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paris - Page 5

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/1

     

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    Les deux billets de Lucile à propos de la rue du Pressoir et de ses environs nous ont donné envie de la solliciter de nouveau. Lucile nous raconte les commerces qu'elle fréquentait et c'est l'occasion d'une promenade à rebours dans notre quartier tant aimé. Voici le premier volet d'un entretien au long cours.

    Vous habitiez rue des Maronites, un point de vue idéal sur la rue du Pressoir qui comptait de nombreux commerçants. Avez-vous le souvenir de l’épicerie de Madame Gilles ? 

    Lucile : Je n’ai pas fréquenté « l’épicerie de Madame Gilles ». Je la situe très bien, puisqu’elle figure sur votre plan, juste en face de l’impasse, là où la rue du Pressoir amorce l’angle droit qui va la mener vers la rue des Couronnes. Je l’ai même reconnue sur l’une de vos photos, prise à partir du haut de la rue du Pressoir. 

    C’était bien trop loin de mon poste d’observation, et ma grand-mère n’aurait jamais eu l’idée de monter si haut pour y faire ses courses, alors qu’elle disposait du Primistère et de la boîte à oublis que constituait le magasin de Monsieur Terrot où l’on trouvait de tout ! 

    (Une parenthèse, mais qui pour moi a de l’importance : M. et Mme Terrot s’honoreront de n’avoir jamais fait de marché noir durant la guerre.)

    Dans vos billets, vous évoquez de nombreuses enseignes situées rue du Pressoir. En est-il une qui vous a profondément marqué ?

    Lucile : Les courses, on les faisait essentiellement rue de Ménilmontant et boulevard de Belleville, les jours de marché. C’était à la fois une obligation et un plaisir.

    Tous les métiers de bouche étaient réunis entre la place Ménilmontant et la rue Sorbier : boulangers, pâtissiers, bouchers, charcutiers, tripiers, volaillers, poissonniers, marchands de légumes crus et cuits  (mais oui !), épiciers, et même à plusieurs exemplaires. Ce qui offrait un choix considérable. Sans oublier les marchandes de quatre saisons qui occupaient le côté droit en partant du boulevard de Ménilmontant. Je dis bien les « marchandes » de quatre saisons, car ces emplois étaient réservés, et la majorité des voitures étaient tenues par des veuves de guerre (celle de 14) qui avaient obtenu la plaque. Cela gênait peut-être un peu les chauffeurs du 96, mais quelle vie et quel charme elles donnaient au quartier ! Je me souviens, entre autres, dans le bas de la rue, de « la grande Marcelle », jolie femme de belle allure, dont l’étal de fruits et légumes était toujours élégant et les produits de premier choix. Elle avait vite fait de plier un journal pour envelopper votre salade, réservant les sacs de papier aux fruits plus fragiles.

    On y trouvait aussi tous les autres types de commerce : un grainetier, au coin de la rue Delaitre,  un marchand de chaussures, au coin de la rue Victor Letalle, des cafés/bureaux de tabac bien sûr, un grand bazar avant l’épicerie Loiseau-Rousseau, un chemisier et des marchands de vêtements, des marchands de journaux/papeteries, des pharmacies, la mercerie « Au myosotis », juste avant la rue des Amandiers, la grande bijouterie de « La Serpe d’Or » au coin de la même rue, l’Uniprix, des parfumeries, et j’en oublie…, enfin bref tout ce qu’il fallait pour ne pas avoir à descendre dans Paris !  Sans compter les cinémas sur lesquels j’aurais l’occasion de revenir.

    J’appréciais tout particulièrement « l’Italien ». Une grande boutique, à gauche en montant, qui sentait bon jusque dans la rue, et qui vous dépaysait dès l’entrée. La présentation et les produits étaient différents, les salamis et les jambons pendaient au plafond, la mortadelle était énorme, les grands sacs de toile entr’ouverts laissaient apercevoir des farines et graines inconnues et les macarons collés sur de grandes feuilles de papier blanc découpées à la demande ne se trouvaient que chez lui. Le magasin était profond. Un peu mystérieux mais tellement délicieux pour la très petite fille que j’étais à l’aube des années 40 !

    J’ai évoqué le marchand de légumes cuits. Les légumes en question, betteraves, épinards, artichauts, pommes de terre à l’huile, haricots rouges, reposaient en pyramides dans de grands saladiers blancs posés sur un comptoir de marbre. Tout cela donnait directement sur la rue, il n’y avait pas de vitrine fermée. Les pommes de terre grelots étaient vendues, soit crues grattées à la machine, soit frites et déposées bouillantes à l’aide de grandes araignées de métal dans un cornet de papier. 

    Je me suis éloignée de la rue du Pressoir. Tous les commerces m’étaient familiers, même si mes parents ne faisaient qu’y passer. Je les ai déjà évoqués dans un billet précédent Par contre, je ne revois pas l’établissement de Bains-Douches à l’endroit situé sur le plan. Je le croyais plus haut dans la rue. Il faut dire que maman fréquentait plus facilement celui situé boulevard de Belleville, à la hauteur du métro Couronnes, là où le boulevard forme une sorte de petite place.

    Entre chez Terrot, l’épicier, et l‘impasse Célestin, on comptait un « bougnat », café/marchand de charbon auvergnat - qui vendait aussi des ligots pour allumer le feu, (petits fagots de bois taillé en bûchettes et entourés d’un fil de fer ), le comptoir Maggi, et un salon de coiffure.  On m’y a fait couper les cheveux un moment. J’ai gardé le souvenir d’un praticien à la main baladeuse qui avait trouvé le moyen de conserver ma clientèle - ou plutôt celle de mon innocente mère - en me faisant un superbe cran ! Je suis moi-même surprise de constater combien ces menus détails me reviennent.

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     La rue du Pressoir comptait d’étroites perpendiculaires (Passage du Pressoir, Passage Deschamps). Vous arrivait-il de vous y aventurer et quelles images en gardez-vous ?

    Lucile : Je connaissais le passage Deschamps pour une raison très simple. Ma grand-mère donnait son linge à laver à Madame Deschamps qui occupait un petit logement vétuste dans l’une des premières maisons à gauche. Nous allions donc porter le linge sale, avec la liste des pièces confiées, et le récupérer propre la semaine suivante après pointage de la liste et règlement de la somme due. Il y avait chez cette pauvre femme une horloge comtoise qui me faisait oublier le reste. À tort ou à raison, cet endroit me paraissait terriblement sinistre et le débouché du passage sur le boulevard de Belleville non fréquentable!

     

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/2

     

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    Où Lucile nous parle de cinéma et de pommes d'amour, de chocolats glacés et de la Rosengart de son père surnommée Trottinette.

    Avez-vous le souvenir d’un spectacle de rue et particulièrement de la fête (scénic railway, stands de jeux) qui s’étalait sur les trottoirs du boulevard de Ménilmontant ?

    Lucile : Hormis le cinéma, les sorties « parisiennes » de mes parents n’étaient pas très nombreuses.

    La Foire à la ferraille et au Pain d’épices  - qui me voyait gratifiée d’un petit cochon portant mon nom en sucre coloré, quelquefois les Puces de Montreuil, la balade sur les grands boulevards au moment des Fêtes lorsque s’y installaient les baraques du Jour de l’An, c’était à peu près tout.

    Même la fête foraine du boulevard de Belleville ne les tentait pas. On la traversait sans s’arrêter en allant rendre visite à mon parrain qui habitait le 19ème, et les pommes d’amour me subjuguaient. Je fus d’ailleurs très déçue lorsque j’en reçus une ! Par contre, on descendait fréquemment jusqu’à la République en empruntant le faubourg du Temple, ou l’on remontait la rue de Belleville jusqu’à la rue des Pyrénées. Mais disons qu’en faisant ces promenades,  on n’avait pas l’impression de sortir du quartier.

    Il faut dire que Papa alliait un fort goût pour la verdure et l’air pur à celui non moins prononcé de la mécanique. Cela tombait bien à cette époque si l’on souhaitait disposer d’un moyen de transport familial personnel. Il commença donc avec un side-car, puis s’équipa d’une vieille Rosengart baptisée Trottinette.  

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    La Trottinette Rosengart

    Quelles étaient vos promenades avec vos parents ?

    Lucile : Dès les premiers beaux jours, nous partions en forêt de Fontainebleau, sur les bords de Marne, ou ailleurs… et l’hiver, Papa désossait complètement Trottinette et bichonnait son moteur afin qu’elle soit fin prête pour la saison prochaine !

    Pendant la guerre, la voiture échappa aux Allemands, dissimulée dans une cour de la rue Julien Lacroix. Elle reprit vaillamment du service aussitôt qu’il fut possible de se procurer de l’essence. Papa n’abandonna en fait sa chère Rosengart que lorsque apparut la 4CV. 

    Plus tard, à l’âge du collège, les sorties « culture » du jeudi vers les monuments et musées parisiens, théâtres ou concerts, c’est au patronage que je les dois. Encore maintenant je rends grâce à la qualité de ces éducateurs dévoués qui surent très tôt éveiller ma curiosité. 

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    Quelles étaient vos distractions dans le quartier ? Fréquentiez-vous les cinémas ? 

    Le cinéma ! Le bon et le mauvais, en vrac, on était tellement émerveillés de l’avoir qu’on absorbait goulûment tous les programmes

    Du bas de la rue de Ménilmontant jusqu’à la rue des Pyrénées, il y avait trois salles, toutes du même côté, à droite en montant : Le Phénix, à côté de l’Uniprix, Le Ménil-Palace en face de la rue Julien Lacroix et le Gaîté-Ménil un peu après la rue Boyer.

    (C’est au Phénix que j’ai vu mon premier film : Blanche-Neige et les Sept nains de Walt Disney. Je devais avoir 5 ou 6 ans.)

    Le choix était grand car on trouvait l’Impérator, rue Oberkampf, l’Excelsior, avenue de la République près du Père Lachaise, le Zénith, rue Malte-Brun et le 20ÈME Siècle boulevard de Ménilmontant, avant la rue des Panoyaux. 

    C’était, dans ma famille, la sortie rituelle du samedi soir. Dès le mercredi on allait repérer les films qui passaient dans le quartier et les parents décidaient. On se dépêchait de dîner - surtout si le choix se portait sur l’Excelsior ou le Zénith qui étaient plus loin – et on allait faire la queue pour être bien placés. Il n’était pas question de manquer l’attraction, les actualités et le documentaire qui précédaient le film. Ni même la publicité Jean Mineur qui nous amusait beaucoup ! Les ouvreuses vendaient leurs « chocolats glacés » à l’entracte, c’était du plaisir à bon compte.

    Les films dont je me souviens surtout sont les films américains d’après-guerre . Tels Mrs Miniver ou Ouragan sur le Caine, Le Bal des Sirènes avec Esther Williams qui enchantait mon papa, Le Troisième homme avec Orson Welles. Et puis les Zorro, les films de cow-boys en général, et les péplums comme Ben Hur. Les grands films français, je les ai vus plus tard, en ciné-club. De même que le Cuirassé Potemkine dont la célèbre séquence de la voiture d’enfant qui dévale les escaliers d’Odessa nous a tous marqués. 

    À l’époque on ne se souciait guère du réalisateur, ce sont les acteurs qui avaient la vedette. Le cinéma n’était pas encore le Septième art, c’était une distraction à la portée de tous, plus facilement accessible que le théâtre. La notion de film d’auteur n’avait pas encore fait son apparition dans l’esprit du public.   

     

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/3

     

     

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    Lucile : Je reviens sur le cinéma, tel que - je crois - la plupart des gens l’abordaient dans ces années là.


    C’était « l’histoire » qui retenait d’abord le spectateur. Puis la plastique et le jeu des acteurs. L’intérêt pour l’écriture du scénario, de la photo, du cadrage ou du son n’était pas courant. Il a fallu que le public soit progressivement éduqué pour qu’il puisse apprécier.

    Des personnalités vécurent dans le quartier, parmi lesquelles Maurice Chevalier, Georges Pérec, Clément Lépidis… Les avez-vous croisées ?

    Lucile : Je sais que notre quartier a inspiré des plumes célèbres. Je n’ai malheureusement pas eu la chance de les connaître. À moins que je ne les aie croisées avant qu’elles le soient devenues !

    Mis à part Maurice Chevalier qui était revenu tourner un court-métrage sur sa vie - ou quelque chose de ce genre - dans le fond de la rue du Pressoir, je n’ai pas de souvenirs marquants. Bien sûr la chanson « Les gars de Ménilmontant » était en quelque sorte l’hymne local et je l’avais entendue, comme tout le monde. Je dois dire que je n’apprécie ni l’homme, ni l’acteur. Ce doit être la raison profonde de mon oubli…

    Vous avez connu le photographe Henri Guérard. Pouvez-vous nous en parler ?

    Lucile : J’ai connu Henri Guérard qui faisait partie de l’équipe fondatrice de l’Ami du XXème. Nous étions proches de la paroisse Notre-Dame-de-la-Croix, et c’est tout naturellement que nous lui avons demandé de faire nos photos de mariage. Il habitait alors rue d’Annam et nul ne se doutait encore, à l’époque, qu’il figurerait parmi les grands photographes de sa génération. Les albums de mariés, où il mettait tout son cœur, étaient pour lui une source de revenus.

    L’année dernière, en compagnie d’amis retrouvés, nous avons eu l’occasion de passer un moment avec lui et son épouse qui l’a toujours accompagné dans ses travaux. Nous ignorions qu’il était devenu aveugle et cela nous a beaucoup peinés. Il nous a toutefois laissé l’impression d’un vieux monsieur charmant qui semble avoir conservé le sens de l’humour et la joie de vivre en dépit de son cruel handicap. Je regarderai maintenant nos photos avec encore plus d’émotion.

    Henri Guérard, Willy Ronis, et d’autres, ont laissé du Ménilmontant d’avant le massacre des années 60 des images inoubliables. C’est une grande chance. La mémoire est volage. C’est en participant à votre blog et en essayant de reconstituer dans ma tête les rues de mon enfance que je m’aperçois combien il est difficile d’être fidèle.


    Avez-vous été le témoin de la destruction du quartier et particulièrement de la rue du Pressoir ?

    Lucile : Je n’ai pas vécu les démolitions de masse. Nous avions déjà quitté le quartier quand elles ont commencé, mais nous les avons suivies de près en venant voir nos familles rue Julien Lacroix et rue des Platrières.

    Nos parents ne sont plus, nos amis de jeunesse se sont éparpillés à travers la France, mais c’est toujours avec plaisir que nous retrouvons sur les photos célèbres les personnages que l’on connaissait de vue et dont les silhouettes caractéristiques avaient retenu l’œil du photographe.

     

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    La plume remarquable de Lucile, la précision de ses témoignages, nous ont incité à lui poser quelques questions sur son histoire personnelle. Elle a bien voulu nous livrer certains renseignements au sujet de ses parents et de son parcours professionnel et nous l'en remercions.

    "Quand on a perdu ses parents, on se sent en première ligne. Les années passant, il arrive même que l’on tente de se retrouver en eux. À moins que ce ne soit le contraire : on cherche à les retrouver en soi.

    Mon papa était ajusteur de formation.

    Je sais qu’il avait fréquenté l’école de la rue Henri Chevreau, mais j’ignore où et comment il avait appris son métier. Toujours est-il qu’il a terminé sa carrière professionnelle comme chef-monteur au département essoreuses industrielles des Pompes Guinard.

    Ce qui l’entraînait à circuler à travers toute la France, l’Europe, et même le monde. Il n’était jamais à la maison en semaine et ne rentrait le week-end que si ses déplacements n’étaient pas trop éloignés de Paris.

    À partir des années 60 jusqu’à sa retraite, il a promené successivement sa chère caisse à outils, qui pesait des tonnes, en Espagne, en Italie, en Allemagne, au Moyen-Orient et même au Brésil où il mettait en route des installations de dessalement d’eau de mer. Au Moyen-Orient il utilisait deux passeports :  à ce moment là – déjà -  il valait mieux ne pas faire figurer sur un même document les cachets d’Israël et ceux du Liban…

    Il nous rapportait de ses voyages des informations inédites car il était en général chaleureusement accueilli par les ingénieurs locaux. Cela dit, il en fallait beaucoup pour étonner Papa, et il partait à Bahia comme s’il allait à Saint-Ouen.  L’important pour lui était de trouver sur place les compétences nécessaires à la résolution de ses problèmes techniques !

    Maman jouait les Pénélope.

    Elle tenait un poste de secrétaire-comptable dans une petite entreprise de la rue Boyer, juste en face de la Bellevilloise et de la Maroquinerie. Ce qui lui a permis, jusqu’à ce que nous quittions Ménilmontant, de profiter de son petit fils en fin de journée alors que je n’étais pas encore rentrée du bureau.

    Car à mon tour j’étais entrée dans la vie active après l’E.S.D. de la rue Soufflot (Ecole des Secrétaires de Direction). Après une dizaine d’années d’arbitrage/titres (bourse), j’ai suivi mon mari muté à Lyon par sa banque et, une fois rentrée à Paris, me suis consacrée à la vie associative : animation de club d’investissement féminin et organisation de consommateurs essentiellement.

    Comme nous vivons le plus souvent à la campagne depuis la retraite de mon mari, mes activités ont changé mais n’en sont pas moins passionnantes. Je me suis impliquée dans la rédaction du bulletin communal : histoire du village depuis son origine, de ses monuments, de sa sainte patronne et surtout, d’un personnage historique qui a marqué le 18ème siècle de son empreinte, Madame Roland, l’égérie des Girondins, dont le mari, éphémère ministre de l’Intérieur de Louis XVI, a eu le bon goût de venir se suicider sur nos terres !

    De plus, j’ai participé pendant deux ans au travail de la commission Culture de la Communauté de Communes à laquelle nous sommes rattachés. Il me revenait, après les avoir présentés et mis en valeur pour allécher nos concitoyens, de faire les comptes-rendus des divertissements divers que nous proposions : théâtre, cirque, concerts de rock, et spectacles de rue. 

    Inutile de préciser que, comme hier encore, j’ai aussi bien souvent, servi d’écrivain public."

     

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    B I O G R A P H I E DE HENRI GUERARD

    Henri Guérard naît le 19 mai 1921 au 10 rue Sorbier à Ménilmontant. Il commence à travailler très tôt comme employé de bureau. Ce travail ne lui convient pas et c’est grâce à un collègue qu’il rentre aux Éclaireurs de France et s’initie à la randonnée et au canoë. C’est lors d’une de ces sorties qu’Henri réalisera ses premières prises de vues. Il rencontre Simone qui deviendra son épouse en 1942. Le jeune couple «entre» en résistance en passant des messages ou en distribuant des tracts. Ils aident aussi, avec leurs camarades, les personnes âgées particulièrement démunies. En 1944, Henri réalise des photos de la Libération de Paris et de la bataille de Ménilmontant. Il entre cette même année au service photographique et cinématographique des armées. L’année suivante, il quitte l’armée et s’installe avec Simone comme artisan photographe. Photos de mariages, de communions, reportages industriels… sont le lot des photographes d’alors. Il travaille pour le journal «L’Ami du 20e» et commence à photographier l’arrondissement sous toutes ses coutures. Henri est le témoin des grandes mutations que subit le 20e dans les années 60. Il s’intéresse au sort des habitants et capte mieux que personne, l’atmosphère, le charme particulier de Belleville et de Ménilmontant. À partir de 1963, Henri et Simone travaillent pour les Petits Frères des Pauvres pour lesquels ils réaliseront de nombreux reportages tant en France qu’à l’étranger, tout en organisant des sorties et des animations culturelles pour de jeunes couples. Infatigable, généreux, heureux de partager son savoir, Henri Guérard animera un club photo de 1970 à 1985. 

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    PHOTOGRAPHIES D'HENRI GUERARD

    PORTRAIT D'HENRI GUERARD SUR AGORAVOX

     

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  • GERALD BLONCOURT PHOTOGRAPHE FRANC-TIREUR

     

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    Gérald Bloncourt sur grand écran à la Mairie du 11e arrondissement
    par Bienvenu Merino

     

    Né le 4 novembre 1926, à Haïti, Gérald Bloncourt est à 20 ans, artiste et leader des journées révolutionnaires qui secouent Haïti, début 1946. Il doit s’exiler en France pour échapper à une condamnation à mort par la junte militaire qui a pris le pouvoir. Devenu photographe, membre du P.C.F. et responsable photo du service politique du journal l’Humanité, il décide de faire de son objectif une arme au service de son combat humaniste.

    « JE NE SUIS PAS UN MARCHAND DE PHOTOGRAPHIE, JE SUIS UN FRANC-TIREUR DE L’IMAGE ».

    Ici, dans les salons de la Mairie, 50 ans de photographies résumés en moins de cent  images époustouflantes de vérité, de sensibilité, témoignages d’un monde tourmenté, de tueries dans le cher Haïti de son enfance, d’émigrés venus du monde entier s’entassant dans les bidonvilles de la région parisienne, dans les années 1960, de travailleurs hors du temps, de mineurs du nord de la France aux visage de saints terrorisés par le destin,  de femmes, d'enfants et d'hommes anonymes acculés par la souffrance et la lutte quotidienne. Bienvenu Merino

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    Belleville par Gérald Bloncourt

     

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    Photo: Gérald Bloncourt.
    Angela Grimau, femme de Julian Grimau, au moment de l'annonce de l'exécution de son mari, militant communiste espagnol. Cela se passe à la Bourse du travail de Paris, au cours de la manifestation réclamant l'arrêt de la sentence. On lui apprend avec des fleurs que son mari vient d'être fusillé. Son regard montre l'immense douleur qui l'envahit.

     

     

    EXPOSITION DU 23 AU 31 JANVIER

    Film/entretien sur grand écran avec Gérald Bloncourt

    Salle des fêtes de la mairie du 11e arrondissement deParis

    Place Léon Blum Paris 75011

    Métro Voltaire

     

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    Poème de Gérald  Bloncourt

    Paris quelque part

    Le ciel blafard et l’ombre muette

    jettent leur valise au regard du monde

    la faim gèle sa cadence

    au pluvieux nuage que mord l’étain

     

    Le vent céleste et la molle cerise

    appellent la tendresse et le rire bruyant

    Je vois mourir l’ombre des grands toits

    Et se tordre le gris des ardoises tristes

     

    Je vois miauler

    la couche d’asphalte

    j’entends grincer pleurer la radio

    et la joie.

     

    Et je dis au courant qui gratte

    l’espace

    voici venir l’ombre vaste

    des cyclones hargneux.

     

    Je boucle ma valise pour un port

    plus doux

    et je nage dans l’équilibre de la sueur

    moite.

    LE BLOG DE GERALD BLONCOURT

  • LUCILE SE SOUVIENT DE LA RUE DU PRESSOIR

     

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    Cinquième à gauche, arborant fièrement sa croix d'honneur sur son tablier noir d'écolière, la maman de Lucile. Cette photo prise devant le magasin de Monsieur et Madame Tabak, 24 rue des Maronites, date de 1922 ou 1923. Lucile a bien connu ces commerçants avant qu'ils ne disparaissent dans la tourmente de la guerre de 40
    Comme je l'ai précédemment indiqué, mes grands-parents maternels habitaient, dès avant la guerre de 14, 24 rue des Maronites, juste en face de la rue du Pressoir. L'immeuble existe encore aujourd'hui bien que j'aie toujours entendu dire qu'il allait être abattu !(Comme la rue du Pressoir a été percée en 1937 - ai-je lu sur votre blog - je suppose que l'intention était de rejoindre ainsi la rue Etienne Dolet dont presque tous les immeubles correspondaient à ceux de la rue des Maronites par une suite de cours intérieures.)
    Leur logement était celui, sur rue, du troisième étage. C'est là que ma grand-mère, devenue veuve de guerre, a élevé seule ses deux enfants, nés, mon oncle en 1912, et maman en 1915.
    Mes parents, jeunes mariés (Papa venait, lui, de la rue des Couronnes) s'installèrent en 1934 au premier étage du  même immeuble. Et c'est, lorsqu'en 1938 à la naissance de mon frère, ils déménagèrent pour un appartement plus confortable rue Julien Lacroix, que ma grand-mère "descendit" occuper le premier étage car les escaliers commençaient à lui peser.
    Crise du logement oblige, moi, née en 1935, je suis restée auprès d'elle. Et c'est là que le film commence...
    Dès ma toute petite enfance j'ai aimé le mouvement de la rue et j'ai gardé un souvenir précis des gens et des bruits qui l'animaient. Du haut de mon observatoire - trois fenêtres ce n'est pas rien! - j'étais aux premières loges et je ne perdais rien du spectacle.
    Je me souviens, comme si c'était hier, du troupeau de chèvres et du marchand à qui sa boite de bois peinte en bleu servait de boutique pour le lait et les fromages. Il prévenait de son arrivée avec une trompette et il fallait se dépêcher de descendre car les chèvres s'impatientaient !
    Le vitrier équipé de son harnais soutenant les carreaux qu'il ne demandait qu'à poser s'annonçait en criant, de même    que le rémouleur qui aiguisait sur place les couteaux et ciseaux.
    Moins fréquemment venaient également les matelassières, convoquées pour retaper les matelas de laine. Elles s'installaient de préférence dans les cours, mais également sans problème dans la rue. Le travail durait la journée car il fallait aérer la laine et reconstituer le matelas si la toile était encore bonne.
    J'entends encore le piétinement de l'attelage à deux énormes chevaux dont l'écurie se trouvait dans une cour à large porche, rue du Pressoir, un peu avant le passage Deschamps. Je crois me souvenir avoir entendu mon père parler de brasserie.
    Il y a avait aussi la visite du "Caïffa" qui venait régulièrement en espérant qu'on lui passerait commande une fois pour l'autre. Il laissait en toute confiance son triporteur dans le couloir de l'immeuble et montait avec sa toilette pleine de trésors. Il l'installait sur la table de la salle à manger et il était bien rare qu'on ne soit pas tenté par quelque produit d'épicerie fine. Les bouchées de chocolat à la crème et les bonbons fondants de Noël m'ont laissé des souvenirs inoubliables!
    (Je précise pour les plus jeunes, que "Le Caïffa" était une grande épicerie orange, dont l'une des succursales se trouvait presque au coin de la place Ménilmontant, boulevard de Belleville).
    Et puis il y avait bien sûr les chanteurs à qui l'on jetait du haut des fenêtres des sous soigneusement enveloppés dans du papier journal.
    Je grandissais et mon intérêt quitta naturellement le coeur de la maison pour s'étendre à ce qui l'entourait. Arriva la guerre et l'entrée à l'école. J'allais au Sacré-Coeur, rue des Panoyaux, là où Maman elle-même était allée. C'était une "grande" qui m'y accompagnait : Ginette, la fille de Monsieur et Madame Terrot, qui tenaient l'épicerie/crémerie/fruits et légumes du début de la rue du Pressoir, située juste après le café-hôtel du coin "Chez Gaston".
    Une parenthèse : celui-ci est appelé "chez Terro" sur votre plan, parce qu'en fait, la fille de Madame Gaston, la bistrote, épousa un jour le frère de Monsieur Terrot, l'épicier ! et c'est le jeune couple qui prit la suite. Mais ceci est une autre histoire !
    Toujours est-il que dans les années 40, avant, pendant et après l'Occupation, c'était pour tout le monde "Chez Gaston". Du haut de mon premier étage, j'avais évidemment une vue à 180° sur tout ce qui s'y passait !
    De l'autre côté de la rue du Pressoir et ouvrant sur la rue des Maronites, se trouvait le Primistère, encore une épicerie. Et si l'on remontait la rue côté pair, on trouvait vite le bougnat dont la patronne, "l'Auvergnate" bien sûr, tricotait continuellement des chaussettes, à quatre aiguilles s'il vous plaît !, tout en faisant sa petite promenade.
    J'étais très admirative...
    Toujours du même côté un peu plus haut, il y avait le dépôt Maggi (laiterie/crémerie à succursales). Tout blanc, le magasin frisquet à l'odeur légèrement surette, offrait ses yoghourts, coeurs à la crème et "Fontainebleau" mousseux dans des grands bacs de zinc. Il ne fallait surtout pas oublier sa boîte car on y versait directement le lait puisé dans le grand réservoir à couvercle avec les mesures de métal. J'entends encore le bruit des pots de verre que l'on rapportait et déposait sur le marbre du comptoir, le frottement contre les bacs... c'était déjà du bling-bling ...
    Cela ne dura d'ailleurs pas bien longtemps pour moi, car c'était la guerre et les tickets de rationnement changèrent la donne. Dans l'esprit d'un enfant, la guerre c'est flou. Je garde cependant très vif le sentiment de malaise, informulé à l'époque, des questions qui se posaient à propos de mes petites voisines en allées on ne savait où. Cécile, Lisette, savais-je seulement qu'elles étaient juives ?
    Certes, presque toutes les familles avaient un "prisonnier" en Allemagne (chez nous c'était mon oncle) ou un réquisitionné du S.T.O., mais les enfants n'avaient pas vraiment conscience des drames qui se jouaient. Les problèmes évidents étaient la course à l'alimentation, les rues plongées dans l'obscurité le soir venu, les bandes de papier collées en croix sur les vitres pour éviter la casse en cas de bombardement (!), l'obligation de tenir bien fermés les double-rideaux pour qu'aucune lumière ne soit visible de la rue, et les coups de sifflet des chefs d'îlots rappelant à l'ordre les récalcitrants. Et puis, à partir de 1943, je crois, les alertes, et les sirènes qui  en annonçaient le début et la fin. En principe il fallait descendre aux abris : en ce qui me concerne, ma grand-mère accueillait des voisins de l'immeuble et nous jouions en attendant que cela se passe !
    Le plus pénible souvenir de cette époque demeure pour moi - surtout lorsque j'y repense maintenant - le matin où je vis, rue du Pressoir, les familles juives regroupées au pied de leurs immeubles par des agents en pèlerines, leurs petites valises à la main et l'air complètement perdu. Ce devait être un jeudi, puisque je n'étais pas à l'école. On sait ce qu'il en est advenu.
    La Libération arriva enfin en 1944 et la vie reprit son cours. Je me souviens avec émotion du bal du premier 14 juillet qui suivit, organisé par un café du "fond" de la rue du Pressoir, bal où je n'avais pas le droit d'aller - j'avais neuf ans - mais dont les flons-flons arrivaient jusqu'à moi. C'était la fête.De même lorsque le Tour de France repartit et que l'on suivait au jour le jour, sur la carte de France dessinée à la peinture à l'eau sur la vitre de chez Gaston, le parcours et les résultats d'étapes. Cela attirait un monde fou et chacun y allait de ses commentaires. Moi, j'observais et n'aurais cédé ma place pour rien au monde ! Lucile
  • LUCILE SE SOUVIENT DE LA RUE DU PRESSOIR/2

     

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    24 et 26 rue des Maronites

     

    En fait, les jours passant, chacun prit vite conscience qu'il y eut "avant" et "après" la guerre.

    Mais, comme la nature après un trop long hiver, la vie reprit son cours en essayant de rattraper le temps perdu. On avait toujours aussi froid puisqu'il n'y avait pas assez de charbon pour alimenter les salamandres, mais le peu de circulation automobile permettait aux enfants de se réchauffer en jouant dans la rue. Ce ne sont pas les véhicules à gazogène qui encombraient la chaussée. Si les filles se réservaient le saut à la corde ou la marelle, les garçons avaient le monopole des jeux de billes ou d'osselets, et dévalaient la rue du Pressoir à bord des traîneaux de leur fabrication.

    Certes maman était sévère, il n'était pas question que je descende "jouer sur le trottoir".
    Bah ! ce n'était pas grave! Seul un petit étage me séparait des autres.
    J'étais aux premières loges pour apprécier les concours de gymnastique qui s'organisaient spontanément au carrefour Maronites/Pressoir. Une certaine Denise dominait la bande de la tête et des épaules, spécialiste qu'elle était de la grande roue et du poirier ! Les jeux de saute-mouton n'étaient pas mal non plus, d'autant que là tout le monde participait. De même à la navigation des bateaux de papier dans les caniveaux quand les employés de la ville les mettaient en eau et bouchaient l'entrée des égouts avec des sacs de sable.

    Bref, aux adultes les soucis, la queue à la porte des magasins approvisionnés, la course aux rumeurs quant aux arrivages prévus - qui n'arrivaient pas - et, bien sûr, toujours les cartes d'alimentation. (Je crois qu'elles ont bien dû persister jusqu'en 1947).

    Le dimanche matin, on oubliait tout ça. La fanfare défilait dans le quartier, remontait la rue du Pressoir et les musiciens récupéraient de leurs efforts dans les bistrots du "haut". Les vendeurs de L'Humanité tenaient leurs permanences. À l'heure du déjeuner arrivaient les chanteurs de rue. L'un d'entre eux, en élégant costume noir, saluait à la ronde avec son chapeau melon, en guise de remerciement. L'homme-orchestre passait aussi, mais moins régulièrement ; il en était d'autant plus apprécié.

    L'été, pour se procurer de la glace, il suffisait de héler au passage le camion qui approvisionnait les nombreux cafés.
    À l'aide de son crochet de fer, le livreur débitait un morceau dans les grands pains dégoulinants, l'entourait d'un papier blanc, on le payait, et on se dépêchait de le déposer dans une bassine pour rafraîchir les boissons.
    Il se trouvait toujours au cul du camion un ou deux galopins prêts à sucer les glaçons éclatés !
    En soirée, si la chaleur était trop pesante dans les petits logements, les grand-mères descendaient leur chaise pour bavarder au frais sur le pas des portes.

    De temps en temps, il y avait bien quelques bagarres chez Gaston, mais d'une façon générale la vie était plutôt paisible.

    En 1945, j'allais sur mes dix ans. J'étais en troisième année de catéchisme, le temps était venu de faire ma communion solennelle. Mais... il y avait un "mais" !
    Pas question de faire la fête si mon oncle et parrain n'était pas rentré de captivité.
    La cérémonie était prévue pour le 31 mai : Parrain nous arriva sans prévenir au début du mois !
    De plus, il rapportait des rations américaines et du chocolat !

    La joie fut grande à la maison et il fallut mettre les bouchées doubles pour s'organiser. On profita de l'occasion pour célébrer le baptême de mon petit frère qui avait été repoussé en raison des événements. Ma grand-mère paternelle sortit de ses cartons la tenue de communiante de ma tante (robe, voile et aumônière), qui datait bien de trente ans, mais qui, mise à ma taille, amoureusement lavée, amidonnée et repassée fit son effet le moment venu.

    Le déjeuner familial posa, lui, beaucoup plus de problèmes et réclama une grande dose d'ingéniosité.
    Heureusement, Papa avait ses habitudes en vallée de Chevreuse où il allait régulièrement à vélo échanger ses tickets de tabac contre un peu de ravitaillement. Il rapportait le plus souvent des haricots secs et du blé en grains. Concassés dans le moulin à café, mêlés à de l'eau et cuits à la poêle dans trois gouttes d'huile, on se régalait d'une "galette", que je n'ai pas oubliée. Surtout lorsqu'elle était un peu brûlée !
    Pour le repas de communion, il fallait absolument trouver autre chose. Je ne saurais dire comment les opérations se déroulèrent, mais nous eûmes une pièce montée confectionnée en famille grâce à la générosité de chacun.

    La cérémonie en elle-même perpétuait les fastes "d'avant". Les garçons d'un côté, les filles de l'autre, un cierge à la main, formaient la procession à partir de la rue Étienne-Dolet et pénétraient dans l'église en empruntant les superbes volées de marches qui, pour moi, font de Notre-Dame-de-la-Croix le plus bel édifice XIXème de Paris. La foule était nombreuse, les cloches carillonnaient, croyants et incroyants se rassemblaient autour de la tradition.

    Après, ce fut l'examen d'entrée en 6ème, le collège Sophie-Germain ... la fin de l'enfance.
    En 1947, un téléviseur apparut dans la vitrine de l'électricien de la rue des Couronnes et les badauds purent se regrouper pour assister au mariage de la princesse Elizabeth, future reine d'Angleterre.
    Le monde avait changé, sinon le quartier.

    L'année 1953 fut celle de mon premier vrai chagrin. Ma grand-mère chérie nous quitta brusquement et je laissai ma maison pour retrouver le domicile de mes parents, rue Julien-Lacroix. Heureusement, je connaissais déjà celui qui quitterait sa rue des Plâtrières pour devenir mon époux. Papa et Maman avaient eu la bonne idée de conserver la jouissance de l'appartement. Il nous fut précieux lorsqu'en 1957 nous avons enfin pu nous marier, les obligations militaires du sursitaire étant considérées comme accomplies après un maintien de 27 mois en Tunisie ! C'est donc ensemble que nous retrouvâmes le 24 rue des Maronites.

    Notre mariage eût lieu naturellement à Notre-Dame-de-la-Croix et nous descendîmes les marches entourés de nos amis, précédés par le Suisse en grande tenue avec bicorne et hallebarde, ainsi que cela se faisait à l'époque. Cela sous l'oeil bienveillant de la foule rassemblée comme d'habitude, sur la petite place en bas de l'église, lorsqu'il y avait des cérémonies. Les marchandes de quatre-saisons de la rue de Ménilmontant pouvaient bien attendre un peu les clients, on prenait son temps le samedi matin !

    C'est Henri Guérard, qui n'était pas encore le célèbre photographe qu'il est devenu, qui immortalisa pour nous ces moments de bonheur.

    Toutefois, la rue du Pressoir n'en avait pas fini avec moi ! Un jour de 1958, la guerre d'Algérie faisant rage, deux factions rivales avaient choisi les cafés arabes du côté impair pour s'affronter. C'est en vitesse que nous avons dû déplacer le berceau de notre fils de crainte qu'une balle perdue n'arrive jusqu'à lui !

    Les années 1960 se profilaient à l'horizon et l'on parlait déjà d'échanges d'appartements en vue de la démolition des immeubles, vétustes ou non : un relogement en banlieue contre un abandon du quartier. Si c'était un crève-coeur pour les vieux Parisiens de souche, il faut bien avouer que l'espoir d'une installation plus confortable faisait envie aux jeunes. Je crois que nul ne se rendait compte des dégâts esthétiques qui se perpétraient. À ma connaissance, il ne fut malheureusement jamais question de réhabilitation.

    Par chance pour nous la question ne se posa pas. Nous avons cédé la place à mon frère et ma jeune belle-soeur, de sorte que l'appartement du 24 rue des Maronites resta "dans la famille" quelques années encore. Finalement l'immeuble fut épargné, ainsi que le 26. Ils sont toujours debout aujourd'hui, plus fringants que jamais !

    Depuis des décennies nous ne vivons plus à Ménilmontant, mais nous y avons laissé une grande partie de notre coeur.
    Et même de sérieuses attaches, puisque notre fils a choisi d'habiter Belleville. Question de gènes probablement ...

    Il ne faut pas oublier que Ménilmontant n'a été de tout temps qu'un quartier du village de Belleville ! Lucile

  • RECLAMES MURALES/ENSEIGNES

     

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    C'est en flânant dans le souvenir que me sont revenues les enseignes d'autrefois,  Saint-Raphaël quinquina, Suze gentiane, chocolat Menier, Dubo, Dubon, Dubonnet. Deux remarquables sites collectionnent les somptueux lettrages, peints à la main, qui ornaient les murs-pignons, qui signalaient des commerces devenus improbables (Dépôt de pommes de terres, Marée-Primeurs). Je vous en recommande la visite. Surtout, je fais appel à votre mémoire de badauds ayant observé autre chose que le pavé et les trottoirs luisants. Certains d'entre vous possèdent peut-être des images de cet art urbain aujourd'hui ruiniforme. Merci de nous adresser vos témoignages ici.

     

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    VOIR RUAVISTA LES SIGNES DE LA VILLE

    VOIR LES MURS PEINTS MURMURENT

     

  • NOEL RUE DU PRESSOIR/NOEL DANS LE MONDE

     

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    Fallait-il prendre au sérieux les propos d’un précédent billet où j’affirmais me foutre des Noëls et de ses illuminations, depuis plusieurs années ? Eh bien non ! Tous les ans, inlassablement, je répète la même chose, Noël n’aurait, pour moi, plus aucun intérêt. Mes propos n’ont plus la même résonance lorsque le mois de décembre pointe le bout de son nez. Je prépare les commandes de jouets pour mes petits enfants et les cadeaux pour les grands. Malgré mes 60 ans, c’est toujours avec un immense plaisir que je chine, jamais de lassitude lorsqu’il s’agit de donner du bonheur. Cette année, encore, la hotte du Père Noël sera bien remplie et il est fort possible, qu’en cette douce nuit de Noël, il perle le long de mes joues une larme en voyant les yeux écarquillés de mes petits enfants de 3 ans.

    Comme tous les ans, je repasserai, en boucle, les beaux Noëls de mes enfants mais aussi, ressortira de ma mémoire, en noir et blanc, le vieux film des années 50, celui de mon enfance rue du Pressoir. J’attendais, avec impatience, ce réveillon de Noël, ce repas festif préparé entièrement par mon père, de son premier métier boulanger, pâtissier, cuisinier, médaillé de bronze, médaille que je conserve précieusement dans son écrin. Je sais aussi que le Père Noël déposera, à minuit, le cadeau tant espéré. Il le déposera sous le sapin, haut de plus de 2m, qui trône comme un roi dans la salle à manger. J’ai pris soin, avant de me coucher, de mettre en évidence, près du sapin, mes pantoufles qui devraient se remplir de friandises en chocolat. Mais pour découvrir tout ça, il me faudra attendre le lendemain matin. Un seul jouet par enfant acheté avec des bons de la Semeuse.

    Je me souviens encore mais, là, mon film est comme monté à l’envers car ce souvenir se passe avant Noël. Mes parents, mes 3 sœurs et moi, occupions un deux pièces cuisine au 3ème et dernier étage de l’immeuble 25 rue du Pressoir, peu avant le grand jour, mon père grimpait sur le toit de l’immeuble en passant par une trappe située sur le palier et, de la haut, par le conduit de la cheminée, envoyait des oranges. Les yeux pétillants de joie, je suivais le parcours de ces oranges tombant du ciel, traversant la salle à manger pour terminer leurs courses dans la cuisine. Je me précipitais pour les ramasser, mais quel dommage que mon père n’ait pas assisté à cette magie. Où était-il ? Je ne me posais pas la question, je lui raconterai cette aventure lorsqu’il sera de retour. Maman disait que le Père Noël passait au- dessus de l’immeuble. Je n’avais pas 6 ans.

    Il était aussi de coutume, quelques jours avant le 24, de mettre ses chaussons au pied du sapin et si le Père Noël jugeait que, dans cette maison, les enfants avaient été bien sages, il pourrait déposer, en général, une guimauve enrobée de chocolat. 

    Je ne sais si cette tradition était propre à ma mère ou due à ses origines Ardennaises, à la frontière Belge, qui dans ce cas pourrait faire penser à Saint Nicolas, d’autant plus que Maman parlait souvent du Père Fouettard, les deux sont indissociables. Quoi qu’il en soit, j’ai perpétué la tradition avec mes enfants sans toutefois être comparable.

    Voilà, encore une petite scène de la vie, chez moi, au 23-25 rue du Pressoir. Maintenant, je vais faire comme les enfants, attendre que le Père Noël descende du ciel,  bien installé sur son traîneau tiré par ses rênes et accompagné de ses fidèles lutins. Bien que je préfère offrir que recevoir, je sais que sa hotte contiendra moult cadeaux pour moi de la part de ma famille, je sais aussi, qu’entre autres cadeaux, je découvrirai le bouquin de Guy Darol, Héros de papier.

    Je désire terminer ce récit en souhaitant à tous les visiteurs du site rue du Pressoir ainsi qu’à Guy Darol, sa maman et sa famille, sans oublier mon ami Bienvenu Merino, un joyeux Noël et que vos projets se réalisent. Puisque nous arrivons en période de vœux, une France moins bordélique et la paix dans le monde. Mais ça c'est peut-être trop demander. Josette Farigoul

  • LA FOIRE A LA FERRAILLE

     

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    Photographie Gérard Lavalette

    Au tournant des années 1960, nous quittâmes la rue du Pressoir, promise à la démolition, et nous installâmes rue des Minimes, troisième arrondissement. Les dimanches n'étaient jamais tristes. 

     

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    Mon rez-de-chaussée de la rue des Minimes

    Ils débutaient sur des arômes de petit déjeuner et d'encre fraîche (France-Dimanche) avec les trilles du poste de radio qui célébrait l'accordéon et le musette.

    Le matin, avec le daron, nous allions remplir le filet sur les trottoirs de la rue Saint-Antoine où les marchandes de quatre-saisons alignaient leurs provendes.

    Avant de regagner notre rez-de-chaussée, nous faisions une halte devant la vitrine à jouets et petits formats de la rue de Birague. Mon attention allait alors aux illustrés nommés Akim, Tartine, Mandrake ou encore Blek le Roc.

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    L'après-midi était dédiée à la flânerie dans les rues circonvoisines du Marais, de la Bastille ou du Temple.

    A la saison (dans mon souvenir, elle était toujours frisquette) de la Foire à la Ferraille, nous allions humer les étals. On touchait des yeux sans acheter. L'ambiance suffisait à nous contenter.

    Puis les pas de mon père nous menaient au cinéma. Joseph avait détaillé le programme dès le matin. Les salles étaient toujours les mêmes : Le Saint-Paul, le Studio Rivoli, le Lux-Bastille, le Cinévox du Faubourg Saint-Antoine, le Liberté de la gare de Lyon, le Dejazet du boulevard du Crime. Quelquefois, mais c'était alors une expédition, nous fréquentions les ors de La Scala et son escalier de château de fées. Là, je vis les westerns de John Ford et La Guerre des Boutons d'Yves Robert.

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    Le Dejazet

    Les yeux piquaient à la sortie et une petite tristesse venait assombrir le dimanche. C'était fini. J'en avais la gorge serrée.

  • LE FAKIR DU BOULEVARD EDGARD-QUINET

     

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    Photographie de Francis Beddok

    Vers la fin des années 1960, j’avais un peu délaissé Saint-Germain-des-Prés et je fréquentais assidûment Montparnasse. La vieille gare était toujours là et je n’imaginais même pas quelle serait un jour remplacée par l’immonde gratte-ciel. Nous naviguions du Rosebud au bar américain de la Coupole, du Falstaff à Bobino pour nous retrouver le soir à la Bohême. Boîte américaine bien planquée dans l’impasse du Départ qui n’existe plus aujourd’hui. Manu Dibango y faisait ses débuts et nous découvrions Otis Redding et Wilson Pickett.

    Le croisement du boulevard et des rues de la Gaité, du Montparnasse et d’Odessa forme une place sans nom juste à la sortie du métro Edgar Quinet.

    Invariablement, le fakir était là. C’était sa scène et il y retrouvait son public. Epées, sabres et dagues de toutes les longueurs voisinaient avec la planche à clous sur une grande toile noire.  Deux masses et des extenseurs complétaient l’équipement ainsi que des parpaings.

    Le bonhomme ressemblait à l’image qu’on a de Raspoutine. Grand et mince, il était doté d’une musculature fine et bien dessinée. Lui aussi exhibait des tatouages de mauvais garçons. Serpent entrelacé autour d’un poignard, le Saint des voyous et les fameux points bleus entre le pouce et l’index. Autant de codes pour les initiés. Ces tatouages-là n’étaient pas la création d’un artiste à la mode et ils délivraient des messages qu’à l’époque nous connaissions tous. 

    Le type haranguait la foule en tournant à l’intérieur du cercle formé et faisait tâter le fil de ses lames aux badauds. Il s’arrêtait puis coupait des journaux  en les sabrant d’un seul mouvement. La quête pouvait commencer. Contrairement aux musiciens qui passent le chapeau après leur récital, j’ai remarqué une tradition toujours présente chez les hercules et les fakirs c’est qu’il faut payer pour voir. Si la manche n’est pas assez importante, le spectacle ne débute pas. Et si jamais il arrivait un accident…

    Le fakir se concentrait après avoir réclamé le plus grand silence et se figeait les bras en croix,

    la garde de deux sabres dans ses mains, et leurs pointes contre chaque aisselle.

    Des spectateurs pas choisis par hasard, nous avions repérés les barons, se mettaient à deux pour tendre les extenseurs et caler leurs poignées dans les mains de « l’artiste ».

    Les muscles saillaient sous l’effort et notre homme crucifié  devait maintenir les tendeurs  le plus longtemps possible sous peine de se voir transpercer les flancs.

    Tous les spectateurs attendaient avec impatience la planche à clous sur laquelle il s’allongeait,

    Puis les compères déposaient sur son ventre les parpaings et invitaient quelques badauds à démontrer leur force en les cassant à grands coups de masse.

    C’était il y a fort longtemps mais en fait, le spectacle continue comme le démontre les photos offertes par Francis Beddok pour illustrer ce billet que je dédie à Josette Farigoul qui nous conte si bien la rue du Pressoir. Gérard Lavalette, photographe

     

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    Photographie de Francis Beddok

    Nos remerciements vont à Gérard Lavalette et à Francis Beddok pour ses photographies.

    VOIR LE BLOG DE FRANCIS BEDDOK

     

  • FETE FORAINE ET HOMME ORCHESTRE

     

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    Impossible de me rappeler de ces Hercules et Fakirs qui devaient déambuler sur les trottoirs du quartier. J'ai beau me creuser la tête, je ne vois pas,  ça ne resurgit pas. Sur le boulevard de Belleville nous pouvions, souvent, regarder de belles scènes de rue exécutées par des artistes. Je sais que tous les ans, s'installait entre le métro Couronnes et celui de Ménilmontant, une fête foraine qui attiraient les gens du quartier et d'ailleurs et qui durait, je crois, plusieurs semaines. Peut-être qu'au moment de cette fête, il y avait des exhibitions de ces charmants personnages.
    Je revois la roue, en face du bar La Mascotte, à l'angle de la rue des Couronnes et du boulevard de Belleville. Nous pouvions gagner du café ou des kilos de sucre et bien d'autres choses. Je revois le tir à la carabine, les manèges sur la place de Ménilmontant, la chenille et le Mont Blanc ainsi que les auto-tamponneuses. Tous les ans, nous allions à cette fête foraine avec mes parents. Plus tard, à l'adolescence, je m'y rendais avec Liliane. Les jeunes se retrouvaient devant les manèges sur la place de Ménilmontant. Grisés par la vitesse de la chenille ou du Mont Blanc, qui était couvert si je me rappelle bien, nous pouvions entendre les cris de tous les jeunes dont notre bande faisait partie.
    Si je ne me souviens pas des Hercules et Fakirs, j'étais impressionnée et admirative des hommes orchestre. Très souvent, je rencontrais l'un de ces hommes dans notre quartier. Comme hypnotisée, je restais plantée devant lui, à le regarder. Il était appareillé de la tête aux pieds. Sa démarche au son des cymbales et de tous ses instruments de musique en mouvement le faisait ressembler à un pantin. Il arpentait le trottoir du boulevard de Belleville, entre la rue des Maronites et la rue de Ménilmontant. Je me rappelle aussi les mimes, ces automates vivants, que nous pouvions apercevoir principalement sur le boulevard. Du beau spectacle de rue que je regrette et que j'aimerais retrouver.
    Notre époque, c'était vraiment le bon temps même si elle était parfois difficile. On ne se posait pas trop de questions, la vie était comme elle était et cette chienne de vie était la nôtre. Nous l'aimions. Il fallait juste bosser pour s'en sortir, c'est tout ce que nous avions à faire.
    J'ai comme l'impression de ne pas vous être d'un grand secours dans l'histoire de votre Hercule de foire. Espérons que d'autres visiteurs pourront vous apporter des témoignages bien plus intéressants. Josette Farigoul

     

  • HERCULE DE FOIRE/GERARD LAVALETTE

     

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    Je dois mon héritage de badaud en grande partie à mon père. Curieux et amateur des petites scènes de la vie parisienne, il appréciait particulièrement les camelots. Il se faisait refourguer toutes sortes d’ustensiles qui entre leurs mains habiles découpaient les patates en fleurs et qui arrivés dans la cuisine se retrouvaient dans un placard, inutiles, au grand dam de ma mère.

    Il m’emmenait le long des boulevards, de l'Opéra à République, et bien sûr à la Foire à la ferraille lorsqu’elle faisait son déballage le long du boulevard Richard-Lenoir.

    Tout ça pour vous dire que j’ai le souvenir de quelques bateleurs, hercules et autres mangeurs de mégots allumés qui officiaient là où se trouvait le promeneur.

    Je me souviens particulièrement de deux hercules. Le premier, accompagné d’un compère, crachait le feu sur le terre-plein central du Richard-Lenoir, presque à la place de la Bastille, pour attirer la galerie. Des poids, des haltères et des chaînes s’entassaient au milieu du cercle des curieux.

    J’étais très impressionné par cet homme à l’air encore jeune et aux cheveux longs déjà gris. Court et trapu, il exhibait son torse tatoué, ses bras musculeux et une forte bedaine maintenue par une très large ceinture de cuir.

    Il buvait à la bouteille de grandes goulées d’alcool ou d’essence, je ne sais pas très bien, qu’il recrachait en pluie sur ses torches pour faire apparaître les flammes que tout le monde guettait. Le compère commençait la manche en gueulant que le spectacle commencerait vraiment quand le chapeau serait rempli de pièces. Ensuite, il distribuait parmi l’assistance quelques barres de fer en demandant aux hommes les plus costauds d’essayer de les tordre.

    Devant l’échec de tous, il les portait à l’hercule qui, les calant sous un bras, les tordait en U à l’aide de l’autre main. Après venaient les autres démonstrations de force pure pendant lesquelles il soulevait des poids de toutes formes et de toutes grosseurs.

    Le spectacle se terminait toujours de la même façon. L’athlète se faisait enchaîner par son comparse qui faisait de multiples tours autour de son corps avant de boucler les derniers maillons par un gros cadenas.

    Le visage de l’artiste se convulsait de grimaces étudiées, les muscles se bandaient et le corps rougissait sous l’effort. Il se démenait quelques minutes sous les encouragements des badauds et les quolibets des habitués. Puis, comme par miracle, les chaînes tombaient  pour laisser apparaître la peau meurtrie, marquée par le métal comme par de nouveaux tatouages.

    Je devais avoir dix ou onze ans, ce qui daterait cette scène au début des années 1960.

    Si ce témoignage vous convient, je vous parlerais une autre fois du fakir du boulevard Edgar-Quinet. Gérard Lavalette, photographe

    Pour mieux connaître Gérard Lavalette :

    http://www.parisfaubourg.com/

    http://www.pariscool.com/index.html

    http://www.flickr.com/photos/gerard_lavalette/sets/

     

  • HERCULE DE FOIRE

     

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    Dans les années 1960, il était courant d'assister sur les trottoirs de Paris à des démonstrations d'Hercule de foire ou de fakirs allongés sur de redoutables tessons. En avez-vous le souvenir ? Nous serions heureux de lire vos commentaires et témoignages afin de nourrir cette entrée. Les Hercules de foire sont incontestablement les pionniers de l'art dans la rue. Rendons hommage à ce passé qui vit dans notre mémoire mais que l'histoire urbaine semble oublier un peu.

    Nous écrire ici

  • LUCILE DE LA RUE DES MARONITES

     

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    Je suis tombée par hasard, il y a quelques jours sur votre site et depuis je ne fais qu'y penser. Mes souvenirs, et ceux qui m'ont été transmis par mes parents, me reviennent en mémoire, sans souci réel de chronologie, mais de façon très vivace. En effet, je suis née en 1935 et ai habité pratiquement, jusqu'en 1959, dans l'immeuble situé 24 rue des Maronites, juste en face de la rue du Pressoir. Mes grands-parents maternels y avaient "émigré" dès avant la guerre de 14, quittant la rue Saint-Blaise et St-Germain de Charonne pour N.D. de la Croix de Ménilmontant. Depuis les trois fenêtres de l'appartement, la rue du Pressoir fut durant toute mon enfance un lieu d'observation privilégié. Mes souvenirs sont à votre disposition si vous le souhaitez pour, notamment, ajouter des commentaires antérieurs aux années 50 à l'excellent plan que vous avez dressé. Lucile Flèche

    Nos rues sont voisines et sans doute avons-nous quelques souvenirs en commun. Merci, Lucile, de nous adresser votre témoignage. Et peut-être possédez-vous des images du quartier avant sa démolition ? Nous sommes très intéressés, très émus, et d'avance nous vous remercions. Ecrivez ici

  • LE PERE NOEL/RUE ETIENNE DOLET

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    Je réponds aux commentaires que Nicole a si gentiment laissés sur le site. Nous avons bien eu, toutes les deux, la même institutrice en classe de fin d'études. Je comprends sa déception, s'entendre dire qu'elle est reçue et ne pas voir son nom sur la liste, c'est traumatisant. Pour moi les choses se sont passées différemment puisqu'on m'a fait comprendre que je ne suivrais pas en 6ème. J'ai accepté, mes parents aussi. Le passage au collège coûtait cher, bien trop cher pour mes parents. Effectivement le passage d'office après le CM2, laisse une chance, non négligeable, à tous les enfants et surtout plus de distinction de classe. Nous pouvions remarquer, à notre époque, cette fâcheuse tendance à diriger les enfants des familles, dites, défavorisées, sauf à être très bons, vers le certificat d'études puis le CAP. Il est vrai, aussi, que les parents ne contestaient pas les décisions. Mes résultats scolaires étaient moyens, je n'ai jamais redoublé mais certainement que ce niveau était insuffisant pour une scolarité au collège. Nullement traumatisant pour moi, je n'aimais pas l'école et n'ai jamais rien regretté. Je regrette, toutefois, un manque d'aisance dans la communication, ma foi je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.
    Nicole me demande si je me souviens des fêtes de Noël dans notre école de la rue Etienne Dolet, bien évidemment que je me souviens. L'année 1954 était l'année de mon entrée en CP, j'ai su très vite qu'une "grande" faisait le Père Noël et voilà que 54 ans plus tard, j'apprends le nom de ce Père Noël que les petites attendaient ce jour de décembre 1954. Les élèves se regroupaient dans le préau, impatientes. Il me semble bien que l'immense sapin trônait sur l'estrade. Un coup de sonnette, tous les yeux sont rivés en direction de la grande porte du préau, les battants s'ouvrent et le Père Noël apparaît. Un grand moment de bonheur.
    Cette même année j'appris que le Père Noël n'existait pas, je ne saurai dire si c'était avant ou après cette fête d'école. Je me revois m'approcher de ma mère et lui demander si ce qu'on venait de me dire était vrai. Une scène pourtant insignifiante mais probablement importante, pour l'enfant de 6 ans que j'étais, à m'en rappeler dans les moindres détails. Maman est assise sur une chaise tout près de la fenêtre de la salle à manger, elle reprise les chaussettes de mon père avec comme support une boule de billard, elle entrelace les fils pour faire une belle reprise bien serrée et là, elle me répond, elle avoue la vérité. C'est la fin d'un rêve.  Elle me fait promettre de ne rien en  dire à mes deux petites sœurs, le secret sera gardé jusqu'au bout.
    Même si, par la suite, les lumières scintillantes du sapin se reflétaient moins dans le bleu de mes yeux, la magie opérait toujours et a opéré longtemps. Les lumières se sont quelque peu éteintes en 1984, ma mère était orpheline, moi je le suis devenue le jour de sa mort, ça je l'ai ressenti comme si on m'enfonçait une épine dans le cœur. Des Noëls suivants, il me reste un goût amer, plus rien n'était pareil. Maintenant, je me fous des noëls, je me fous des lumières et je me fous des flonflons. Malgré tout, je continue pour mes petits enfants, tout du moins, ceux que je connais. Encore un goût amer devant la bêtise humaine. Maman si tu voyais ça !
    Je termine ce récit avec des larmes dans les yeux. Ces larmes sont, bien sûr, pour mes parents, j'aimerai bien qu'ils soient là, près de moi, Papa, Maman.
    Ce récit est écrit grâce ou à cause de Nicole, que dois-je dire ? Aucune importance, j'ai passé un bon moment à l'écrire malgré qu'il ne soit pas facile d'exprimer certains souvenirs. Josette Farigoul

  • LA VIELLEUSE AVANT DESTRUCTION

     

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    La Vielleuse existe toujours si l'on en croit l'enseigne figurant au bas de la rue de Belleville. Ce café n'est plus ce qu'il était. Le voici avant démolition :

    LE PLUS VIEUX CAFE DE BELLEVILLE

  • BELLEVILLE A L'INA

     

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    Albert Simonin

    Il ne fait aucun doute que la mémoire audio-visuelle du vieux Paris (celui d'avant la démolition) est blottie au sein des archives de l'INA.

    Voyez ce bouleversant document :

    BELLEVILLE - L'ALBUM DE FAMILLE DES FRANCAIS

    Ce document dresse un portrait de Belleville au travers des témoignages de ses habitants, commençant par les souvenirs des anciens puis donnant la parole aux nouveaux arrivants qui racontent leur vie dans le Belleville d'aujourd'hui. 

    Les rues de Belleville démolies. Interview de Madame PICARD une des plus vieilles habitantes de Belleville. Elle parle du Belleville d'autrefois qu'elle regrette. Interview d'Albert SIMONIN, auteur de livres de la Série Noire, qui regrette aussi le Belleville de son enfance. Interview d'une vieille mercière, "la cousine Jeannette". 
    Claude Jean PHILIPPE suit "la cousine Jeannette" qui lui montre des jardins fleuris derrière les maisons de Belleville. 
    Alternativement Marie PICARD et Henri ROUSSEAU racontent leur enfance et leur jeunesse à Belleville : Son passage en pensionnat religieux, les souvenirs du Théâtre de Belleville, de Casque d'Or, son travail de comédienne, les mentalités de l'époque qui voyaient mal quand une jeune femme se maquillait ou quand elle fréquentait un garçon, son premier amour pour Marie PICARD. Henri ROUSSEAU lui fut élève à la communale. Tous les deux se souviennent que leurs pères qui étaient de gauche.
    La rue de Belleville actuelle. Interview de passants et d'Henri ROUSSEAU qui regrettent le folklore d'antan et se plaignent de la présence des immigrés. La rue de Belleville de nuit illuminée. Les taudis de Belleville. Interview de Simone BERTEAU qui accompagnait dans ces rues Edith PIAF. Elle se souvient d'Edith PIAF qui même connue éprouvait le besoin de revenir "faire une rue". Les vieilles maisons de Belleville.
    Interview de MOULOUDJI qui se souvient de son enfance fugueuse et bagareuse à Belleville, de son père communiste et de sa mère catholique. Enfants jouant dans le parc des Buttes-Chaumont 
    Le bas Belleville servant toujours de refuge aux exilés d'Afrique du Nord. Deux passants et Henri ROUSSEAU disent leur mécontentement de voir des immigrés à Belleville. 
    Interview d'émigrés d'Afrique du Nord (Algériens) : Ils racontent leur vie en France et le racisme dont ils sont victimes.
    Interview d'un israélite (terme adopté dans le document) expliquant pourquoi ils ont choisi Belleville, le quartier de Belleville très animé le soir, n'est pas plus dangereux qu'un autre quartier, il est même plus calme que beaucoup d'autres quartiers. Il parle des rapports entre israélites et arabes qui se passent dans le respect.


    Ce document est illustré de photos personnelles des différents interviewés, de gravures et photos d'époque du vieux Belleville (de la fin du XIX ème siècle, certaines illustrant la Commune de Paris, photo de l'ancien théâtre de Belleville, photos des Buttes Chaumont). Il comporte également un extrait de "Casque d'Or" de Jacques Becker et de "Sous les toits de Paris" de René Clair.

     

  • RUE ETIENNE DOLET

     

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    Pour répondre à Nicole, si nous parlons de la même madame Buissière, institutrice des deux années de fin d'études rue Etienne Dolet, j'ai déposé, sur le site Copains d'avant, une photo de 1960 où nous pouvons retrouver madame Buissière ainsi que notre Directrice, décédée, je crois, en 2000, à plus de 90 ans. Effectivement, nous pouvons rendre hommage à Madame Buissière. Je citerais aussi mademoiselle Gaborey-Sisson, institutrice des CM², petite bonne femme aux cheveux courts et gris, d'une grande sévérité mais tellement efficace. Merci Nicole de nous faire partager vos merveilleux souvenirs. Josette

  • RUE DES MARONITES/UN TEMOIGNAGE

    En cueillant des souvenirs du passé, Nicole Bourg a traversé les images de notre Rue du Pressoir. Elle y a laissé un émouvant témoignage.

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    Je viens de parcourir une partie de votre entretien avec Mr Bienvenu Mérino et je m'aperçois que vous êtes resté assez peu de temps rue du Pressoir. Moi aussi j'étais "protégée", avec une éducation stricte ! Il fallait avoir de bons résultats scolaires. En fait, j'adorais l'école, mais toujours avec cette petite appréhension de ne pas réussir. Je voudrais rendre hommage ici à mes institutrices, Mesdames Buissière, Bertin et Florès. Si elles sont encore de ce monde, elles sont très âgées. Peut-être ont elles des descendants... C'est grâce à elles que j'aimais tant l'école. Moi aussi, je suis une idéaliste et j'ai un profond mépris pour l'injustice. Je veux toujours refaire le monde. C'est peine perdue, me direz vous, mais en ce qui concerne "Notre quartier" j'ai encore beaucoup de souvenirs. Aussi des récits de mes parents sur ce quartier qui a tant souffert. Pendant la guerre, ils étaient très jeunes! Je suis née le 3 Février 1942 à Paris, vingtième arrondissement. 

    J'habitais au 31, rue des Maronites. Nous avions une concierge. Pour rentrer il fallait sonner puis elle ouvrait depuis sa "Loge". D'abord,  il y avait une première grande cour avec des petits ateliers, dont l'un était tenu par une amie de Maman. Elles étaient couturières. Cette amie de Maman  s'appelait Giovanna Vespetti. Son nom d'épouse était  madame Mignon. C'était comme une tante pour moi. Il y avait aussi ses parents assez âgés. D'autres encore dont nous étions très proches. Les grandes personnes étaient solidaires. Dans la petite cour, il y avait une petite imprimerie avec deux employés. Dans le bâtiment voisin habitaient mes grands-parents. A l'étage en dessous, mon oncle Giuseppe. Dans le bâtiment en face,ma tante Elisa. Au 34,rue des Maronites, le frère de maman vivait dans un petit appartement (plus grand que le nôtre) avec son épouse et ses enfants.C'était une grande famille! Nicole

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  • CINEMAS DE BELLEVILLE

     

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    Le Ménil Palace

     

    Cher Guy,

    Je cherche toujours à comprendre pourquoi, depuis tant et tant d’années, la rue du Pressoir est si présente dans ma mémoire. Probablement que sommeillent, au fond de moi, l’enfant et l’adolescente que j’étais. Ce temps-là ne me semble pas si loin et pourtant …

    Avec mon amie Liliane nous en avons fait des pas dans cette rue et dans tout le quartier. Sans vraiment d’argent, nos sorties s’en trouvaient limitées mais Liliane se débrouillait toujours pour obtenir, de ses parents, un peu d’argent de poche.

    Nous pourrons, peut-être, nous offrir une toile au Ménil-Palace ou encore au Phénix de la rue de Ménilmontant, ou bien au Cocorico sur le Boulevard de Belleville proche de la rue de Belleville, nos trois cinémas préférés.

    Le Phénix se trouvait dans le bas de la rue de Ménilmontant sur le trottoir de droite en remontant. Le Ménil-Palace se situait plus haut, à côté du Prisunic, sur le même trottoir de droite, pratiquement en face de la rue Julien Lacroix. Nous avons tendance à l’oublier mais il y avait un autre cinéma sur le Boulevard de Ménilmontant, en direction du Père Lachaise, et dont le nom m’échappe. D’après un écrit d’Edgar Morin (qui a vécu dans notre quartier) rédigé en espagnol, que j’ai tenté de traduire, mal traduit, mais malgré tout je comprends les grandes lignes, Edgar Morin parle du Ménil-Palace, du Phénix et de ce troisième cinéma situé sur le Boulevard de Ménilmontant. Son nom serait le XXe Siècle.

    Si je me reporte au temps des années 1963/64, une place de cinéma coûtait un peu plus d'1 franc, l’esquimau à l’entracte dans les 20 centimes. Je ne pense pas être très loin de la vérité.

    A cette époque, on peut dire que le cinéma, c’était du vrai spectacle. Je nous revois toutes les deux, côte à côte, confortablement assises dans nos fauteuils, attendant que les lumières baissent tout doucement, que le spectacle commence. Il fuse des «Taisez-vous ! chut !» pour les petits malins qui n’auraient pas compris. Plus un bruit dans la salle, nous pouvons maintenant assister, avec une grande élégance, à l’ouverture des rideaux qui dissimulent un gigantesque écran. Il nous est, tout d’abord, présenté un documentaire quelque peu ennuyeux, par la suite la réclame avec ce très fameux Balzac 00 01 Jean Mineur Publicité 79 Champs Elysées Paris, phrase et petit bonhomme inoubliables. Après diverses réclames les rideaux se referment, l'un reste fermé sur l’écran pendant que l’autre s’ouvre de nouveau pour laisser apparaître un artiste en herbe, peut-être un magicien. 

    Maintenant, le film ! Il est fort possible que notre choix se soit porté, une fois de plus, sur un Josélito et une fois de plus nous verserons des larmes. Il nous aura fait pleurer, ce Josélito. Je crois bien que nous avons vu la majorité de ses films. Ou alors, non Liliane, pas un Hercule, je suis à saturation, La Vengeance d’Hercule, Le Triomphe d’Hercule, Les Amours d’Hercule, Hercule Se Déchaîne, pour n’en citer que quelques-uns. Depuis, je déteste les péplums tout autant que les westerns que nous avons consommés sans modération. 

    Nous n’avons pas vu que ça ! Impossible de rater le film avec l’idole des jeunes de l’époque (D’où Viens-tu Johnny ?) et bien évidemment ceux avec Elvis Presley, bien meilleur chanteur que comédien. Mais oui, mais oui, nous avons aimé certains navets dont Elvis était la vedette. Il faut bien que jeunesse se passe. Et bien sûr, j’en oublie.

    Ah ! nos sorties au ciné ! Que de bons souvenirs et malgré les difficultés de la vie, cette vie, nous l’avons croquée à pleines dents, en toute insouciance. 

    Voilà, c’était la dernière séance et le film est terminé pour reprendre quelques mots d’une chanson d’Eddy Mitchell qui a vécu à Belleville lui aussi. Je referme le couvercle sur ce récit afin qu’il retrouve sa place dans les archives de ma mémoire.

    Avec toute mon amitié,

    Josette

  • GERARD LAVALETTE PHOTOGRAPHE

     

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    Gérard Lavalette suspend le temps. Ses images conjuguent le Paris des années 1960 et la ville d'aujourd'hui. Sans doute sait-il capter l'éternité des visages, l'invariable des émotions, toujours refusant de se plier aux ordres de jamais plus ? Les photographies de Gérard Lavalette sont une affirmation du piéton, le flâneur des rues au parfum d'asphalte.

    Bibliothèque Faidherbe

    18, rue de Faidherbe 75011 Paris

    jusqu'au 30 octobre.

    Quelques liens pour partager le butin de Gérard Lavalette :

    http://www.parisfaubourg.com/galerie/picture.php?cat=1&image_id=407&expand=12,1

    http://www.parisfaubourg.com/

    http://www.pariscool.com/index.html

    http://www.flickr.com/photos/gerard_lavalette/sets/

    LA  STATION DE MÉTRO CHARONNE SOUS LA NEIGE

    par

    Bienvenu Merino

    La chaussée, tapie d’un blanc somptueux, incrustée

    de pépites de nacre,  éveille en nous nos jeux de neige

    joyeux et nos rêves de Noël. Cette photographie a

    la beauté et la rareté d’un carat, provenant des mines

    à ciel ouvert, d’un pays à l’image de notre village

    d’enfance  unique et inoubliable.  Sous un ciel

    tourmenté d’étincelles de flocons, le piéton hésite

    de ses pas, dans ce paysage, non d’une Russie

    dont chacun de nous se souvient  sa tragédie,

    mais d’un Paris, qui ne peut nous faire perdre,

    un seul instant, sa couleur  grise éternelle, où

    nous demeurons depuis quatre mille ans.

    Le visage blanc et triste d’un clown, réfugié

    sous la lampe d’un réverbère pour avoir moins

    froid éclaire les yeux des enfants. Il ne rit plus,

    il ne fait plus rire. La neige silence et apaise,

    mais son blanc de paix,  réveille tout à coup

    en nous, le souvenir du linceul de la station

    Charonne, du huit février mille neuf cent

    soixante deux : la  « bombe » explosive partit

    des fusils, que l’histoire, fit éclater dans les poches

    des victimes et les cœurs des Français,  dont la

    mince pellicule de neige, même éternelle, ne peut

    faire oublier la tragédie, que vécurent les parisiens,

    dont  nous fûmes.

     

     

     

     

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

  • DE LA RUE DU PRESSOIR A BERCK PLAGE


    La famille Idoux arrive à la mer
    par
    Bienvenu Merino

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    De la voiture au side-car

    Dans les années 1880, les constructeurs d’automobiles hésitèrent longuement entre la vapeur et l’électricité pour actionner leurs moteurs. Finalement, ce furent l’essence et le moteur à explosion qui prévalurent, parce qu’ils étaient plus pratiques pour les longues distances. En 1891, sous licence Daimler naquit la première voiture à essence française, Panhard et Levassor. En 1894 s’effectuait  la première course automobile Paris-Rouen que gagna une De Dion-Bouton à vapeur. Le code de la route naquit en France en 1899.
    Dans le 20e arrondissement de Paris, rue du Pressoir, la famille Idoux habitait aux numéros 23-25 dans un bel immeuble, mais cependant sans grand confort et sans que les propriétaires sous influence de l’état ne veuillent faire le nécessaire pour rénover les appartements. Mais en août, la famille Idoux partait en vacances, à Berck Plage : le side-car, la mer, le soleil, les copains… Pour notre amie Josette, le rêve ! Comme certains parisiens, monsieur Idoux était un féru de motocyclette et plus tard de side-car. Et là alors, adieux les soucis, le travail, bonjour la vie. Partir en vacances avec ses trois filles et son épouse : un régal !
    1905 vit apparaître la première ligne d’autobus à moteur Saint-Germain-des-Prés/Montmartre et le taximètre automobile. Les fiacres, bien que modernisés sur pneumatiques et dotés du dernier confort, même de chaufferettes en hiver, ne survécurent pas à cette concurrence et disparurent un à un. L’électricité vaincue sur la route par le moteur à essence prévalut au contraire pour les chemins de fer souterrains. A la fin du siècle dernier, l’ingénieur breton Fulgence Bienvenüe construisit la première ligne de métropolitain Vincennes-Maillot. Elle fut inaugurée le 19 juillet 1900, pendant l’Exposition Universelle. Avant de triompher, le métro avait rencontré bien des oppositions. Les cochers de fiacre le prétendant insalubre l’avaient baptisé le « nécropolitain ». A la Chambre, un député l’accusa même d’être « antipatriotique et attentatoire à la gloire de Paris ! » Il est vrai que, à l’origine, les projets de métro aérien proposés défiaient parfois l’imagination et l’esthétique. Enfin, la modération l'emporta, les Parisiens apprécièrent leur métro, ses stations de faïence blanche et ses bouches aux grilles évanescentes de pur moderne style.
    Le trafic fluvial sur la Seine allait bon fleuve. Les chalands et les péniches croisaient, les fameux bateaux-mouches, qui font encore la joie des touristes après avoir desservi la ligne régulière Pont-d’Austerlitz/Viaduc d’Auteuil. Ils avaient été créés en 1866, à la veille de l’Exposition Universelle, afin de succéder aux coches d’eau. Passée la floraison fantaisiste des voitures artisanales de tous genres et de tous styles, à deux, trois ou quatre roues, la production automobile se normalise en atteignant le stade industriel après la guerre de 1914. Dans les années 20, le cycle-car livra le dernier assaut des voiturettes, perdu d’avance. Le succès de cette ingénieuse curiosité n’eut qu’un temps. A la recherche de lignes aérodynamiques triomphaient déjà de belles voitures comme les Bugatti, Delahaye, Hispano-Suiza.
    1934 vit l’apparition de la traction avant Citroën, tandis que la loi des quarante heures et les congés payés de 1936 lançaient sur les routes la triplette et le tandem. C’est de cette époque que date l’exode estival des Parisiens. Monsieur Idoux n’attendit pas très longtemps pour se fabriquer ingénieusement, lui-même, son propre side-car en forme de noix, derrière comme devant. Formidable cocon familial, pour réunir sa petite famille au complet et essayer de vivre heureux son amour !

     

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    La famille Idoux en voyage

     

  • L'ESCALIER OU S'ELEVE L'ENFANCE

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    23-25, rue du Pressoir

    Au 23-25 de la rue du Pressoir, je n'ai vécu que les six premières années de ma vie (des années capitales) et il m'arrive souvent de refaire dans ma tête le chemin qui des trottoirs de la rue menait à la porte du deux pièces que nous occupions au quatrième étage.

    Ce chemin est désormais éclairé par les lumières de Josette Farigoul à qui j'ai demandé de me conter l'escalier, un escalier bien sombre, grinçant et qui, selon elle, foutait la trouille.

    "Cher Guy,
    A votre question, si je me souviens de l'escalier qui grimpait à votre étage, je répondrais qu'il me reste, bien sûr, quelques souvenirs. J'étais très souvent de votre côté et il est évident que je vous ai croisé, à un moment ou à un autre, ainsi que vos parents.
    Je revois très bien l'entrée carrelée du 23-25 de la rue du Pressoir, juste en entrant, sur la gauche, la porte de Madame Dilouya, la Tunisienne comme nous l'appelions, sa fenêtre blanche donnait sur la rue. En prolongement de sa porte, votre escalier. Je dirais, trois marches droites face à l'entrée de l'immeuble puis l'escalier tourne sur la gauche, il monte droit jusqu'au 1er étage. Les marches en bois grincent sous l'effet de notre passage. Les murs sont écaillés et de couleur marron foncé. Au palier du 1er nous tournons sur la droite pour monter aux étages supérieurs. L'escalier ainsi que les couloirs sont très sombres, je vois quatre  appartements par palier, une porte de chaque côté des paliers au fond à droite et à gauche et deux autres portes sur la gauche en arrivant à chaque étage. Les fenêtres des appartements de gauche donnent sur la rue et celles des appartements de droite sur la cour de mon côté, face à mon immeuble, du moins face aux fenêtres des chambres du 25, côté matelassier pour mieux se repérer. A chaque palier des WC à la turque et un robinet.
    Au regret de vous dire, cher Guy, que je n'étais pas très à l'aise de votre côté. Les couloirs bien trop sombres et sans fenêtres, le cliquetis de la minuterie, cette minuterie qui, bien évidemment, se coupait au moment où je me trouvais entre deux étages, le grincement des marches de l'escalier, un cocktail détonant pour foutre la trouille à un enfant. Les voisins m'attendaient pour leurs courses alors je prenais mon courage à deux mains, je grimpais très vite les étages.
    Il me semble bien que les locataires du 23 étaient  plus calmes que ceux du 25 et mis à part les habitants du 4ème, et oui vos voisins Guy, je n'ai pas souvenance de réels problèmes dans cet immeuble.
    Voilà encore un bond dans le temps où j'ai pu un instant me retrouver chez nous au 23/25 de notre chère rue du Pressoir.
    Avec toute l'amitié de votre voisine,
    Josette"
  • FORMULAIRE POUR UN URBANISME NOUVEAU

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    Nous nous ennuyons dans la ville. Il n'y a plus de temple du soleil. Entre les jambes des passantes les dadaïstes auraient voulu trouver une clé à la molette, et les surréalistes une coupe de cristal, c'est perdu. Nous savons lire sur les visages toutes les promesses, dernier état de la morphologie. La poésie des affiches a duré vingt ans. Nous nous ennuyons dans la ville, il faut se fatiguer salement pour découvrir encore des mystères sur les pancartes de la voie publique, dernier état de l'humour et de la poésie :

    Bains-Douches des Patriarches

    Machines à trancher les viandes

    Zoo Notre-Dame

    Pharmacie des Sports

    Béton translucide

    Scierie Main-d'or

    Centre de récupération fonctionnelle

    Ambulance Sainte-Anne

    Cinquième Avenue café

    Rue des Volontaires Prolongée

    Pension de famille dans le jardin

    Hôtel des Etrangers

    Rue Sauvage

    Et lapiscine de la rue des Fillettes. Et le commissariat de police de la rue du Rendez-Vous. La clinique médico-chirurgicale et le bureau de placement gratuit du quai des Orfèvres. Les fleurs artificielles de la rue du Soleil. L'hôtel des Caves du Château, le bar de l'Océan et le café du Va et Vient. L'hôtel de l'Epoque.

    Et l'étrange statue du Docteur Philippe Pinel, bienfaiteur des aliénés, dans les derniers soirs de l'été. Explorer Paris.

    Et toi, oubliée, tes souvenirs ravagés par toutes les consternations de la mappemonde, échouée aux Caves Rouges de Pali-Kao, sans musique et sans géographie, ne partant plus pour l'hacienda où les racines pensent à l'enfant et où le vin s'achève en fables de calendrier. Maintenant c'est joué. L'hacienda, tu ne la verras pas. Elle n'existe pas.

    Il faut construire l'hacienda.

    Toutes les villes sont géologiques et l'on ne peut faire trois pas sans rencontrer des fantômes, armés de tout le prestige de leurs légendes. Nous évoluons dans un paysage fermé dont les points de repères nous tirent sans cesse vers le passé. Gilles Ivain

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    in INTERNATIONALE SITUATIONNISTE

    Numéro 1 - Juin 1958

     

     

  • LE PIETON BLANC

    à Jérôme Mesnager, créateur de ce piéton que je rencontre parfois lors mes promenades salutaires

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    Depuis de longues années je croise le piéton blanc, silencieux. Que se soit, rue du Temple, sur les hauteurs de la Courtille , rue du Soleil, proche des choses simples de la vie, et aussi près des livres. C’est là que nous nous sommes rencontrés, hier, en librairie. Nous avons, lui et moi, la marche en commun. Je me suis demandé s’il arrivait du Père Lachaise, tout proche. Cependant je ne le pense pas ! Là, à l’oreiller de la rue du Repos demeurent ses collègues, eux, ne se déplacent pas ou très peu.

    Je l’ai vu si souvent le piéton blanc que parfois je me dis : « Ce doit être effrayant de savoir que les cimetières de Paris se vident de leur défunts personnages, en période de Toussaint, quand viennent les familles au cimetière avec une jolie fleur à la main».

    C’est un marcheur d’avenir, ne croyez pas le contraire ! Et aussi un coureur de fond comme il existe des mineurs de fond. Mais lui ne serait jamais entré dans l’ossuaire des Catacombes, même pour une courte visite. Il se sent mieux à l’air libre, encore que….

    La promenade est une activité sans équivalent, un art à part entière, à laquelle seule une élite débarrassée des basses contingences matérielles peut goûter pleinement à condition de posséder une certaine « ingénuité de l’âme » et un bagage culturel approprié. Un art de vivre en somme qui est plutôt de l’ordre esthétique qu’intellectuel. Jeu du corps qui met en branle les mécanismes de l’esprit. Mais cependant, je vous certifie qu’il  ne faut pas être intello pour se dire marcheur. J’ai beaucoup vu lors de mes voyages des familles entières marcher dans la pampa Argentine ou tout au long des routes du Brésil, de Puerto Allègre à Fortaleza, de Bahia de tous les Saints à Manaus, tous étaient à la recherche du sauveur,  d’une miette de travail ou simplement parce qu’ils n’avaient pas les moyens de  payer le transport.

    Jean-Jacques Rousseau pratiquait régulièrement la promenade, pour réfléchir et herboriser à loisir. Dans sa jeunesse, il effectua plusieurs longs voyages à pied dont le premier le conduisit à travers les Alpes, depuis Genève jusqu’à Turin.

    Arthur Rimbaud fit la traversée en hiver du Saint Gothard, à pied. Voici quelques lignes de ce qu’il écrivit : « …la route, qui n’a guère que six mètres de largeur, est comblée tout du long, à droite, par une chute de neige de près de deux mètres de hauteur, qui, à chaque instant, allonge sur la chaussée une barre haute d’un mètre qu’il faut fendre sous une atroce tourmente de grésil. Voici…  plus une  ombre dessus, dessous ni autour… plus de route, de précipice, de gorge, ni de ciel : rien que du blanc à songer, à toucher…voici… à fendre plus d’un mètre de haut sur un kilomètre de long. On ne voit plus ses genoux de longtemps… »

    Aujourd’hui, l’homme en difficulté, essentiellement urbain, qui vit dans la rue, s’oppose traditionnellement au chemineau, son homologue des routes et des villages qui avait fait de la nature toute entière son royaume.

    Marcher pour ne pas mourir ou devenir fou ! Avant de sombrer profondément dans la dépression, le narrateur d'Un homme qui dort, mon ami Georges Perec était un homme qui marchait jusqu’à ce qu’il se retire définitivement dans sa mansarde, parfaitement indifférent au monde.

    momotombo.JPGJ’ai rencontré en Alaska des marcheurs rares, des vrais, qui du voyage avait fait un métier et que je retrouvais tout au long des saisons, dans des pays très éloignés les uns des autres. Certains de ces voyageurs rencontrés en Alaska, je les revoyais quelques mois après à Irazú,  volcan du Costa Rica, à plus de 3432 mètres d’altitude, puis plus tard au sommet de deux autres volcans, au Nicaragua, le Momotombo et le Momotombito , et bien plus tard, en Terre de Feu, là- bas où fini le sable, au large de Puntas Arénas, Chili, où Augusto Pinochet isola au milieu des glaces, hommes et femmes, afin qu’ils comprennent que la liberté n’était pas leur DROIT, jugeant en son âme et conscience qu’ils méritaient d'être considérés comme des chiens.

    Le vrai marcheur, connaît rarement l’ennui, la solitude, la peur, le racisme, il s’intéresse à tout.  Tout est réflexion, discipline et labeur et il doit posséder beaucoup de talent,  pour que les expériences les plus difficiles lui soient profitables et légères, afin d’entreprendre  de façon professionnelle, comme un danseur de tango et de flamenco, sur les pointes des pieds, et rester à la hauteur des plus grandes étoiles du firmament, proche, non seulement des hommes et des femmes, de la jeunesse et des anciens, mais également des bêtes : loups, ours, rapaces, tout ce qui est sources intarissables qui peuvent enrichir son expérience. Il est, pour certains, de ces étoiles ayant fui  les écoles, et pour d’autres,  passé tous les examens de la conscience se graduant au fil des kilomètres, des chemins et des routes où chaque jour il doit résoudre les problèmes, seul, sans rien demander au monde, au contact d’une nature gigantesque où le voyageur se livre, corps et âme, les yeux grands ouverts, se cultivant ainsi de toutes les choses la vie, et utilisant avec subtilité les combinés appris au contacts quotidiens avec leur environnement sauvage ou au contraire très civilisé.

    Dans le monde actuel, moderne, nous avons en France, un exemple, non du marcheur, mais du coureur peu commun, le Président de la République, Nicolas Sarkozy. Lui n’est pas un marcheur, mais un coureur des bois, Bois de Boulogne, il a su se débarrasser de «  toute la racaille » du Bois des Amants, afin d'être mieux à l’aise pour réfléchir, tout en courant, et affronter les problèmes des ni putes ni soumises. Comment pénétrer la zone,  lui qui n’a jamais vécu la joie ou la tristesse de ces filles. C’est un vrai sprinter, à sa manière d’affronter l’obésité des autres, la précarité, et de se débarrasser de l’empilement haut des dossiers, de la came, du poids de Cécilia, de la légèreté de Carla, des fidélités de sa troupe de ministres girouettes fragiles. Regardez ! Besson, Attali, et tous les autres, régiment de trouillards avançant avec obéissance derrière leur petit  Napoléon de Président. C’est un chique-came, qui renverse la vapeur quand il  veut, et roule les mécaniques, tel un boxeur, avant d’allonger une droite à un adversaire de gauche. Et flac ! Il a du répondant dans la voix : « Qui a dit ça ? Descend si t’es courageux ! » Et dans le geste, lorsqu’il pince du bout de  ses doigts secs, la joue de sa chère Cécilia, le jour où il prend les pouvoirs à L’Elysée, devant des milliards de téléspectateurs de la planète entière. Pincée comme on tourne un interrupteur pour éteindre la lumière. Le visage de son épouse, Albéniz, ce jour-là,  avait tout de la bonne espagnole égarée et paumée, servante au Palais du Prado comme si le Caudillo mécontent l’avait  réprimandé et humilié, et dont ce Prince de l’Elysée serrait la joue entre ses pinces, devant la Cour et des centaines d’invités. J’ai vu ça, à la TV , l’intronisation vraie et chèros, ne confondez pas, chair et en os, ce qui est de même. Les dernières élections Présidentielles auxquelles l’Etat nous convoquait étaient en effet dominées par l’enchevêtrement contradictoire de deux types de peur. Il y a d’abord la peur que je dirais essentielle, celle qui caractérise la situation subjective de gens qui, dominateurs et privilégiés, sentent que ces privilèges sont relatifs et menacés et que leur domination n’est peut-être que provisoire, déjà branlante. En France, puissance moyenne dont on ne voit pas que l’avenir puisse être glorieux, sauf si elle invente la politique qui soustraira le pays à son insignifiance et en fera une référence émancipatrice planétaire, l’affect négatif est particulièrement violent et misérable. Il se traduit par la peur des étrangers, des ouvriers, du peuple, des jeunes de banlieues, des musulmans, des noirs venus d’Afrique…Cette peur conservatrice et crépusculaire, crée le désir d’avoir un maître qui vous protège, fût-ce en vous opprimant et paupérisant plus encore. Nous connaissons  les traits de ce maître aujourd’hui : le coureur Sarko, un flic agité qui fait feu de tout bois, et pour qui, coups médiatiques, financiers, amicaux et magouilles de coulisses sont tout le secret de la politique.

    Pour revenir à mes amis fidèles, le piéton blanc, est d’une grande honnêteté et humanité. Son activité est grande ; je l’ai vu à New-York, sur la muraille de Chine et bien plus loin encore, avant que nous traversions ensemble la mer pour aller à loisir au Portugal, vers des sourires et des amours, comme si là était nos métiers.

    Cher piéton blanc, si l’idée vous prenait de stationner, rue du Pressoir vous encourez le risque d’un procès-verbal. Ici, tout est réglementé. Certains guettent. Vous êtes prévenu si vous voulez faire de vieux os.  Bienvenu Merino 

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    Momotombo