rue du Pressoir à bord des traîneaux de leur fabrication.

    Certes maman était sévère, il n'était pas question que je descende "jouer sur le trottoir".
    Bah ! ce n'était pas grave! Seul un petit étage me séparait des autres.
    J'étais aux premières loges pour apprécier les concours de gymnastique qui s'organisaient spontanément au carrefour Maronites/Pressoir. Une certaine Denise dominait la bande de la tête et des épaules, spécialiste qu'elle était de la grande roue et du poirier ! Les jeux de saute-mouton n'étaient pas mal non plus, d'autant que là tout le monde participait. De même à la navigation des bateaux de papier dans les caniveaux quand les employés de la ville les mettaient en eau et bouchaient l'entrée des égouts avec des sacs de sable.

    Bref, aux adultes les soucis, la queue à la porte des magasins approvisionnés, la course aux rumeurs quant aux arrivages prévus - qui n'arrivaient pas - et, bien sûr, toujours les cartes d'alimentation. (Je crois qu'elles ont bien dû persister jusqu'en 1947).

    Le dimanche matin, on oubliait tout ça. La fanfare défilait dans le quartier, remontait la rue du Pressoir et les musiciens récupéraient de leurs efforts dans les bistrots du "haut". Les vendeurs de L'Humanité tenaient leurs permanences. À l'heure du déjeuner arrivaient les chanteurs de rue. L'un d'entre eux, en élégant costume noir, saluait à la ronde avec son chapeau melon, en guise de remerciement. L'homme-orchestre passait aussi, mais moins régulièrement ; il en était d'autant plus apprécié.

    L'été, pour se procurer de la glace, il suffisait de héler au passage le camion qui approvisionnait les nombreux cafés.
    À l'aide de son crochet de fer, le livreur débitait un morceau dans les grands pains dégoulinants, l'entourait d'un papier blanc, on le payait, et on se dépêchait de le déposer dans une bassine pour rafraîchir les boissons.
    Il se trouvait toujours au cul du camion un ou deux galopins prêts à sucer les glaçons éclatés !
    En soirée, si la chaleur était trop pesante dans les petits logements, les grand-mères descendaient leur chaise pour bavarder au frais sur le pas des portes.

    De temps en temps, il y avait bien quelques bagarres chez Gaston, mais d'une façon générale la vie était plutôt paisible.

    En 1945, j'allais sur mes dix ans. J'étais en troisième année de catéchisme, le temps était venu de faire ma communion solennelle. Mais... il y avait un "mais" !
    Pas question de faire la fête si mon oncle et parrain n'était pas rentré de captivité.
    La cérémonie était prévue pour le 31 mai : Parrain nous arriva sans prévenir au début du mois !
    De plus, il rapportait des rations américaines et du chocolat !

    La joie fut grande à la maison et il fallut mettre les bouchées doubles pour s'organiser. On profita de l'occasion pour célébrer le baptême de mon petit frère qui avait été repoussé en raison des événements. Ma grand-mère paternelle sortit de ses cartons la tenue de communiante de ma tante (robe, voile et aumônière), qui datait bien de trente ans, mais qui, mise à ma taille, amoureusement lavée, amidonnée et repassée fit son effet le moment venu.

    Le déjeuner familial posa, lui, beaucoup plus de problèmes et réclama une grande dose d'ingéniosité.
    Heureusement, Papa avait ses habitudes en vallée de Chevreuse où il allait régulièrement à vélo échanger ses tickets de tabac contre un peu de ravitaillement. Il rapportait le plus souvent des haricots secs et du blé en grains. Concassés dans le moulin à café, mêlés à de l'eau et cuits à la poêle dans trois gouttes d'huile, on se régalait d'une "galette", que je n'ai pas oubliée. Surtout lorsqu'elle était un peu brûlée !
    Pour le repas de communion, il fallait absolument trouver autre chose. Je ne saurais dire comment les opérations se déroulèrent, mais nous eûmes une pièce montée confectionnée en famille grâce à la générosité de chacun.

    La cérémonie en elle-même perpétuait les fastes "d'avant". Les garçons d'un côté, les filles de l'autre, un cierge à la main, formaient la procession à partir de la rue Étienne-Dolet et pénétraient dans l'église en empruntant les superbes volées de marches qui, pour moi, font de Notre-Dame-de-la-Croix le plus bel édifice XIXème de Paris. La foule était nombreuse, les cloches carillonnaient, croyants et incroyants se rassemblaient autour de la tradition.

    Après, ce fut l'examen d'entrée en 6ème, le collège Sophie-Germain ... la fin de l'enfance.
    En 1947, un téléviseur apparut dans la vitrine de l'électricien de la rue des Couronnes et les badauds purent se regrouper pour assister au mariage de la princesse Elizabeth, future reine d'Angleterre.
    Le monde avait changé, sinon le quartier.

    L'année 1953 fut celle de mon premier vrai chagrin. Ma grand-mère chérie nous quitta brusquement et je laissai ma maison pour retrouver le domicile de mes parents, rue Julien-Lacroix. Heureusement, je connaissais déjà celui qui quitterait sa rue des Plâtrières pour devenir mon époux. Papa et Maman avaient eu la bonne idée de conserver la jouissance de l'appartement. Il nous fut précieux lorsqu'en 1957 nous avons enfin pu nous marier, les obligations militaires du sursitaire étant considérées comme accomplies après un maintien de 27 mois en Tunisie ! C'est donc ensemble que nous retrouvâmes le 24 rue des Maronites.

    Notre mariage eût lieu naturellement à Notre-Dame-de-la-Croix et nous descendîmes les marches entourés de nos amis, précédés par le Suisse en grande tenue avec bicorne et hallebarde, ainsi que cela se faisait à l'époque. Cela sous l'oeil bienveillant de la foule rassemblée comme d'habitude, sur la petite place en bas de l'église, lorsqu'il y avait des cérémonies. Les marchandes de quatre-saisons de la rue de Ménilmontant pouvaient bien attendre un peu les clients, on prenait son temps le samedi matin !

    C'est Henri Guérard, qui n'était pas encore le célèbre photographe qu'il est devenu, qui immortalisa pour nous ces moments de bonheur.

    Toutefois, la rue du Pressoir n'en avait pas fini avec moi ! Un jour de 1958, la guerre d'Algérie faisant rage, deux factions rivales avaient choisi les cafés arabes du côté impair pour s'affronter. C'est en vitesse que nous avons dû déplacer le berceau de notre fils de crainte qu'une balle perdue n'arrive jusqu'à lui !

    Les années 1960 se profilaient à l'horizon et l'on parlait déjà d'échanges d'appartements en vue de la démolition des immeubles, vétustes ou non : un relogement en banlieue contre un abandon du quartier. Si c'était un crève-coeur pour les vieux Parisiens de souche, il faut bien avouer que l'espoir d'une installation plus confortable faisait envie aux jeunes. Je crois que nul ne se rendait compte des dégâts esthétiques qui se perpétraient. À ma connaissance, il ne fut malheureusement jamais question de réhabilitation.

    Par chance pour nous la question ne se posa pas. Nous avons cédé la place à mon frère et ma jeune belle-soeur, de sorte que l'appartement du 24 rue des Maronites resta "dans la famille" quelques années encore. Finalement l'immeuble fut épargné, ainsi que le 26. Ils sont toujours debout aujourd'hui, plus fringants que jamais !

    Depuis des décennies nous ne vivons plus à Ménilmontant, mais nous y avons laissé une grande partie de notre coeur.
    Et même de sérieuses attaches, puisque notre fils a choisi d'habiter Belleville. Question de gènes probablement ...

    Il ne faut pas oublier que Ménilmontant n'a été de tout temps qu'un quartier du village de Belleville ! Lucile

  • EPIPHANIE

    befana.jpg
    La Befana

    Bonjour à tous, c'est aujourd'hui l'Epiphanie, en France et en Italie. Cela s'appelle l'Epiphania, et aussi la "Befana". C'est à la fois le nom de la fête, et le nom de la sorcière de mon enfance, celle dont ma maman me parlait. J''écoutais avec attention, les yeux écarquillés. Cette sorcière, autrefois appelée "Stria",  apportait aux enfants sages bonbons et friandises. Les enfants désobéissants recevaient du charbon....Cette tradition fut aussi récupérée par la religion chrétienne. Dans cette version, la  sorcière enfilait sur une cordelette, pommes, châtaignes, oranges. Ces fruits étaient groupés par dix, ils représentaient les "Ave Maria" et les autres fruits, le "Padre Nostro". La terminaison du rosaire était représentée par une orange. Quoi qu'il en soit, pour beaucoup d'italiens, et de franco-italiens,la "Befana" est une tradition, un joli conte, plus ou moins édulcoré à travers les âges. Cela marque la fin des festivités. Pour la petite histoire, l'on peut toujours apercevoir dans le ciel nocturne, du 5 au 6 janvier, la "Befana" sur son balai. Mon intention était de vous faire rêver, afin que vous puissiez revêtir, quelques instants, le manteau de votre enfance, et que les "petites filles" et les "petits garçons" qui sommeillent en nous se réveillent. Au revoir, et à bientôt... Nicole Bourg

  • NICOLE BOURG SE SOUVIENT

     

    ménilmontant.jpg

    Suite au récit de Bienvenu Mérino, je confirme que, comme pour lui, ce quartier de Ménilmontant est particulièrement cher à mon coeur. Une passion qui nous est commune à tous.

    Je plante le décor. C'était l'hiver, le mois de décembre, plus particulièrement. Sortie de la bouche du métro Ménilmontant. Le marchand de marrons était là : chauds, les marrons,  disait-il. Cette odeur est encore si présente. C'était en même temps la Saint-Nicolas, la fête foraine. Mon père (qui me manque cruellement.) revenait du travail, de Boulogne-Billancourt. En sortant du métro, il achetait au stand confiseries, un gros paquet de nougats pour ma fête. J'attendais ce moment... C'est curieux comme ces souvenirs sont ancrés dans ma mémoire. Les narines de la petite fille qui crie à l'intérieur sont encore imprégnées de l'odeur des marrons, de l'odeur du métro et de la barbe à papa. Mes souvenirs se succèdent, défilent... Là le kiosque de la remailleuse de bas. A côté la maroquinerie,puis deux grandes épiceries-charcuteries "Molinati","Baldini", encore une odeur inoubliable! Des anchois entassés dans un tonneau qui trônait, au milieu du magasin. Les fromages au goût si particulier. Puis, le salami, le jambon de Parme, la coppa, pancetta,etc... Dans un autre registre, par exemple, les charbonniers si bien décrits par Bienvenu Mérino. Je cite: aux yeux d'africains, portant sur leur dos des sacs de boulets d'anthracite noir. Je m'en souviens, comme si c'était hier. Mes parents commandaient régulièrement le charbon chez le "Bougnat" de la rue des Maronites. Le patron était auvergnat. Il vendait aussi des pains de glace l'été. Cher Guy, suite au prochain numéro! Nicole Bourg

  • CASQUE D'OR/BELLEVILLE

     

     

     

    Indépendamment du fait que Casque d'or (Jacques Becker, 1952) est un classique qu'il convient de voir et de revoir, il n'aura pas échappé aux habitants de la rue du Pressoir et de ses environs que ce film fut tourné, en partie, au 44 de la rue des Cascades et qu'il offre d'étonnantes perspectives (anachroniques, pour le piéton de Paris contemporain) sur la rue des Envierges et la rue de la Mare.

    Au 44 de la rue des Cascades, occupé dans le film par l'abominaffreux Leca (Claude Dauphin), deux souffleurs de verre se sont installés après maintes tergiversations. En effet, le jardin qui servit de décor à ce chef d'oeuvre bellevillois, et dans lequel se profile, à de nombreuses reprises, la silhouette magnifique de Marie (Simone Signoret), fut longtemps menacé d'arasement ainsi qu'en témoigne le lien (Le jardin de Simone Signoret) ci-dessous.

    Lieu de pélerinage pour cinéphiles et badauds mélancoliques, le 44 rue des Cascades est à contempler comme l'un des rares reflets du Belleville des années 1950.

    LIRE LE JARDIN DE SIMONE SIGNORET

    EN SAVOIR PLUS SUR JACQUES BECKER

     

    casque_d_or.jpg

     

     

     

  • RECLAMES MURALES/ENSEIGNES

     

    cassandre_dubonnet-ret.jpg

    C'est en flânant dans le souvenir que me sont revenues les enseignes d'autrefois,  Saint-Raphaël quinquina, Suze gentiane, chocolat Menier, Dubo, Dubon, Dubonnet. Deux remarquables sites collectionnent les somptueux lettrages, peints à la main, qui ornaient les murs-pignons, qui signalaient des commerces devenus improbables (Dépôt de pommes de terres, Marée-Primeurs). Je vous en recommande la visite. Surtout, je fais appel à votre mémoire de badauds ayant observé autre chose que le pavé et les trottoirs luisants. Certains d'entre vous possèdent peut-être des images de cet art urbain aujourd'hui ruiniforme. Merci de nous adresser vos témoignages ici.

     

    Suze.jpg

    VOIR RUAVISTA LES SIGNES DE LA VILLE

    VOIR LES MURS PEINTS MURMURENT