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belleville - Page 3

  • RECIT DES JOURNEES DU 15 AOÛT AU 18 SEPTEMBRE 1944


    Récit des journées du 15 août au 18 septembre 1944,

    effectué par mon père (1913-2006) qui habitait rue de Picpus 12e

    et ses parents rue des Panoyaux 20e

    Ce récit nous a été communiqué par Gerard Degenne

     

    1925 communion.jpg

    Famille Degenne-Galpin/1925 communion

    La croix rouge désigne le père de Gérard Degenne

     

     

    Mardi 15 août 1944

     

    17 h 30 : nous sommes au square de la rue de Lagny, monsieur M... arrive et nous dit qu'un employé de la Compagnie des eaux vient de lui apprendre que nous allions manquer d'eau par suite de grève. Nous remontons en vitesse faire une provision. Nous redescendons ensuite boire l'apéritif.

    Le débarquement à Marseille nous est connu à 22 h à la même heure un fort orage rafraîchit un peu la température.

     

     

    Mercredi 16 août

     

    Gare de Lyon à pied. Nous sommes une dizaine au bureau. Les trains de banlieue (pas plus que d'autres d'ailleurs) ne viennent pas. Le journal nous apprend l'arrêt complet du gaz pour dimanche prochain au plus tard.

    Ce matin des groupes de résistance en camion ont distribué des cigarettes par paquets, malheureusement je ne me suis pas trouvé sur leur chemin (rue de Picpus - place Daumesnil - Bd Diderot). Paris est un peu surexcité et dans l'attente des évènements, seront-ils graves ou doux ?

    Cette après midi les banlieusards sont arrivés. Le bureau est un peu étoffé et nous allons travailler.

    Nous partons à 18 h 30. Je me couche de bonne heure car j'ai mal à la tête. J'ai bien dormi au point de rien entendre des explosions et les bruits du canon qui paraît-il n'ont pas cessé de la nuit. Ce serait les allemands qui se livreraient à des destructions.

     

     

    Jeudi 17 août


    La fermeture de la poste est officielle. Le courrier n'est plus acheminé.

    La soupe populaire s'organise. Dans les 3 jours il nous faut retirer une carte à la mairie qui donnera droit chaque jour à un plat cuit à prendre chez un commerçant désigné. Maman a été au 20 ème ce matin et a eu ses cartes et la mienne. Espérons que nous n'irons pas longtemps à ce régime.

    Ce matin nous ne sommes encore qu'une dizaine jusqu'à 10 h 30. Quel chahut ! On enferme une petite auxiliaire dans un paravent. Le tout s'écroule et au moment où on déroule le chef de bureau arrive ! Pas d'esclandre, il sourit sans plus.

    À 9 h ton père arrive avec ton vélo et repart aussitôt à la Bastille tenter d'avoir un train. Me revoilà avec mes roulettes, ça va mieux qu'à pied ! Jean a faim ici et veut faire un nouvel essai de départ aujourd'hui ! Je doute qu'il y parvienne si j'étais sur de passer je partirai aussi mais pour d'autres raisons... (prisonnier traqué)

    Nous sommes sans eau depuis ce matin 7 h. Il y avait déjà eu une coupure hier soir mais avait cessé ce matin.

    La gare de Lyon est déserte ! Pas un guichet d'ouvert. Le peu de voyageurs qui se risquent ne doivent pas prendre de billet !

     

     

    Vendredi 18 août

     

    J'ai commencé la journée à 1 h ½ du matin. Il y avait de l'eau je me suis levé renouveler la provision. Je me suis recouché bien sûr jusqu'à 6 h 30.

    Hier, lorsque nous avons quitté le bureau on nous a prévenus qu'il y aurait grève ce matin à 9 h. Je pars à pied ne sachant ce qui va se produire. C'est exact, à 9 h une délégation du syndicat vient nous mettre dehors jusqu'à l'arrivée des américains. Nous viendrons quand même faire un tour lundi.

    Je rentre donc. L'après midi je dors jusqu'à 5 h et je ne sors même pas. Des bruits courent selon lesquels les allemands recherchent les prisonniers je crois que c'est faux mais je prend mes précautions. Depuis 2 jours c'est la grande fuite chez eux. Ils déménagent tout ce qu'ils peuvent. Le soir se sont des explosions et des incendies aux 4 coins de Paris. Ils détruisent et font sauter des dépôts de toute sorte (essence, munitions...) En fin d'après midi c'est Vincennes qui saute paraît-il. De plus, le canon ne cesse de tonner.

     

     

    Samedi 19 août


    Corvée d'eau de 11 h 30 à minuit ! Ce matin au bruit des canons se mêlent des crépitements de mitrailleuses. La libération de Paris est paraît-il pour aujourd'hui. Je vais faire une reconnaissance en vélo Bd Ménilmontant, Père Lachaise, avenue Ph. Auguste, Nation, Bd Voltaire, St Amboise et remonté. J'ai encore vu des chars et camions allemands mais j'ai surtout vu le drapeau français sur la mairie du 11 ème. Il flotte sur toutes les mairies et sur l'hôtel de ville. Les postes de police rouvrent leurs portes et les agents doivent cesser la grève aujourd'hui à 11 h 30. Grande effervescence, les drapeaux sortent, les « résistants » se promènent avec le brassard tricolore.

    11 h 30, Il y a des bagarres. Les coups de feu se succèdent. Les boutiques ferment. Papa qui était chez K..., revient à 15 h. C'est la fin de l'occupation de la capitale, les américains seront sans doute là demain. Maman fabrique un drapeau tout en velours. Il y a 2 drapeaux, un pour chaque fenêtre. J'ai fait les bâtons avec des pointes en haut toutes dorées (j'ai trouvé du zinc et de la dorure chez sac à puces). Il n'y a plus qu'à attendre pour les sortir. Ceux qui flottaient déjà sont rentrés, c'était encore trop tôt tous les allemands ne sont pas partis. Ce sera peut-être pour demain.

    Nous nous sommes quand même risqués à sortir. La place de la mairie du 20 ème est gardée par des « résistants » on a croisé une voiture de la résistance avec un homme armé d'une mitraillette prête à tirer. Les gens sont sur leur garde et on les sent fin prêt... à fiche le camp à la 1ère escarmouche. Je suis de ceux là mais j'ai l'excuse de ne jamais avoir été brave pour ces genres d'opérations alors que beaucoup !...

    Notre promenade a duré une bonne heure malgré notre soif nous n'avons rien trouvé de bien à boire. Nous nous sommes contentés d'un verre d'eau en rentrant.

    Le canon, la mitrailleuse, la grenade,  les explosions, les incendies, la fumée tout çà c'est Paris d'aujourd'hui. Que sera t'il demain ? Les américains seront ils là ? Il est 21 h. Dans 1 h ou 1 h ½ peut être aurons-nous du courant et de la radio. Elle nous apprendra pas grand chose comme à l'habitude. Je me demande ce que vous savez de la situation à Paris. Beaucoup de bobards sans doute et pas pour vous rassurer.

    Les murs sont tapissés d'affiches de toutes sortes « Appels à la population » « Avis », invitation à pavoiser, etc...

     

     

    Dimanche 20 août


    Les américains ne sont toujours pas là ! La dissidence par contre le montre. On ne voit qu'elle en superbes voitures. La grande majorité ce sont des gamins qui ne sont pas même armés et qui pensent surtout à plastronner. Leur principal souci est de mettre en vente les stocks de marchandises qu'ils dénichent chez les commerçants sans se préoccuper de ce que réserve l'avenir pour le ravitaillement de Paris. C'est ainsi que la rue de Ménilmontant est noire de monde avec des queues interminables chez certains commerçants qui veulent du beurre, des pâtes, sans ticket. Avec papa nous descendons pour essayer d'avoir du vin. Il est 10 h ½, la boutique n'ouvrira qu'a 15 h il a déjà 150 personnes ! nous n'insistons pas. Nous n'aurons rien d'autre non plus car nous ne voulons pas nous faire bousculer dans ces cohues. Nous n'avons pas non plus l'intention de passer toute la journée dans la rue pour guetter les occasions. Toute la journée des mitraillages se font entendre. La mairie du 20 ème dans laquelle se tenaient des dissidents est attaquée par les allemands. 4 obus à bout portant dans le 1er étage : 4 morts, 15 blessées. Le 12 ème a particulièrement souffert paraît-il, dans les alentours de la gare de Lyon. Les bobards circulent toujours : les allemands sont désarmés par la dissidence. Les alliés seront là dans quelques heures.

    Nous ne sortons pas de la journée.

    Les affiches se multiplient, ce sont maintenant des avis de trahison avec noms et adresses des intéressés collés à proximité de leurs domiciles. Ils sont imprimés sur cartes de faire part de deuil !

    A 9 h ½, las d'attendre, nous nous couchons.


    Lundi 21 août

     

    Nuit calme. A l'heure habituelle je pars en vélo persuadé de ne plus voir un seul allemand et pensant reprendre le travail. Déception, en arrivant à la gare de Lyon je trouve une barricade gardée par les boches mitraillette au point. La gare est déserte. J'ai compris, je fais demi tour et je rentre. J'ai pu voir sur les immeubles en face de la gare les traces des bagarres de la veille. Je ne sors plus. Je passe une partie de l'après midi à classer mes photos et à numéroter les clichés ce qui en avait besoin. Papa est en congé mais travaille chez K.... Il rentre à 4 h car « paraît-il » les allemands se replient et doivent traverser Paris. A 5 h nous allons faire le tour des 4 rues et ne constatons rien d'anormal. Encore un bobard sans doute !

    Devant les boulangeries se sont des queues interminables. A 6 h du matin les gens y sont déjà à 8 h ils sont tout juste servis. Ce matin je suis allé rue Oberkampf et j 'ai déniché une boulangerie bien pourvue sans queue ou presque. J'ai eu un pain en 10 minutes. Je suis remonté, maman est revenue chez ce boulanger avec moi et nous avons eu 2 autres pains sans plus de temps. Nous voilà tranquilles pour 2 jours.

    Les tickets lettres ne valent que 150 gr la ration diminue donc, il va falloir veiller à notre consommation. (Décision du comité de résistance ? Ça promet !)

    Les gens s'énervent après ces américains qui avancent toujours et qu'on ne voit jamais. Les drapeaux attendent. Des affiches nous prescrivent de pavoiser aux couleurs françaises, anglaises, américaines et soviétiques. Beaucoup, comme nous se contenteront du français. Maman se désole parce qu'il pleut. S'il faut pavoiser de ce temps là, les drapeaux vont déteindre ! Il est vrai que si çà continue le soleil a le temps de se montrer ou la nouvelle lune d'améliorer le ciel.

    Une fois de plus reportons nos espoirs à demain.

    Le canon tonne au loin.

    La corvée d'eau se fait toujours la nuit, soit par moi, soit par maman.

     

     

    Mardi 22 août


    Nuit toujours calme, toujours pas d'américains, toujours des boches, toujours grève des chemins de fer. Autrement dit rien n'a changé.

    Je suis passé à la gare de Lyon puis rue de Picpus et je suis rentré. M et Mme S.... m'ont dit qu'il y avait eu bagarres place Daumesnil et mitraillage d'un garage rue de Picpus. Il ne sont pas trop rassurés. Des locataires d'en face chez nous seraient blessés.

    Cette après midi, avec la collection de photos que j ' ai prise chez nous ce matin, j'ai fait comme hier. Pour passer le temps j'ai aussi entrepris la lecture des Misérables. (c'est de circonstance) Je commence à croire que les américains veulent me laisser le temps de les finir (J'en ai au moins pour 2 mois !)

    Les journaux ont réapparus ce matin mais nouvelle formule c'est à dire l'Humanité, le Populaire, Le soir, et quelques nouveaux de même tendance (on prend les mêmes et on recommence !)

    J'ai oublié de signaler un fait très important. Papa a descendu à la cave samedi dernier une bonne bouteille de vin blanc pour qu 'elle soit bien fraîche le jour où nous arroserons l'entrée des américains. S'ils vont si vite nous serons obligés d'acheter de la glace, son séjour à la cave sera trop court...

    De temps en temps nous entendons encore le canon mais plus rarement.

    Le ciel s'est remis au beau, dommage que nous ne puissions pas sortir les drapeaux. Les armées allemandes en retraite n'ont encore pas traversé Paris.

    Contrairement a ce qui avait été dit, la police est toujours en grève. Les agents, en civil, occupent les postes à titre de dissidents.

    18 h 15 : C'est la bagarre au loin.

     

     

    Mercredi 23 août

     

    La nuit n'a pas été calme. Le canon n'a pas cessé et d'une façon toute particulière contraire à d'habitude. A Chaque départ l'air était littéralement brassé. Les portes, les fenêtres, les volets, tout vibrait, tout dansait. On aurait cru un camion à bandages pleins roulant sur le pavé, les effets auraient été les mêmes. Les gens, fort intrigués, s'interpellaient aux fenêtres et dans la rue. Chacun donnant son avis dont aucun ne fut contrôlé (canons de marine, grosses pièces, V.1, etc...) Rares sont ceux qui n'ont rien entendu mais papa fut de ceux là !

    La grève continue. J'ai encore fait le voyage de la gare de Lyon ce matin mais ce sera la dernière fois ; j 'ai décidé d'attendre l'entrée des américains pour y retourner.

    A Paris les heures sont de plus en plus bruyantes et pathétiques. Les barricades de 1871 reviennent de mode, elles s 'élèvent dans tous les quartiers, à tous les carrefours, dans chaque bout de rue. On utilise tout ce qui tombe sous la main. En premier lieu les sacs de sable de la DP (bon débarras) des arbres coupés (c'est plus triste) les pavés des rues, des vieux véhicules, des lits, des sommiers, etc...

    Bien peu ont servi et fort heureusement d'ailleurs. Cependant toute l'après midi le canon, les mitrailleuses, les fusils se sont fait entendre. Mais c'est le soir à 10 h que c'est le bouquet. L'orage s'en mêle ; le ciel était en feu. Maman et moi nous nous mettons à la fenêtre pour satisfaire notre perpétuelle curiosité mais au même instant 3 balles traceuses de mitrailleuse piquent droit sur nous par-dessus la maison d'en face et nous sifflent aux oreilles. Nous nous empressons de fermer les volets de fer . Le reste de la nuit fut calme.

     

     

    Jeudi 24 août


    Ce matin je ne suis pas allé à la gare. Les américains ne sont toujours pas là. Dans la matinée rien à signaler. L'après midi nous décidons d'aller voit Simone. Papa, maman et moi nous voici partis. Jusqu'à la rue de la Plaine tout va bien. Nous admirons les barricades au passage. Pendant que nous sommes chez Simone la fusillade éclate. C'est paraît-il sur le boulevard, du Père Lachaise à la Nation. Ça donne tant que çà peu aussi nous décidons de partir à 5 h pour trouver le cimetière encore ouvert et le traverser. Ainsi fut fait et nous rentrons sans incident. Au passage rue Sorbier, rue de Ménilmontant nous voyons à la gare de ceinture 2 trains allemands arrêtés et attaqués par les FFI qui ont fait 31 prisonniers (10 avaient été faits à une autre sortie) plus un nombreux butin.

    La soirée ne fut pas gaie. Les allemands tenaient encore la place de la République d'où ils bombardaient et mitraillaient toutes les avenues et rues y aboutissant.

    A 9 h ½ nous voici couché. A 10 h ¼ lumière. Aussitôt je met la radio anglaise qui nous annonce que l 'armée Leclerc est rentrée à Paris. Nous jetons les hauts cris car nous savons que personne n'est encore rentré. Mais à peine avons nous le temps de nous indigner que les cloches sonnent à toute volée. Il est 22 h 30, c'est le signal de l'entrée de l'armée alliée. Alors dans la rue les cris, les bravos, les applaudissements éclatent. Beaucoup sortent des maisons pour aller je ne sais où. C'est un brouhaha indescriptible. Il faut reconnaître que ces cloches ont quelque chose de grandiose qui émeut et qui fait sentir qu'il y a encore du patriotisme dans les cœurs. Malgré cela je m'attendais à du délire mais il n'en fut rien et c'est tout juste si quelque jeunesse a tenté de faire résonner la Marseillaise.

    N'ayant plus rien à faire nous nous couchons.

     

     

    Vendredi 25 août


    Nuit calme. Les américains étant enfin entrés, je vais à la gare de Lyon, mais rien de changé, le travail ne reprend pas. Je vais chez nous et je peux admirer les barricades qui gardaient notre quartier. Toutes les rues ou avenues aboutissant à la place Daumesnil ont la leur mais les arbres en ont souffert car beaucoup ont été abattu pour la circonstance. Je regrette de ne pas avoir mon appareil photos !

    Après déjeuner nous partons cependant faire un tour. Rue Oberkampf nous rencontrons 2 américains qui sont bien entourés, applaudis et que les femmes ne manquent pas d'embrasser (disons en passant que beaucoup de jeunes femmes se sont déjà casées !... mais avec les américains c 'est paraît-il normal !) nous croisons Marcelle qui nous accompagne. On nous dit que les allemands se sont rendus (c'est exact) et que la République est accessible. Nous nous dirigeons de ce côté. Avenue Parmentier au commissariat il y a présentation de « vedettes » 2 femmes tondues. L'une a fait fusiller une famille française (c'est une italienne) l'autre femme de prisonnier, a couché avec les boches. La foule siffle et injurie. Dans tous les quartiers c'est ainsi. Les femmes ayant fréquenté les boches sont tondues, certaines ont la croix gammée peinte sur la figure, et promenées pieds nus. Ce n'est d'ailleurs pas très joli comme spectacle.

    Nous voici place de la République. Un monde fou, beaucoup de voitures des FFI, des ambulances, des camions. Nous voulons faire le tour mais arrivés un peu avant la toile d'avion des coups de feu sont tirés. C'est la ruée vers les maisons. Nous trouvant devant une porte nous rentrons et, poussés par ceux qui suivent et qui veulent aussi se mettre à l'abri, nous montons dans les étages. Çà tiraille un bon moment. Enfin peut être 45 minutes après nous risquons un œil dehors, puis deux et nous tentons une sortie. Elle réussit et par un chemin détourné nous regagnons notre 20 ème tout de même plus tranquille.

    Il ne fait pas bon se mettre dans les foules. Il y a encore beaucoup de fanatiques, miliciens ou autres et même des femmes, qui tirent des fenêtres ou des toits.

    L'électricité nous est donnée de bonne heure pour nous permettre d'écouter la radio et particulièrement le poste français qui émet de Paris. C'est déjà une amélioration.

    Le ravitaillement semble vouloir s'améliorer. Nous avons eu des pâtes, nous aurons 150 gr de viande cette semaine, on nous promet des confitures, des biscuits. Il est même question de 250 gr de viande la semaine prochaine et suppression de la carte de boucherie pour le mois prochain (mais rien d'officiel).

    Cependant nous N'avons pas attendu après tout cela pour fêter la libération maman a fait un bon repas avec les moyens du bord : sardines à l'huile, thon à l'huile, pommes de terre à l'huile (huile lesieur) pâtes (blanche d'avant guerre) confitures, vin, café (du vrai) calvados. Nous n'avions plus faim !

    La soirée est calme. Nous nous couchons à 11 h. 


    Samedi 26 août


    Nuit calme. La gare de Lyon est toujours déserte je me dirige donc rue de Picpus. Mais en passant devant le jardin des plantes ou je vois l'armée Leclerc et quelques chars américains qui stationnent, un américain fait goûter du fromage, des biscuits, du chewing-gum ; ce sont toujours les femmes (naturellement) qui en profitent mais il leur faut payer. Cet américain leur demande les boucles d'oreilles fantaisies qu'elles portent. Elle ne peuvent faire autrement que de s'exécuter. Après avoir garni ses propres oreilles, il met les autres dans sa poche comme souvenir !

    Je reviens par la Nation où j'assiste au défilé des troupes américaines qui se dirigent sur Vincennes. Une colonne emprunte la rue de Picpus du boulevard Diderot à l'avenue St Mandé. Ils ont un matériel superbe. Inutile de dire les acclamations qui les saluent.

    Après déjeuner avec maman et papa je retourne au jardin des plantes. Il y avait défilé des troupes avec De Gaulle en tête sur les Champs Elysées mais nous n'avons pas voulu nous mettre dans cette foule. Nous avons bien fait car il y a encore eu du mitraillage sur tout le parcours.

    Les rues sont constamment sillonnées par les FFI, les américains et la police armée et malgré çà les coups de feu crépitent toujours. Ce sera ainsi pendant quelques jours.

    Les arrestations de collaborateurs se poursuivent mais souvent avec un peu de légèreté c'est ainsi que rue des Panoyaux en face chez nous, ils sont venus chercher 2 hommes accusés d'avoir tiré de leur fenêtre. Ils ont été relâchés aussitôt. Ce sont les FFI qui se chargent de ces opérations, la plupart des gamins se donnant beaucoup d'importance avec le fusil ou le revolver qu'ils ont dans les mains mais n'ayant pas 2 sous de réflexion.

    Il serait temps que l'ordre soit rétabli, ces hommes désarmés ou enrégimentés et que le travail reprenne car tout çà tourne à la pagaille !

     

     

    Dimanche 29 août


    Quelle nuit ! A 23 h les pièces de DCA américaines entrent en action et les bombes tombent avant que l'alerte soit donnée (rien de changé) nous ne sommes pas habitués à ces nouvelles pièces puisque c'est la 1 ère fois que nous les entendons. Tout est secoué dans un vacarme assourdissant. Les avions survolent très bas. Les gens ont peur et descendent aux abris (maman et moi nous nous tenons prêt mais ne bougeons pas) à la fin de l'alerte (0 h 15) la nuit est violemment éclairée par les incendies, particulièrement à la halle au vins (à coté du jardin des plantes) ; à 4 h seconde alerte plus courte mais avec bombardement aussi.

    Points atteints : hôpital Bichat, hôpital Tenon, halle aux vins, quai de Bercy, gare d'Austerlitz (marchandises) Ivry. Beaucoup de dégâts mais pas de victimes.

    Pendant ces alertes des coups de feu claquaient encore un peu partout et çà continue.

    Dans la maison , rue des Panoyaux, les FFI sont venus cette nuit arrêter un milicien. Il n'était pas là (naturellement) ils ont emmené sa femme.

    Le travail reprend demain dans toutes les administrations et usines mais les syndicats demandent la révision des salaires (40%). Pour ce qui concerne les cheminots sans doute allons nous faire moins d'heures car les lois sur le travail depuis 1940 sont abolies.

    La poste reprend aussi. Malheureusement je ne crois pas que le courrier sera acheminé vers la Creuse car il y a encore des éléments allemands entre nous deux ; mais espérons que çà ne durera pas .

    Les journaux nous promettent de bonnes choses que doivent nous apporter les avions américains : de la farine, de la viande, des matières grasses et.. du chocolat !

    Les drapeaux flottent toujours aux fenêtres mais je pense que ce sera le dernier jour tout le monde est content car le temps est resté au beau et ils n'ont pas eu une goutte d'eau.

     

     

    Lundi 28 août

     

    Nuit calme. Seulement quelques coups de feu de l'armée des toits comme sont appelés tous ces miliciens ou autres qui tirent encore.

    J'ai repris le travail ce matin à l'heure habituelle. Nous n'étions que des Parisiens. Les trains de banlieue ne sont pas encore rétablis mais cependant il en est prévu un pour cet après midi ; il ne sera sûrement pas là de bonne heure.

    Toute la matinée s'est passée en conciliabules chacun ayant sa petite histoire à raconter. C'est ainsi que j'ai appris que le château de Vincennes a en partie sauté, que des éléments boches tenaient encore au fort de Champigny ainsi qu'à Fontenay-sous-Bois. Dans la nuit de l'alerte non seulement nous avons subi le bombardement par l'aviation mais aussi par l'artillerie entre 2 h et 5 h du matin il arrivait 3 obus par 3 quarts d'heure ! Il en est tombé à la Nation, rue de Lagny et en banlieue : Créteil, Alforville, Maison Alfort .

    Le quartier de la gare de Lyon a eu de nombreuses victimes. Dans le métro, au coin de chaque rue dans la rue de Lyon et sur l'avenue Daumesnil des écriteaux rappellent qu'ici 2 français ont été assassinés, 4 là, 3 ailleurs, un allemand complètement déchaîné a abattu à lui seul 27 français, tous non combattants.

    « Enfin » nous voilà débarrassés il reste à souhaiter que la paix ne tarde plus. Pour la reprise ferroviaire ce sera assez long car tous les ponts ont sautés. Pourvu que les lettres passent vite ce sera encore le principal.

    Cette semaine 250 gr de viande, 2 tickets sont validés pour 250 gr de pain ainsi qu'un ticket pour 250 gr de biscuits.

     

     

    Mardi 29 août

     

    Alerte d'une bonne heure cette nuit mais pas de bombardement. Rien de nouveau au bureau. Le travail reprend petit à petit mais il n'est encore pas prévu de train en dehors de celui qui circule strictement pour le personnel. Les troupes américaines affluent chaque jour. Je viens de voir un convoi de ravitaillement anglais nous apportant des vivres et surtout de la farine. Ils sont bien venus et acclamés. On nous promet davantage de pain pour septembre, amélioration aussi de la ration de tabac !...

    Ce matin en l'église Saint Antoine, boulevard Ledru-Rollin, a eu lieu un service solennel à la mémoire des nombreux hommes assassinés par les boches dans le 12 ème. J'ai assisté avec presque tous les collègues. Il y avait des couronnes et gerbes superbes qui ont été déposées sur les lieux d'exécution (une dizaine) on compte une centaine de victimes.

    L'armée des toits tire toujours. Il ont été très actifs cette nuit dans le quartier de Ménilmontant aussi la nuit prochaine des FFI viennent prendre la garde dans le logement de sac à puces pour essayer d'en repérer.

    A la SNCF l'épuration se poursuit, tous ceux ayant appartenu à un groupement (PPF - RNP - LVF - Milice etc...) seront renvoyés. Monsieur Pelletier, qui a milité dans l'un de ces partis, s'est fait paraît-il gifler par un collègue. Sans doute va t-il faire l'objet de sanctions.

     

     

    Mercredi 30 août

     

    Nuit calme et sans alerte. Journée sans histoire. Les alliés vont toujours bon train. Il fait un temps épouvantable qui nous a ramené la fraîcheur ce qui me rend plus impatient de vous voir revenir à Paris où nous aurons peut-être moins froid. 

    Au bureau, peu de travail, tous les soirs je quitte à 6 h ½ car la banlieue prend le train à 18 h 36 et habitant loin de la gare de Lyon mon chef m'a assimilé aux banlieusards. Le soir je suis couché de bonne heure, 9 h ½ au plus tard car nous n'avons toujours pas d'électricité et lorsqu'il fait nuit ne sachant quoi faire on est aussi bien au lit.

    Le ravitaillement en eau s'effectue toujours la nuit !

     

     

    Vendredi 1er Septembre

     

    Nuit calme. Journée sans histoire.

    Chaque matin je recherche sur le journal s'il n'est pas question du Centre. Vous n'êtes toujours pas libérés et je deviens terriblement inquiet. Puisqu'on ne cause pas de la région c'est qu'il n'y a pas de combat mais j'ai tellement peur de la sauvagerie boche. Quand donc serez-vous aussi débarrassés et pourrons nous correspondre.

     

     

    Samedi 2 Septembre


    Toujours calme complet dans la nuit. Cependant des V.1 sont tombés dans la banlieue nord sans trop de victimes.

     

     

    Dimanche 3 Septembre


    Bonne nuit. Tous les soirs ici de 9 h à 9 h ½ les canons américains donnent à titre d'essai. Ce n'est rien de grave.

     

     

    Lundi 4 Septembre

     

    Bonne affaire chez nous, l'eau est revenue, quel soulagement. On nous promet 1 h de gaz à partir de jeudi. La situation s'améliore peu à peu. Mais il y toujours des queues interminables aux boulangeries, pas de légumes sur le marché. Nous avons de la viande (250 gr par semaine) mais c'est tout. Toujours pas de nouvelle sur la Creuse. Les alliés sont en Belgique et sur les frontières Allemandes, la paix n'est pas loin (4 à 5 semaines peut être)

     

     

    Dimanche 10 Septembre


    Tous les jours sont semblables et sans évènements aussi je ferai maintenant une petite revue de la semaine chaque lundi sauf s'il se présente quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Voici donc pour le semaine écoulée.

     

    Situation militaire - Les alliés marquent un temps d'arrêt avant d'aborder l'Allemagne après avoir traversé la Belgique, pris Bruxelles et Anvers. Toujours pas de nouvelles du Centre. Les informations des journaux et de la radio ne nous permettent pas de nous faire une idée exacte de la position des boches dans le secteur. On nous dit que les îlots de résistances se situent dans un triangle Tours, Orléans, Vierzon, cela veut dire qu'il n'y en a plus au sud ! Je ne le pense pas.

    Pas d'alerte, toutes les nuits calmes. A signaler cependant un V.1 à Maison Alfort vendredi dernier à 11 h ½ le matin (4 morts, 20 blessés)

     

    Ravitaillement - 250 gr de viande se décomposant comme suit : 150 gr de viande de boucherie et 100 gr de conserve de viande (du singe !) Ce singe a d'ailleurs un grand succès parmi la population.

    250 gr de pâtes - 250 gr de confiture - 250 gr de haricots secs - 50 gr de beurre - 1 litre de boisson à base de vin titrant 9°.

    Gaz : 1 h par jour depuis jeudi.

    Electricité : ½ heure par jour de 9 h 45 à 10 h 15, c'est un peu juste surtout que le matin il fait encore nuit lorsqu'on se lève. Pour se raser il faut s'y prendre la veille au soir ou bien attendre le jour le matin à 7 h 30. C'est cette dernière solution que j'ai adoptée car personne ne se presse pour arriver au bureau la banlieue n'étant pas là avant 8 h ½ nous, les parisiens, nous prenons aussi notre temps. Pour la même raison nous quittons le soir à 6 h ½.

     

    Communications - 4 trains de banlieue par jour chez nous. Rien sur la Bastille et ton père fait toujours le trajet à vélo. Le métro reprend demain sur 11 lignes notamment les 1 et 2 (Vincennes, Maillot et Nation, Dauphine). Je continuerai quand même à utiliser le vélo c'est plus rapide.

     

    Poste - Service repris pour la Seine et partiellement avec les grandes villes de provinces libérées ce qui laisse un petit espoir pour nous dès que vous serez libres.

     

    Lundi 18 Septembre

     

    Situation militaire - Les alliés sont en Allemagne, L'assaut semble imminent. Du centre de la France il n'est plus question de sorte qu'on ne sait pas exactement ce qui s'y passe. Sans doute ne reste-t-il que quelques éléments disséminés et je ne pense pas qu'ils soient tellement au sud pour vous mettre en danger. Ici toujours grand calme, il paraît même que les rues vont reprendre leur éclairage normal c'est dire que les alertes ne sont plus guère à craindre.

     

    Ravitaillement - Toujours 250 gr de viande pour la semaine (150 gr de viande fraîche, 100 gr de viande de conserve - ce fut du porc cette semaine et très bon) 100 gr de bonne charcuterie, 50 gr de beurre, des confitures, des pâtes, des pommes de terre (2 fois 2 kg) toujours notable amélioration.

    Gaz : même régime.

    Electricité : A compter de ce soir nous aurons le courant de 22 h à 7 h du matin.

     

    Communications - Pas d'amélioration sauf sur la Bastille où 3 trains par jour permettent à ton père de lâcher le vélo. Mais rien pour les grandes lignes et les journaux ne laissent rien prévoir avant un bon mois.

     

    Poste - Toujours rien pour les départements.

     

     

     

     

  • GERARD DEGENNE TEMOIGNE


    Longtemps Ménilmontant ne fut qu'un hameau dépendant de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Belleville.Sous la Restauration, la population avait beaucoup augmenté et l'église de Belleville était devenue trop petite. On construisit donc une petite chapelle, pour dire la messe dominicale. En 1847 Ménilmontant fut érigé en paroisse, qui prit le nom de Notre-Dame de la Croix, en souvenir de l'oratoire que les religieux de Sainte-Croix de la Brotonnerie possédaient ici, avant la Révolution. Après l'annexion, Haussmann sollicité par des pétitions résolut de faire construire une grande église. L'architecte Héret en fut chargé. Il bâtit son monument dans l'axe de la pente, s'obligeant ainsi à réacheter la dénivelée par un gigantesque perron de 84 marches. Il  pasticha le style roman, mais utilisa des éléments métalliques en particulier pour les arcs doubleaux et les ervures des voûtes. Pour finir, il posa dessus un clocher de 78 mètres de hauteur.
    L'église fut livrée au culte en 1869, encore inachevée. Le 17 avril 1871 les Gardes nationaux en prirent possession pour y tenir leurs réunions. Elle fut ensuite transformée en entrepôt.
    (Vie et histoire du XXe - Editions Hervas)
     
     
    Voici une photo de 1957 sur le perron, mardi-gras organisé par la paroisse.(X moi-même, et peut-être que d'autres se reconnaitront ?)
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    Notre-Dame-de-la-Croix, 1957 

    Photo, prise toujours en 1957 en bas de la rue des Panoyaux, à droite en sortant de l'école communale, avec dans le fond le Boulevard de Ménilmontant
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    Rue des Panoyaux, 1957

     

  • RUE DE TOURTILLE

     

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    La rue de Tourtille, ouverte depuis 1730, a pris le nom d'un propriétaire de ce temps, Tourtille-Sangrain, qui avait obtenu, en 1769, avec son associé, Bourgeois de Château-Blanc, l'inventeur des réverbères, l'éclairage de Paris durant vingt ans. 

    La rue de Tourtille coupe la rue Ramponeau formée, en 1867, par la réunion de la rue de l'Orillon et de l'impasse de Tourtille (ou des Carrières) s'étendant au-delà de la rue de Tourtille jusqu'aux carrières situées au bas de la rue Piat.

  • LES ENFANTS DE BELLEVILLE

     

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    Ce sont les enfants de la rue, les môminards de Belleville. Ils appartiennent à un décor aujourd'hui disparu, celui d'un village au coeur de la ville mais un village où la pauvreté ne fait aucun doute.

     

     

  • LE MARCHE BOULEVARD DE MENILMONTANT

     

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    Un biplan vole dans le ciel, au-dessus du marché. Nous y allions, avec mon père, au rythme de la flânerie. C'était à la fin des années 1950.

     

  • BOULEVARD DE BELLEVILLE

     

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    Le boulevard de Belleville au début du XXème siècle. Ces badauds qui ne craignent pas le passage des voitures se souviennent-ils du Boeuf Rouge, du Coq Hardi, du Sauvage, de L'Epée de Bois, du Galant Jardinier, de La Carotte Filandreuse, guinguettes où le vin ne tarissait jamais ?

     

  • AVIS A LA POPULASSE

     

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  • CRITERIUM BOULEVARD DE MENILMONTANT

     

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    Le boulevard de Ménilmontant parcouru par les bicyclistes à l'occasion du Critérium des porteurs de journaux.

     

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  • RUE DES PANOYAUX

     

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    En 1812, la rue des Panoyaux est un sentier traversant un vignoble dit le "Pas noyaux". Ses raisins étaient sans pépins. Transformé en rue, en 1837, ce sentier fut ainsi prolongé jusqu'à la rue des Plâtrières. Selon, Jacques Hillairet, le prolongement s'est appelé la rue Chaudron jusqu'en 1868.

    Voici une vue de la rue des Panoyaux, en 1945.

    Mais qui se souvient de ce passage et de son nom ?

  • LUCILE FLECHE SE SOUVIENT

     

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    36 Cours de Vincennes

     

     

    Dans quelles années êtes-vous né ?

    Lucile : Je suis née en 1935, à Paris, dans le 12ème arrondissement. Plus précisément 36 cours de Vincennes, là où maman nous a mis au monde, moi et mon frère trois ans plus tard. La clinique n'existe plus depuis bien longtemps, mais l'immeuble a conservé sa jolie porte "arts déco" et c'est pourquoi je donne ces détails ! Je vous joins une photo en annexe pour illustrer mon propos. 

    Quelle est la rue de vos premiers pas dans le vingtième arrondissement ?

    Lucile : Vraisemblablement la rue des Maronites, puisque c'est au 24, juste en face de la rue du Pressoir, qu'habitaient ma grand-mère, puis mes parents dès leur mariage.

    Quel est votre plus lointain souvenir de Belleville-Ménilmontant ?

    Lucile : Mon plus lointain souvenir remonte à mes toutes premières années, lorsque ma grand-mère me hissait sur le rebord de fenêtre de son troisième étage pour que je puisse voir les chèvres du marchand de lait et fromages qui s'annonçait à coups de trompette. Comme elle est descendue vivre au premier étage en 1938, je peux situer aisément cette scène dans le temps.  

    Quelles sont les images (façades d'immeubles, commerces, manèges, que sais-je ?) qui vous reviennent le plus souvent lorsque votre enfance vient vous chatouiller la mémoire ?

    Lucile : Depuis que j'ai fait connaissance avec votre site, ma mémoire est souvent "chatouillée" !  En période d'insomnies, je revois chacune des maisons de la rue des Maronites, nos commerçants de la rue du Pressoir, les marchandes de quatre saisons de la rue de Ménilmontant, le 96 qui remontait la pente.  J'entends encore le cliquetis de la machine à distribuer les tickets et le signal du départ donné par le machiniste dès qu'il avait replacé la chaîne de la plateforme arrière. Tant d'autres choses encore : le boulevard et la rue de Belleville, le faubourg du Temple, le canal et La Grisette... Bref, je n'ai pas oublié grand chose je crois. 

    Qu'est-ce qui a amené vos parents à s'installer dans le vingtième arrondissement ?

    Lucile : A vrai dire, je ne sais pas pourquoi mes grands parents maternels avaient quitté la rue Saint-Blaise et le quartier de Charonne pour s'installer à Ménilmontant. Ils étaient tous deux parisiens, de condition modeste, et n'auraient jamais, je pense, envisagé de s'exiler dans le 16ème !Quant à mes parents, ils se plaisaient dans leur quartier, même si Papa était né, lui, dans le 17ème.

    Que faisaient vos parents (métiers et loisirs) ?

    Lucile : Papa était ajusteur et maman secrétaire-comptable. Comme je vous l'ai déjà raconté, dès les premiers beaux jours, et a fortiori pendant les vacances, ils prenaient la clé des champs, et nous avec eux ! L'hiver, en dehors de la mécanique automobile et du bricolage pour Papa, le cinéma était la principale distraction familiale. 

    Quelles écoles de quartier fréquentiez-vous ?

    Lucile : J'allais à l'école du Sacré-Coeur, rue des Panoyaux, comme Maman avant moi. J'ai également fréquenté le patronage qui y était situé et j'y ai beaucoup appris. 

    Où (rue, passage, impasse, cour, square ...) alliez-vous jouer ?

    Lucile : Il n'était pas question que je descende jouer dans la rue ! Ma grand-mère se serait peut-être laissé attendrir, mais les instructions maternelles étaient formelles !

    Qu'évoque pour vous la rue du Pressoir ?

    Lucile : La rue du Pressoir ? mais c'était mon théâtre... Je ne participais pas. Je regardais et j'écoutais. Le café du coin, chez Gaston, était l'avant-scène et comme je connaissais de vue l'ensemble des habitants de la rue du Pressoir, tout au moins ceux qui ne dépassaient pas le tourne-à-gauche, juste après le passage Deschamps, je m' inventais des histoires.

    Que se passe-t-il dans votre coeur et votre tête lorsque vos pas vous mènent rue du Pressoir aujourd'hui ?

    Lucile : Je ne retourne pas spécialement rue du Pressoir, mais je vais souvent à Ménilmontant car notre fils y a un atelier et habite Belleville. J'aime bien retrouver cette atmosphère cosmopolite, j'ai l'impression d'être en voyage dans un pays où je serais tout à fait à l'aise. J'avoue toutefois que je suis "touriste" : je n'aimerais pas revivre l'inconfort de ma jeunesse.   

     

     

  • PARIS APACHE/ CASQUE D'OR & EUGENE CORSY

     

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    En un même volume, présenté et annoté par Quentin DeluermozChroniques du Paris apache (1902-1905) rassemble les Mémoires de Casque d'Or alias Amélie Elie et La Médaille de mort d'Eugène Corsy, deux témoignages photographiant, sur le vif, le vingtième arrondissement de Paris, celui de Manda de la Courtille et de Leca de Charonne.

    Le mot apache n'avait pas cours parmi les bandes qui sévissaient à l'eustache du côté de Belleville-Ménilmontant. Amélie Elie (la Simone Signoret du film de Jacques Becker, 1952) le jure. Entre eux, il n'y avait que le mot copain.

    Cette cartographie de Paris qu'il est utile de déchiffrer en compagnie de Jacques Hillairet (Evocation du Vieux Paris, Editions de Minuit, 1954), désigne des rues, des façades d'immeubles défigurées ou disparues. Amélie Elie nous fait ainsi découvrir la rue Dénoyez, ce point de départ de la « descente de la Courtille », qui doit son nom à une fameuse taverne installée au 8, de la rue de Belleville. Avec elle, nous humons et buvons de petites môminettes.

    Casque d'Or n'a pas d'autre ambition que de raconter « l'histoire d'une petite dinde ». Elle le fait si bien. Comme elle sait narrer ses amours, les sincères et les factices. Comme elle sait, avec les yeux du cœur, nous promener dans la rue Ramponeau et peindre à traits de sang les figures des grands « Apaches » : Erbs, Ferraille, le Dénicheur, Son-Pied, Leca, Manda.

    Eugène Corsy pratique une « littérature de gardien de la paix » qui épingle des faits, rien que des faits. Ils sont tragiques. Cela commence rue des Amandiers et se termine rue des Partants. Entre ces deux pôles tombent des hommes, victimes du devoir méchamment surinées par les sauvageons du Paris 1900, un Paris somme toute plus sévère que l'actuel.

    CHRONIQUES DU PARIS APACHE

    (1902-1905)

    MERCURE DE FRANCE

    Collection "Le Temps Retrouvé"

    245 pages, 17, 50 €


     

  • RUE DU LIBAN

     

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    A l'angle des rues du Liban et Julien-Lacroix, cet immeuble existe toujours. 

    C'est en 1867 que la rue des Arts devient rue du Liban.

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  • MAURICE TARLO SE SOUVIENT

     

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    Le cinéma Cocorico

     

     

    Nous habitions à la frontière du vingtième arrondissement, au 13 rue du Moulin-Joly dans le onzième, au rez-de-chaussée, dans un logement avec vue sur la cour où l'humidité coulait sur les murs.

    La  rue du Moulin-Joly est perpendiculaire à la rue Jean-Pierre Timbaud qui traverse une bonne partie de ce quartier. Je suis allé à l'école boulevard de Belleville.

    On habitait tous le coin : oncles, tantes, grands-parents, etc.

    Mon père et ma tante et ma grand-mère habitaient au 12 rue Ramponneau, l'immeuble n'existe plus ; il a subi la loi des opérations immobilières et les gens ont été déplacés, l'immeuble fut déclaré insalubre, et ma grand-mère demeura ensuite dans les années 1970, rue d'Annam, toujours dans le 20 ème. 

    Ce fut pour elle comme une tragédie que de quitter son quartier.

    Je suis né à Paris dans le 12ème arrondissement à l'Hôpital Rothschild, un jour de janvier 1955 où l'hiver fût très rude, ma maman m'a dit que la Seine était gelée. A cette époque, nous ne disposions pas de chauffage central, le poêle à charbons était d'usage, nous n'avions ni salle de bains ni eau chaude. Les WC étaient sur le palier.

    Nous étions des parisiens aux conditions modestes.

    Mes parents travaillaient tous les deux et je me gardais tout seul.

    Mes parents, de par leurs conditions modestes, furent épris très jeunes par le mouvement  ouvrier.

    Ce que j'ai pu me souvenir d'un petit garçon qui a vécu de 1955 à 1964 dans ce quartier.

    Ma maman allait faire ses courses chez l'épicier de la rue du Moulin-Joly

    «  Chez Mandonné  » (je ne suis pas sûr de l'orthographe), l'épicier coiffé d'une casquette vendait du jambon à la coupe, du gruyère râpé, des sacs de charbons... Et, comme mes parents n'étaient pas riches, ma mère faisait la plupart du temps crédit puis elle réglait ses dettes à la fin du mois. C'était, comme disait mon papa, le Village. Les gens se connaissaient et se respectaient .

    Il y avait beaucoup de petits commerces qu'on appréciait : la boulangerie, angle Jean-Pierre Timbaud et Moulin-Joly, les commerces de la rue de la Présentation, celui qui vendait des produits de Pologne. Le marché de quatre-saisons de la rue du Faubourg-du-Temple, les volaillers, etc.

    Je me souviens d'une crémerie, rue Ramponneau, où tout ce qui était en rayon était appétissant.

    Les Magasins Réunis, Place de la République .

    Les cinémas du quartier,  Le Cocorico, boulevard de Belleville. Je me rappelle de Maciste contre les Cyclope.

    Le cinéma Le Florida. Ma grand-mère maternelle qui habitait rue Levert, après qu'elle eut déménagé, elle habita Passage Julien-Lacroix, m'y avait emmené voir Tarzan. Les entractes avec Josélito, le petit chanteur espagnol dans les arènes.  

    Les bistrots :  La Vieilleuse, les Lauriers Roses,  sur le Boulevard de Belleville .

    Je me rappelle que les jours d'hivers, il y avait une fumée assez épaisse et qui recouvrait le quartier.

    Je me rappelle d'une promenade à pied, un dimanche avec mon papa, où nous étions allés jusqu' à la rue des Envierges en remontant la rue Vilin jusqu'en haut des escaliers.

    Je me souviens qu'à l'école du Boulevard de Belleville, c'était l'époque des Yéyés, les garçons avaient des coiffures de Rockers et les plus grands s'échangeaient des 45 tours de Johnny contre des disques des Chaussettes Noires dans la cour de récré.

    Un jour, pendant la cantine, un instit fan de twist a mis un 45 tours de twist et a fait danser les élèves. J'avais l'impression de vivre des moments particuliers. Maurice Tarlo

     

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  • RUE JULIEN-LACROIX

     

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    La rue Julien-Lacroix a reçu le nom d'un propriétaire en 1868. Au bout de la rue s'élève le clocher de l'église Notre-Dame de la Croix.

     

     

  • RUE DE BELLEVILLE AUX PREMIERS JOURS DE L'AN

     

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    Et voici la rue de Belleville aux premiers jours de l'an. Les passages sont cloutés. Les guirlandes de Noël ressemblent à de grosses ampoules. Les landaus sont de vrais cabriolets. Les Galeries Bellevilloises vendent articles de ménage et jouets, faïence, verrerie et porcelaine. Qui se souvient de cette enseigne ? Quel est le nom de la rue qui fait angle avec celle de Belleville ?

     

     

  • RUE BISSON

     

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    Voici la rue Bisson photographiée depuis la rue des Couronnes. Autrefois nommée rue des Montagnes, cette voie reçoit en 1867 le nom d'Hippolyte Bisson (1796-1827), enseigne de vaisseau. Au 3 de la rue de Bisson se situait le restaurant Coulon par la suite remplacé par une maroquinerie. Au 12, on y trouvait une blanchisserie.

     

     

  • RUE RAMPONEAU

     

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    Ouverte en 1881, cette rue porte le nom de Jean Ramponneau, cabaretier du XVIIIème siècle

    "La dernière barricade des journées de Mai est rue Ramponeau. Pendant un quart d'heure, un seul Fédéré la défend. Trois fois, il casse la hampe du drapeau versaillais arboré sur la barricade de la rue de Paris. Pour prix de son courage, le dernier soldat de la Commune réussit à s'échapper". Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871

     

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    Rue Ramponeau, la dernière barricade

    CONSULTER

     


     

  • RUE VILIN PHOTOGRAPHIEE PAR PHILIPPE HIRAGA

     

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    Photographie Philippe Hiraga

     

  • RUE VILIN PHOTOGRAPHIEE PAR MICHEL SFEZ

     

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    Photographie Michel Sfez

     

     

  • PASSAGE NOTRE-DAME-DE-LA-CROIX

     

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    Jacques Hillairet nous l'apprend dans son Evocation du Vieux Paris, "le Passage Notre-Dame-de-la-Croix, long de deux cent vingt mètres, a, à certains endroits, une largeur de deux mètres ; il reçoit de courtes et pittoresques ruelles de même largeur (le Passage d'Eupatoria, ex-Passage de l'Alma jusqu'en 1877, de quatre-vingt-dix mètres de long, la Cité Billon, de quarante-deux mètres de long, la Cité de L'Isly, de soixante-dix mètres de long) qui font avec lui un ensemble très caractéristique du vieux village de Belleville.

    Le Passage Notre-Dame-de-la-Croix se termine en se divisant en deux branches aboutissant : l'une, rue des Couronnes, numéros 90-94, l'autre, rue des Couronnes, numéro 96. Il avait fait partie du Passage Piat, avant que l'ouverture, en 1881, de la rue des Couronnes ne l'eût coupé en deux tronçons ; son tronçon sud a reçu à cette date le nom de l'église voisine."

  • LA RUE DU PRESSOIR ET SES RUES AVOISINANTES

     

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     Rue des Couronnes Photo Henri Guérard

     

    A Agnès, la maman à Guy qui habita rue du Pressoir

     

    On sait bien que le principal caractère du temps est l'irréversibilité qui fait retentir l'accent funèbre de 'jamais plus' et qui donne aux choses qu'on ne verra jamais deux fois cette extrême acuité de volupté et de douleur, où l'absolu de l'être et l'absolu du néant semblent se rapprocher jusqu'à se confondre. L'irréversibilité témoigne donc d'une vie qui vaut une fois pour toutes.

    Je regarde autour de moi, comme égaré, comme si le temps en un tour de manivelle avait viré à la laideur et m'avait confisqué tous mes repères.

    Qui contemple cette magnifique photographie d'Henri Guérard, majestueuse de beauté, ne peut que regretter ce qu'était ce quartier, autrefois. Aujourd'hui, il va de soi qu'on se sent un peu perdu : de la nostalgie, mais aussi la lassitude des combats que je mène pour un Paris plus humain, me gagne, et semble de plus en plus s'éloigner de mes désirs. Certains élus et hommes politiques, eux, ont comme rêve, le grand Paris à la Défense. Mais par ici, le quartier change, aussi, ne s'arrête pas de changer, de s'enlaidir ; plus de vignes vierges, ni de tonnelles, plus de lopins de terre, plus de luzernes, les collines ressemblent à des toboggans pour voitures  et se grimpent par ascenseurs. Les chemins qui nous  arpentions autrefois pour monter aux Buttes-Chaumont ont totalement disparu. La butte n'est accessible que par des escaliers cimentés ou par voitures et autobus ; la rue Vilin  que j'emprunte, découragé devant le spectacle de pierres tombales des façades des nouveaux immeubles me désoriente en ces jours de Toussaint. La rue est déserte, elle est toujours déserte, nulle vie, pas de vibrations, aucun commerçant, pas de bistrots, ni voitures, pas d'enfants  jouant dans la rue, pas un chat ni un chien, les oiseaux doivent sans aucun doute éviter l'itinéraire par où je passe. Où sont  les pigeons de Paris ?  Déboussolés, eux aussi, sans doute.  Je rêve, malgré tout, devant toute cette mort. En changeant de trottoir pour traverser la rue, là, à l'emplacement de cet immeuble blanc, où habitait mon ami Georges Pérec, je me souviens de ses livres qu'il échafaudait comme un bon maçon monte une maison : terrassement, déblaiement, construction. Il m'a dit, un jour : « Je suis comme Nathalie Sarraute qui a besoin de s'installer aux  Deux Magots pour se mettre au travail, moi,  j'ai besoin de la rue, une terrasse en plein soleil, à raz des voitures ; sinon, ma piaule là-haut, c'est mon laboratoire chirurgical ». Ici, aujourd'hui, tout ce que connaissait Georges, a disparu ; ils ont tout tué. Massacré, enterré.

    Mon imagination n'est plus contrôlable devant la déception qui me secoue. Faire du tourisme n'a jamais été mon truc. Ni au bout du monde où je suis déjà allé plusieurs fois, ni non plus dans mon quartier entre Bastille et Nation. Encore moins ici, patrie de nos aïeux qui ont vu défiler des générations et des générations de manifestants : « C'est la lutte finale... ». Ce n'est pas par discrétion que je m'habille de sombre, ni de peur d'être reconnu  dans la rue. Je n'ai rien à craindre des policiers, mais pour marcher je revêt l'habit du commun des mortels : pantalon gris, col roulé noir, godillots de fossoyeurs ou espadrilles de charpentiers, comme si j'allais escalader le ciel qui toujours ouvre ses bras aux terriens. Ce n'est pas pour cela que je vais triste ; non, pas du tout. Dans ma tête, le rêve a toujours sa place ; là, au moins, il est à l'abri. Je souris aux deux jeunes filles qui me croisent et ne se lassent pas de me sourire ; alors je continue mon parcours, content, je ris en les saluant d'un geste chaleureux de la main. Elles me répondent par un geste semblable et un sourire valant son pesant d'or. Alors, tout à coup, en grimpant la côte qui va là-haut sur la butte, je crois gravir le sommet d'un sein, de deux seins même, ou le creux de jolies courbes tendres qui s'aiguisent en poire, que je monte lentement, lentement, très heureux, sachant que je  vais vers de nouveaux désirs, vers les tétons sensuels pour y laisser  en leur sommet la salive de la reconnaissance.

    Je marche sur la pointe des pieds, comme sur des œufs, je ne sais pas pourquoi je suis si respectueux de mes concitoyens, peut-être, pour ne pas réveiller mes mauvaises habitudes vieillissantes, ou alors, leurs soupçons. Marcher, marcher, respirer, sentir  la pleine campagne  sur les bords d'un chemin de terre, où les paysans, après la moisson, ont fait de petits tas de foin liés, et les ont aligné, semblables à des œuvres d'artistes. Je plane. Je suis certain que je suis au siècle passé sur un chemin menant vers des trésors.  Les jeunes filles qui me croisent se protègent sous leur ombrelle pour s'abriter du soleil téméraire et vont vite retrouver leur amoureux  assis sous un olivier dans l'attente de leurs BELLES,  après la dure journée de travail dans les vignes. Puis, elles reviendront, blotties l'une contre l'autre, marchant jusqu'au vieux pressoir autour duquel sont regroupés les habitants du village buvant le dernier cru, vin de terroir. C'est le vrai Ménil-Montant. Je me crois dans un siècle éloigné, au XIIe. Au loin, Notre-Dame de Paris, le seul haut édifice, vient de s'achever sans doute. Des hommes ont travaillé presque deux cents ans, la ville n'est pas si grande, elle est au loin, comme un petit village entre deux bras de rivière que dominent les collines, par où la laitière, solitaire, passe avec ses bidons, pour livrer le lait en croisant certes les amoureux, bras dessus, bras dessous qui songent  au possible de la soirée qui les attend, appuyés contre un cœur aimant et aimé. Bienvenu Merino

     

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    Photo Michel Sfez Vue depuis la rue Levert

     

     

  • BELLEVILLE DANS LES AGENDAS DE JEAN FOLLAIN

     

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    Jean Follain

     

     

    Jean Follain, dans ses Agendas publiés en 1993 par Claire Paulhan, évoque ainsi Belleville, le vendredi 30 octobre 1942 :

    "Après avoir été en vain à la Petite Roquette, je remonte les Boulevards jusqu'à Belleville et sous une pluie battante... Après avoir mangé en compagnie de Guillevic, nous allons aux Folies-Belleville où chante Fréhel. Divers bons numéros : l'illusionniste levantin, la jeune Antillaise aux belles cuisses, la noce grotesque aux visages de personnages peints sur des dos de femmes et la figure du marié sur une jeune poitrine et les yeux sur les seins ..."

     

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    Première édition des Agendas 1926-1971 :

    Editions Seghers, collection Pour Mémoire

    642 pages

     

     

  • BELLEVILLE-MENILMONTANT VU PAR JEAN FOLLAIN

     

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    « Il faut toujours recomposer la carte du tendre. Le chemin qui suivaient femmes et gars des hauteurs de la Courtille a depuis été remué par la pioche ; mais les cieux restent les mêmes, ils soutiennent les mêmes nuances fines ; ils sont peints avec les fumées qui montent de partout, du petit café-restaurant comme de ces appartements riches où les meubles en bois noir de style 1880 reprennent faveur aux yeux des dernières indolentes qui, ravies à des terres lointaines, fument le tabac de la régie turque. Quant aux fumées usinières, le ciel les reçoit aussi, le vieux ciel bleu du Moyen Age à l'escalade duquel veulent monter certains pourvoyeurs de rêves, auteurs, par ailleurs, de fort beaux poèmes d'amour. (...)

    Rue de Belleville, à la devanture d'une marchande de couronnes mortuaires, on a mis en montre une petite bicyclette en perles commandée spécialement par la famille d'un coureur cycliste, pour honorer la mémoire du champion dont elle était fière. Une impalpable poussière de farine venue de la boulangerie voisine tourne autour de la petite bicyclette funéraire.

    Le dernier des hommes-orchestres joue dans un bistrot dont le patron a la nostalgie des louis d'or et où l'odeur d'une savonnette à la violette fait légèrement se gonfler les ailes du nez d'une jeune ouvrière.

    Rue des Cascades, dans le jardin de la guinguette en contrebas, des lurons jouent aux boules la veste tombée.

    Rue des Envierges s'allume à peine la petite boutique poussiéreuse montrant en devanture un globe terrestre, un bâton d'encre de Chine à lettres d'or, des cartes-lettres à filet rouge.

    Des filles à petites oreilles, d'immenses et tristes cinémas, les grises maisonnettes de l'allée des Soupirs donnent à Belleville une préciosité sombre, glorieuse et tendre. »

     

    Extraits de Paris par Jean Follain.

    Ce livre publié en 1935 chez Corrêa a été réédité en 1978 puis en  2006 chez Phébus (collection Libretto) avec une préface de Gil Jouanard.

     

    JEAN FOLLAIN

    Paris

    Editions Phébus

    185 pages, 7,50 €

     

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    JEAN FOLLAIN PRESENTE PAR OLIVIER BARROT


     

     

  • LE VINGTIEME ARRONDISSEMENT (MAIS AUSSI LE DIX-NEUVIEME) A TRAVERS LES ARCHIVES DE L'INA

     

     

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    Jeter un coup d'oeil mouillé (et amer) sur les dix-neuvième et vingtième arrondissement de Paris dans les années 1960 est rendu possible grâce aux archives de l'INA. Ne manquez pas ce voyage dans le temps.

     

     

    MENILMONTANT QUARTIER D'ARTISANS

    MEMOIRES D'UN VIEUX QUARTIER

    DIX NEUVIEME ET VINGTIEME ARRONDISSEMENT DE PARIS

    LE PREFET DE LA SEINE INAUGURE DE NOUVEAUX CHANTIERS

    DEMOLITION ET RECONSTRUCTION DU QUARTIER

  • EUGENE DABIT/LE VIEUX BELLEVILLE

     

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    Citée par le grand historien de Paris qu'était Louis Chevalier (il y vécut), décrite par Jacques Hillairet dans son Évocation de Paris en trois volumes, la rue du Pressoir n'apparaît que rarement dans les pages de la Littérature. Clément Lépidis ne l'oublia pas et nous ne l'avons trouvé (pour le moment) sous aucune autre plume. Comme si on en faisait le tour. Serait-elle un hameau perdu de Belleville ? Un obscur chemin vigneron ? Avec Eugène Dabit, populaire auteur de Petit Louis, d'Hôtel du Nord, nous n'en sommes jamais loin. Mais c'est surtout dans Faubourgs de Paris que son odeur transpire. Là, le romancier fraie des voies, ouvre des portes et nous marchons dans son sillage parmi les souvenirs de ce que fut la rue du Pressoir et ses environs avant démolition. On y retrouve le cinéma Cocorico, les cafés Le Point du Jour, La Vielleuse « où s'alignent dix billards qu'entourent dès six heures les joueurs en bras de chemise. » Voici La Bellevilloise, Les Folies-Belleville, le ciné Floréal. « Fracas des autobus, rumeurs ; enseignes, réclames étincelantes (...) Les trottoirs ne sont pas assez larges, on marche sur la chaussée. » La rue de Belleville et sa ruée nous sont décrites dans un luxe d'images et de sons. On croirait une fenêtre ouverte tant la vie est palpable. « A Belleville, on trouve peu de fonctionnaires, peu d'employés. Dès qu'ils peuvent, singeant leurs chefs, ils vont s'installer à l'ouest de Paris. » Eugène Dabit poursuit de sa lumière ouvriers, apprentis, manœuvres. « C'est ici qu'on naît, vit et meurt ; qu'on travaille et qu'on aime, sur sa terre natale. » Pour Dabit, Belleville n'a de racines que parisiennes. Avec lui, la couleur des rues est celle de la suie mais tous les visages resplendissent. Pour peu, on se croirait ailleurs, dans quelque cambrousse. Du reste l'herbe y pousse. La végétation se rebelle contre le macadam. Guy Darol

     

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    EUGÈNE DABIT

    FAUBOURGS DE PARIS

    GALLIMARD, Collection L'Imaginaire


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    FAUBOURGS DE PARIS AUX EDITIONS GRANDS CARACTERES