Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LE COIN DU SOUVENIR - Page 2

  • LES PISCINES

     

    butte-aux-cailles-Bassin.jpg

     

     

    J'en fréquentais une régulièrement, la piscine Edouard-Pailleron près des Buttes Chaumont, c'est là que j'ai appris à nager. Elle était grande et puis, tout près, il y avait les Buttes pour finir la journée. Une autre, bien plus petite, se trouvait rue Oberkampf au fond d'une cour. Elle était particulière car son bassin formait une équerre. Elle était sombre et pas très propre mais elle avait l'avantage d'être plus près de chez moi. Elle a certainement disparu depuis longtemps. Il y avait la grande piscine de la Buttes-aux-Cailles mais elle était assez loin. L'intérêt d'aller à la piscine était double car cela nous permettait de se doucher par la même occasion et pour le même prix !

    Les douches parlons-en. Il y en avait plusieurs à Belleville. Rue Bisson, la plus proche, une autre en face du métro Couronnes. A coté se tenait une salle de jeux que nous appelions" La Kermesse" où il y avait différentes distractions: billards, ping-pong, baby-foot et puis aussi des tourne-disques dans une grosse boite en bois avec une glace épaisse sur le dessus d'où l'on voyait le 78 tours en mouvement. Deux écouteurs au bout d'un tuyau de caoutchouc sortaient de la boite et permettaient d'écouter la chanson à la mode. Devant était un présentoir où figurait la chanson papier ; ainsi l'on pouvait lire et chanter. Revenons à nos douches, nous y allions le samedi ou le dimanche. La salle d'attente était souvent pleine et il fallait parfois attendre longtemps dans une atmosphère saturée de vapeur d'eau avant de passer à son tour. On emmenait son savon et sa serviette, les plus riches la consignaient  et s'offrait en plus un berlingot de shampooing DOP. Je me souviens de l'écriteau sur la porte à l'intérieur de la cabine, il y était inscrit : "20 minutes déshabillage et habillage compris".  Il ne fallait pas s'endormir et dans certains cas on nous ouvrait la porte et nous finissions de nous habiller au vu de tout le monde. L'endroit était très bruyant, certain chantaient (j'en étais), d'autres sifflaient et le garçon de service les engueulait afin qu'ils se taisent. Robert

     

    piscine-butte-aux-cailles-236753.jpg

     

     

  • LES CINOCHES DE BELLEVILLE & LE MUSIC HALL

     

     

    Plan cinés.jpg

     

     

    Mes préférés étaient, tout près de La Vielleuse, sur le boulevard : Le Cocorico, avec sa cabine de projection apparente en façade qui faisait penser au nez d'un Lancaster, avion de la dernière guerre d'où surgissait une mitrailleuse. Le jeudi, nous y allions, mes deux sœurs et moi, mais j'attendais l'entr'acte car ma sœur aînée avait reçu de notre mère, en plus de l'argent des places, un supplément pour le "quatre heures", alors elle sortait pendant l'entr'acte et se rendait au boulanger le plus proche puis revenait avec une baguette de pain tout frais de la fournée de l'après-midi et pour chacun une barre de chocolat noir. Peut-être du Menier ou du Poulain? J'enfonçais cette barre dans la mie du pain encore chaud et je croquais à pleines dents. J'entendais le craquement sec du chocolat qui résonne encore dans ma tête. Quel régal, j'avais l'impression d'être riche !

     

    cocorico.jpg
    Le Cocorico

     

     

    Le Floréal qui n'avait pas de balcon mais qui offrait au moins mille places, ses fauteuils étaient confortables. Sur les murs étaient accrochées de très grandes photos de vedettes françaises et étrangères signées Harcourt : Clark Gable, Robert Taylor et, je crois, une de Ramon Novarro dans Ben-Hur. Avant que le rideau ne s'ouvre, il y avait un gigantesque panneau annonceur de réclames.  Boutiques ou artisans du coin, nous nous amusions à découvrir chacun notre tour le nom de métier ou d'un patronyme choisi parmi toutes ces annonces. Plus tard, à l'adolescence, nous faisions des paris entre copains à celui qui "emballerait" le plus grand nombre de filles pendant la séance de cinéma. C'était bien sûr quand nous avions déjà vu le film avant, et je ne vous dirais pas le record, car vous seriez étonné du nombre et vous penseriez que je mens mais, parole, il est impressionnant !  A présent, je suis étonné que l'on ait pu en faire un jeu, mais à cette époque, c'était courant. On allait au cinéma pas seulement pour voir un film mais aussi  pour "flirter" et certaines de ces  petites jeunes filles se prêtaient volontiers à ce passe-temps. Mes joues gardent quand même le souvenir cuisant de quelques gifles bien envoyées !  Dire qu'il y a quelque part une grand-mère et même une arrière-grand-mère qui se souvient aussi parfois, rêvant à ces jeux bien innocents en somme, et que sa petite fille lui  dit : Pourquoi souris-tu grand-mère?

     

    J'ai connu cette époque où les jeunes couples emmenaient leur bébé avec eux et quand celui-ci se réveillait et pleurait, la maman ou le papa devait sortir et ne voyait pas toujours l'intégralité du film. C'était le prix qu'il fallait payer ! Lors des films de cape et d'épée ou de cow-boys, les jeunes de la salle exultaient, criaient, enfin faisaient un tel raffut que les lumières étaient rallumées. Mais doucement tout rentrait dans l'ordre.

     

    belleville_pathe.jpg
    Belleville-Pathé

     

     

    L'Alhambra sur le boulevard de la Villette, le Paradis avec son long couloir, rue de Belleville, le Ciné Bellevue et le Nox n'étaient que des cinés de seconde zone. Reste les deux derniers, le Théâtre de Belleville à l'architecture moderne qui abritait en sous-sol un dancing fréquenté par une jeunesse aisée et où, si l'on ne portait pas de cravate, on vous en consignait une à l'entrée. Nous nous retrouvions ainsi un grand nombre à porter la même lavallière. Le Belleville Pathé avec sa cour immense au décor datant du 19e siècle était un ancien théâtre. Voilà, je crois ne pas en avoir oublié. Bien sûr, des cinés il y en en avait plein dans les alentours que nous fréquentions à l'occasion et jusque sur les Grands Boulevards, ceux en exclusivité. Mais au prix de places bien plus chères.

    Les Grands Boulevards, encore une autre histoire ...

     

     

    folies_belleville.jpg
    Folies Belleville

     

     

    Enfin le music-hall, j'ai nommé les Folies Belleville, une ambiance particulière qui ne devait pas avoir changé depuis le début du siècle, avec son promenoir, ses loges sur les côtés et sa fosse d'orchestre. J'en ai vu passer des vedettes, plus ou moins célèbres :  Lys Gauty et son Chaland qui passe.  Suzy Solidor au corps de déesse ; sa voix était si chaude quand elle chantait Lily Marlène. Yves Montand à ses débuts avec Dans les plaines du Far-West. Edith Piaf qui malgré son corps si frêle envahissait la scène et puis quel répertoire ! Maurice Chevalier que la foule a raccompagné un soir jusque sur le quai du métro (et oui, pendant la guerre, même les vedettes utilisaient les transports en commun). J'ai vu aussi Paul Meurisse qui ne chantait pas lui, il récitait Pan pan l'arbi c'est l'chacal qu'est par ici, et bien d'autres choses encore.

     

    Ces music-halls, comme les Folies ou les Concert Pacra servaient de préparation aux tournées dans  les salles plus prestigieuses telles l'ABC, Bobino ou le Théâtre des Champs Elysées. C'était pour ces vedettes, recevoir l'avis d'un public authentique et exigeant.

     

    concert_pacra.jpg
    Concert Pacra

     

     

    Je l'ai déjà cité, en 1943 je crois, lors d'un spectacle organisé pour les enfants, j'avais participé à un concours de chant que j'avais gagné ex aequo avec une jeune fille, Paulette. Elle chantait, je me souviens Pirouli rouli, une chanson d'Elyane Celis. Moi, je chantais Je t'ai donné mon cœur de l'opérette Le pays du sourire de Frantz Lehar qu'interprétait à l'époque Jean Kiepura. A la fin du spectacle, l'organisateur me demanda si j'aimerais me produire à la prochaine séance. Je répondis oui de suite, enthousiaste.

     

    celis_elyane_02.jpg
    Elyane Célis
    jean kiepura.jpg
    Jean Kiepura

     

    Le dimanche suivant, après quelques répétitions avec piano, je passais en "vedette américaine" (traduisez, avant la vedette principale) et le plus drôle, c'est que le présentateur m'a ainsi présenté :

    Et voici le jeune chanteur R... que vous avez déjà pu entendre sur les ondes de la TSF qui va...

    J'étais une vedette !

     

    Cela n'a pas duré car après quelques cours au studio Trévise, dans la cité du même nom à Paris, il fallait payer et ce n'était pas donné. Alors voilà, c'est ainsi que je ne suis pas devenu une "grande vedette de la chanson " et que je n'ai pas eu le plaisir de vous charmer sur les ondes de la TSF.

     

    Pour me payer les différents  spectacles, il m'arrivait de chiper discrètement à ma grand-mère quelques litres étoilés que j'allais rendre à la consigne chez l'épicier du coin.

    A l'époque, il n'était pas rare de revenir du cinéma accompagné d'une puce nomade qui s'était invitée dans votre chaussette. On se la repassait ainsi, entre membres de la famille, pendant plusieurs jours. Robert

     

     

     

     

  • DANS MA RUE

     

    Rue Ramponneau 77.jpg

    Photo prise par mon frère, depuis le 1er étage du 16 de la rue Ramponneau

     


    Pauvre rue que la mienne, celle de mon enfance, de mon adolescence et d'homme jeune, du temps où on m'appelait "Poulbot". Parfois une vieille que je croisais et que je saluais me disait : " Dis-donc-toi, tu sais, je t' connais, j'ai été à l'école avec ta grand-mère... " . Je souriais et je continuais mon chemin avec un sentiment de sécurité. Dans ma rue, il ne pouvait rien m'arriver, j'étais chez moi...

     


    Mon pauvre Belleville, ma rue Ramponeau où es-tu ? Toi, si fière de tes Poulbots.

     

     

    Fréhel avant-guerre chantait une chanson qui ravive ma peine : Où est-il mon moulin d'la Place Blanche, mon tabac et mon bistrot du coin, tous les jours pour moi c'était dimanche...

     


    Ma rue c'était, côté impair, la laiterie fromagerie de Mme et M. Rouget, le boulanger et le marchand de frites avec un cornet à deux ronds       (comme dans la chanson), ensuite le resto au coin de la rue Desnoyer et puis encore une épicerie, la boucherie chez Bosky où la patronne était une très jolie femme, je le dis avec respect, et sa fille Hélène qui n'avait rien à envier à celle de Troie... La charcuterie  Roux chez laquelle je voyais chaque jour une très vieille et pauvre femme venir chercher dans un pot à lait sa portion de soupe que lui offrait la patronne. Il a été dit plus tard, à sa mort, que cette (pauvre) vieille ne l'était pas tant que cela car on avait découvert sous son grabat un magot se montant à un million !  Ensuite le coiffeur, je me souviens des après-midi quand le client se faisait rare et que moi, j'étais assis sur le trottoir, les pieds dans le caniveau, il m'appelait : " Dis Robert, viens là que j'te fasse quelques échelles de pompier ".  Je m'asseyais sur le fauteuil et d'un appui de son pied sur la pédale, je me sentais monter à la bonne hauteur de son ouvrage. Il s'ennuyait à rien faire, et puis ma mère était bien contente car c'était gratuit. Encore le marchand de couleurs Bazard où l'on trouvait de tout, ça sentait la peinture, le pétrole et la benzine. Des balais à tous usages pendaient du plafond avec des quincailleries de toutes sortes. L'horloger dans sa minuscule boutique et l'escalier où habitait Anna. Le boucher de cheval que je voyais parer sa viande dès quatre heures du matin quand jeune homme je rentrais tard du bal. La boulangère, Mme Durand, qui parfois en plus de la pesée du  pain de quatre livres ajoutait un gâteau invendu de la veille. Le boulanger aussi se levait de bonne heure mais son soupirail était trop haut sur le mur pour pouvoir y jouer les "effarés". Après je ne sais plus, ah! si, il y avait l'épicerie chez Mario et son frère, encore plus loin se trouvaient "les maisons neuves", nous les appelions ainsi car elles l'étaient. La preuve, elles avaient l'ascenseur dans lesquels  nous allions nous payer un voyage dans les étages. Et puis dans le fond du passage, il y avait le lavoir, quelle volière alors ! Les femmes tapant fort sur leur linge ! Elles allaient chercher de l'eau chaude à une énorme fontaine en échange d'un jeton rond avec un perçage au milieu qu'il fallait  glisser dans la fente de l'appareil. Ca chantait de partout, on discutait ferme, parfois même on s'invectivait et bien plus, pour une place que l'on disait réservée. Les gosses couraient les pieds dans l'eau, omniprésente, et chacune s'en repartait avec un gros baluchon sur l'épaule. Elles étaient courageuses ces femmes, car en ce temps-là, pas de machine à laver, déjà beau celle qui avait l'eau sur l'évier car bien souvent c'était sur le palier ou dans la cour. Après des petits commerces que je connaissais moins, on arrivait à la rue de Tourtille avec une charcuterie au coin, on traversait la rue : un immeuble où habitait mon copain Guy et puis l'école de garçons que je n'ai pas fréquentée.

     

     

    Retour en bas sur le coté pair de la rue, le tabac qui faisait le coin avec le boulevard. Je me souviens que le long du mur, une tige de métal descendait et cette tige avait la particularité d'être mal isolée d'une alimentation électrique. Quand on l'enserrait de la main, elle libérait un courant qui vous chatouillait tout le corps, on trouvait cela drôle, et même pour en augmenter la puissance on plaçait un pied dans l'eau, on formait parfois une chaîne à plusieurs, jusqu'à ce que l'un de nous s'échappe vaincu par la tension trop forte. Nous avions alors des jeux très simples...

     

     

    Chez Rousseau, c'était la librairie, marchand de journaux et sucreries. Je me souviens de deux caramels pour cinq sous. Et le garage au dessus duquel habitait une jeune fille nommée Paulette. A la Libération, elle était vêtue d'une robe bleu blanc rouge du plus bel effet. J'avais partagé avec elle le premier prix d'un concours de chant en 43-44, sorte de radio crochet qui s'était tenu aux "Folies Belleville"; rue de Belleville. Elle était Eliane Celis et moi Jean Kiépura, mais ceci est une autre histoire à développer une autre fois. Au 10,  je me souviens de madame Flora et d'une famille d'origine italienne : Marcelle, Antoine, Raymond, Nina si jolie qui adorait le "Clair de lune" de Debussy et enfin, Pierre le petit dernier.

     

     

    J'en ai mangé des spaghettis chez eux, et faits "maison",  qui séchaient sur les armoires. Un restaurant au 12 où habitait Marcel Tarlo qui ne se souvient pas de moi, et puis Roland Roussin, Jacqueline ( la grande) et puis le 14 avec le bougnat et sa femme, des Auvergnats qui avaient le teint aussi noir que le charbon qu'ils livraient, et leur fille. Au 14, la particularité de cet immeuble, c'est qu'il n'était pas relié au "tout à l'égout " et, environ deux fois l'an, La pompe à ... venait nuitamment faire son travail d'aspiration. L'hiver cela passait à peu près inaperçu mais l'été, s'il faisait chaud, les fenêtres ouvertes avec le bruit mais surtout l'odeur, étaient insupportables. Il fallait bien en passer par-là. Le 14 a été démoli sans que son raccordement fut effectué.

     

     

    Le 16, c'est là que je suis arrivé en sortant de St.Louis en 1930. Mais restons en là pour cette fois, car ma vie commence en cet endroit et il y aurait beaucoup à dire,  je me réserve peut-être pour une autre fois.

     

     

    Continuons notre voyage dans la rue.

     

     

    Au 18, une épicerie que mes parents ont tenu pendant un temps. Il y avait Liliane. R qui se coiffait à la Véronica Lake, vedette de cinéma américaine des années 50.  Nous étions de très bons amis et nous en avons passé des heures à discuter  devant sa porte avant de rentrer chez soi.  L'herboriste avec ses grands flacons colorés et sa balance avec des poids, cela sentait bon, un mélange d'herbes, de savon et de bonbon. Un fleuriste, une teinturerie au 20 et 22 avec une cour immense, Gilbert M. ce grand garçon d'origine italienne je crois. Le café "Le bar des amis". Après, je connais moins, c'est curieux mais je m'aperçois qu'à quelques mètres près, mon univers parfois se rétrécit, pourtant c'est toujours ma rue.

     

     

    Au coin de la rue Ramponeau, il y avait la rue de Tourtille, une brasserie qui vendait de la bière à la tireuse, et en face chez Marty, la grande librairie, des gens charmants, érudits qui savaient vous conseiller dans vos recherches d'ouvrages, et puis ils vendaient aussi des bonbons, toutes sortes de matériels pour l'école. Après, rien ou si alors, le célèbre 46, le commissariat, la "Rousse", les flics quoi? A Belleville, on naissait avec une certaine méfiance envers ces gens-là, on préférait les ignorer, on regardait discrètement passer les "hirondelles" à vélo le soir quand ils partaient en chasse avec leur casquette plate et leur pèlerine qui vous renversait un mec d'un seul coup. Je ne sais toujours pas pourquoi on appelait " le chien du commissaire" son adjoint ?   Voilà c'est fini pour ma rue, j'ai du en oublier pas mal dans mon voyage, mais je suis sûr que quelques Poulbots comme moi complèteront amplement le paysage.  A bientôt. Robert

     


    3 Millions rue Ramponneau.jpg

     

     

     

     

     

  • FLEURISTE 25 RUE DU PRESSOIR

     

     
    fleuriste.jpg
    Ma requête va sûrement vous surprendre car voyez-vous je ne suis jamais allée rue du Pressoir. Des souvenirs je n'en n'ai donc pas et pourtant je viens de m'apercevoir en regardant de près mes papiers de généalogie (que je fais depuis plus de trente ans), je viens de découvrir sur l'acte de décès du 25 août 1877 que mon arrière-grand-mère habitait 25 rue du Pressoir et qu'elle était fleuriste !!! Elle s'appelait Adélaïde Etiennette ENGUEHARD, elle est décédée à l'Hôtel-Dieu ;  mon grand-père est né le 22 avril 1877 et je n'arrive pas à trouver son acte de naissance. Pourtant il a été baptisé à l'Hôtel-Dieu. Comme je regrette qu'il ne soit plus là, j'aurai pu lui montrer ça, mais pour lui c'est une longue histoire.
     
    J'ai vu la photo des 23 et 25 rue du Pressoir, je vais garder ça précieusement. C'est curieux la vie quand on tombe par hasard sur quelque chose qui vous interpelle. J'ai donc un petit coin de coeur dans ce quartier. Mes arrière-grands-parents habitaient rue des Couronnes, à Belleville,  où mon arrière-grand-père était fabricant de jouets. Jeannine
     
     
     
     

     

  • LA PLAQUE DE LA RUE RAMPONNEAU

     

    Ramponneau la plaque.jpg

     

    Histoire de la plaque de la rue Ramponneau racontée par Robert.

     

    Je fêtais ce soir-là, tard dans la nuit déjà, l'un de mes nombreux anniversaires et nous avions les uns et les autres bien vécu. J'avais reçu mes cadeaux et j'étais heureux. A un moment,  j'ai remarqué quelques conciliabules entre mes enfants, on riait beaucoup. Tout à coup, on me dit qu'il manquait un cadeau à ceux déjà reçus et qu'il fallait sans attendre le chercher. J'ai du insister pour que l'on accepte de m'amener. Nous partions de ce pas tous en voiture quérir ce lointain et "noctambule" cadeau.


    Calé au fond de la banquette je sommeillais tranquillement et au bout d'un certain temps quelqu'un dit : "Nous sommes arrivés".  Je retrouvais mes esprits et je m'aperçus que nous étions stationnés au coin de la rue Ramponeau et du boulevard de Belleville. Tous sortirent de voiture et promptement se dirigèrent vers le coin de la rue côté impair. Ils édifièrent une pyramide de leur corps et l'un d'entre eux,  armé d'outils,  se mit au travail. Je compris tout de suite leur intention : prélever la plaque de la rue ; mais la plaque résistait et pendait lamentablement au dernier clou, alors, je sors de la voiture et j'avise un présentoir en métal qui se trouvait non loin de là. Je m'empare des outils, un burin et un marteau, et quelques minutes après, tout en riant et criant très bruyamment, le trophée fut ramené en triomphe à la maison.


    Inutile de vous dire ma joie, moi qui si souvent avais dit vouloir récupérer cette plaque qui avec la démolition prochaine allait partir certainement à la benne et que moi, le Poulbot de Belleville, je le la méritais bien. Nous sommes tous repartis à Bagneux, ma terre d'exil où nous avons installé cette plaque.


    Voilà l'histoire de cette fameuse plaque qui trône à présent sur le mur de mon bureau et que je regarde à chaque fois avec beaucoup d'émotion. J'espère qu'il y a prescription pour ce délit mineur.

     

     

     

  • JOSETTE FARIGOUL SE SOUVIENT

     

    farigoul.jpg
    Le side-car des week-ends

     

     

    Dans quelles années êtes-vous né ?

    Josette Farigoul :1948

    Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ?

    J.F.: Rue du Pressoir

    Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?

    J.F.: C'est un 14 juillet, tous les cafés diffusent de la musique, les gens dansent dans la rue du Pressoir, je suis très jeune et je danse la Raspa sur la chanson de Jacques Hélian, le Bal à Doudou. Au son de la musique, en sautillant, je lance une jambe après l'autre avec les deux mains sur les hanches, puis je tourne. Maman m'a toujours dit que j'avais 4 ans et même si je trouve que c'est bien jeune pour se souvenir, je me revois très bien sur le trottoir devant l'entrée du 23/25. Encore maintenant, cette chanson trotte toujours dans ma tête.

    Quelles sont les images (façades d'immeubles, commerces, manèges, que sais-je ?) qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?

    J.F.: Mon immeuble et ses murs gris, la cour de l'immeuble et son matelassier, ma mère à sa fenêtre, je pars pour l'école et lorsque j'arrive dans la cour, je lève la tête et je lui fais un signe de la main. Je revois, souvent, la boutique de Madame Gilles ; j'ai passé, dans cette boutique, une bonne partie de mon enfance. Des images, aussi, de la fête foraine sur le Boulevard de Belleville, je sais que nous nous rendrons à cette fête en famille et tenterons de gagner, à la roue de la loterie, 1 kilo de sucre ou un paquet de café, peut-être 1 litre d'huile. Je revois mon père s'exercer au tir, nous aurons droit à un tour de manège et tout en redescendant le Boulevard de Belleville, je croque à pleines dents cette pomme d'amour que j'attendais. Sur ce boulevard flotte, dans l'air, un doux parfum, mélange de barbes à papa, pommes d'amour et cochons en pain d'épices. Les odeurs de notre enfance.

    Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?

    J.F.: Très bonne question mais je ne sais pas, du moins pour Maman puisqu'elle habitait déjà cet immeuble avant la guerre. La tante de mon père se trouvait au 2ème étage, ma mère au 3ème et c'est lors d'une visite chez sa tante, à la fin de la guerre, que mon père rencontra ma mère, veuve depuis un temps, seule avec ma soeur aînée Monique. Ce fut la naissance d'un nouvel amour, mes parents avaient 29 ans, mon père s'installa rue du Pressoir. Une rencontre, probablement, arrangée par la tante Angèle et jamais démentie par ma mère.

    Que faisaient vos parents (métiers et loisirs) ?

    J.F.: Maman était serveuse dans un restaurant Italien pendant la guerre, ma soeur aînée n'a pas souffert de la faim durant cette période, ses patrons lui donnaient ce qu'il fallait et même du chocolat pourtant rare en cette période. Maman s'arrêta de travailler dès ma naissance en 1948 puis, sont arrivées mes deux autres soeurs, Ghislaine et Martine, en 1953 et 1955. Par la suite, ma mère s'arrangea pour trouver du travail à domicile afin d'améliorer les conditions difficiles de la vie. Mon père débuta seul dans la vie dès l'âge de 13 ans, tout d'abord en apprentissage de boulangerie-pâtisserie puis de cuisinier, le service militaire durant trois ans et, sans être démobilisé, un départ pour la guerre dans les corps francs. Que de temps perdu ! A la suite de cela, il reprit son métier encore quelques années avant de se reconvertir dans l'électricité. Mes parents faisaient en sorte, malgré tout, de profiter de la vie, de recevoir des amis avec d'interminables parties de cartes, des ballades et des pique niques et ce vieux side-car qui nous trimballait dans les bois d'Ozoir-la-Ferrière au moment des jonquilles, du côté de Coulommiers cueillir du muguet pour le revendre au 1er mai, sans oublier l'été, les vacances à la mer direction Berck-Plage. Nous en avons fait de belles ballades avec ce side-car ! Nous étions, tous, heureux.

    Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?

    J.F.: L'école de la rue Etienne Dolet, du CP au Certificat d'études puis une année au Collège technique et commercial de la rue de l'Elysée- Ménilmontant, un passage éclair, la comptabilité ne me plaisait pas, la sténo encore moins et la dactylographie pas plus. Il ne me restait plus qu'une solution, travailler. Mes parents manquaient d'argent, alors je me suis mise au travail, j'ai donné ma paye jusqu'à mon mariage à 20 ans. Le comble dans tout cela, c'est que je fais de la comptabilité depuis 36 ans, cette comptabilité que je détestais et que j'ai dû apprendre par moi-même.

    Où (rue, passage, impasse, cour, square ...) alliez-vous jouer ?

    J.F.: Les parents ne laissaient pas sortir les jeunes enfants. Malgré tout, vers 8/10 ans, de temps en temps, j'avais l'autorisation de jouer dans la cour et un peu plus tard, juste devant l'entrée de l'immeuble, sur le pas de la porte. Il ne fallait pas faire de bruit car il était interdit de jouer dans la cour ou dans le couloir. Avec mon copain Roland, nous nous retrouvions dans l'escalier, assis sur les marches ; nous discutions de tout et de rien, j'allais aussi jouer chez lui ou il venait chez moi. Aux mardi-gras, nous nous déguisions, c'était super, il ne nous fallait pas grand chose pour être heureux.

    Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?

    J.F.: Cette rue évoque mon enfance, mon adolescence et les copains, la rencontre avec mon mari, la vie difficile de mes parents, de la tristesse en pensant à ces parents qui me manquent toujours terriblement, des joies et des peines, des sourires lorsque certaines situations un peu cocasses remontent à la mémoire mais aussi des larmes en pensant à d'autres souvenirs plus douloureux et laissant un goût amer, comme touchée en plein coeur. Mais il faut apprendre à s'arranger avec le passé. Lorsque ce passé ressurgit, systématiquement, ma mémoire me ramène rue du Pressoir.

    Que se passe-t-il dans votre coeur et votre tête lorsque vos pas vous mènent rue du Pressoir aujourd'hui ?

    J.F.: Difficile cette question. Lorsque mes pas me mènent rue du Pressoir, bizarrement, j'ai le coeur sec et la tête vide. Je ne reconnais rien et pour cause, il ne reste plus rien  à l'exception de la courbe. A la place, des cubes gigantesques  sans âme et sans grâce, une rue du Pressoir anonyme et ennuyeuse.  Tout cela à cause de politicards sans scrupules.

     

     

     

     

  • LUCILE FLECHE SE SOUVIENT

     

    Le 36.jpg
    36 Cours de Vincennes

     

     

    Dans quelles années êtes-vous né ?

    Lucile : Je suis née en 1935, à Paris, dans le 12ème arrondissement. Plus précisément 36 cours de Vincennes, là où maman nous a mis au monde, moi et mon frère trois ans plus tard. La clinique n'existe plus depuis bien longtemps, mais l'immeuble a conservé sa jolie porte "arts déco" et c'est pourquoi je donne ces détails ! Je vous joins une photo en annexe pour illustrer mon propos. 

    Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ?

    Lucile : Vraisemblablement la rue des Maronites, puisque c'est au 24, juste en face de la rue du Pressoir, qu'habitaient ma grand-mère, puis mes parents dès leur mariage.

    Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?

    Lucile : Mon plus lointain souvenir remonte à mes toutes premières années, lorsque ma grand-mère me hissait sur le rebord de fenêtre de son troisième étage pour que je puisse voir les chèvres du marchand de lait et fromages qui s'annonçait à coups de trompette. Comme elle est descendue vivre au premier étage en 1938, je peux situer aisément cette scène dans le temps.  

    Quelles sont les images (façades d'immeubles, commerces, manèges, que sais-je ?) qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?

    Lucile : Depuis que j'ai fait connaissance avec votre site, ma mémoire est souvent "chatouillée" !  En période d'insomnies, je revois chacune des maisons de la rue des Maronites, nos commerçants de la rue du Pressoir, les marchandes de quatre saisons de la rue de Ménilmontant, le 96 qui remontait la pente.  J'entends encore le cliquetis de la machine à distribuer les tickets et le signal du départ donné par le machiniste dès qu'il avait replacé la chaîne de la plateforme arrière. Tant d'autres choses encore : le boulevard et la rue de Belleville, le faubourg du Temple, le canal et La Grisette... Bref, je n'ai pas oublié grand chose je crois. 

    Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?

    Lucile : A vrai dire, je ne sais pas pourquoi mes grands parents maternels avaient quitté la rue Saint-Blaise et le quartier de Charonne pour s'installer à Ménilmontant. Ils étaient tous deux parisiens, de condition modeste, et n'auraient jamais, je pense, envisagé de s'exiler dans le 16ème !Quant à mes parents, ils se plaisaient dans leur quartier, même si Papa était né, lui, dans le 17ème.

    Que faisaient vos parents (métiers et loisirs) ?

    Lucile : Papa était ajusteur et maman secrétaire-comptable. Comme je vous l'ai déjà raconté, dès les premiers beaux jours, et a fortiori pendant les vacances, ils prenaient la clé des champs, et nous avec eux ! L'hiver, en dehors de la mécanique automobile et du bricolage pour Papa, le cinéma était la principale distraction familiale. 

    Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?

    Lucile : J'allais à l'école du Sacré-Coeur, rue des Panoyaux, comme Maman avant moi. J'ai également fréquenté le patronage qui y était situé et j'y ai beaucoup appris. 

    Où (rue, passage, impasse, cour, square ...) alliez-vous jouer ?

    Lucile : Il n'était pas question que je descende jouer dans la rue ! Ma grand-mère se serait peut-être laissé attendrir, mais les instructions maternelles étaient formelles !

    Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?

    Lucile : La rue du Pressoir ? mais c'était mon théâtre... Je ne participais pas. Je regardais et j'écoutais. Le café du coin, chez Gaston, était l'avant-scène et comme je connaissais de vue l'ensemble des habitants de la rue du Pressoir, tout au moins ceux qui ne dépassaient pas le tourne-à-gauche, juste après le passage Deschamps, je m' inventais des histoires.

    Que se passe-t-il dans votre coeur et votre tête lorsque vos pas vous mènent rue du Pressoir aujourd'hui ?

    Lucile : Je ne retourne pas spécialement rue du Pressoir, mais je vais souvent à Ménilmontant car notre fils y a un atelier et habite Belleville. J'aime bien retrouver cette atmosphère cosmopolite, j'ai l'impression d'être en voyage dans un pays où je serais tout à fait à l'aise. J'avoue toutefois que je suis "touriste" : je n'aimerais pas revivre l'inconfort de ma jeunesse.   

     

     

  • MAURICE TARLO SE SOUVIENT

     

    cocorico.jpg
    Le cinéma Cocorico

     

     

    Nous habitions à la frontière du vingtième arrondissement, au 13 rue du Moulin-Joly dans le onzième, au rez-de-chaussée, dans un logement avec vue sur la cour où l'humidité coulait sur les murs.

    La  rue du Moulin-Joly est perpendiculaire à la rue Jean-Pierre Timbaud qui traverse une bonne partie de ce quartier. Je suis allé à l'école boulevard de Belleville.

    On habitait tous le coin : oncles, tantes, grands-parents, etc.

    Mon père et ma tante et ma grand-mère habitaient au 12 rue Ramponneau, l'immeuble n'existe plus ; il a subi la loi des opérations immobilières et les gens ont été déplacés, l'immeuble fut déclaré insalubre, et ma grand-mère demeura ensuite dans les années 1970, rue d'Annam, toujours dans le 20 ème. 

    Ce fut pour elle comme une tragédie que de quitter son quartier.

    Je suis né à Paris dans le 12ème arrondissement à l'Hôpital Rothschild, un jour de janvier 1955 où l'hiver fût très rude, ma maman m'a dit que la Seine était gelée. A cette époque, nous ne disposions pas de chauffage central, le poêle à charbons était d'usage, nous n'avions ni salle de bains ni eau chaude. Les WC étaient sur le palier.

    Nous étions des parisiens aux conditions modestes.

    Mes parents travaillaient tous les deux et je me gardais tout seul.

    Mes parents, de par leurs conditions modestes, furent épris très jeunes par le mouvement  ouvrier.

    Ce que j'ai pu me souvenir d'un petit garçon qui a vécu de 1955 à 1964 dans ce quartier.

    Ma maman allait faire ses courses chez l'épicier de la rue du Moulin-Joly

    «  Chez Mandonné  » (je ne suis pas sûr de l'orthographe), l'épicier coiffé d'une casquette vendait du jambon à la coupe, du gruyère râpé, des sacs de charbons... Et, comme mes parents n'étaient pas riches, ma mère faisait la plupart du temps crédit puis elle réglait ses dettes à la fin du mois. C'était, comme disait mon papa, le Village. Les gens se connaissaient et se respectaient .

    Il y avait beaucoup de petits commerces qu'on appréciait : la boulangerie, angle Jean-Pierre Timbaud et Moulin-Joly, les commerces de la rue de la Présentation, celui qui vendait des produits de Pologne. Le marché de quatre-saisons de la rue du Faubourg-du-Temple, les volaillers, etc.

    Je me souviens d'une crémerie, rue Ramponneau, où tout ce qui était en rayon était appétissant.

    Les Magasins Réunis, Place de la République .

    Les cinémas du quartier,  Le Cocorico, boulevard de Belleville. Je me rappelle de Maciste contre les Cyclope.

    Le cinéma Le Florida. Ma grand-mère maternelle qui habitait rue Levert, après qu'elle eut déménagé, elle habita Passage Julien-Lacroix, m'y avait emmené voir Tarzan. Les entractes avec Josélito, le petit chanteur espagnol dans les arènes.  

    Les bistrots :  La Vieilleuse, les Lauriers Roses,  sur le Boulevard de Belleville .

    Je me rappelle que les jours d'hivers, il y avait une fumée assez épaisse et qui recouvrait le quartier.

    Je me rappelle d'une promenade à pied, un dimanche avec mon papa, où nous étions allés jusqu' à la rue des Envierges en remontant la rue Vilin jusqu'en haut des escaliers.

    Je me souviens qu'à l'école du Boulevard de Belleville, c'était l'époque des Yéyés, les garçons avaient des coiffures de Rockers et les plus grands s'échangeaient des 45 tours de Johnny contre des disques des Chaussettes Noires dans la cour de récré.

    Un jour, pendant la cantine, un instit fan de twist a mis un 45 tours de twist et a fait danser les élèves. J'avais l'impression de vivre des moments particuliers. Maurice Tarlo

     

    MACISTE CONTRE LE CYCLOPE.jpg

     

     

     

     

  • NICOLE BOURG SE SOUVIENT

     

    rue des maronites.jpg
    La sortie des écoles rue des Maronites

     

     

    Dans quelles années êtes-vous né ?  

    Je suis née en 1942.

     

    Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ? 

    Rue des Maronites.

     

    Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?

    Le marché, avec les marchandes des quatre-saisons rue de Ménilmontant, notamment à l'occasion du 1er Mai... Nous allions acheter des brins de muguet pour les offrir à la famille et aux amis.


    Quelles sont les images (façades d'immeubles, commerces, manèges, que sais-je ?) qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?

    La fête foraine sur la place, juste à côté de la bouche de métro, à l'occasion de la Saint-Nicolas... J'ai d'ailleurs écrit un billet à ce sujet. J'ai aussi beaucoup d'images concernant tous les petits commerces, de la rue, y compris les ateliers.

     

    Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?

    C'est ma mère qui est arrivée avec ses parents, son frère, un oncle et une tante... Ils étaient dans un hôtel de la rue du Pressoir. Ils venaient d'Italie... Mon père résidait rue Laurence Savart. Ensuite mes grands parents se sont installés au 31, rue des Maronites. Lorsque mes parents se sont mariés, ils se sont installés eux aussi... au 31 de la rue des Maronites, ainsi qu'une tante et un oncle. Puis, le frère de ma mère s'est marié et lui aussi s'est installé rue des Maronites. Mon père ne connaissait pas cette rue! Pour la petite histoire... c'était un ami, de mon oncle. Ils pratiquaient la bicyclette, ensemble et le dimanche il était invité chez mes grands parents car il adorait la "Pasta" ! Je crois qu'à cette époque, les immigrés qui arrivaient et qui fuyaient le fascisme étaient logés dans le vingtième arrondissement de Paris. Je voudrais souligner qu'à cette époque beaucoup de gens vivaient en bonne intelligence... notamment "juifs" et "arabes" ... On ne parlait pas d'identité nationale !

     

    Que faisaient vos parents (métiers et loisirs) ?

    Mon père était à la caserne des pompiers de Paris... à Port Royal exactement. Ma mère était couturière et travaillait avec sa mère. Mais avant cela, elle fut apprentie couturière rue notre Dame de Lorette à Montmartre. Plus tard, nous allions acheter des coupons de tissu, Place du Tertre. Quant aux loisirs de mes parents, c'était rendre visite à la famille ou aller de temps en temps au cinéma, rue Oberkampf. La lecture, puis nous prenions le métro, afin de nous rendre dans la nature ...

     

    Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?

    Je fréquentais l'école primaire ( Filles) de la rue Etienne Dolet. Ensuite, le collège technique pour y apprendre le Secrétariat commercial           (sténographie, dactylographie) rue de Ménilmontant.

     

    Où (rue, passage, impasse, cour, square ...) alliez-vous jouer ?

    Nous allions au square Sorbier, toujours accompagnés. Je n'avais pas l'autorisation de mes parents d'aller jouer dans la rue !

     

    Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?

    C'est la première rue que ma mère a connu en arrivant en France. Puis plus tard, nous achetions le lait  chez notre crémière attitrée. C'est aussi dans cette rue du Pressoir que j'ai fais ma petite fugue. Voir mon billet sur le bébé Fugueur.


    Que se passe-t-il dans votre coeur et dans votre tête lorsque vos pas vous ramènent rue du Pressoir ?

    Je ne suis pas retournée dans ce quartier... Une fois seulement, il y a18 ans, de nuit, rue de Ménilmontant, Rue Etienne Dolet et un peu rue des Maronites ...vers l'école maternelle où se rendait mon frère. Le reste, je ne savais plus où j'étais. Une immense tristesse s'est emparée de moi ! J'ai réalisé qu'une page était tournée. Celle de mon enfance... celle de ma prime jeunesse, à jamais. Ce qui nous reste à nous, le enfants de Ménilmontant, ce sont nos souvenirs impérissables.

     

     

     

  • MIGUEL EGANA SE SOUVIENT

    miguel-egana-1.jpg

     

    Dans quelles années êtes-vous né ?

    Miguel Egana : 1952

     

    Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ?

    Rue Julien-Lacroix


    Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?

    Je marche le long du square Sorbier


    Quelles sont les images qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?

    Les trottoirs et les escaliers qui montent


    Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?

    C'était l'immeuble des parents de ma mère, vide après la déportation de sa mère.


    Que faisaient vos parents ?

    Ma mère travaillait à la maison puis plus tard dans un bureau, mon père sur des chantiers ; leur loisir était le cinéma : rue de Ménilmontant, rue Jean-Pierre Timbaud.

     

    Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?

    L'école de la rue Julien-Lacroix à deux pas de chez moi et auparavant l'école maternelle de la rue des Couronnes.


    Où alliez-vous jouer ?

    Dans la cour du 22 rue Julien-Lacroix et un peu passage Ronce.

     

    Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?

    Ma mère que j'accompagnais rue des Couronnes, juste à côté, pour chercher et porter du travail (colliers) à domicile.


    Que se passe-t-il dans votre coeur et votre tête lorsque vos pas vous mènent rue du Pressoir aujourd'hui ?

    Une immense tristesse et un profond ressentiment à l'égard des urbanistes (?) criminels (et des politiques tout aussi méprisants et méprisables) qui ont transformé ce quartier (mais aussi la Place des Fêtes où j'habitai plus tard) en banlieue aussi laide qu'impersonnelle.

     

     

     

     

     

  • LOIN DE LA RUE DU PRESSOIR : L'AVENUE D'ITALIE

     

    place d'italie.jpg

     

     

    Le saviez-vous ?

    La place d'Italie (Paris 13ème) doit son nom à sa position ancienne de carrefour de routes romaines qui conduisaient en Italie afin de pouvoir rejoindre la "Botte".

    L'avenue d'Italie était la voie privilégiée appelée "chemin de Turin". Cette voie prit le nom de barrière d'Italie en 1806. A noter que Napoléon lui-même emprunta cette route en 1815 pour rentrer de son exil à l'île d'Elbe.

    En effet, ce n'est pas rien ! Il fallait, avant d'effectuer ce trajet, une bonne dose de courage... une bonne santé ainsi que des chaussures confortables...

    Corragio ! Amico !

    Nicole Bourg

  • ANCIENS CHEMINS DE MENILMONTANT

    rue de ménilmontant 19ème.jpg

     

     

    A Gérard Lavalette, mon ami photographe humaniste, connaisseur du vrai Paris, infatigable piéton, badaud,  depuis son plus jeune âge, appareils photo toujours en  bandoulière, marcheur rapide, incognito, jamais à l'arrêt, toujours au travail par n'importe quel temps, froid, gelée, verglas,  neige, pluie , grêle, canicule, soleil tapant le crâne , et aussi, par désastreux et grouillants embouteillages, bouchons, depuis que l'automobile moderne est entrée dans la ville, grèves et folklores, carnavals, manifs, artisans en tous genres, artistes célèbres ou qui le deviendront, clochards intellos ou analphabètes, sans abri s.d.f.  exposés aux dangers quotidiens, poètes oubliés et écrivains connus, inconnus, méritant bien quelques reconnaissances, défilés des belles dans le célèbre Faubourg, par où, autrefois, franchissaient la porte Saint Antoine, les carrosses des Rois et leurs cortèges, brasseries, petits bars les plus vieux du neuf Paris, rue de Charonne, et rue de Chanzy, là, l'un de ses fiefs, le  Pure café. Si vous le rencontrez, à l'abri sous sa casquette de titi parisien,  où se cache sa popularité, n'hésitez pas à lui dire :' compliments, chapeau bas, joyeux Noël, bonne année Monsieur'

     

    courtille .jpgC'était une voie bordée d'arbres avec, à l'écart de la chaussée, quelques moulins en bois, dressés par des charpentiers solides et travailleurs, où se pressaient les meuniers autrefois, pour y moudre le grain. Les dimanches venaient les parisiens, femmes et enfants, en carrosse ou à pied pour y goûter un air de campagne. Les maris galants  invitaient leurs épouses à venir boire le petit vin de la rue des Pas-noyaux, et aimaient les  inviter à danser dans quelques guinguettes proches des coteaux où Jean-Jacques Rousseau y fut renversé par les énormes chiens errant quelques peu sauvages de la Courtille. Tout là- haut, à la limite du vieux château sur les hauteurs de Télégraphe, descendaient les enfants des villages alentour pour s'amuser, mais souvent ils venaient pour travailler, aider leur père, afin de terminer au plus vite le taillage des ceps et le ramassage des brindilles, qu'ils brûlaient à petits 'feux indiens' où se réchauffaient les dignes demoiselles qui rentraient de la ville au petit matin, où elles exerçaient au Palais-Royal, le plus vieux métier du Monde. Les filles étaient belles, savaient faire appâts de leurs charmes et beautés. Les riches et nobles usaient de leurs droits pour combler leurs vifs appétits. Sur ces chemins aussi, des 'mauvais garçons' élégants, dans une misère telle qu'ils ne craignaient rien, s'attaquaient aux nobles qui possédaient richesse et fortune. Paris, alors, se composait de villages, aujourd'hui rassemblés qui forment la grande ville, capitale prestigieuse, connue et reconnue dans le monde entier. Par ci, par là, en temps de crise, collées sur les murs, des affiches portaient ces inscriptions : Terres seigneuriales à vendre ; maisons et héritages aux champs en roture à liquider; maison de Paris à louer ; office à vendre ; bénéfices à permuter ; affaires mêlées. Les fumées noires des usines et ateliers laissaient les traces, à la Soulages, coloraient le ciel de traînées blanches et grises, noircissaient encore plus la nuit sur les dernières vignes accrochées aux coteaux de la butte, à l'emplacement actuel de la rue du Pressoir, car si cette rue n'existait pas encore, là, se situaient de larges prés verdoyants entrecoupés de lignes ocres et siennes, passage des chiens affamés cherchant leur nourriture. Les Buttes- Chaumont s'élevaient, pointée dans les nuages lents et parfois, semblant à l'arrêt, qui d'un coup, prenaient de la vitesse, car s'annonçait la pluie poussée par un vent ondulant les toitures des chaumières et les arbres au bord des chemins, infligeant parfois aux carrosses, quelques petits dégâts, obligeant les Dames à descendre vite fait, en attendant les réparations d'usage. Oui ces dames riches déjà voyageaient, allaient découvrir la France, car elles ne voulaient pas que l'on se moque d'elles. Les parisiens, alors, aimaient rire de l'ignorance et de l'indolence de certains, reclus dans la ville et qui n'étaient jamais sortis de chez eux, sinon pour aller en nourrice ou partir à la guerre. Au loin, la rivière serpentine et argentée était en vue, traçant ses méandres historiques, bordés des trésors du patrimoine que construisirent peu à peu des hommes connaisseurs, architectes et bâtisseurs du Paris magnifique, éloignant loin, très loin la rue aujourd'hui célèbre de Ménilmontant, au sujet de laquelle je vous écris ces quelques lignes pour rappeler que notre cité est aussi un village qui s'agrandit toujours, toujours, et rares seront ceux d'entre nous qui garderont la mémoire de ce qu'était ces villages, à la péripétie du Grand Paris. Bienvenu Merino

     

     

    rue de ménilmontant aujourd'hui.jpg

     

     

  • LA BOUTIQUE DE MONSIEUR ET MADAME GILLES

     

    gilles alimentation seulement.jpg
    La boutique de Monsieur et Madame Gilles

     

    Au 23-25 de la rue du Pressoir c'est là que je suis née, c'est là que je vécus les 19 premières années de ma vie et au fil du temps j'ai bien évidemment tissé des liens précieux avec certaines personnes.

    Monsieur et Madame Gilles font partie de mes plus tendres souvenirs, leur épicerie se situait en angle de l'immeuble du 23 surnommée, par beaucoup, la boutique rouge. Nous y trouvions de tout et en plus, la maison faisait crédit ce qui rendait bien des services à certains.

    Monsieur Gilles, un personnage grand et sec, toujours vêtu d'une blouse grise. Madame Gilles, petite bonne femme brune et boulotte portant un tablier bleu marine, une mitaine en laine, à la main gauche, ne laissant dépasser que le bout de ses doigts. Mauvais souvenir d'un couteau trop bien aiguisé lui ayant sectionné un tendon.

    Si mes souvenirs sont bons, tous les deux étaient d'origines Auvergnates, pas d'enfant, la vie en avait voulu ainsi. Des gens charmants, serviables que j'appréciais et que j'aimais regarder travailler. J'attendais que Monsieur Gilles rate la coupe d'une tranche de saucisson, je savais que cette tranche serait pour moi. Enfant, très souvent je me retrouvais avec eux dans la boutique, ils m'aimaient bien.

    Je me rappelle, face à l'entrée du magasin se trouvait un grand comptoir dont une partie se soulevait pour passer derrière ce comptoir où trône la balance et ses poids. A côté de cette porte de passage, le réservoir à lait et juste derrière, sur la droite, l'arrière boutique. Sur la gauche, un retour de comptoir où sont alignés les bocaux de bonbons et au fond, une porte donnant sur un petit couloir avec un escalier menant à leur appartement. En face de cet escalier, une porte ouvrant sur la courette où se trouvaient les minuscules fenêtres des cuisines du 23.

    Une petite anecdote qui reste dans nos mémoires, la gentillesse de Monsieur Gilles faisait qu'il gardait, pour ma sœur aînée Monique, les croûtes de gruyère et de ce petit manège entre Monsieur Gilles et ma sœur, il en a été bien trop vite déduit, par certains clients, que ma sœur ne mangeait pas à sa faim. C'était juste son pêché mignon, pour ma sœur les croûtes de gruyère et pour moi le saucisson.

    Les jours de fermeture de la boutique, si ma mère avait besoin, j'étais autorisée à passer, par derrière, comme je disais, Monsieur et Madame Gilles étaient toujours présents pour me servir.

    Un dimanche matin, maman m'envoya chercher quelques courses, je devais avoir 13 ou 14 ans, je passerai donc par ce couloir entre la loge de la concierge et l'escalier du 23, un petit couloir étroit, le noir complet, comme à chaque fois j'ai peur, ce couloir oblique sur la gauche et laisse apparaître la lumière du jour et enfin j'arrive dans la petite courette. Au fond se trouve la porte de Madame Gilles, à côté, sur la gauche, sont entassées des cagettes, comme à mon habitude je frappe et Madame Gilles vient m'ouvrir.

    Je revois distinctement ce jour sans pourtant me rappeler l'année exacte, je vois, encore, Madame Gilles m'ouvrir sa porte, la refermer derrière moi et m'annoncer la mort de Monsieur Gilles, dans la nuit, d'une crise cardiaque. A ce moment, je suis devant l'escalier, je lève la tête et mon regard se fige, un instant, vers le haut de cet escalier, j'imagine Monsieur Gilles reposant au 1er étage. Madame Gilles ne pleure pas, elle est seule, elle m'entraîne dans la boutique pour me servir. Je repars bien triste, je vais prévenir mes parents. Jamais je n'oublierai Monsieur Gilles.

    Comme les monts d'Auvergne, Madame Gilles est robuste et très courageuse, elle continuera seule, je l'aiderais à porter et à rentrer, dans l'arrière boutique, les caisses de vins et autres boissons, il n'y a plus beaucoup de force dans cette main accidentée, il lui faut un peu d'aide, je suis là.

    Une sacrée bonne femme Madame Gilles, je ne l'ai jamais revue après mon départ en 1966, juste un au revoir et je le regrette. Il me reste, malgré tout, en mémoire tant de souvenirs. Josette

     

     

  • MEMOIRES SUR LA RUE DU PRESSOIR, 1960-1967

    En 1960, après notre mariage, nous sommes venus habiter le 25 de la rue du Pressoir. A cette époque, j’étais Pompier de Paris, caserné dans le 7e arrondissement, et mon épouse, aide-soignante à l’hôpital Saint-Antoine. Nous avions repris  le petit deux-pièces, au quatrième étage donnant sur la rue. Il était occupé jusqu'alors par la sœur et le beau-frère de mon épouse, les parents de Guy. J'ai un immense souvenir  de cet appartement propret  et clair,  ensoleillé, et confortable à la fois. Il possédait une petite cuisine toute équipée, eau froide et chaude sur évier, rare dans ces vieux immeubles où la fontaine d'eau courante se trouvait sur le palier. Bref, pour nous, jeunes mariés, c'était féerique. Pour parfaire ce bonheur, une petite fille est venue au monde l'année suivante. Notre voisine de palier, s’appelait Régina, une polonaise d’origine juive. Il arrivait, certaines nuits, que notre fille tout bébé, pleurait, inconsolable. C’est souvent que Regina, réveillée par les pleurs, arrivait, prenait la petite dans ses bras, la berçait en lui fredonnant une berceuse de son pays. Le miracle alors se produisait et bébé s’endormait. Que de services nous a rendue cette brave femme. Après l’expulsion de l’immeuble elle est partie en Israël, avec son ami Maurice, fabriquant de casquettes dans le Sentier. Un brave homme lui aussi.

     


    Que dire de cette rue, de ce quartier de Ménilmuche que mes parents ont fort bien connu, étant nés et y ayant vécu tous les deux leur adolescence, rue Julien-Lacroix ou Impasse des Couronnes. Ce fut d'ailleurs pour eux comme un pèlerinage quand ils sont venus chez nous la première fois. Que d'anecdotes nous ont ils racontés ce jour-là.

     

     

    Maman se souvenait d’une camarade de classe qui habitait le 23, une jolie fillette avec une superbe chevelure qui lui descendait jusqu'aux reins. Un jour, une femme armée d'une paire de ciseaux l'attendait Passage Deschamps et, malgré les cris de l'enfant, lui coupa une bonne partie de ses longs cheveux, avant de s'enfuir.  C'était courant à l'époque, car souvent, certains perruquiers malhonnêtes,  payaient un bon prix les belles chevelures.

     

     

    Je repense souvent à ce quartier, à ces rues populaires aux multiples commerces et ateliers d’artisans, aux petits bistros-hôtels où logeaient des travailleurs maghrébins, seuls, loin de leurs familles, passant leurs dimanches à jouer aux dominos devant un thé à la menthe. Nous avions de bons rapports de voisinage avec ces hommes. L’un d’eux nous avait racheté notre 4 CV.

     

     

    A cette époque, nous n’avions pas les supermarchés pour faire nos courses ; tous les commerces étaient à notre portée. Par exemple, je ferme les yeux, et  je me rappelle…

     

     

    En sortant de la station de métro Couronnes, nous prenons la direction de la rue du Pressoir. En remontant la rue des Couronnes une boulangerie, deux boucheries dont une chevaline, les vins Nicolas, une friterie légumes cuits, très pratique pour les jours ou l’on a pas envie de cuisiner.

    Et, arrivés à notre porte, sous nos fenêtres, au 25 de notre rue du Pressoir, l’Epicerie de Mr et Mme Gilles. Là, nous trouvions tout ce que nous avions le plus besoin : fruits et légumes, crèmerie, lait, beurre, fromage, les eaux minérales, vins, apéros, etc. Pratique en cas d’imprévu.

    Au 23, il y avait un garage, où je pouvais garer notre 4 CV, et faire effectuer son entretien et réparations. Mon coiffeur Louis, rue des Maronites…

    Oui, nous avions tout à notre disposition, le  marché sur le boulevard, la poste rue Etienne-Dolet, des bains-douches prés du métro Couronnes, a côté d’un magasin de bois et bricolage.

    Et puis, à deux pas, la fameuse rue de Ménilmontant, avec ses boutiques, le cinéma Le Ménil Palace, Prisunic. Le tabac et son PMU, où je faisais mon tiercé le dimanche matin.

     

     

    Actuellement, nous habitons dans les Yvelines, une petite ville où les commerces disparaissent les uns après les autres, pour laisser la place a des banques et agences immobilières. Aujourd’hui, à  30 kilomètres de Paris, et pour trouver à peine l’équivalent des commerces énumérés plus haut, il nous faut prendre la voiture et parcourir trois ou quatre kilomètres, et souvent  plus, pour acheter ce que nous trouvions sur place, à Ménilmuche.

     

     

    Au cours des années qui suivirent, les expropriations et démolitions commencèrent. D’abord, par le côté des numéros pairs de la rue du Pressoir. Ce fut la fermeture des petits ateliers et différents commerces. Puis, en 1967, ce fut à  notre tour de partir. Relogés dans un immeuble neuf et moderne prés de la place d’Italie, nous nous sommes retrouvés avec plusieurs ménages venant du 25 ou du 23 rue du Pressoir ainsi que le couple de la Boucherie située rue des Couronnes.

    Le confort de notre nouvelle résidence nous fut agréable à tous, mais les liens qui nous unissaient dans notre petit « village » s’estompèrent, pour disparaître à jamais. Nous ne sommes pas retournés voir ce qui était advenu du quartier, c’est par les photos et les témoignages de ce remarquable site que nous avons effectué notre visite.  Georges,  juillet 2009

     

    rue du pressoir.jpg

     Photo prise en 1963 dans la salle à manger. Elle était claire et ensoleillée.                                                    

                                   

     

  • RUE DU PRESSOIR

    724000843.JPG
    Rue du Pressoir
     

    Là que je vécus dans les années 1950. L’immeuble qui se situait au 23-25, dans l’unique courbure, lorsqu’on vient de la rue des Couronnes serait qualifié aujourd’hui de lépreux.

    Il s’élevait sur quatre étages et sa façade grise, écaillée, me semblait somptueuse. Mes parents occupaient un deux pièces aux fenêtres bleu azur qui donnaient sur un quadrilatère barré à l’est par la rue Julien Lacroix. Appuyé sur une rambarde, je pouvais observer une cour pavée où picoraient des poules. Et je pouvais entendre le grognement de cochons parqués dans une cahute bancale. Au pied de l’immeuble, un garage, ouvert sur la rue, offrait un espace de bitume craquelé que j’allais quelquefois rejoindre pour y pousser mes billes ou, dans le caniveau, quelque frêle esquif de papier.

    Le bâtiment a été rasé en 1967 et tout ce quartier, hétérochrome, mixte, a depuis été recouvert par de blêmes volumes aux angles aigus. Là, je fus éduqué par le peuple du monde. Maurice, le chapelier, me faisait essayer des casquettes enfantines et Régina qui possédait un téléviseur m’invitait, ma tête enfouie contre son cœur qu’elle avait gros, à regarder les aventures d’Ivanhoé. Leurs portes étaient toujours ouvertes.

    Tout devait disparaître selon les projets d’embellissement et de blanchoiement voulus par de Gaulle que conseillait André Malraux. Cependant que ce dernier avait démontré dans son œuvre qu’il n’avait rien à dire sur Paris. Une phrase de ses Antimémoires atteste seulement sa connaissance des « moineaux qui attendaient les chevaux des omnibus au Palais-Royal ». Contre toute attente, c’est bien lui qui ordonne la tabula rasa. Il est le déclencheur des boules de fonte qui aplatissent, le 27 février 1969, les Halles enchantées par Guy Debord, Julien Duvivier, André Hardellet, Hubert Juin, Claude Seignolle et la chanteuse Damia.

    J’ai cherché, dans les livres d’Henri Calet, Clément Lépidis, Georges Perec (citoyens de mon périmètre), un souvenir de la rue du Pressoir. Fiasco. Et sachez que mes rayons amassent, année après année, centaines de volumes sur la Ville Lumière. Un jour, je proposerai ici, une bibliographie flâneuse.

    Aujourd’hui, je ressens (tristesse des regards dans le rétroviseur) le besoin d’évoquer ma rue au tracé demeuré exact mais à l’environnement saccagé. Ivan Chtcheglov, grand inspirateur de la dérive continue, en butte contre « la passion de l’oubli », avait décrit dans Formulaire pour un urbanisme nouveau (in Ecrits retrouvés, éditions Allia), l’autre pays, celui de mes rives d’enfance. Pour ne pas oublier, jamais, je recommande L’Assassinat de Paris, ouvrage qui mit en danger son auteur parce qu’il y dénonçait fermement l’attentat porté, en 1958, par le général de Gaulle contre le Pantruche ouvrier. Livre savant, précis, mélancolique (Louis Chevalier, camarade de khâgne de Georges Pompidou fut professeur au Collège de France), L’Assassinat de Paris narre l’histoire d’une démolition et la fin des quartiers bruissants de vies simples.

    Enfin, page 242, il parle des « exilés de Belleville », déplacés par contrainte vers les banlieues neuves (bâties de tours aujourd’hui pilonnées) et qui regrettent « l’inconfort de la rue du Pressoir ».

    Initialement publié en 1977 aux éditions Calmann-Lévy, réédité vingt ans plus tard chez Ivrea, ce livre est à découvrir de toute urgence. Et permettez-moi de remercier (ceci comme un blog à la mer) celles et ceux qui connurent (années 1950) ce quadrilatère pluriethnique, compris entre les rues des Maronites et des Couronnes, pour les commentaires qu’ils pourraient m’adresser, nourris de colères et de tendres souvenirs. Peut-être avons-nous, ensemble, humé l’air de la rue du Pressoir. Régina, Maurice, Joseph, je vous embrasse là où vous êtes. Guy Darol

  • L'ECOLE MATERNELLE 42 RUE DES MARONITES PARIS VINGTIEME ARRONDISSEMENT N'EST PLUS

     

    Ecole Maternelle - Rue des Maronites.jpg

     

    A Guy Darol, qui fut élève de cette école, dans les années 1950, auteur d’un livre émouvant, Héros de papier véritable éloge de la lecture et de la venue à l’écriture.

     

     

    I

     

    Dans  cette école maternelle, les classes ne sont plus assurées, l’administration de l’éducation nationale y a mis terme. Mais le corps de bâtiment est toujours là, debout, ses murs solides, en pierres grises pâles, montées en  faux morceaux de sucre et enrubannées dans leurs façades de liserés de briques rouge-rose, cette couleur que l’on attribue souvent  au féminin, dont les mamans, il n’y a pas si longtemps, aimaient faire porter par leurs filles. Corsages roses, contrastés bien souvent avec la jupe marine, taillée de mains souples par des mères inquiètes de vouloir donner la meilleure image de leur progéniture. De ces murs de l’école, montent encore les cris joyeux des angelots mominards parisiens, des pleurs aussi, des appels poignants aux mamans et papas s’élèvent au-dessus de la petite cour de récréation séparée d’une autre cour, celle des grands de la Communale, par un muret pas trop haut, cependant suffisamment pour faire croire à ces petits que c’est infranchissable. Cette bâtisse est la mémoire de tout le quartier de l’îlot de la rue du Pressoir. Long rectangle magique, où des milliers d’enfants, de générations en générations, hommes et  femmes aujourd’hui, ont fait l’apprentissage de la langue et de l’écriture ! Si l’école maternelle demeure, ces salles de classes ont depuis peu, d’autres fonctions. Dorénavant elles servent d’annexes et de bureaux. C’est lors des dernières Portes Ouvertes d’Ateliers d’Artistes de Ménilmontant que j’ai eu le privilège de découvrir l’intérieur de l’école et sa cour, où Guy Darol, tout jeune enfant, élabora ses premiers plans de jeux, édifia ses premières barricades, ne se méfiant pas à priori de certaines institutrices, apparemment douces, et inventa de nouveaux westerns d’où sortaient toujours vainqueurs, les indiens, ses favoris. C’est dans l'une de ces classes qu'il travailla ses cours  d’élève assidu. Et n’oublia jamais le merveilleux souvenir de Blanche Neige et les sept nains, projeté dans une grande salle, sur la gauche, en entrant par la rue des Maronites,  salle qui jouxtait un vaste dortoir. Salle fée. Blanche-Neige est une princesse dont la très grande beauté rend jalouse la Reine, sa belle-mère, qui ordonna son assassinat. Epargnée mais abandonnée dans la forêt, elle trouve refuge chez sept nains qui l’intègrent à leur communauté. L’action débute lorsqu’un jour, la Reine interrogeant son miroir, celui-ci lui répond que la plus belle du royaume est dorénavant la princesse Blanche-Neige. Peu après, celle-ci, alors qu’elle lave l’escalier du château tout en chantant, est aperçue par un prince, qui, ébloui, lui chante son amour.

    C’est aussi, dans une de ces classes, que naîtra, pour Guy Darol, le goût et la passion de la lecture, les devoirs bien fait et le long début du métier de lire et écrire dont il témoigne avec beaucoup d’émotion dans son livre Héros de papier : « La lecture était ma bouée, radeau de survie ; également mon tapis volant. Je me cramponnais… Une échappatoire, à ce que l’on dit. Il est vrai que je me caltais sur le torrent des mots. Leurs cascades, leurs écueils, les visages en épingles, tout me secouait de frissons. Chaque histoire avalée me laissait sur le sable, tristounet. Mais la promesse d’une suite me regonflait de joie. Je ne sais comment tout arrivait. Quel chemin arpentait mon père pour m’approvisionner ? Qu’est-ce qui le dirigeait ? Ses goûts étaient les miens. Il se mit à lire, lui aussi, à dévorer, à se goinfrer, sacrifiant sa femme sur l’autel de la boulimie. Nous fûmes bientôt dans le même lit, environnés de bouquins, éblouis de mots, de lumières. C’est par la ruse que j’ai vaincu, par la fugue que je m’en suis allé . Avec la nuit, j’ai feinté. Les trouilles n’en sont pas toutes parties, mais la lecture m’étant permise, j’en abusais, et je confondais mes parents qui voyaient dans cette griserie un penchant  à sortir du rang.  Issus de Bretagne, ils me souhaitaient plus noble sort. Ça j’étais averti. Etant  donné mes origines, enracinées à des lopins, il fallait pour m’en arracher, doubler d’effort, travailler dur. D’où tu viens, on me répétait, il faudra faire tes preuves. «  J’étais tiré à quatre épingles ; le cheveu court, chemise, cravate. Chaussures vernies. On me croyait des grands boulevards, je descendais des chemins creux ; terre battue astiquée au balai de genêt ; fermes basses. « Si tu ne veux pas apprendre, on me disait, tu garderas les vaches. De Dieu, cette perspective m’aiguillonnait. Je ne voulais pas finir bouvier, tirer les patates, pousser le soc. Mes parents n’avaient pas eu de chance. Ils trimèrent à l’âge de douze ans. L’école en avait assez fait. Ils  savaient lire, écrire, compter. Leur place était à la charrue. Ils eurent le sursaut de s’enfuir. J’ai mal à les imaginer, patoisant gare Montparnasse pour demander ligne de bus ou de métro. Paris fut leur Eldorado. Et c’est ainsi que je suis né en bord de Seine, à l’Hôtel-Dieu, le pied fluvial et la tête toute emplie d’oiseaux. Et c’est ainsi que j’ai grandi dans le souvenir des vignes de Ménilmontant, rue du Pressoir. Quatrième étage. Les fenêtres étaient peintes de bleu, celui des charrettes agricoles. Aussi vite, j’aurais pu émerger à New York ou à Dublin, c’était possible. Par Joseph, j’ai du sang d’Irlande...» «Joseph s’arrogea de m’élever dans le culte du verbe acrobate, et le respect de l’arbre qui porte l’oiseau et qui touche le ciel. Il m’étoffa d’un lexique champêtre, le modulant un peu d’argot et de langue gallèse».

     

    Héros de papier.jpg

     

     

    II

     

    ECOLE DE LA REPUBLIQUE

    DE LA DEMOCRATIE ET DE L’EMANCIPATION

     

     A l’heure où l’école, l’éducation, l’enseignement sont au centre du combat public, que l’avenir des enfants est l'une des principales préoccupations d’une majorité de nos concitoyens, au moment où l’on assiste à d’importants mouvements sociaux, notamment de la part des enseignants qui contestent la réforme gouvernementale de l’éducation nationale dans le cadre de sa politique de décentralisation, il semble opportun de traiter l’histoire de l’école républicaine, obligatoire, gratuite et laïque. Le savoir reste le seul élément qui donne à l’individu l’émancipation, le sens de la responsabilité, la capacité d’être libre. L’ignorant sera toujours dépendant de quelqu’un, d’un groupe, d’un dogme. Ce n’est pas un hasard si l’accès à la connaissance fut difficilement accordé au peuple, car ce droit de savoir, pendant trop longtemps accordé à une élite, avait pour seule finalité de servir ceux qui détenaient le pouvoir. Voltaire qui a marqué son empreinte dans le combat des libertés, en dénonçant le fanatisme religieux, l’absolutisme royal et les insuffisances de la justice, s’interrogea pourtant sur la nécessité de permettre aux paysans d’apprendre à lire et à écrire, alors, disait-il, que la seule tâche qui leur était prescrite était de labourer et semer les champs. Un état d’esprit qui peut surprendre de la part d’un intellectuel engagé pour le progrès et qui, toutefois, est très significatif des pesanteurs que représentent certaines formes de préjugés. On sait que  le combat  pour l’égalité des droits n’est pas facile. L’histoire montre qu’il a fallu bien des engagements et beaucoup de détermination  pour imposer l’école de la république et de la démocratie. Au regard du conflit qui oppose une grande majorité des enseignants au gouvernement, concernant la réforme de l’Education Nationale dans le cadre de la politique de décentralisation, aujourd’hui, le sujet reste sensible et prioritaire, car si l’école est obligatoire pour tous, l’égalité des chances d’assurer son avenir par la connaissance est loin d’être réalisée. En période de crise profonde où précisément les injustices sont fortes, l’effort de la collectivité citoyenne et ceux de l’Etat pour apporter des réponses aux plus défavorisés  est une obligation civique. C’est là, l’essence même du rôle de l’école démocratique. Bienvenu Merino

     

    maronites.jpg

     



     

     


     

     

  • SALON DE L'ENFANCE

     

    astra.jpg

     

    Bonjour à tous,
    Après avoir pris connaissance sur notre site de Paroles et Mémoires des quartiers populaires concernant la culture pour tous,  moult souvenirs me reviennent en mémoire. L'histoire se déroule en partance de l'école primaire de la rue Etienne Dolet. Notre institutrice obtenait régulièrement de la municipalité des billets gratuits pour le théatre, pour assister à différents spectacles, etc... Madame Buissière distribuait ces quelques billets à ses élèves. C'est d'ailleurs grâce à cela que j'ai eu la chance de pouvoir assister à certaines représentations, telles que Le Bourgeois Gentilhomme et L'Avare.
    Ces rôles étaient interprétés par l'acteur louis Seignier.
    La vie de Chopin dansée avec la participation des ballets de Valla Bovie. Sans oublier la célèbre dramaturge Maria Casarès qui se produisait au T.N.P. C'était une fenêtre ouverte sur la culture. Ce qui était fabuleux aussi, c'était la prestation exécutée par Alain Giletti et Alain Calmat au Palais des Glaces, sur le thème Un Gamin de Paris, avec la musique. A l'époque ces patineurs étaient débutants.
     
    Puis, la dernière année, toute la classe s'était rendue au Salon de l'Enfance. Nous étions toutes très heureuses. C'était un véritable événement. Ce dont je me souviens comme si c'était hier, c'est de l'explication, et de la démonstration de la fabrication de la margarine, la célèbre marque "Astra". C'était tout nouveau ! Il y avait la dégustation d'Astra avec du pain de mie. Séance de cinéma,cadeaux, prospectus, échantillons de margarine "Astra" ... cela coule de source!
     
    Cette visite au Salon de l'Enfance, se déroulait il y a un peu plus de cinquante ans, sous la présidence de monsieur René Coty (1954-1959). Nicole Bourg

  • 23 RUE HENRI-CHEVREAU/SOUVENIRS D'ENFANCE

    Rue Henri-Chevreau.jpg
    La tante Alice et l'oncle cordonnier
    Je me souviens des visites chez ma tante Alice, la sœur de mon Père.

    Ma tante était propriétaire d’une petite boutique de mercerie, journaux, jouets et bonbons.

    Je me souviens, en entrant dans ce lieu, de cette odeur de journal et confiserie mêlée aux autres produits en vente, ainsi que les effluves d’un plat qui mijotait dans la cuisine de l’arrière boutique. Il y régnait une atmosphère chaude et feutrée.  Je me sentais bien et un peu fier d’avoir une Tata boutiquière.

    Par une petite porte qui se trouvait dans la cuisine, on débouchait dans un petit jardin situé en bordure de la voie ferrée de la petite ceinture. Quelle était ma joie d’y voir un rare train passer, et même s’arrêter à la gare qui hélas, n’était déjà plus en service en ces années 50.

    Dans ce jardinet, mon oncle tenait une petite échoppe de cordonnerie et ressemelage. Je n’ai pas oublié ces odeurs de cuir, de colle et de cirage. Et celles …des chaussures déjà réparées, ou en attente de l’être.

    Cette visite chez ces Parents, était pour moi, le petit Parisien, une vraie sortie à la campagne. Georges

     

     

     

     

     

  • CHEVALINE, BLANCHISSERIE, HERBORISTERIE, CORDONNERIE ET TOUJOURS LES ATELIERS

     

    Chevaline.jpg

    Suite à l'évocation de Lucile concernant la petite épicerie auvergnate de la rue des Maronites, côté impair, celle dans laquelle nous pouvions nous procurer les fameux grattons et bien d'autres choses encore, notamment, des bananes séchées.

    En effet, beaucoup de souvenirs resurgissent. Je n'avais pas encore six ans, une cousine de maman arrivait de Turin avec ses deux fils. Ceux-ci devaient disputer un match de foot à Paris. Par la même occasion, nous rendre visite et faire la connaissance de mon petit frère qui avait six mois. Mes parents appréciaient les grattons, moi, les bananes séchées. Ce souvenir est très présent, car je suis allée dans cette petite boutique avec mes cousins et maman.

    Ils ont acheté pour moi ces délicieuses bananes séchées qui paraît-il permettraient sans aucun doute de gagner le match! Pour les autres membres de la famille... il y avait les grattons.

    D'autre part, je me souviens bien, en sortant de chez moi, (le 31), sur ma gauche cette fois, après le bar, d'une boucherie chevaline. L'encadrement du magasin était peint en rouge écarlate, avec au-dessus de l'enseigne, une grosse tête de cheval toute dorée. A l'intérieur, tout était carrelé de blanc. Je devais avoir neuf ans. Ensuite, il y avait un petit atelier "France Cadres" ; c'était une fabrique d'encadrements pour photos, gravures, etc... Puis je revois l'épicerie tenue par Madame "Chémol" et son fils. Pour la petite histoire, mon petit frère disait toujours : " On va chez Mol? ". Une blanchisserie se trouvait peut-être avant l'Epicerie. Toujours du même côté, se situait l'Herboristerie.

    Par contre, j'ai mentionné dans un précédent commentaire l'existence d'une cordonnerie en sortant de mon domicile, côté impair, sur ma droite. Le nez de ce petit homme était chaussé de lunettes rondes. Il avait une casquette bien ajustée sur son crâne. Sa boutique exiguë dégageait une forte odeur de cuir. Cela ressemblait plutôt à un cagibi !

    Juste avant le cordonnier, il y avait un bar ( encore un! ). Au-dessus se trouvait le petit appartement d'une camarade de classe qui s'appelait Ida. Parfois, j'allais lui rendre visite. Ce que j'appréciais c'est qu'elle avait deux fenêtres sur rue ! Quelle aubaine ! Chez moi, les fenêtres donnaient sur la cour (la petite). C'était beaucoup plus frustrant ! A côté du bar, une cour donnait accès à des petits ateliers de confections, dont l'un était tenu par le père d'Ida. Il fournissait du travail à domicile. Deux de mes voisines cousaient chez elles. Lui, son père, confectionnait des pantalons.

    Dans l'immeuble où résidaient le frère de maman et sa famille, il y avait une coiffeuse, qui travaillait à domicile, elle  possédait une vraie salle de bains ! La pièce était verte, avec des carreaux de faïence noirs. J'étais fascinée lorsque nous y allions avec maman.
     
    D'autres souvenirs de la rue des Maronites vous seront racontés un peu plus tard, car je trouve préférable d'écrire à petites doses, afin que tout le monde puisse s'exprimer. A bientôt... Nicole

     

     

  • 27 RUE DU PRESSOIR

     

     

    Le métro.jpg

    La relecture des billets de Josette a déclenché dans ma tête l’ouverture de la boîte à souvenirs.

    Cela n’a rien d’original, mais juste après le 23/25 de la rue du Pressoir, se trouvait le 27 …

    Une porte coincée entre l’angle de la rue et le garage donnait accès à un couloir, puis à une cour, où un raide escalier extérieur menait directement à un vaste local largement vitré.

    Là, sous la houlette de « Mademoiselle Claire », une dizaine d’employées fabriquaient des articles de bonneterie à partir de gros rouleaux textiles dans lesquels elles découpaient les pièces à assembler. Cela m’impressionnait de voir avec quelle facilité la lame mordait les couches de tissu superposées, dans le bruit caractéristique des machines à coudre qui constituaient l’équipement principal de l’atelier. 

    J’ai eu accès à ce lieu à la fin de la guerre, lorsque Maman qui n’avait pas encore retrouvé d’emploi dans sa profession, y travailla quelque temps. En effet, depuis qu’elle avait quitté l’école, elle occupait un poste d’aide-comptable au siège des Pompes Funèbres Générales, boulevard Richard Lenoir. (Elle en gardait le meilleur souvenir et racontait, avec malice, que ce furent les années les plus drôles de sa vie professionnelle !) Au moment de l’exode, les PFG allèrent s’installer à Flers, dans l’Orne, et maman ne put les suivre ;Papa était mobilisé et nous étions nés, mon frère et moi. Elle piqua donc à la machine sans grand enthousiasme en attendant de pouvoir exercer à nouveau son métier.

    Pour en revenir à cette petite entreprise du 27 rue du Pressoir, je me souviens que le patron passait pour être un peu distrait. Il habitait place de Ménilmontant, dans un de ces immeubles cossus qui forment encore un arc de cercle entre le boulevard de Belleville et la rue Oberkampf. Un matin qu’il était mal réveillé ou particulièrement préoccupé, il se retrouva sur le quai du métro… avec sa boîte à ordures qu’il avait oublié de vider dans la poubelle collective !

    Je suis étonnée que les anciens de l’immeuble du 23/25 rue du Pressoir n’aient pas mentionné l’existence de cet atelier qui assurément créait de l’animation dans leur secteur. Ne serait-ce que par le va-et-vient des employés et des ouvrières à domicile  qu’il faisait travailler. 

    Mais peut-être n’existait-il plus dans les années 50 ? Lucile 

  • DES ETABLISSEMENTS LEON WEILL AU MAGASIN DE LA MERE FOUILLIS

     

    Josette Farigoul à 6 ans.jpg
    Josette, devant le magasin de jouets, rue des Maronites, en 1953

    En parcourant le récit de Lucile qui nous conte si bien la rue des Maronites, malgré quelques problèmes, que j’espère passagers, j’interromps, un instant, mon silence radio, le billet de Lucile méritant quelques commentaires.

    Rien qu’à la lecture de ce billet, je suis transportée dans le temps, mon imagination débordante m’aide à me retrouver au début des années 50 où avant de remonter la rue des Maronites et de m’engager dans la rue du Pressoir, je vais m’arrêter à l’angle du boulevard de Belleville et m’attarder devant ce magasin de voitures d’enfant décrit par Lucile.
    J’ai un souvenir encore très présent de ce commerce, un magasin de voitures d’enfant mais aussi de jouets. Maintes fois, le nez collé à la vitrine, j'ai regardé, avec envie, les magnifiques poupées bien trop chères pour nous. Du souvenir de ce magasin, il me reste une vieille photo jaunie et abîmée, datant de 1953, où je pose, timide mais fière, les yeux écarquillés, aux côtés du Père Noël.
    Un autre point fort dans le récit de Lucile : l’entreprise aux portes métalliques vert foncé. Cette entreprise se situait, effectivement, un peu plus haut après la boulangerie du coin. Comment oublier les Ets Léon Weill, fabricant de boucles en métal (il me semble pour chaussures, sacs et ceintures). Maman a fait partie, un temps, de ces femmes qui tout en travaillant à leur domicile pouvaient s’occuper de leurs enfants. Si je me rappelle bien, cette entreprise employait pas mal de salariés qui fournissait, en plus, du travail à domicile. Ce travail consistait à accrocher la pointe à la boucle en abaissant une espèce de petite presse, d’un coup sec. Il fallait, malgré tout, un bon coup de main et un sacré rendement pour se faire un petit pécule. J’ai eu la chance ou la malchance d’avoir un père ingénieux qui, un peu pour lui et beaucoup pour moi, fabriqua à l’identique une autre presse, la réplique parfaite de celle prêtée par les Ets Léon Weill. Résultat, un travail à quatre mains : deux fois plus vite et deux fois plus d’argent pour ma mère. De ce fait, nous pouvions, ma mère et moi, ramener ces gros sacs en toile de jute, très lourds, et récupérer, plus rapidement, le fruit de son labeur afin d’améliorer les conditions de notre vie difficile et arrondir les fins de mois.
    Lucile éveille, en moi, un autre souvenir au sujet du magasin qu’elle nomme « la caverne d’un rose délavé » et du personnage à l’image de sa boutique. C’est certain, cette espèce de fée bienveillante ne peut-être que la Mère Fouillis. Tous les enfants de la rue du Pressoir la surnommaient ainsi. On trouvait de tout dans son bric-à-brac mais surtout, je confirme, des bonbons ! À éviter. Inoubliable Mère Fouillis.
    Des souvenirs importants pour moi qui ont marqué ma petite enfance et mon adolescence. Dans chaque récit, il existe toujours un petit quelque chose qui me rappelle un grand quelque chose. Si émouvants, les récits de Lucile ou de Nicole font ressurgir des souvenirs que je croyais à jamais enfouis.
    Dernièrement, en lisant celui de ce bébé fugueur qu’était Nicole, la fin de son récit a de suite fait remonter à la surface une image, celle de ma mère qui comme Nicole adorait la crème de lait.
    Très distinctement, je vois ma mère dans notre cuisine de la rue du Pressoir, devant une casserole de lait en ébullition, attendant que la crème se forme sur le dessus avec, déjà à la main, sa cuillère. Machinalement, comme lorsque j’étais gamine, j’affichais une grimace d’écœurement, supportant très mal de voir Maman manger cette crème à la cuillère.
    Voilà pour les quelques souvenirs, les plus forts, ceux sur la rue des Maronites que j’ai gardés en mémoire. Josette

  • RUE DES MARONITES

     

    La Rue par Balthus.jpg

    La Rue par Balthus

    Jusqu’au grand bouleversement des années 60, la rue du Pressoir prenait sa source dans la rue des Maronites, s’enrichissait au passage d’un petit affluent, le passage Deschamps, et amorçait un large méandre avant de se jeter dans la rue des Couronnes.

    Si donc vous souhaitiez la remonter, il fallait emprunter la rue des Maronites.

    J’ai constaté que plusieurs visiteurs du site y avaient de nombreux souvenirs et je vous propose d’y ajouter les miens.

    Il est possible que mon témoignage ne suive pas fidèlement le cours des années, mais ce que je souhaite c’est raconter « ma » rue des Maronites, telle que tapie au plus profond de ma mémoire. Celle de mon enfance, de mon premier âge, juste avant que l’adolescence ne disperse ailleurs mes centres d’intérêt.

    Dixit Jacques Hillairet, la rue des Maronites a un an de plus que la rue du Pressoir. Elle s’est urbanisée en 1836 sur les traces d’un sentier du XVIIIème siècle.

    Elle démarre boulevard de Belleville, et cela commence très mal pour moi car je n’arrive pas à me souvenir du premier magasin côté pair ! Tout au moins dans les années 40. Après il y eût successivement un marchand de meubles, de voitures d’enfant… En face, une grande boulangerie animait l’angle, suivie d’un immeuble et d’une entreprise dotée de deux larges portes métalliques vert foncé. Suivait un café, avec une grande salle un peu sombre, légèrement en contrebas de la chaussée. Entre deux entrées d’immeubles, un marchand de couleurs (il me semble qu’il n’y a qu’à Paris qu’on parle de marchand de couleurs, ailleurs on dit un droguiste !).

    En face il y eut un temps une pâtisserie très agréable, à côté d’un hôtel à la façade recouverte de carreaux de faïence blanc et bordeaux. Denise, la fille de la maison, allait à l’école avec moi. Des immeubles, puis la cour et les arrières de la Poste de la rue Étienne Dolet.

    Je vais devoir maintenant naviguer de bâbord à tribord, sans souci de la circulation qui ne posait pas vraiment problème. 

    Côté impair, une toute petite boutique offrait aux amateurs l’éventail de la charcuterie auvergnate arrivée directement du pays. Mon oncle et ma tante ne manquaient pas d’y acheter des « gratons » chaque fois qu’ils nous rendaient visite. On y trouvait aussi des frites, et de la morue en beignet que l’on rapportait enveloppée dans de grands papiers blancs tout graisseux.

    On ne la cuisinait pas chez soi, à cause de l’odeur.

    À touche-touche, je revois comme si c’était hier la caverne d’un rose délavé où régnait une espèce de fée bienveillante. Sa porte était toujours ouverte. Quand on entrait, elle apparaissait tout étonnée du fond de je ne sais où, comme si elle venait de se réveiller. Elle arborait une chevelure foisonnante, portait des grandes lunettes, et suçotait constamment quelque chose. Elle vendait tout ce qui pouvait intéresser les enfants : des billes, des petits jouets, des perles, des pochettes-surprises… et des bonbons indéfinissables dont on avait l’impression qu’ils étaient là depuis toujours. La boutique sentait la fraise et la poussière : c’était complètement délicieux.

    Un café/hôtel faisait suite, puis le Primistère, la grande épicerie, à l’angle de la rue du Pressoir. J’aimais bien aller chez « Madame Primistère », retrouver la caisse centrale, le carrelage propre comme un sou neuf et les étagères pleines de jolies boîtes de conserve. J’y allais toute seule, il n’y avait que la rue à traverser « en faisant bien attention » !

    Sur le trottoir d’en face, après la Poste, le mur sans porte d’un atelier de menuiserie ouvert sur la rue Étienne Dolet portait l’inscription « Défense d’afficher, loi du 21 juillet 1881 ». Combien de fois me suis-je répétée cette phrase énigmatique en allant à l’école !

    Pour rentrer à la maison, je passais devant l’épicerie des parents de ma petite amie Lisette. À la réflexion, je me demande aujourd’hui comment vivait cette famille tant il y avait peu de choses à vendre dans le magasin. L’hôtel meublé de Monsieur Castel le séparait de la boucherie du père de mon autre amie, Cécile. J’avais l’impression que Monsieur Castel passait son temps assis à son bureau, et était chargé de surveiller la rue, caché derrière un voilage.

    Il faut que je m’arrête ici un moment car les souvenirs, bons et moins bons, se précipitent.

    J’allais souvent chez Cécile où j’étais toujours bien accueillie. Ses parents, juifs d’origine polonaise, pressentant le pire, évacuèrent leurs trois enfants en zone libre dès qu’ils le purent. Le papa ferma bien sûr la boutique, disparut lui aussi, et la maman garda les lieux, sans sortir, tout le temps de l’occupation. Bien entendu, nul d’entre nous n’était au courant de sa présence et les faits ne nous furent rapportés qu’en 1945. La boutique fut rouverte lorsque revint notre boucher et maman lui fut toujours reconnaissante du beefsteak dont il lui fit cadeau pour régaler mon parrain à son retour de captivité.

    La vie reprit son cours, et je retrouvai chez Cécile les grands plats de gâteaux que confectionnait sa maman, le parfum de la cannelle et des graines de pavot, qui me dépaysaient et me changeaient des tartes aux pommes de la maison ! (J’y pense à chaque fois que je me promène rue des Rosiers, dans le Marais).

    On arrivait ainsi progressivement au cœur de la rue des Maronites : l’embouchure de la rue du Pressoir.

    Arrivée là, j’ai des références ! Le 24, c’était « mon » immeuble et tout tournait autour ! Les habitants m’étaient tous connus, leurs habitudes et, pour certains, leurs appartements. J’y étais chez moi.

    La bonneterie du rez-de-chaussée n’avait pas changé depuis les années 20. Je l’ai connue telle qu’elle figure sur la photo publiée sur le site. Les propriétaires avaient l’âge de ma grand-mère et la longue barbe de Monsieur Tabak était grisonnante, mais la vitrine, les casiers et le grand comptoir de bois dataient de la création du magasin. Le souci de mode n’intervenait pas sur le choix des articles présentés : on vendait du sérieux, du solide, on respectait religieusement le jour du sabbat et les traditions qui y étaient attachées. (Maman m’a souvent raconté que, Léa, l’une des fillettes de la famille qui avait son âge, mourait d’envie de manger du jambon qui lui était interdit et l’interrogeait souvent sur le goût que cela pouvait avoir !)

    Une anecdote au passage : un soir des années 42 ou 43 - je ne me souviens plus exactement - alors que nous venions de nous endormir, grand branle-bas dans l’immeuble. On frappe brutalement à la porte : ma grand-mère va ouvrir, c’était la police qui, sans ménagement, pénètre dans le logement, me fait lever également et commence à fouiller partout. La même opération à chacune des deux portes des quatre étages. Rapidement, tous les hommes de la maison sont « invités » à se regrouper au rez-de-chaussée et on entend courir et parler allemand dans la rue des Maronites. Deux hommes bousculent un peu tout dans les deux pièces et se montrent agressifs en trouvant, dans la table de chevet de ma grand-mère, un nerf de bœuf qu’elle conservait là Dieu seul sait pourquoi car on ne craignait pas spécialement les attaques. Plusieurs voisines se regroupent chez nous et nous attendons avec inquiétude la suite des évènements. Des cris et des bruits de poursuite continuent à nous parvenir. Inutile de préciser que le temps nous a semblé long… jusqu’à ce qu’enfin les hommes soient autorisés à rentrer dans leurs foyers. On devait apprendre plus tard qu’un soldat allemand avait été tué dans un immeuble de notre rue. Sans plus d’explication.

    Naturellement, ma grand-mère rapporte les faits à maman le lendemain matin. À maman qui passe par toutes les couleurs, car elle se souvient  qu’un revolver de son père était caché dans le fond d’une armoire ! Le nerf de bœuf à côté était un jouet d’enfant ! Dans l’heure qui suivit, l’arme dûment dissimulée dans un journal, était discrètement jetée dans un égout du quartier …  

    Le 26 et ses deux étages, collé au 24, permettait la conversation de fenêtre à fenêtre avec Madame Baronnet, la concierge logée au premier. Au rez-de-chaussée, c’était la Cave, où l’on achetait le vin à la tireuse. Trois (ou quatre ?) grandes cuves contenaient le vin de table courant, les bouteilles « du dimanche » trônant à la place d’honneur sur les étagères. Je collectionnais consciencieusement les superbes étiquettes en couleurs dont on me faisait gentiment cadeau quand on n’en avait pas l’usage.

    L’antre du bougnat suivait au 28. J’avais l’impression qu’on y servait à boire au milieu du charbon et des ligots tellement c’était noir. En hiver, le propriétaire, allait livrer à ses clients les sacs de boulets et d’anthracite coincés directement sur son dos. Le pauvre, un sac de jute sur la tête en guise de capuchon ne le protégeait guère de la poussière de charbon, si bien qu’il était aussi noir que sa boutique ! L’été, par contre, un camion lui livrait de la glace et l’on savait qu’on pouvait en trouver chez lui.

    Après, c’était Legrand, le marchand de bois de construction dont le chantier était traversé d’une large allée ouverte qui épousait la dénivellation du terrain jusqu’à la rue Étienne Dolet. Il tenait bien à lui seul l’espace de deux boutiques. On se disait qu’il n’aurait pas fallu que le feu y prenne car tout le quartier aurait flambé. 

    Sur le trottoir d’en face, le café de « Madame Gaston » faisait l’angle de la rue du Pressoir. J’en ai déjà parlé et n’y reviens donc pas. La clientèle était d’habitués, chacun savait y retrouver qui, en fonction de ce qu’il avait à y faire ! On pouvait même y jouer au billard. Moi j’aimais bien Madame Gaston qui a toujours été très aimable avec nous, notamment si, exceptionnellement ou en cas d’urgence, il fallait recevoir ou passer un coup de téléphone.

    Un coiffeur pour hommes précédait l’entrée du 23 dont on voyait souvent la concierge faire la causette sur le pas de la porte. C’était une vieille dame toujours vêtue d’une blouse noire à fleurettes. Elle vivait là depuis longtemps et avait de nombreux souvenirs du quartier de Charonne en commun avec ma grand-mère.

    Au 25 - ou 27 peut-être ? - on était chez Madame Pouzet. J’adorais. On montait trois marches. On  trouvait les journaux, les cahiers, la craie, les crayons à papier et d’ardoise, et les bonbons. Contre une pièce de dix sous on pouvait choisir un lot de friandises dans cinq ou six boîtes différentes : un rouleau de réglisse avec une perle de sucre rouge ou bleu au milieu, plus un roudoudou, plus une minuscule boîte de coco, un sucre d’orge, une sucette ou un bâton de réglisse à mâchonner. La seule difficulté était d’obtenir des parents la pièce de dix sous ! J’aimais bien aussi la petite boîte ronde en métal représentant une tête d’Africain et dont la langue se soulevait pour laisser passer les cachous. Mais ça, c’était plus cher !

    Un autre café ( il n’en manquait pas dans le quartier) et on arrivait à la cour du 29.

    Un porche à passer, et une cour donnant accès aux habitations. Pour moi, la cour du 29, c’était « la Fernande ». Je m’explique : cette dame dont je ne savais rien, était constamment entourée d’enfants d’âges divers qui l’accompagnaient dans ses courses. Elle transportait un cabas proportionné à l’appétit de sa nombreuse famille, et comme elle était aussi large que haute, j’avais l’impression que les sept nains de Blanche-Neige étaient en déplacement.  

    Toujours du côté impair, je me souviens du boucher de cheval, de la cour qui suivait et où justement logeait un équipage de deux énormes chevaux gris, de l’herboriste, du bureau de tabac, de ce que l’on appellerait aujourd’hui la maison de la Presse, et à nouveau d’un bar, à l’angle de la rue Julien Lacroix.

    Longeant « mon » trottoir, après le marchand de bois, un immeuble qui devait être le 34, le café Chez Maurice, puis la boulangerie avant l’école maternelle. Je redoutais en allant chercher le pain de croiser un sale gamin, un grand qui devait bien avoir 12 ans, et qui s’amusait à me terroriser !

    Pendant la guerre, la boulangère était indulgente et fermait les yeux sur les tickets de pain plus ou moins maquillés que mon cousin lui présentait. Elle prenait ses risques, qu’elle en soit encore remerciée ! 

    La courte rue du Liban s’annonçait, avec la boucherie faisant l’angle, et immédiatement après le tournant à droite, l’échoppe du cordonnier. C’était un petit bonhomme, myope comme une taupe, qui connaissait parfaitement son métier et savait tirer le meilleur parti des vieilles paires de chaussures que l’on devait préserver, faute de pouvoir les renouveler. Pour les vêtements et les chaussures aussi, il y avait des tickets.

    Une autre boulangerie formait l’angle de la rue Julien Lacroix. À cette époque le quartier était vivant, tout simplement parce que les nombreux petits commerçants étaient complètement immergés dans les lieux d’habitation et faisaient partie intégrante de notre quotidien, qui était aussi le leur.  

    Voilà. J’ai sûrement oublié beaucoup de choses et je compte bien sur vous autres, nombreux visiteurs du site, pour compléter ou rectifier mes souvenirs.

    Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas vécu directement l’anéantissement de notre îlot du Pressoir et par conséquent, n’ai pas souffert de la séparation obligée d’avec mon milieu d’enfance à l’âge où cela s’est produit pour les natifs des années 45.

    Je dois avouer, qu’arrivée à l’âge adulte, le délabrement des immeubles, l’exiguïté et le manque de confort des logements me pesaient.

    Je continue à penser que l’amélioration des conditions de vie était indispensable pour tous. Reste que l’on ne peut que déplorer la méthode choisie pour la réaliser.

    À bientôt, et cordialement à tous, Lucile

     

  • L'ECOLIER DU BOULEVARD DE BELLEVILLE

     

    Photo de classe 1962-1963 petit format.jpg
    Sur cette photo de classe 1962-1963 prise dans la cour de récréation du 75 Boulevard de Belleville, Maurice Tarlo, au dernier rang, est le cinquième en partant de la gauche

     

    J'ai fréquenté l'école du 75  Boulevard de Belleville en 1962 et en 1963. Nous habitions au 11/13 de la rue du Moulin Joly dans le onzième arrondissement. J'y ai vécu de 1955, année de ma naissance jusqu'en 1964, lorsque nous sommes partis en banlieue parisienne à Garges les Gonesse.

    J'ai 54 ans et je m'appelle Maurice Tarlo.
    Je connaissais bien la rue du Pressoir, de l'autre côté du Boulevardd de Belleville et surtout mes parents la connaissaient très bien.
    Par le plus grand des hasards, j'ai fait connaissance de trois gars qui ont aussi fréquenté cette école à la même période, mais ils n'ont plus de photos de classe, deux d'entres eux étaient même dans la même classe et ont le même âge. Ils sont nés en 1950. Ils se nomment Bernard Pourrez, Daniel Magnaud et Daniel Guilleminot. Et ils se souviennnent qu'ils allaient à l'école rue de La Fontaine au Roy travailler le bois une semaine et le métal la semaine suivante en vue d'un apprentissage de métier manuel.

    Nous nous retrouverons le 27 février 2009 dans le quartier devant la Maison des Métallurgistes, 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris onzième, à midi. Nous déjeunerons ensemble et nous nous raconterons nos souvenirs d'enfance autour d'un bon repas.

    Je reviens de chez mes parents. Mon père est un gosse de ce quartier qu'il a connu dans les années 1940. C'est un amoureux de Belleville, quartier populaire au sens noble. Je me souviens de chanteurs ou chanteuses de rues qui venaient de temps en temps dans la cour du 11/13 rue du Moulin Joly et à la fin de leur chanson, les gens envoyaient des pièces par la fenêtre. On entendait dans les rues " Vitrier... Vitrier...", on voyait passer des rémouleurs. Il y avait une vie, il y avait un tissu social.

    L'épicier de la rue du Moulin Joly, Monsieur Mandonné : Ma mère payait au mois les notes de tranches de jambon, de gruyère rapé. Mon dentiste était au centre de santé des Métallos, il était renommé. Il se nommait  Jean TORCHINSKY.
    A la maison des Métallos, chaque fin d'année à la période de Noël, il y avait "la kermesse du Bol d'air". C'est une association qui a été créée par le PCF et qui avait vocation d'envoyer les enfants en colonie de vacances ou d'élever la jeunesse à la culture.
    Mon père m'a dit que même Guy Lux est venu dans cette salle des Métallos. Des artistes y ont chanté, comme Marcel Amont.
    J'étais petit mais je me souviens du cinéma Le Cocorico ou des films d'Hercule ou Maciste contre le Cyclope ! Je me rappelle des conditions de vie de mes parents dans un logement où il n' y avait pas de WC, pas de salle de bains, pas d'eau chaude, un poêle à charbons.
    Des souvenirs d'enfant de huit ans.
    Votre site est vraiment sympa. Rue du pressoir, j'ai bien connu avant tout l'essor immobillier des années 80. Je me rappelle avoir monté sur les épaules de mon papa les escaliers de la rue Vilin qui étaient interminables. On arrivait en haut et on disait ouf ! Maurice Tarlo

  • LE BEBE FUGUEUR

     

    Pot_de_lait.jpg

     

     

    L'histoire que je vais vous raconter est authentique.
     
    La scène se déroule dans un premier temps rue des Maronites pour se terminer rue du Pressoir.

    Mes parents m'ont raconté cette petite histoire moult fois. L'année dernière encore, mon père ne savait pas, que c'était la dernière fois qu'il se remémorait "l'exploit" du "bébé" fugueur que j'étais! Papa ne rentrait pas tous les jours car il était "mobilisé" à la caserne des pompiers de Paris. Dans un premier temps, à Nativité puis, une fois les classes terminées, à la caserne de Port-Royal.
     
    Comme il est né en 1919, il était très jeune à l'époque. Il a été mobilisé je crois, pendant la période 1939-1945.
    Ma petite escapade  se situe vers le mois de juin 1944, j'avais vingt-huit mois. Ce matin là, maman devait se rendre à l'atelier de couture, de son amie car elle effectuait des travaux de couture avec elle. Quant à moi, bien sage, j'étais avec maman dans la cour, côté atelier.
    Je tirais un petit camion rouge, bien sûr attaché par une cordelette.
     
    Silence! On tourne !
     
    Je ne sais pas par quel hasard, la porte cochère se trouvait grande ouverte ! Peut-être en prévision d'une livraison de boissons destinée au Bar dont l'arrière-boutique donnait sur la grande cour.
     
    Soudain! la liberté s'offrait à moi. Je partais à toute allure ! Vers une destination inconnue ? Pas vraiment. Je courais sur mes petites jambes.
    Au risque de tomber! Le sourire aux lèvres, apparemment très pressée d'après les observateurs, je donnais l'impression d'avoir des ailes.
    Je devais bien être consciente, dans ma petite tête, que j'étais en train d'échapper à la surveillance de Maman.
     
    Je tournais à l'angle de la rue du Pressoir, je continuais, et là, l'objectif était atteint ! J'étais devant la crèmerie chez "Maggi" !
    Pendant ce temps, panique générale, tout le monde me cherchait. J'avais été repérée ! Cernée, les chalands étaient autour de moi afin que Maman puisse me rejoindre.
    J'affectionnais particulièrement ce magasin. Je donnais le pot au lait à la crèmière. Après elle le donnait à Maman car le pot était trop lourd, les bidons paraîssaient énormes... J'adorais cette crème de lait  qui se déposait au-dessus de la casserole. En ce temps là le mot "solidarité" dans notre quartier n'était pas un vain mot. Papa n'était pas natif de ce quartier. Il venait de la rue Laurence Savart, dans le XXème. Nicole Bourg

  • CONVERSATION AVEC LUCILE/1

     

    Marché Ménilmontant.jpg
    Les deux billets de Lucile à propos de la rue du Pressoir et de ses environs nous ont donné envie de la solliciter de nouveau. Lucile nous raconte les commerces qu'elle fréquentait et c'est l'occasion d'une promenade à rebours dans notre quartier tant aimé. Voici le premier volet d'un entretien au long cours.

    Vous habitiez rue des Maronites, un point de vue idéal sur la rue du Pressoir qui comptait de nombreux commerçants. Avez-vous le souvenir de l’épicerie de Madame Gilles ? 

    Lucile : Je n’ai pas fréquenté « l’épicerie de Madame Gilles ». Je la situe très bien, puisqu’elle figure sur votre plan, juste en face de l’impasse, là où la rue du Pressoir amorce l’angle droit qui va la mener vers la rue des Couronnes. Je l’ai même reconnue sur l’une de vos photos, prise à partir du haut de la rue du Pressoir. 

    C’était bien trop loin de mon poste d’observation, et ma grand-mère n’aurait jamais eu l’idée de monter si haut pour y faire ses courses, alors qu’elle disposait du Primistère et de la boîte à oublis que constituait le magasin de Monsieur Terrot où l’on trouvait de tout ! 

    (Une parenthèse, mais qui pour moi a de l’importance : M. et Mme Terrot s’honoreront de n’avoir jamais fait de marché noir durant la guerre.)

    Dans vos billets, vous évoquez de nombreuses enseignes situées rue du Pressoir. En est-il une qui vous a profondément marqué ?

    Lucile : Les courses, on les faisait essentiellement rue de Ménilmontant et boulevard de Belleville, les jours de marché. C’était à la fois une obligation et un plaisir.

    Tous les métiers de bouche étaient réunis entre la place Ménilmontant et la rue Sorbier : boulangers, pâtissiers, bouchers, charcutiers, tripiers, volaillers, poissonniers, marchands de légumes crus et cuits  (mais oui !), épiciers, et même à plusieurs exemplaires. Ce qui offrait un choix considérable. Sans oublier les marchandes de quatre saisons qui occupaient le côté droit en partant du boulevard de Ménilmontant. Je dis bien les « marchandes » de quatre saisons, car ces emplois étaient réservés, et la majorité des voitures étaient tenues par des veuves de guerre (celle de 14) qui avaient obtenu la plaque. Cela gênait peut-être un peu les chauffeurs du 96, mais quelle vie et quel charme elles donnaient au quartier ! Je me souviens, entre autres, dans le bas de la rue, de « la grande Marcelle », jolie femme de belle allure, dont l’étal de fruits et légumes était toujours élégant et les produits de premier choix. Elle avait vite fait de plier un journal pour envelopper votre salade, réservant les sacs de papier aux fruits plus fragiles.

    On y trouvait aussi tous les autres types de commerce : un grainetier, au coin de la rue Delaitre,  un marchand de chaussures, au coin de la rue Victor Letalle, des cafés/bureaux de tabac bien sûr, un grand bazar avant l’épicerie Loiseau-Rousseau, un chemisier et des marchands de vêtements, des marchands de journaux/papeteries, des pharmacies, la mercerie « Au myosotis », juste avant la rue des Amandiers, la grande bijouterie de « La Serpe d’Or » au coin de la même rue, l’Uniprix, des parfumeries, et j’en oublie…, enfin bref tout ce qu’il fallait pour ne pas avoir à descendre dans Paris !  Sans compter les cinémas sur lesquels j’aurais l’occasion de revenir.

    J’appréciais tout particulièrement « l’Italien ». Une grande boutique, à gauche en montant, qui sentait bon jusque dans la rue, et qui vous dépaysait dès l’entrée. La présentation et les produits étaient différents, les salamis et les jambons pendaient au plafond, la mortadelle était énorme, les grands sacs de toile entr’ouverts laissaient apercevoir des farines et graines inconnues et les macarons collés sur de grandes feuilles de papier blanc découpées à la demande ne se trouvaient que chez lui. Le magasin était profond. Un peu mystérieux mais tellement délicieux pour la très petite fille que j’étais à l’aube des années 40 !

    J’ai évoqué le marchand de légumes cuits. Les légumes en question, betteraves, épinards, artichauts, pommes de terre à l’huile, haricots rouges, reposaient en pyramides dans de grands saladiers blancs posés sur un comptoir de marbre. Tout cela donnait directement sur la rue, il n’y avait pas de vitrine fermée. Les pommes de terre grelots étaient vendues, soit crues grattées à la machine, soit frites et déposées bouillantes à l’aide de grandes araignées de métal dans un cornet de papier. 

    Je me suis éloignée de la rue du Pressoir. Tous les commerces m’étaient familiers, même si mes parents ne faisaient qu’y passer. Je les ai déjà évoqués dans un billet précédent Par contre, je ne revois pas l’établissement de Bains-Douches à l’endroit situé sur le plan. Je le croyais plus haut dans la rue. Il faut dire que maman fréquentait plus facilement celui situé boulevard de Belleville, à la hauteur du métro Couronnes, là où le boulevard forme une sorte de petite place.

    Entre chez Terrot, l’épicier, et l‘impasse Célestin, on comptait un « bougnat », café/marchand de charbon auvergnat - qui vendait aussi des ligots pour allumer le feu, (petits fagots de bois taillé en bûchettes et entourés d’un fil de fer ), le comptoir Maggi, et un salon de coiffure.  On m’y a fait couper les cheveux un moment. J’ai gardé le souvenir d’un praticien à la main baladeuse qui avait trouvé le moyen de conserver ma clientèle - ou plutôt celle de mon innocente mère - en me faisant un superbe cran ! Je suis moi-même surprise de constater combien ces menus détails me reviennent.

    boulevard belleville.jpg
     La rue du Pressoir comptait d’étroites perpendiculaires (Passage du Pressoir, Passage Deschamps). Vous arrivait-il de vous y aventurer et quelles images en gardez-vous ?

    Lucile : Je connaissais le passage Deschamps pour une raison très simple. Ma grand-mère donnait son linge à laver à Madame Deschamps qui occupait un petit logement vétuste dans l’une des premières maisons à gauche. Nous allions donc porter le linge sale, avec la liste des pièces confiées, et le récupérer propre la semaine suivante après pointage de la liste et règlement de la somme due. Il y avait chez cette pauvre femme une horloge comtoise qui me faisait oublier le reste. À tort ou à raison, cet endroit me paraissait terriblement sinistre et le débouché du passage sur le boulevard de Belleville non fréquentable!