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paris - Page 3

  • NICOLE BOURG SE SOUVIENT

     

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    La sortie des écoles rue des Maronites

     

     

    Dans quelles années êtes-vous né ?  

    Je suis née en 1942.

     

    Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ? 

    Rue des Maronites.

     

    Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?

    Le marché, avec les marchandes des quatre-saisons rue de Ménilmontant, notamment à l'occasion du 1er Mai... Nous allions acheter des brins de muguet pour les offrir à la famille et aux amis.


    Quelles sont les images (façades d'immeubles, commerces, manèges, que sais-je ?) qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?

    La fête foraine sur la place, juste à côté de la bouche de métro, à l'occasion de la Saint-Nicolas... J'ai d'ailleurs écrit un billet à ce sujet. J'ai aussi beaucoup d'images concernant tous les petits commerces, de la rue, y compris les ateliers.

     

    Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?

    C'est ma mère qui est arrivée avec ses parents, son frère, un oncle et une tante... Ils étaient dans un hôtel de la rue du Pressoir. Ils venaient d'Italie... Mon père résidait rue Laurence Savart. Ensuite mes grands parents se sont installés au 31, rue des Maronites. Lorsque mes parents se sont mariés, ils se sont installés eux aussi... au 31 de la rue des Maronites, ainsi qu'une tante et un oncle. Puis, le frère de ma mère s'est marié et lui aussi s'est installé rue des Maronites. Mon père ne connaissait pas cette rue! Pour la petite histoire... c'était un ami, de mon oncle. Ils pratiquaient la bicyclette, ensemble et le dimanche il était invité chez mes grands parents car il adorait la "Pasta" ! Je crois qu'à cette époque, les immigrés qui arrivaient et qui fuyaient le fascisme étaient logés dans le vingtième arrondissement de Paris. Je voudrais souligner qu'à cette époque beaucoup de gens vivaient en bonne intelligence... notamment "juifs" et "arabes" ... On ne parlait pas d'identité nationale !

     

    Que faisaient vos parents (métiers et loisirs) ?

    Mon père était à la caserne des pompiers de Paris... à Port Royal exactement. Ma mère était couturière et travaillait avec sa mère. Mais avant cela, elle fut apprentie couturière rue notre Dame de Lorette à Montmartre. Plus tard, nous allions acheter des coupons de tissu, Place du Tertre. Quant aux loisirs de mes parents, c'était rendre visite à la famille ou aller de temps en temps au cinéma, rue Oberkampf. La lecture, puis nous prenions le métro, afin de nous rendre dans la nature ...

     

    Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?

    Je fréquentais l'école primaire ( Filles) de la rue Etienne Dolet. Ensuite, le collège technique pour y apprendre le Secrétariat commercial           (sténographie, dactylographie) rue de Ménilmontant.

     

    Où (rue, passage, impasse, cour, square ...) alliez-vous jouer ?

    Nous allions au square Sorbier, toujours accompagnés. Je n'avais pas l'autorisation de mes parents d'aller jouer dans la rue !

     

    Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?

    C'est la première rue que ma mère a connu en arrivant en France. Puis plus tard, nous achetions le lait  chez notre crémière attitrée. C'est aussi dans cette rue du Pressoir que j'ai fais ma petite fugue. Voir mon billet sur le bébé Fugueur.


    Que se passe-t-il dans votre coeur et dans votre tête lorsque vos pas vous ramènent rue du Pressoir ?

    Je ne suis pas retournée dans ce quartier... Une fois seulement, il y a18 ans, de nuit, rue de Ménilmontant, Rue Etienne Dolet et un peu rue des Maronites ...vers l'école maternelle où se rendait mon frère. Le reste, je ne savais plus où j'étais. Une immense tristesse s'est emparée de moi ! J'ai réalisé qu'une page était tournée. Celle de mon enfance... celle de ma prime jeunesse, à jamais. Ce qui nous reste à nous, le enfants de Ménilmontant, ce sont nos souvenirs impérissables.

     

     

     

  • MIGUEL EGANA SE SOUVIENT

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    Dans quelles années êtes-vous né ?

    Miguel Egana : 1952

     

    Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ?

    Rue Julien-Lacroix


    Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?

    Je marche le long du square Sorbier


    Quelles sont les images qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?

    Les trottoirs et les escaliers qui montent


    Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?

    C'était l'immeuble des parents de ma mère, vide après la déportation de sa mère.


    Que faisaient vos parents ?

    Ma mère travaillait à la maison puis plus tard dans un bureau, mon père sur des chantiers ; leur loisir était le cinéma : rue de Ménilmontant, rue Jean-Pierre Timbaud.

     

    Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?

    L'école de la rue Julien-Lacroix à deux pas de chez moi et auparavant l'école maternelle de la rue des Couronnes.


    Où alliez-vous jouer ?

    Dans la cour du 22 rue Julien-Lacroix et un peu passage Ronce.

     

    Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?

    Ma mère que j'accompagnais rue des Couronnes, juste à côté, pour chercher et porter du travail (colliers) à domicile.


    Que se passe-t-il dans votre coeur et votre tête lorsque vos pas vous mènent rue du Pressoir aujourd'hui ?

    Une immense tristesse et un profond ressentiment à l'égard des urbanistes (?) criminels (et des politiques tout aussi méprisants et méprisables) qui ont transformé ce quartier (mais aussi la Place des Fêtes où j'habitai plus tard) en banlieue aussi laide qu'impersonnelle.

     

     

     

     

     

  • LOIN DE LA RUE DU PRESSOIR : L'AVENUE D'ITALIE

     

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    Le saviez-vous ?

    La place d'Italie (Paris 13ème) doit son nom à sa position ancienne de carrefour de routes romaines qui conduisaient en Italie afin de pouvoir rejoindre la "Botte".

    L'avenue d'Italie était la voie privilégiée appelée "chemin de Turin". Cette voie prit le nom de barrière d'Italie en 1806. A noter que Napoléon lui-même emprunta cette route en 1815 pour rentrer de son exil à l'île d'Elbe.

    En effet, ce n'est pas rien ! Il fallait, avant d'effectuer ce trajet, une bonne dose de courage... une bonne santé ainsi que des chaussures confortables...

    Corragio ! Amico !

    Nicole Bourg

  • ANCIENS CHEMINS DE MENILMONTANT

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    A Gérard Lavalette, mon ami photographe humaniste, connaisseur du vrai Paris, infatigable piéton, badaud,  depuis son plus jeune âge, appareils photo toujours en  bandoulière, marcheur rapide, incognito, jamais à l'arrêt, toujours au travail par n'importe quel temps, froid, gelée, verglas,  neige, pluie , grêle, canicule, soleil tapant le crâne , et aussi, par désastreux et grouillants embouteillages, bouchons, depuis que l'automobile moderne est entrée dans la ville, grèves et folklores, carnavals, manifs, artisans en tous genres, artistes célèbres ou qui le deviendront, clochards intellos ou analphabètes, sans abri s.d.f.  exposés aux dangers quotidiens, poètes oubliés et écrivains connus, inconnus, méritant bien quelques reconnaissances, défilés des belles dans le célèbre Faubourg, par où, autrefois, franchissaient la porte Saint Antoine, les carrosses des Rois et leurs cortèges, brasseries, petits bars les plus vieux du neuf Paris, rue de Charonne, et rue de Chanzy, là, l'un de ses fiefs, le  Pure café. Si vous le rencontrez, à l'abri sous sa casquette de titi parisien,  où se cache sa popularité, n'hésitez pas à lui dire :' compliments, chapeau bas, joyeux Noël, bonne année Monsieur'

     

    courtille .jpgC'était une voie bordée d'arbres avec, à l'écart de la chaussée, quelques moulins en bois, dressés par des charpentiers solides et travailleurs, où se pressaient les meuniers autrefois, pour y moudre le grain. Les dimanches venaient les parisiens, femmes et enfants, en carrosse ou à pied pour y goûter un air de campagne. Les maris galants  invitaient leurs épouses à venir boire le petit vin de la rue des Pas-noyaux, et aimaient les  inviter à danser dans quelques guinguettes proches des coteaux où Jean-Jacques Rousseau y fut renversé par les énormes chiens errant quelques peu sauvages de la Courtille. Tout là- haut, à la limite du vieux château sur les hauteurs de Télégraphe, descendaient les enfants des villages alentour pour s'amuser, mais souvent ils venaient pour travailler, aider leur père, afin de terminer au plus vite le taillage des ceps et le ramassage des brindilles, qu'ils brûlaient à petits 'feux indiens' où se réchauffaient les dignes demoiselles qui rentraient de la ville au petit matin, où elles exerçaient au Palais-Royal, le plus vieux métier du Monde. Les filles étaient belles, savaient faire appâts de leurs charmes et beautés. Les riches et nobles usaient de leurs droits pour combler leurs vifs appétits. Sur ces chemins aussi, des 'mauvais garçons' élégants, dans une misère telle qu'ils ne craignaient rien, s'attaquaient aux nobles qui possédaient richesse et fortune. Paris, alors, se composait de villages, aujourd'hui rassemblés qui forment la grande ville, capitale prestigieuse, connue et reconnue dans le monde entier. Par ci, par là, en temps de crise, collées sur les murs, des affiches portaient ces inscriptions : Terres seigneuriales à vendre ; maisons et héritages aux champs en roture à liquider; maison de Paris à louer ; office à vendre ; bénéfices à permuter ; affaires mêlées. Les fumées noires des usines et ateliers laissaient les traces, à la Soulages, coloraient le ciel de traînées blanches et grises, noircissaient encore plus la nuit sur les dernières vignes accrochées aux coteaux de la butte, à l'emplacement actuel de la rue du Pressoir, car si cette rue n'existait pas encore, là, se situaient de larges prés verdoyants entrecoupés de lignes ocres et siennes, passage des chiens affamés cherchant leur nourriture. Les Buttes- Chaumont s'élevaient, pointée dans les nuages lents et parfois, semblant à l'arrêt, qui d'un coup, prenaient de la vitesse, car s'annonçait la pluie poussée par un vent ondulant les toitures des chaumières et les arbres au bord des chemins, infligeant parfois aux carrosses, quelques petits dégâts, obligeant les Dames à descendre vite fait, en attendant les réparations d'usage. Oui ces dames riches déjà voyageaient, allaient découvrir la France, car elles ne voulaient pas que l'on se moque d'elles. Les parisiens, alors, aimaient rire de l'ignorance et de l'indolence de certains, reclus dans la ville et qui n'étaient jamais sortis de chez eux, sinon pour aller en nourrice ou partir à la guerre. Au loin, la rivière serpentine et argentée était en vue, traçant ses méandres historiques, bordés des trésors du patrimoine que construisirent peu à peu des hommes connaisseurs, architectes et bâtisseurs du Paris magnifique, éloignant loin, très loin la rue aujourd'hui célèbre de Ménilmontant, au sujet de laquelle je vous écris ces quelques lignes pour rappeler que notre cité est aussi un village qui s'agrandit toujours, toujours, et rares seront ceux d'entre nous qui garderont la mémoire de ce qu'était ces villages, à la péripétie du Grand Paris. Bienvenu Merino

     

     

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  • RUE VILIN PHOTOGRAPHIEE PAR PHILIPPE HIRAGA

     

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    Photographie Philippe Hiraga

     

  • RUE D'EUPATORIA/POUR NICOLE

     

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    Voici, pour saluer le retour de Nicole parmi nous, une carte postale représentant la rue d'Eupatoria vers 1905. Cette rue qui s'appelait autrefois rue de l'Alma a pris le nom du lieu de débarquement de l'armée française en Crimée, en 1854. Et vive Nicole !

     

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    Rue d'Eupatoria aujourd'hui. Une image proposée par Bienvenu Merino, le grand ami

     

  • VIEILLE MAISON A MENILMONTANT

     

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    C'est, c'était un îlot de paix à Ménilmontant, autrefois maison campagnarde, aujourd'hui dernier vestige du village, avec là-bas, derrière la vieille bâtisse, les ateliers et usines de Ménilmontant, avec ses cours pavées qui datent de la Commune. Si l'on fait abstraction de tout ce qui est autour, cheminées et toitures, je pense à une maison de gardien de cimetière ou  encore  à une maison ouvrière à l'abri de la sauvagerie des promoteurs et dans cette maison, une famille heureuse ne pensant à rien, j'espère, surtout pas à ce qui peut advenir du jour au lendemain. Bienvenu Merino

     

                                           

     

     

     

  • RUE VILIN PHOTOGRAPHIEE PAR MICHEL SFEZ

     

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    Photographie Michel Sfez

     

     

  • PASSAGE NOTRE-DAME-DE-LA-CROIX

     

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    Jacques Hillairet nous l'apprend dans son Evocation du Vieux Paris, "le Passage Notre-Dame-de-la-Croix, long de deux cent vingt mètres, a, à certains endroits, une largeur de deux mètres ; il reçoit de courtes et pittoresques ruelles de même largeur (le Passage d'Eupatoria, ex-Passage de l'Alma jusqu'en 1877, de quatre-vingt-dix mètres de long, la Cité Billon, de quarante-deux mètres de long, la Cité de L'Isly, de soixante-dix mètres de long) qui font avec lui un ensemble très caractéristique du vieux village de Belleville.

    Le Passage Notre-Dame-de-la-Croix se termine en se divisant en deux branches aboutissant : l'une, rue des Couronnes, numéros 90-94, l'autre, rue des Couronnes, numéro 96. Il avait fait partie du Passage Piat, avant que l'ouverture, en 1881, de la rue des Couronnes ne l'eût coupé en deux tronçons ; son tronçon sud a reçu à cette date le nom de l'église voisine."

  • RUE DES PANOYAUX/JO PRIVAT

     

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    La Rue des Panoyaux était encore, en 1812, un sentier ayant jadis traversé un vignoble dit le "Pas noyaux", ses raisins étant sans pépins ; ce sentier, transformé en rue en 1837, a été prolongé en 1863 jusqu'à la rue des Plâtrières ; le prolongement s'est appelé la rue Chaudron jusqu'en 1868. Source : Evocation du vieux Paris, volume 3, Jacques Hillairet.

    L'accordéoniste Jo Privat (1919-1996) vécut 46, rue des Panoyaux.

     

  • RUE PIAT

     

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    La rue Piat s'arrêtait en 1860 à la rue des Envierges ; elle desservait encore au début du XIXème siècle deux moulins situés aux environs de l'emplacement de la villa Ottoz : le Moulin Neuf et le Moulin Vieux. L'extrémité de la rue Piat se trouve à un des points culminants de Belleville d'où on a encore de nos jours un beau coup d'oeil sur les quartiers sud-est de Paris. Il est intéressant d'y monter et, de là, une fois longé l'emplacement du futur square, décidé depuis 1932 entre les rues du Transvaal, Vilin et des Couronnes, de descendre, par le très pittoresque Passage Piat (partie de l'ex-passage de l'Isly), son versant sud jusqu'à la rue des Couronnes.

    La transversale des rues Rébeval et Piat marquait la fin de la Haute-Courtille ; on appelait, en 1789, Point-du-Jour le carrefour formé par cette transversale de la rue de Belleville. Au delà venait le village de Belleville proprement dit. Source : Evocation du vieux Paris, volume 3, Jacques Hillairet.

     

  • GERARD LAURENT/PHOTOGRAPHIES 2009

     

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    GERARD LAURENT/PARIS COOL

     

  • LA RUE DU PRESSOIR ET SES RUES AVOISINANTES

     

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     Rue des Couronnes Photo Henri Guérard

     

    A Agnès, la maman à Guy qui habita rue du Pressoir

     

    On sait bien que le principal caractère du temps est l'irréversibilité qui fait retentir l'accent funèbre de 'jamais plus' et qui donne aux choses qu'on ne verra jamais deux fois cette extrême acuité de volupté et de douleur, où l'absolu de l'être et l'absolu du néant semblent se rapprocher jusqu'à se confondre. L'irréversibilité témoigne donc d'une vie qui vaut une fois pour toutes.

    Je regarde autour de moi, comme égaré, comme si le temps en un tour de manivelle avait viré à la laideur et m'avait confisqué tous mes repères.

    Qui contemple cette magnifique photographie d'Henri Guérard, majestueuse de beauté, ne peut que regretter ce qu'était ce quartier, autrefois. Aujourd'hui, il va de soi qu'on se sent un peu perdu : de la nostalgie, mais aussi la lassitude des combats que je mène pour un Paris plus humain, me gagne, et semble de plus en plus s'éloigner de mes désirs. Certains élus et hommes politiques, eux, ont comme rêve, le grand Paris à la Défense. Mais par ici, le quartier change, aussi, ne s'arrête pas de changer, de s'enlaidir ; plus de vignes vierges, ni de tonnelles, plus de lopins de terre, plus de luzernes, les collines ressemblent à des toboggans pour voitures  et se grimpent par ascenseurs. Les chemins qui nous  arpentions autrefois pour monter aux Buttes-Chaumont ont totalement disparu. La butte n'est accessible que par des escaliers cimentés ou par voitures et autobus ; la rue Vilin  que j'emprunte, découragé devant le spectacle de pierres tombales des façades des nouveaux immeubles me désoriente en ces jours de Toussaint. La rue est déserte, elle est toujours déserte, nulle vie, pas de vibrations, aucun commerçant, pas de bistrots, ni voitures, pas d'enfants  jouant dans la rue, pas un chat ni un chien, les oiseaux doivent sans aucun doute éviter l'itinéraire par où je passe. Où sont  les pigeons de Paris ?  Déboussolés, eux aussi, sans doute.  Je rêve, malgré tout, devant toute cette mort. En changeant de trottoir pour traverser la rue, là, à l'emplacement de cet immeuble blanc, où habitait mon ami Georges Pérec, je me souviens de ses livres qu'il échafaudait comme un bon maçon monte une maison : terrassement, déblaiement, construction. Il m'a dit, un jour : « Je suis comme Nathalie Sarraute qui a besoin de s'installer aux  Deux Magots pour se mettre au travail, moi,  j'ai besoin de la rue, une terrasse en plein soleil, à raz des voitures ; sinon, ma piaule là-haut, c'est mon laboratoire chirurgical ». Ici, aujourd'hui, tout ce que connaissait Georges, a disparu ; ils ont tout tué. Massacré, enterré.

    Mon imagination n'est plus contrôlable devant la déception qui me secoue. Faire du tourisme n'a jamais été mon truc. Ni au bout du monde où je suis déjà allé plusieurs fois, ni non plus dans mon quartier entre Bastille et Nation. Encore moins ici, patrie de nos aïeux qui ont vu défiler des générations et des générations de manifestants : « C'est la lutte finale... ». Ce n'est pas par discrétion que je m'habille de sombre, ni de peur d'être reconnu  dans la rue. Je n'ai rien à craindre des policiers, mais pour marcher je revêt l'habit du commun des mortels : pantalon gris, col roulé noir, godillots de fossoyeurs ou espadrilles de charpentiers, comme si j'allais escalader le ciel qui toujours ouvre ses bras aux terriens. Ce n'est pas pour cela que je vais triste ; non, pas du tout. Dans ma tête, le rêve a toujours sa place ; là, au moins, il est à l'abri. Je souris aux deux jeunes filles qui me croisent et ne se lassent pas de me sourire ; alors je continue mon parcours, content, je ris en les saluant d'un geste chaleureux de la main. Elles me répondent par un geste semblable et un sourire valant son pesant d'or. Alors, tout à coup, en grimpant la côte qui va là-haut sur la butte, je crois gravir le sommet d'un sein, de deux seins même, ou le creux de jolies courbes tendres qui s'aiguisent en poire, que je monte lentement, lentement, très heureux, sachant que je  vais vers de nouveaux désirs, vers les tétons sensuels pour y laisser  en leur sommet la salive de la reconnaissance.

    Je marche sur la pointe des pieds, comme sur des œufs, je ne sais pas pourquoi je suis si respectueux de mes concitoyens, peut-être, pour ne pas réveiller mes mauvaises habitudes vieillissantes, ou alors, leurs soupçons. Marcher, marcher, respirer, sentir  la pleine campagne  sur les bords d'un chemin de terre, où les paysans, après la moisson, ont fait de petits tas de foin liés, et les ont aligné, semblables à des œuvres d'artistes. Je plane. Je suis certain que je suis au siècle passé sur un chemin menant vers des trésors.  Les jeunes filles qui me croisent se protègent sous leur ombrelle pour s'abriter du soleil téméraire et vont vite retrouver leur amoureux  assis sous un olivier dans l'attente de leurs BELLES,  après la dure journée de travail dans les vignes. Puis, elles reviendront, blotties l'une contre l'autre, marchant jusqu'au vieux pressoir autour duquel sont regroupés les habitants du village buvant le dernier cru, vin de terroir. C'est le vrai Ménil-Montant. Je me crois dans un siècle éloigné, au XIIe. Au loin, Notre-Dame de Paris, le seul haut édifice, vient de s'achever sans doute. Des hommes ont travaillé presque deux cents ans, la ville n'est pas si grande, elle est au loin, comme un petit village entre deux bras de rivière que dominent les collines, par où la laitière, solitaire, passe avec ses bidons, pour livrer le lait en croisant certes les amoureux, bras dessus, bras dessous qui songent  au possible de la soirée qui les attend, appuyés contre un cœur aimant et aimé. Bienvenu Merino

     

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    Photo Michel Sfez Vue depuis la rue Levert

     

     

  • RUE D'EUPATORIA

     

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    La rue d'Eupatoria, qui longe le côté nord de l'église, a été ouverte en 1852 ; elle s'est appelée la rue de l'Alma jusqu'en 1864. Source : Evocation du vieux Paris, volume 3, Jacques Hillairet.

     

  • BELLEVILLE DANS LES AGENDAS DE JEAN FOLLAIN

     

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    Jean Follain

     

     

    Jean Follain, dans ses Agendas publiés en 1993 par Claire Paulhan, évoque ainsi Belleville, le vendredi 30 octobre 1942 :

    "Après avoir été en vain à la Petite Roquette, je remonte les Boulevards jusqu'à Belleville et sous une pluie battante... Après avoir mangé en compagnie de Guillevic, nous allons aux Folies-Belleville où chante Fréhel. Divers bons numéros : l'illusionniste levantin, la jeune Antillaise aux belles cuisses, la noce grotesque aux visages de personnages peints sur des dos de femmes et la figure du marié sur une jeune poitrine et les yeux sur les seins ..."

     

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    Première édition des Agendas 1926-1971 :

    Editions Seghers, collection Pour Mémoire

    642 pages

     

     

  • WEBPROMENADE DANS BELLEVILLE

    Je ne suis pas le seul à aimer Belleville (et je m’en doutais) et j’ai découvert il y a déjà un petit bout de temps un petit blog tourné vers « le  Belleville d’antan » : Rue du Pressoir. Alors pourquoi la rue du Pressoir, qui est une petite rue de Belleville à la suite de la rue de Tourtille ? L’auteur, Guy Darol, veut témoigner de l’esprit de cette rue, avant sa « défiguration » en 1966. Témoignages, photos anciennes, livres, Guy Darol en profite pour faire découvrir un peu de l’esprit de ce vieux Belleville qui soufflait alors de la rue du Pressoir à la Rue des Pyrénées en passant par la rue Vilin, autre rue emblématique du quartier…

    Le rétrospectif et futurible site BELLEVILLE BELLEVILLE signale notre Rue du Pressoir. Il faut y aller voir pour flâner, pour flâner toujours dans les rues d'hier et d'aujourd'hui. Car tout  comme La Commune, Belleville n'est pas morte. 

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    LE SITE DE BELLEVILLE BELLEVILLE

    BIENVENUE À Belleville Belleville

    Belleville-Belleville, c'est une balade permanente dans le Belleville d'aujourd'hui (ses restos, ses bars, son actu) et le Belleville d'hier (photos,histoires, témoignages). 
    Bienvenue! 

    Envie de participer au blog, une idée, une demande?
    jf@ebizfun.fr
  • BELLEVILLE-MENILMONTANT VU PAR JEAN FOLLAIN

     

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    « Il faut toujours recomposer la carte du tendre. Le chemin qui suivaient femmes et gars des hauteurs de la Courtille a depuis été remué par la pioche ; mais les cieux restent les mêmes, ils soutiennent les mêmes nuances fines ; ils sont peints avec les fumées qui montent de partout, du petit café-restaurant comme de ces appartements riches où les meubles en bois noir de style 1880 reprennent faveur aux yeux des dernières indolentes qui, ravies à des terres lointaines, fument le tabac de la régie turque. Quant aux fumées usinières, le ciel les reçoit aussi, le vieux ciel bleu du Moyen Age à l'escalade duquel veulent monter certains pourvoyeurs de rêves, auteurs, par ailleurs, de fort beaux poèmes d'amour. (...)

    Rue de Belleville, à la devanture d'une marchande de couronnes mortuaires, on a mis en montre une petite bicyclette en perles commandée spécialement par la famille d'un coureur cycliste, pour honorer la mémoire du champion dont elle était fière. Une impalpable poussière de farine venue de la boulangerie voisine tourne autour de la petite bicyclette funéraire.

    Le dernier des hommes-orchestres joue dans un bistrot dont le patron a la nostalgie des louis d'or et où l'odeur d'une savonnette à la violette fait légèrement se gonfler les ailes du nez d'une jeune ouvrière.

    Rue des Cascades, dans le jardin de la guinguette en contrebas, des lurons jouent aux boules la veste tombée.

    Rue des Envierges s'allume à peine la petite boutique poussiéreuse montrant en devanture un globe terrestre, un bâton d'encre de Chine à lettres d'or, des cartes-lettres à filet rouge.

    Des filles à petites oreilles, d'immenses et tristes cinémas, les grises maisonnettes de l'allée des Soupirs donnent à Belleville une préciosité sombre, glorieuse et tendre. »

     

    Extraits de Paris par Jean Follain.

    Ce livre publié en 1935 chez Corrêa a été réédité en 1978 puis en  2006 chez Phébus (collection Libretto) avec une préface de Gil Jouanard.

     

    JEAN FOLLAIN

    Paris

    Editions Phébus

    185 pages, 7,50 €

     

    CONSULTER

    JEAN FOLLAIN PRESENTE PAR OLIVIER BARROT


     

     

  • EUGENE DABIT/LE VIEUX BELLEVILLE

     

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    Citée par le grand historien de Paris qu'était Louis Chevalier (il y vécut), décrite par Jacques Hillairet dans son Évocation de Paris en trois volumes, la rue du Pressoir n'apparaît que rarement dans les pages de la Littérature. Clément Lépidis ne l'oublia pas et nous ne l'avons trouvé (pour le moment) sous aucune autre plume. Comme si on en faisait le tour. Serait-elle un hameau perdu de Belleville ? Un obscur chemin vigneron ? Avec Eugène Dabit, populaire auteur de Petit Louis, d'Hôtel du Nord, nous n'en sommes jamais loin. Mais c'est surtout dans Faubourgs de Paris que son odeur transpire. Là, le romancier fraie des voies, ouvre des portes et nous marchons dans son sillage parmi les souvenirs de ce que fut la rue du Pressoir et ses environs avant démolition. On y retrouve le cinéma Cocorico, les cafés Le Point du Jour, La Vielleuse « où s'alignent dix billards qu'entourent dès six heures les joueurs en bras de chemise. » Voici La Bellevilloise, Les Folies-Belleville, le ciné Floréal. « Fracas des autobus, rumeurs ; enseignes, réclames étincelantes (...) Les trottoirs ne sont pas assez larges, on marche sur la chaussée. » La rue de Belleville et sa ruée nous sont décrites dans un luxe d'images et de sons. On croirait une fenêtre ouverte tant la vie est palpable. « A Belleville, on trouve peu de fonctionnaires, peu d'employés. Dès qu'ils peuvent, singeant leurs chefs, ils vont s'installer à l'ouest de Paris. » Eugène Dabit poursuit de sa lumière ouvriers, apprentis, manœuvres. « C'est ici qu'on naît, vit et meurt ; qu'on travaille et qu'on aime, sur sa terre natale. » Pour Dabit, Belleville n'a de racines que parisiennes. Avec lui, la couleur des rues est celle de la suie mais tous les visages resplendissent. Pour peu, on se croirait ailleurs, dans quelque cambrousse. Du reste l'herbe y pousse. La végétation se rebelle contre le macadam. Guy Darol

     

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    LIRE

    EUGÈNE DABIT

    FAUBOURGS DE PARIS

    GALLIMARD, Collection L'Imaginaire


    CONSULTER

    FAUBOURGS DE PARIS AUX EDITIONS GRANDS CARACTERES

     

     

  • BELLEVILLE ET LES ARCHIVES DE L'INA

    Les Archives de l'INA fourmillent de témoignages télévisés montrant ce que fut Belleville dans les années 1950. Souvent le passeur se nomme Clément Lépidis, l'auteur de Des dimanches à Belleville et de de Je me souviens du 20ème arrondissement. Je ne saurais trop recommander d'y aller faire un tour. La visite est le plus souvent gratuite.

     

    Pour commencer, suivez ces pistes :

     

    BELLEVILLE DETRUIT


    BELLEVILLE ET SES HABITANTS


    LA CAMPAGNE A PARIS


    MEMOIRES DE BELLEVILLE


    BELLEVILLE 1956

  • LA BOUTIQUE DE MONSIEUR ET MADAME GILLES

     

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    La boutique de Monsieur et Madame Gilles

     

    Au 23-25 de la rue du Pressoir c'est là que je suis née, c'est là que je vécus les 19 premières années de ma vie et au fil du temps j'ai bien évidemment tissé des liens précieux avec certaines personnes.

    Monsieur et Madame Gilles font partie de mes plus tendres souvenirs, leur épicerie se situait en angle de l'immeuble du 23 surnommée, par beaucoup, la boutique rouge. Nous y trouvions de tout et en plus, la maison faisait crédit ce qui rendait bien des services à certains.

    Monsieur Gilles, un personnage grand et sec, toujours vêtu d'une blouse grise. Madame Gilles, petite bonne femme brune et boulotte portant un tablier bleu marine, une mitaine en laine, à la main gauche, ne laissant dépasser que le bout de ses doigts. Mauvais souvenir d'un couteau trop bien aiguisé lui ayant sectionné un tendon.

    Si mes souvenirs sont bons, tous les deux étaient d'origines Auvergnates, pas d'enfant, la vie en avait voulu ainsi. Des gens charmants, serviables que j'appréciais et que j'aimais regarder travailler. J'attendais que Monsieur Gilles rate la coupe d'une tranche de saucisson, je savais que cette tranche serait pour moi. Enfant, très souvent je me retrouvais avec eux dans la boutique, ils m'aimaient bien.

    Je me rappelle, face à l'entrée du magasin se trouvait un grand comptoir dont une partie se soulevait pour passer derrière ce comptoir où trône la balance et ses poids. A côté de cette porte de passage, le réservoir à lait et juste derrière, sur la droite, l'arrière boutique. Sur la gauche, un retour de comptoir où sont alignés les bocaux de bonbons et au fond, une porte donnant sur un petit couloir avec un escalier menant à leur appartement. En face de cet escalier, une porte ouvrant sur la courette où se trouvaient les minuscules fenêtres des cuisines du 23.

    Une petite anecdote qui reste dans nos mémoires, la gentillesse de Monsieur Gilles faisait qu'il gardait, pour ma sœur aînée Monique, les croûtes de gruyère et de ce petit manège entre Monsieur Gilles et ma sœur, il en a été bien trop vite déduit, par certains clients, que ma sœur ne mangeait pas à sa faim. C'était juste son pêché mignon, pour ma sœur les croûtes de gruyère et pour moi le saucisson.

    Les jours de fermeture de la boutique, si ma mère avait besoin, j'étais autorisée à passer, par derrière, comme je disais, Monsieur et Madame Gilles étaient toujours présents pour me servir.

    Un dimanche matin, maman m'envoya chercher quelques courses, je devais avoir 13 ou 14 ans, je passerai donc par ce couloir entre la loge de la concierge et l'escalier du 23, un petit couloir étroit, le noir complet, comme à chaque fois j'ai peur, ce couloir oblique sur la gauche et laisse apparaître la lumière du jour et enfin j'arrive dans la petite courette. Au fond se trouve la porte de Madame Gilles, à côté, sur la gauche, sont entassées des cagettes, comme à mon habitude je frappe et Madame Gilles vient m'ouvrir.

    Je revois distinctement ce jour sans pourtant me rappeler l'année exacte, je vois, encore, Madame Gilles m'ouvrir sa porte, la refermer derrière moi et m'annoncer la mort de Monsieur Gilles, dans la nuit, d'une crise cardiaque. A ce moment, je suis devant l'escalier, je lève la tête et mon regard se fige, un instant, vers le haut de cet escalier, j'imagine Monsieur Gilles reposant au 1er étage. Madame Gilles ne pleure pas, elle est seule, elle m'entraîne dans la boutique pour me servir. Je repars bien triste, je vais prévenir mes parents. Jamais je n'oublierai Monsieur Gilles.

    Comme les monts d'Auvergne, Madame Gilles est robuste et très courageuse, elle continuera seule, je l'aiderais à porter et à rentrer, dans l'arrière boutique, les caisses de vins et autres boissons, il n'y a plus beaucoup de force dans cette main accidentée, il lui faut un peu d'aide, je suis là.

    Une sacrée bonne femme Madame Gilles, je ne l'ai jamais revue après mon départ en 1966, juste un au revoir et je le regrette. Il me reste, malgré tout, en mémoire tant de souvenirs. Josette

     

     

  • MEMOIRES SUR LA RUE DU PRESSOIR, 1960-1967

    En 1960, après notre mariage, nous sommes venus habiter le 25 de la rue du Pressoir. A cette époque, j’étais Pompier de Paris, caserné dans le 7e arrondissement, et mon épouse, aide-soignante à l’hôpital Saint-Antoine. Nous avions repris  le petit deux-pièces, au quatrième étage donnant sur la rue. Il était occupé jusqu'alors par la sœur et le beau-frère de mon épouse, les parents de Guy. J'ai un immense souvenir  de cet appartement propret  et clair,  ensoleillé, et confortable à la fois. Il possédait une petite cuisine toute équipée, eau froide et chaude sur évier, rare dans ces vieux immeubles où la fontaine d'eau courante se trouvait sur le palier. Bref, pour nous, jeunes mariés, c'était féerique. Pour parfaire ce bonheur, une petite fille est venue au monde l'année suivante. Notre voisine de palier, s’appelait Régina, une polonaise d’origine juive. Il arrivait, certaines nuits, que notre fille tout bébé, pleurait, inconsolable. C’est souvent que Regina, réveillée par les pleurs, arrivait, prenait la petite dans ses bras, la berçait en lui fredonnant une berceuse de son pays. Le miracle alors se produisait et bébé s’endormait. Que de services nous a rendue cette brave femme. Après l’expulsion de l’immeuble elle est partie en Israël, avec son ami Maurice, fabriquant de casquettes dans le Sentier. Un brave homme lui aussi.

     


    Que dire de cette rue, de ce quartier de Ménilmuche que mes parents ont fort bien connu, étant nés et y ayant vécu tous les deux leur adolescence, rue Julien-Lacroix ou Impasse des Couronnes. Ce fut d'ailleurs pour eux comme un pèlerinage quand ils sont venus chez nous la première fois. Que d'anecdotes nous ont ils racontés ce jour-là.

     

     

    Maman se souvenait d’une camarade de classe qui habitait le 23, une jolie fillette avec une superbe chevelure qui lui descendait jusqu'aux reins. Un jour, une femme armée d'une paire de ciseaux l'attendait Passage Deschamps et, malgré les cris de l'enfant, lui coupa une bonne partie de ses longs cheveux, avant de s'enfuir.  C'était courant à l'époque, car souvent, certains perruquiers malhonnêtes,  payaient un bon prix les belles chevelures.

     

     

    Je repense souvent à ce quartier, à ces rues populaires aux multiples commerces et ateliers d’artisans, aux petits bistros-hôtels où logeaient des travailleurs maghrébins, seuls, loin de leurs familles, passant leurs dimanches à jouer aux dominos devant un thé à la menthe. Nous avions de bons rapports de voisinage avec ces hommes. L’un d’eux nous avait racheté notre 4 CV.

     

     

    A cette époque, nous n’avions pas les supermarchés pour faire nos courses ; tous les commerces étaient à notre portée. Par exemple, je ferme les yeux, et  je me rappelle…

     

     

    En sortant de la station de métro Couronnes, nous prenons la direction de la rue du Pressoir. En remontant la rue des Couronnes une boulangerie, deux boucheries dont une chevaline, les vins Nicolas, une friterie légumes cuits, très pratique pour les jours ou l’on a pas envie de cuisiner.

    Et, arrivés à notre porte, sous nos fenêtres, au 25 de notre rue du Pressoir, l’Epicerie de Mr et Mme Gilles. Là, nous trouvions tout ce que nous avions le plus besoin : fruits et légumes, crèmerie, lait, beurre, fromage, les eaux minérales, vins, apéros, etc. Pratique en cas d’imprévu.

    Au 23, il y avait un garage, où je pouvais garer notre 4 CV, et faire effectuer son entretien et réparations. Mon coiffeur Louis, rue des Maronites…

    Oui, nous avions tout à notre disposition, le  marché sur le boulevard, la poste rue Etienne-Dolet, des bains-douches prés du métro Couronnes, a côté d’un magasin de bois et bricolage.

    Et puis, à deux pas, la fameuse rue de Ménilmontant, avec ses boutiques, le cinéma Le Ménil Palace, Prisunic. Le tabac et son PMU, où je faisais mon tiercé le dimanche matin.

     

     

    Actuellement, nous habitons dans les Yvelines, une petite ville où les commerces disparaissent les uns après les autres, pour laisser la place a des banques et agences immobilières. Aujourd’hui, à  30 kilomètres de Paris, et pour trouver à peine l’équivalent des commerces énumérés plus haut, il nous faut prendre la voiture et parcourir trois ou quatre kilomètres, et souvent  plus, pour acheter ce que nous trouvions sur place, à Ménilmuche.

     

     

    Au cours des années qui suivirent, les expropriations et démolitions commencèrent. D’abord, par le côté des numéros pairs de la rue du Pressoir. Ce fut la fermeture des petits ateliers et différents commerces. Puis, en 1967, ce fut à  notre tour de partir. Relogés dans un immeuble neuf et moderne prés de la place d’Italie, nous nous sommes retrouvés avec plusieurs ménages venant du 25 ou du 23 rue du Pressoir ainsi que le couple de la Boucherie située rue des Couronnes.

    Le confort de notre nouvelle résidence nous fut agréable à tous, mais les liens qui nous unissaient dans notre petit « village » s’estompèrent, pour disparaître à jamais. Nous ne sommes pas retournés voir ce qui était advenu du quartier, c’est par les photos et les témoignages de ce remarquable site que nous avons effectué notre visite.  Georges,  juillet 2009

     

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     Photo prise en 1963 dans la salle à manger. Elle était claire et ensoleillée.                                                    

                                   

     

  • LOUIS CHEVALIER

     

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    Professeur au Collège de France où il enseigna l'histoire de Paris, Louis Chevalier (1911-2001) rédigea plusieurs ouvrages sur la capitale dont celui-ci, une philippique contre l'entreprise de démolition emmenée par le couple De Gaulle/Malraux.

    Destruction programmée à partir de 1955-1958, le plan consiste (sous prétexte d'insalubrité) à déplacer des populations mixtes, pluri-ethniques, harmonieuses, dans les lointains d'une banlieue ou  vers des ensembles parisiens déconnectés de toute vie de quartier.

    Publié en 1977, L'Assassinat de Paris décrit le processus qui consiste à supprimer de la carte de Paris des rues, des "ilôts" au prétexte de la nécessité d'un nouveau Paris dont nous remarquons aujourd'hui le modus vivendi.

    Et c'est l'un des très rares livres à évoquer la rue du Pressoir où l'honorable Louis Chevalier vécut. Et peut-être saura-t-on m'en dire plus ? Guy Darol

    L'Assassinat de Paris

    Louis Chevalier

    Editions Calmann-Lévy, 1977 puis Editions Ivréa 1997

  • RUE DU PRESSOIR

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    Rue du Pressoir
     

    Là que je vécus dans les années 1950. L’immeuble qui se situait au 23-25, dans l’unique courbure, lorsqu’on vient de la rue des Couronnes serait qualifié aujourd’hui de lépreux.

    Il s’élevait sur quatre étages et sa façade grise, écaillée, me semblait somptueuse. Mes parents occupaient un deux pièces aux fenêtres bleu azur qui donnaient sur un quadrilatère barré à l’est par la rue Julien Lacroix. Appuyé sur une rambarde, je pouvais observer une cour pavée où picoraient des poules. Et je pouvais entendre le grognement de cochons parqués dans une cahute bancale. Au pied de l’immeuble, un garage, ouvert sur la rue, offrait un espace de bitume craquelé que j’allais quelquefois rejoindre pour y pousser mes billes ou, dans le caniveau, quelque frêle esquif de papier.

    Le bâtiment a été rasé en 1967 et tout ce quartier, hétérochrome, mixte, a depuis été recouvert par de blêmes volumes aux angles aigus. Là, je fus éduqué par le peuple du monde. Maurice, le chapelier, me faisait essayer des casquettes enfantines et Régina qui possédait un téléviseur m’invitait, ma tête enfouie contre son cœur qu’elle avait gros, à regarder les aventures d’Ivanhoé. Leurs portes étaient toujours ouvertes.

    Tout devait disparaître selon les projets d’embellissement et de blanchoiement voulus par de Gaulle que conseillait André Malraux. Cependant que ce dernier avait démontré dans son œuvre qu’il n’avait rien à dire sur Paris. Une phrase de ses Antimémoires atteste seulement sa connaissance des « moineaux qui attendaient les chevaux des omnibus au Palais-Royal ». Contre toute attente, c’est bien lui qui ordonne la tabula rasa. Il est le déclencheur des boules de fonte qui aplatissent, le 27 février 1969, les Halles enchantées par Guy Debord, Julien Duvivier, André Hardellet, Hubert Juin, Claude Seignolle et la chanteuse Damia.

    J’ai cherché, dans les livres d’Henri Calet, Clément Lépidis, Georges Perec (citoyens de mon périmètre), un souvenir de la rue du Pressoir. Fiasco. Et sachez que mes rayons amassent, année après année, centaines de volumes sur la Ville Lumière. Un jour, je proposerai ici, une bibliographie flâneuse.

    Aujourd’hui, je ressens (tristesse des regards dans le rétroviseur) le besoin d’évoquer ma rue au tracé demeuré exact mais à l’environnement saccagé. Ivan Chtcheglov, grand inspirateur de la dérive continue, en butte contre « la passion de l’oubli », avait décrit dans Formulaire pour un urbanisme nouveau (in Ecrits retrouvés, éditions Allia), l’autre pays, celui de mes rives d’enfance. Pour ne pas oublier, jamais, je recommande L’Assassinat de Paris, ouvrage qui mit en danger son auteur parce qu’il y dénonçait fermement l’attentat porté, en 1958, par le général de Gaulle contre le Pantruche ouvrier. Livre savant, précis, mélancolique (Louis Chevalier, camarade de khâgne de Georges Pompidou fut professeur au Collège de France), L’Assassinat de Paris narre l’histoire d’une démolition et la fin des quartiers bruissants de vies simples.

    Enfin, page 242, il parle des « exilés de Belleville », déplacés par contrainte vers les banlieues neuves (bâties de tours aujourd’hui pilonnées) et qui regrettent « l’inconfort de la rue du Pressoir ».

    Initialement publié en 1977 aux éditions Calmann-Lévy, réédité vingt ans plus tard chez Ivrea, ce livre est à découvrir de toute urgence. Et permettez-moi de remercier (ceci comme un blog à la mer) celles et ceux qui connurent (années 1950) ce quadrilatère pluriethnique, compris entre les rues des Maronites et des Couronnes, pour les commentaires qu’ils pourraient m’adresser, nourris de colères et de tendres souvenirs. Peut-être avons-nous, ensemble, humé l’air de la rue du Pressoir. Régina, Maurice, Joseph, je vous embrasse là où vous êtes. Guy Darol

  • L'EPISODE D'UNE MARCHE AUTOUR DE PARIS

     

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     La voyageuse de la petite ceinture (Gérard Lavalette)

     

     

    Bien après les exploits, de Jules Ladoumègue, Alain Mimoun et l’explorateur Emile-Louis Victor, j’ai fait, avec Judith, rencontrée le matin même, au milieu des voies du chemin de fer, le tour de Paris par l’ancienne Petite Ceinture. Une autre surprise inopinée se présenta à nous, un lion, piéton de la Savane.

    Ce n’est pas rien ces voyages, même s’ils ne nous éloignent pas de notre ville. Mais ça compte dans la vie. Depuis longtemps, c’était un de mes souhaits, faire le tour de Paris par la Petite Ceinture. Déjà, dans les années 1970, mon expérience dans le désert du Sahara m’avait conforté de continuer le voyage : Canada, Alaska, Etats-Unis, en empruntant certains itinéraires de Jack Kerouac, William Burroughs, Frank Zappa et Jack London qui devaient m’emporter dans l’Amérique de mes rêves d’adolescent. Au Mexique, avec SES HOMMES ET   SES FEMMES « je pris contact avec la terre rouge, et elle pue comme elle embaume ; elle sent bon comme elle puait », criait Antonin Artaud. « C’est  un dimanche matin que le vieux chef indien m’ouvrit la conscience d’un coup de glaive entre la rate et le cœur : " Ayez confiance , me dit-il, n’ayez crainte, je ne vous ferai aucun mal ", et il se recula très vite de trois ou quatre pas, et, après avoir fait décrire à son glaive un cercle dans l’air par le pommeau et en arrière, il se précipita sur moi, en avant, et de toute  sa force, comme s’il voulait m’exterminer. Mais c’est à peine si la pointe du glaive me toucha la peau et fit jaillir une toute petite goutte de sang. Je n’en éprouvai aucune douleur mais j’eus en effet l’impression de me réveiller à quelque chose à quoi jusqu’ici j’étais mal né et orienté du mauvais côté, et je me sentis rempli d’une lumière que je n’avais jamais possédée. »

    Ces moments privilégiés si fascinants ne vous permettent plus de mettre terme à la route. L’Amérique Centrale, les volcans du Salvador, du Nicaragua, du Costa Rica, Panama, les îles San Blas, et plus au sud, la majestueuse Cordillère des Andes, en aiguilles, et sa population Quechua toujours accueillante, jamais austère, là-haut, villages-nids, rares, se confondant avec les nuages, à plus de 4000 mètres, où seuls, quelques hommes, femmes, enfants, aigles et condors demeurent et tentent de vivre. Puis, revenir heureux de ces rencontres, descendre de la montagne, un peu soulagé d’avoir vu la réalité,  comment vivent de vrais groupes de familles humaines. Mais peiné de repartir et de les laisser seul à leur sort. De retour dans la plaine et les Cayons, naviguer, sur les traces de  Magellan, avec les derniers Alakalufes, entre  pics et lacs, sur les Canaux de Patagonie, au Chili, en Argentine et Terre de Feu. Aller la conscience plus tranquille, soulagée de ne pas avoir, en quelques sortes, oublié ces êtres abandonnés, en perdition  peut-être !

    Et Paris enfin ! Dans ma ville, y découvrir le laid et le beau confondus. Les expériences faites dans certains pays lointains, royaume des Mayas et des Incas, m’ont appris qu’il fallait pénétrer, non seulement le cœur de la Cité mais aussi ses alentours, observer la ville de l’extérieur, ses murs de soutien, juste là, aux flancs de son ventre, sous ses jambes, pénétrer son nombril,  parcourir ses parois creuses, sombres et caverneuses, égouts tortueux du moyen- âge, caresser, du moins des yeux, sa richesse, depuis sa vaste coupole ventrale de pierres jusqu’à la moelle de son ossature, s’aventurer sous le squelettique  bassin, campé sur ses solides jambes, mais fragilisé, qui soutient encore le cœur de la Cité, s’approcher des sous-sols de glaise, à petites brasses, des vestiges, de ce qu’était l’église Saint-Etienne, décapitée, et laissée pour morte sous Notre-Dame, surveiller les dessous de la  Cathédrale de Paris et ses fondations millénaires souffrantes d’avoir tant portée de lourds fardeaux en changements successifs depuis que notre ville est ville. L’œil capte et nous transmet tous les mouvements de la beauté et de la laideur, et à défaut du bien, le mal nous interpelle et crie : GARE  HOMME ! Observer et reconnaître les efforts subits par la ville et voir ressurgir de ses entrailles les restes de Lutèce, sa momie, notre berceau assombri, comme un nouveau-né mort-né, par le travail de construction, de destruction et reconstruction des  hommes avec leurs inquiétudes, sachant eux-mêmes qu’ils sont démunis, devant l’immensité de la tâche, mais  essayant de  sauver les vestiges qui portent la Cité, en préservant pour sa survie tout ce qui la maintient debout. Mais les hommes ne sont pas dupes, ils savent que là il n’y  a pas beaucoup de place pour la Nature, faune et flore.

     

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    Heureux encore, que la Petite Ceinture, tout autour de Paris, en raison de sa richesse biologique et ses aspects paysagers, historique et géographique, constitue un espace unique. Initialement consacrée au transport de passagers et au fret de marchandise, elle est aujourd’hui un lieu calme, rendu à la nature. Véritable corridor écologique, elle offre des voies d’accès depuis l’extérieur de Paris à de nombreuses espèces qui y trouvent refuge. La Petite Ceinture est une ancienne ligne de chemin de fer à double voie, longue d’environ 32 kilomètres, qui encerclait Paris à l’intérieur des boulevards des maréchaux. Construite de 1852 à 1869, elle garantit le transport de marchandises et de voyageurs au fil de ses 29 stations jusqu’en 1934. A cette date, le trafic voyageur fut remplacé par une ligne de bus du même nom (P.C.) sur les boulevards des Maréchaux. Seul le tronçon allant de Pont Cardinet à porte d’Auteuil fonctionna jusqu’en 1985, avant d’être, en partie raccordé à la ligne C. du R.E.R. Aujourd’hui les voies ferrées de la Petite Ceinture sont désaffectées dans leur majeure partie. Seule, dans le nord de Paris, une partie du réseau est encore raccordée aux gares de l’Est et du Nord et sert occasionnellement au trafic de matériel ferroviaire et de fret. Dans le 12e arrondissement, situé dans le prolongement du square Charles Péguy, 21 rue Rottembourg, ce secteur de l’ancienne ceinture ferroviaire a été emménagé de manière à accueillir un jardin partagé et un sentier nature, long de plusieurs centaines de mètres, permettant d’aborder la diversité biologique de la ville à travers 3 stations consacrées à la prairie, le taillis (ou boisement en formation) et le boisement. Grâce à sa signalétique, le parcours propose de découvrir les plantes et les animaux caractéristiques de ces types de milieux. Un jardin partagé de la Petite Ceinture dans le 12e arrondissement est constitué de deux parcelles mises à la disposition, graine de partage qui compte y développer de nombreuses activités et notamment des actions pédagogiques avec les écoles. Pour accueillir les parcelles de jardin partagé et le sentier nature, d’importants travaux ont été mis en œuvre et la nature sauvage des lieux fortement bouleversée. Des actions de régénérations  sont en cours pour rendre aux différents milieux leur visage d’origine. Des graines ramassées sur la Petite Ceinture ont été ressemées et des jeunes plants d’arbres forestiers ont été plantés pour accélérer le retour du boisement. Relayant les espèces  réintroduites, les espèces sauvages vont progressivement  se réinstaller d’elles-mêmes et permettre aux parcelles de retrouver leur aspect sauvage. Dans le 16e arrondissement, ce site exceptionnel, situé entre la porte d’Auteuil et la porte de la Muette, offre un lieu de découverte d’une richesse rare dans un cadre naturel inattendu en ville. Pour guider les intéressés à la découverte de sa diversité biologique, un parcours long de plus de 1500 mètres, ponctué de 6 étapes nature, présente les lieux à travers ses stations écologiques les plus représentatives.

    Mais que deviendront d’ici quelques années ces trente-deux kilomètres verts extraordinaires de ce corridor, véritable temple de la nature. Beaucoup d’entre-nous s’interrogent ; et lorsque vous marchez et gambadez dans ce sillon, ENCORE PLEIN D’ESPOIR, au milieu de beaux papillons dansants, d’abeilles travailleuses, de  lapins reproductifs, de cochons roses éclatants en liberté, de poules protégeant ses poussins au plumage d’or, de coqs aimants, à la crête frisée avachie, silencieux d’avoir absorbé les gaz carboniques des voitures et camions,  brûlant leur poumon et leur gorge ne faisant entendre que quelques toux timides, des  respirations qui montent tout doucement dans le larynx, comme si ces coqs dans l’effort voulaient retrouver leur chant et chanter l’Internationale. Hurler à la mort. Se venger. Venceremos. Certains coqs éduqués ont acquis le langage du CHE, lorsque celui-ci, blessé mortellement en Bolivie,  parlait à ses hommes pour aller à l’assaut dans son dernier combat ou,  lorsque bien des années  avant, alors qu’il était ministre de la république Cubaine, et qu’il se rendit au siège de  L’ O.N.U., à New-York,  Ernesto Che Guevara  fit un discours où tous les représentants du monde se levèrent pour le saluer. Même sa Sainteté n’a été aussi bien respectée ! Ces coqs  connaissent les vocalises  montantes de Fidel Castro à Santa Clara, lors de la victoire sur Batista. «  Le peuple unis jamais ne sera vaincu ». Je sais maintenant que ces coqs, élevés et formés ici, refuseront les finales sportives de toutes les compétitions, qu’ils ne seront plus présent lors des exhibitions au Stade de France devant un ballon rond ou ovale, qu’ils cracheront à la gueule du gardien de la raison, qu’ils siffleront Sarko et Fillon. Oh ! Je sais que, s’ils échappent à la mort, on les conduira à la Conciergerie, là même, où Louis XVI attendit son jour. Où Marie Antoinette quelques  mois plus tard fit sa dernière toilette.

    « LE POULAILLER DE SARKOZY », pourrait-on lire à LA UNE du quotidien Libération, avec, en coin de première page, la photo du visage rouge de Daniel Cohn-Bendit, riant à gorge déployée, le bras autour du cou du Président, tout en se curant le nez et en le tutoyant, le poussant à coups d’épaules vers le bas du perron, comme pour lui signifier : «  Nico t’es foutu, à la prochaine Présidentielle t’es viré, je te fais déguerpir, retourne en Hongrie, Bayrou t’aidera à faire les valoches, dégage ». Et si nous savons qu’il a un dauphin dans son clan, au nom de Jean Sarkozy, son fils cadet, ne vous faites pas d’illusion. Si l’idée est de forger une dynastie pour la république, la république résistera. Il n’y aura pas une dynastie Sarkozy comme il y a eu une dynastie Bush. Karl Marx disait : « L’histoire se répète parfois. La première fois, c’est une tragédie, la seconde fois c’est une farce. »

    Puisque je parle des choses courantes de la vie, et non de politique ni de justice, je sais  que les serviteurs de l’Etat actuel sont  trop respectueux pour envoyer des animaux dans de beaux édifices de la Ville, là d’où partirent pour l’échafaud un roi et une reine. Madame la ministre de la justice devra  trancher. Je crains que Madame, après une rapide décision fasse conduire les coqs, en bordure de Seine, quai de la  Mégisserie, non pour une promenade, mais  pour une mise en cage, avant d’être  vendu aux Emirats Arabes,  et nous savons déjà que le cours de la Bourse grimpera avec une rapidité affolante. Pareil à New-York, à Wall Street, The Financial District sera en alerte, tous au clavier et au téléphone, ça va bouger, ça bouge, le chant du coq prend de la valeur, le cri du coq alerte, fait tanguer les milieux. Mister Fric. Oh ! Comme aujourd’hui je suis heureux d’être là ! Je me dis que nous avons encore beaucoup de chance de pouvoir humer, sentir, respirer, flairer, jouer, danser, s’aimer ! Et si quelques-uns taguent,  c’est parce qu’ il reste encore des murs horriblement laids  à embellir, il reste peu de temps pour profiter d’une liberté acquise, il y a peu d’années pour s’exprimer avant que les gardes mobiles s’installent là, dans des casernes circonférencielles, alors que tout au long de ce parcours, encerclant les arrondissements de la  capitale, notre cou se tord vers la ville, nos yeux se tournent vers l’intérieur de la Cité et vers l’extérieur,  et se  clot douloureusement  à la vue de certaines horreurs montées en chapiteau de cirque de ciment et verre fragile. En bordure de cette ceinture périphérique, où de tout son long des barres de béton s’alignent honteusement, dominos éparses que des joueurs de l’Etat ont laissé construire sans scrupules, dont rien ne peut cacher que des hommes se sont trompés sur la vraie réalité de la nature. Vaisseaux armés de béton immuables, clapiers fabriqués par des hommes pour les hommes, voies sans voies d’issues ou alors, menant au chaos voulant faire taire les voix  de quelques écologistes récalcitrants, qui contestent le matérialisme et le consumérisme des sociétés  industrielles  et tout ce qui est y est  lié. Des hommes et des femmes qui aspiraient à une sorte de fraternité universelle pour laquelle ils espéraient de belles idées techniques dans des sociétés industrielles traditionnelles, ce complexe idéologique.  Certains jeunes se sont installés là, sous des tentes et abris de fortune, bâches transparentes ressemblant à des chewing-gums  soutenus par quatre bâtons,  par refus de l’autorité, d’abord parentale, et tout ce qui en découle : toute domination de l’un et de l’autre, cherchant à vivre libre, cherchant simplement à vivre. Mais que les difficultés quotidiennes font fuir de ces minces ilots de verdure où déjà on les pousse à quitter ce Paradis qu’ils s’étaient construits eux-mêmes, avant que les politiques fassent leur choix. Les sociétés occidentales ne se voient plus clairement dans le miroir du futur ; elles semblent hantées par le chômage, gagnées par l’incertitude, intimidées par le choc des nouvelles technologies, troublées par la mondialisation de l’économie, préoccupées par la dégradation de l’environnement et fortement démoralisées par une corruption galopante. De surcroît, la prolifération des « guerres  ethniques » répand sur ses sociétés les relents d’un remords et comme un sentiment de nausée.

    Pour finir cette  promenade qui a les effets d’un beau voyage de connaissance, rien de tel autour de Paris que d’aller par des chemins creux, entre des voies de chemin de fer presque naturelles dans un paysage  qui semble si  loin de notre vie habituelle, si loin de la ville aux  traverses d’odeurs  de miel d’abeilles qui nous transportent si joliment vers l’enfance et les récréations.

     

    Remerciements : Merci à Gérard Lavalette qui accourut à mon appel pour immortaliser cette fin de journée et réussit à faire quelques portraits. Un immense merci à Judith, qui sut si bien s’y prendre pour dompter le fauve et nous sortir des tracas.  Bienvenu Merino

     

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    Le Lion (Gérard Lavalette)

     

    Et merci à Patrick Naudier pour le montage du diaporama.

     

     

  • L'ECOLE MATERNELLE 42 RUE DES MARONITES PARIS VINGTIEME ARRONDISSEMENT N'EST PLUS

     

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    A Guy Darol, qui fut élève de cette école, dans les années 1950, auteur d’un livre émouvant, Héros de papier véritable éloge de la lecture et de la venue à l’écriture.

     

     

    I

     

    Dans  cette école maternelle, les classes ne sont plus assurées, l’administration de l’éducation nationale y a mis terme. Mais le corps de bâtiment est toujours là, debout, ses murs solides, en pierres grises pâles, montées en  faux morceaux de sucre et enrubannées dans leurs façades de liserés de briques rouge-rose, cette couleur que l’on attribue souvent  au féminin, dont les mamans, il n’y a pas si longtemps, aimaient faire porter par leurs filles. Corsages roses, contrastés bien souvent avec la jupe marine, taillée de mains souples par des mères inquiètes de vouloir donner la meilleure image de leur progéniture. De ces murs de l’école, montent encore les cris joyeux des angelots mominards parisiens, des pleurs aussi, des appels poignants aux mamans et papas s’élèvent au-dessus de la petite cour de récréation séparée d’une autre cour, celle des grands de la Communale, par un muret pas trop haut, cependant suffisamment pour faire croire à ces petits que c’est infranchissable. Cette bâtisse est la mémoire de tout le quartier de l’îlot de la rue du Pressoir. Long rectangle magique, où des milliers d’enfants, de générations en générations, hommes et  femmes aujourd’hui, ont fait l’apprentissage de la langue et de l’écriture ! Si l’école maternelle demeure, ces salles de classes ont depuis peu, d’autres fonctions. Dorénavant elles servent d’annexes et de bureaux. C’est lors des dernières Portes Ouvertes d’Ateliers d’Artistes de Ménilmontant que j’ai eu le privilège de découvrir l’intérieur de l’école et sa cour, où Guy Darol, tout jeune enfant, élabora ses premiers plans de jeux, édifia ses premières barricades, ne se méfiant pas à priori de certaines institutrices, apparemment douces, et inventa de nouveaux westerns d’où sortaient toujours vainqueurs, les indiens, ses favoris. C’est dans l'une de ces classes qu'il travailla ses cours  d’élève assidu. Et n’oublia jamais le merveilleux souvenir de Blanche Neige et les sept nains, projeté dans une grande salle, sur la gauche, en entrant par la rue des Maronites,  salle qui jouxtait un vaste dortoir. Salle fée. Blanche-Neige est une princesse dont la très grande beauté rend jalouse la Reine, sa belle-mère, qui ordonna son assassinat. Epargnée mais abandonnée dans la forêt, elle trouve refuge chez sept nains qui l’intègrent à leur communauté. L’action débute lorsqu’un jour, la Reine interrogeant son miroir, celui-ci lui répond que la plus belle du royaume est dorénavant la princesse Blanche-Neige. Peu après, celle-ci, alors qu’elle lave l’escalier du château tout en chantant, est aperçue par un prince, qui, ébloui, lui chante son amour.

    C’est aussi, dans une de ces classes, que naîtra, pour Guy Darol, le goût et la passion de la lecture, les devoirs bien fait et le long début du métier de lire et écrire dont il témoigne avec beaucoup d’émotion dans son livre Héros de papier : « La lecture était ma bouée, radeau de survie ; également mon tapis volant. Je me cramponnais… Une échappatoire, à ce que l’on dit. Il est vrai que je me caltais sur le torrent des mots. Leurs cascades, leurs écueils, les visages en épingles, tout me secouait de frissons. Chaque histoire avalée me laissait sur le sable, tristounet. Mais la promesse d’une suite me regonflait de joie. Je ne sais comment tout arrivait. Quel chemin arpentait mon père pour m’approvisionner ? Qu’est-ce qui le dirigeait ? Ses goûts étaient les miens. Il se mit à lire, lui aussi, à dévorer, à se goinfrer, sacrifiant sa femme sur l’autel de la boulimie. Nous fûmes bientôt dans le même lit, environnés de bouquins, éblouis de mots, de lumières. C’est par la ruse que j’ai vaincu, par la fugue que je m’en suis allé . Avec la nuit, j’ai feinté. Les trouilles n’en sont pas toutes parties, mais la lecture m’étant permise, j’en abusais, et je confondais mes parents qui voyaient dans cette griserie un penchant  à sortir du rang.  Issus de Bretagne, ils me souhaitaient plus noble sort. Ça j’étais averti. Etant  donné mes origines, enracinées à des lopins, il fallait pour m’en arracher, doubler d’effort, travailler dur. D’où tu viens, on me répétait, il faudra faire tes preuves. «  J’étais tiré à quatre épingles ; le cheveu court, chemise, cravate. Chaussures vernies. On me croyait des grands boulevards, je descendais des chemins creux ; terre battue astiquée au balai de genêt ; fermes basses. « Si tu ne veux pas apprendre, on me disait, tu garderas les vaches. De Dieu, cette perspective m’aiguillonnait. Je ne voulais pas finir bouvier, tirer les patates, pousser le soc. Mes parents n’avaient pas eu de chance. Ils trimèrent à l’âge de douze ans. L’école en avait assez fait. Ils  savaient lire, écrire, compter. Leur place était à la charrue. Ils eurent le sursaut de s’enfuir. J’ai mal à les imaginer, patoisant gare Montparnasse pour demander ligne de bus ou de métro. Paris fut leur Eldorado. Et c’est ainsi que je suis né en bord de Seine, à l’Hôtel-Dieu, le pied fluvial et la tête toute emplie d’oiseaux. Et c’est ainsi que j’ai grandi dans le souvenir des vignes de Ménilmontant, rue du Pressoir. Quatrième étage. Les fenêtres étaient peintes de bleu, celui des charrettes agricoles. Aussi vite, j’aurais pu émerger à New York ou à Dublin, c’était possible. Par Joseph, j’ai du sang d’Irlande...» «Joseph s’arrogea de m’élever dans le culte du verbe acrobate, et le respect de l’arbre qui porte l’oiseau et qui touche le ciel. Il m’étoffa d’un lexique champêtre, le modulant un peu d’argot et de langue gallèse».

     

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    II

     

    ECOLE DE LA REPUBLIQUE

    DE LA DEMOCRATIE ET DE L’EMANCIPATION

     

     A l’heure où l’école, l’éducation, l’enseignement sont au centre du combat public, que l’avenir des enfants est l'une des principales préoccupations d’une majorité de nos concitoyens, au moment où l’on assiste à d’importants mouvements sociaux, notamment de la part des enseignants qui contestent la réforme gouvernementale de l’éducation nationale dans le cadre de sa politique de décentralisation, il semble opportun de traiter l’histoire de l’école républicaine, obligatoire, gratuite et laïque. Le savoir reste le seul élément qui donne à l’individu l’émancipation, le sens de la responsabilité, la capacité d’être libre. L’ignorant sera toujours dépendant de quelqu’un, d’un groupe, d’un dogme. Ce n’est pas un hasard si l’accès à la connaissance fut difficilement accordé au peuple, car ce droit de savoir, pendant trop longtemps accordé à une élite, avait pour seule finalité de servir ceux qui détenaient le pouvoir. Voltaire qui a marqué son empreinte dans le combat des libertés, en dénonçant le fanatisme religieux, l’absolutisme royal et les insuffisances de la justice, s’interrogea pourtant sur la nécessité de permettre aux paysans d’apprendre à lire et à écrire, alors, disait-il, que la seule tâche qui leur était prescrite était de labourer et semer les champs. Un état d’esprit qui peut surprendre de la part d’un intellectuel engagé pour le progrès et qui, toutefois, est très significatif des pesanteurs que représentent certaines formes de préjugés. On sait que  le combat  pour l’égalité des droits n’est pas facile. L’histoire montre qu’il a fallu bien des engagements et beaucoup de détermination  pour imposer l’école de la république et de la démocratie. Au regard du conflit qui oppose une grande majorité des enseignants au gouvernement, concernant la réforme de l’Education Nationale dans le cadre de la politique de décentralisation, aujourd’hui, le sujet reste sensible et prioritaire, car si l’école est obligatoire pour tous, l’égalité des chances d’assurer son avenir par la connaissance est loin d’être réalisée. En période de crise profonde où précisément les injustices sont fortes, l’effort de la collectivité citoyenne et ceux de l’Etat pour apporter des réponses aux plus défavorisés  est une obligation civique. C’est là, l’essence même du rôle de l’école démocratique. Bienvenu Merino

     

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